Le triomphe des imbéciles. (01/06/2005)

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Eh bien ils sont en pleine forme nos réactionnaires ! Normal, ils n'imaginaient pas qu'ils étaient si nombreux, qu'ils allaient enfin pouvoir pleinement vivre leur sale petite vengeance d'hommes du ressentiment ! Car c'est bien de cet esprit de vengeance - ce que Serge Rivron appelait "la revanche du peuple"- dont est fait leurs infectieuses réjouissances. Bah, on peut les comprendre. Ils ont gagné et comme disait Patrick Besson (qui a voté non), "le non, c'est con, mais c'est bon." Tant pis s'ils ont bloqué le seul projet qui pouvait nous rendre la fierté d'être français, nous redonner une place internationale, retrouver notre force perdue, exister enfin. L'essentiel pour notre gaulois est de s'être cloîtré dans son village. Il emmerde toute l'Europe, il met en péril tous ceux qui comptaient sur lui pour s'imposer économiquement, militairement et juridiquement sur la planète - car c'était avant tout ça l'enjeu de ce traité : faire de l'Europe une entité juridique. Mais ils ne l'ont pas voulu nos Abraracourcix et nos Agecanonix (dont certains ont quand même la trentaine.) Aujourd'hui, nos concurrents se réjouissent, nos adversaires boivent du champagne et le comble nous aussi. Quelle pitié ! on s'est levé, on a voté, on a tout cassé, on s'est rendormi pour dix ans et on a le culot de dire qu'on s'est réveillé et qu'on va aller de l'avant. Ah quand on se réveillera tout seul et qu'il faudra faire la manche... Car à l'étranger, il est clair que les Français sont depuis peu les gens qui ont élu Le Pen au premier tour et qui ont refusé l'Europe au second - ce qui symboliquement est la même chose. Pitoyables gaulois. Ploucs infâmes. Peuple de m....

Non ! Non ! Non ! Quand même pas.... Il faut quand même que je fasse amende honorable. Mon utilisation du mot "peuple" était par trop maladroite, j'avoue, j'avoue. Car le peuple, j'y ai réfléchi aujourd'hui, j'en fais aussi partie finalement. Et cette partie a voté oui. Il y a peuple et peuple en fait. Ceux qui n'ont pas peur de l'avenir et qui auraient pu croire en leur drapeau. Et ceux qui ont déjà peur de leur présent et qui font semblant de croire en leur coq. Euréka !

Donc, reprenons, ce n'est pas tant le peuple qu'il faut dissoudre, comment ai-je pu dire ça moi - la colère sans doute, que ces imbéciles nihilistes extrémistes qui partouzent dans mes commentaires. Ah quelle meute ! Ils n'ont pas le triomphe serein, les bouseux ! on finit même par se demander si certains d'entre eux n'ont pas honte d'avoir gagné. Quelle violence quand même ! Je ne sais si j'y arriverais à bout. Le rebiffage cocardier, ça vous excite un autochtone ! Au moins, je les aurais senti de près les boulangistes priapiques, les pétainistes effervescents, les pro du 21 avril. Quand on pense que la plupart d'entre eux avaient voté contre Le Pen le 28 avril et qu'ils ont voté avec lui ce 29 mai... Mais voilà encore un argument qui ne fera ici aucun effet puisque ce sont surtout les péquenots du non de droite qui envahissent mon forum. Il faut trouver autre chose.

Je relis... Tiens, on me demande où je prends mes hosties. On veut mettre en contradiction mon oui avec mon catholicisme. Que je manquerais de charité et tout et tout. Et juste après (ou juste avant), on me dit que ce traité allait nous bouffer. Ah bon ? Autrement dit, les oui manquent de charité chrétienne car ils ont voté pour un traité qui précisément allait les obliger à partager leurs richesses ? Le letton contre le frenchie ? Le polonais contre l'allemand ? Diable ! on s'y perd.
Ce qui est certain, c'est que l'Europe, c'est la chance des pays pauvres de l'Union - et d'ailleurs eux le réclament à corps et à cri ce traité "trop libéral" et ne comprennent pas pourquoi nous disons qu'il n'est pas assez social. Heu... Pas assez social pour qui ? Pour nous ou pour eux ?
Tsss... il était évident que le oui, à condition qu'on se batte un peu, allait dans le sens de nos intérêts (ce qui n'a rien d'infamant, je le dis aux mystiques de passage) mais allait aussi dans le sens de ceux des autres pays qui n'ont pas peur d'en vouloir. Le voilà, le courage, la charité, l'altruisme. Votre non infect est précisément celui du petit ego qui n'ose plus bouger, plus agir et qui ne trouve rien moins que de se fermer à l'autre. Et vous appelez ça "destin", "renaissance", pourquoi pas "résurrection" tant que vous y êtes, pauvres nuls... LE OUI ETAIT UNE TENTATIVE D'UN NOUVEAU "VIVRE ENSEMBLE" ENTRE PEUPLES QUI NE SE FONT PLUS LA GUERRE. Mais la guerre, ça vous manque visiblement mes petits frères décérébrés... Et lorsque vous dites que vous rêvez d'une Europe plus idéale, plus humaniste, je me dis que vous êtes comme dans cette histoire juive où un juif dit à un autre qu'il serait prêt à lui donner une voiture s'il en avait quinze, un palais s'il en avait quatre, et même un million s'il en avait dix, mais qui refuse de lui donner une paire de chaussettes car précisément il en a réellement trois paires.
(Et je t'en prie Juan, ne va pas chercher là-dedans je ne sais quel antisémitisme larvé de "haine exsudée" ou je ne sais trop quoi. Patiente, je finis ma partie de booling et je m'occupe de tes hallucinations.)
Ainsi sont donc les "non". Des gens ultra généreux, top-idéalistes, super sympas en rêve, mais de sacrés égoïstes, nombrilistes et superindividualistes en réalité.

(J'avoue que je tape un peu au hasard, m'adressant à la fois au non de droite et au non de gauche. Ben oui, comprenez-moi, vous êtes nombreux, mais chacun reconnaîtra sa part, j'en suis sûr.)

Bon vous êtes toujours là ?

 

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Ils sont toujours là. Je continue.

Donc, mon cher Juan, tu me fais l'honneur d'une longue réponse dans ta zone où j'apparais comme une sorte de collabo antisémite qui par haine refoulée pour la France fait tout pour la vendre à l'ennemi (l'Europe confondue à l'Allemagne nazie, tu n'es décidément pas sorti de la peur du boche, mon vieux...). Ah la rhétorique ! ce soir, elle perdra l'un de nous, je crois. Qui se pétainisera le plus ? Qui traitera le plus fort l'autre de nazi ? Qui aura le plus de Godwin ?

D'autant que, sans vouloir retourner ta parole comme un gant, je te ferai remarquer que le collabo, c'est bien celui qui se replie dans son fief envahi mais qu'un chef providentiel lui dit qu'il n'est pas si envahi que ça. Le collabo, c'est celui qui se persuade que sa nation a encore la côte - alors qu'elle ne vaut plus rien depuis longtemps, que ses bonnes vieilles valeurs le préservent de tout, qu'il va d'ailleurs se faire une crise mystique pour s'aider, et que son ennemi n'est pas celui qui l'a mis plus bas que terre mais ceux qui veulent s'associer avec lui pour s'en sortir. En revanche, le résistant, c'est celui qui va à Londres, qui n'a pas peur de traiter avec des gens qui fondamentalement font partie de sa famille et qui réussit le tour de force de faire que la France, au final, soit du côté des vainqueurs.

Vois-tu, pour moi, l'Europe, c'était le seul projet d'envergure de notre génération. Le seul qui pouvait me donner une certaine idée de mon pays, le seul qui pouvait refaire de nous des vainqueurs. On commençait à la faire, cette Europe, et ce qui était bien, c'est que c'était nous les patrons - avec les Allemands. Ce non absurde a changé la donne. Pour nos voisins, il ne signifie rien d'autre qu'on n'y croit plus. Et c'est vrai, on n'y croit plus. On est accablé. On se croit foutu. Le trouillomerde à zéro. Et toi aussi, Juan, tu pourras utiliser toute ta verve et tes injures, faire toutes tes habituelles crises d'épilepsie verbale, tu ne pourras jamais prouver que ce non n'était pas un réflexe protectionniste, conservateur et sécuritaire. D'ailleurs, pourquoi t'en cacher ? tu pourrais le dire tel : "nous les Français, nous n'avons pour l'instant plus de force vitale, nous risquons de nous faire avoir par tout le monde tellement nous sommes faibles, donc pour le bien de notre nation, nous préférons ne pas entrer tout de suite dans cette Europe trop puissante pour nous, et peut-être même jamais car on ne sera jamais plus à la hauteur mais heureusement comme disait Léon Bloy....." Là, ça aurait pu être acceptable. Mais sombrer dans le "sale collabo, moi l'résistant !" c'est un peu court, c'est même débile, et c'est typique de l'homme du ressentiment qui ne peut pas supporter la force chez les autres et à qui il ne reste plus que de faire passer sa violence à lui pour de la force. Ce qu'il ne peut physiquement supporter, c'est qu'un autre décide d'aller au charbon, se retrousse les manches, prenne des risques (car le oui, c'était un risque), ... Là, ça lui cuit trop à l'impotent.

Il doit s'en prendre à quelqu'un. Les élites. Les politiques. Le pouvoir. Ah comme il vomit tout ça ! Comme il se persuade qu'on lui cache tout et qu'on ne lui dit rien. Non Juan, je trouve ça nul, écoute. Ton ami Serge et toi sombrez dans le plus parfait poujadisme et dans lequel ont sombré tant d'intellos de droite. A cause de vous, on ne peut même prendre la pose de l'antimoderne. On ne peut même plus être "inactuel" tant vos sueurs froides d'hexagonaux en danger ont mouillé toute position intempestive.
A chacun ses ennemis pratiques, c'est vrai. On vomit les patrons à gauche, on défèque sur les élites à droite - dans les deux cas, on sanctifie le peuple forcément sublime. Quelle bêtise ! Ne vous êtes jamais vous dits que ces élites qui vous révulsent tant ne sont que le miroir de votre peuple chéri ? Qu'il n'y a strictement aucune différence entre Chirac, Sarko et Fabius et les chirac, sarko et fabius que l'on rencontre partout tout le temps ? Vous vous gargarisez en disant que votre vote n'a rien à voir avec les leurs, alors que c'est le même. La pauvre Sophie B pourra se poser la question de toutes les manières qu'elle voudra, elle a pensé, réfléchi et voté comme De Villiers et Le Pen. Et moi comme Sarkozy - mais dans son esprit, c'est moi le mec fascisant.
Bien entendu, comme dirait de Savy, l'électeur lambda n'intellectualise pas tout ça, il vote oui ou non sans se poser toutes ces questions. Il n'empêche qu'il fonctionne pareil. S'en prendre aux élites, c'est faire du refoulement pur et dur. C'est combler l'honneur qu'on a perdu par une bonne conscience lâchement gagnée. Au fait pour qui votes-tu d'habitude ? Avant de poster quoi que ce soit, on devrait d'abord dire pour qui on vote - ça clarifierait tout de suite les choses.

En quels termes tu parles de l'Europe, ça on le sait ! "Médecin légiste", "veilleuse de morts" "monstre invisible", etc. Oui, l'Europe, pour toi, c'est bien ce qui va nous engloutir. Tu as peur Juan. Tu as peur et tu n'aimes pas la France. C'est toi et tous ceux qui votent non qui profondément désespèrent de notre pays. Si vous aimiez la France, vous l'auriez affirmée, vous l'auriez mise à la tête du continent, vous lui auriez redonné la possibilité d'être la locomotive des vingt-cinq pays dont on aurait pu être en plus les éducateurs, on aurait même pu retrouver cet instinct impérialiste qui nous manque tant, mais non, rien, rien, rien...

Bonne nuit quand même.

01:05 Écrit par Pierre CORMARY | Lien permanent | Commentaires (31) | Tags : traité de constitution européenne, référendum, mai 2005, polémique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer