Ayaan Hirsi Ali, l'insoumise. (18/02/2006)
Mon opinion est que le Jyllands Posten a eu raison de publier les caricatures de Mahomet et que d'autres journaux en Europe ont bien fait de les republier.
Permettez-moi de reprendre l'historique de cette affaire. L'auteur d'un livre pour enfants sur le prophète Mahomet n'arrivait pas à trouver d'illustrateur. Il a déclaré que les dessinateurs se censuraient par peur de subir des violences de la part de musulmans, pour qui il est interdit à quiconque, où que ce soit, de représenter le Prophète. Le Jyllands Posten a décidé d'enquêter sur le sujet, estimant - à juste titre - qu'une telle autocensure était porteuse de lourdes conséquences pour la démocratie. C'était leur devoir de journalistes de solliciter et de publier des dessins du prophète Mahomet.
Honte aux journaux et aux chaînes de télévision qui n'ont pas eu le courage de montrer à leur public ce qui était en cause dans "l'affaire des caricatures" ! Ces intellectuels qui vivent grâce à la liberté d'expression, mais acceptent la censure, cachent leur médiocrité d'esprit sous des termes grandiloquents comme "responsabilité" ou "sensibilité".
Honte à ces hommes politiques qui ont déclaré qu'avoir publié et republié ces dessins était "inutile", que c'était "mal", que c'était "un manque de respect" ou de "sensibilité" ! Mon opinion est que le premier ministre du Danemark, Anders Fogh Rasmussen, a bien agi quand il a refusé de rencontrer les représentants de régimes tyranniques qui exigeaient de lui qu'il limite les pouvoirs de la presse. Aujourd'hui, nous devrions le soutenir moralement et matériellement. Il est un exemple pour tous les dirigeants européens. J'aimerais que mon premier ministre ait autant de cran que Rasmussen.
Honte à ces entreprises européennes du Moyen-Orient qui ont mis des affiches disant "Nous ne sommes pas danois", "Ici on ne vend pas de produits danois" ! C'est de la lâcheté. Les chocolats Nestlé n'auront plus le même goût après ça, vous ne trouvez pas ? Les Etats membres de l'Union européenne devraient indemniser les sociétés danoises pour les pertes qu'elles ont subies à cause des boycottages.
La liberté se paie cher. On peut bien dépenser quelques millions d'euros pour la défendre. Si nos gouvernements ne viennent pas en aide à nos amis scandinaves, alors j'espère que les citoyens organiseront des collectes de dons en faveur des entreprises danoises.
Nous avons été submergés sous un flot d'opinions nous expliquant que les caricatures étaient mauvaises et de mauvais goût. Il en ressortait que ces dessins n'avaient apporté que violence et discorde. Beaucoup se sont demandé tout haut quel avantage il y avait à les publier.
Eh bien, leur publication a permis de confirmer qu'il existe un sentiment de peur parmi les écrivains, les cinéastes, les dessinateurs et les journalistes qui souhaitent décrire, analyser ou critiquer les aspects intolérants de l'islam à travers l'Europe.
Cette publication a aussi révélé la présence d'une importante minorité en Europe qui ne comprend pas ou n'est pas prête à accepter les règles de la démocratie libérale. Ces personnes - dont la plupart sont des citoyens européens - ont fait campagne en faveur de la censure, des boycottages, de la violence et de nouvelles lois interdisant l'"islamophobie".
Ces dessins ont montré au grand jour qu'il y a des pays qui n'hésitent pas à violer l'immunité diplomatique pour des raisons d'opportunité politique. On a vu des gouvernements malfaisants, comme celui d'Arabie saoudite, organiser des mouvements "populaires" de boycottage du lait ou des yaourts danois, alors qu'ils écraseraient sans pitié tout mouvement populaire qui réclamerait le droit de vote.
Je suis ici aujourd'hui pour réclamer le droit d'offenser dans les limites de la loi. Vous vous demandez peut-être : pourquoi à Berlin ? Et pourquoi moi ?
Berlin est un lieu important dans l'histoire des luttes idéologiques autour de la liberté. C'est la ville où un mur enfermait les gens à l'intérieur de l'Etat communiste. C'est la ville où se concentrait la bataille pour les esprits et les coeurs. Ceux qui défendaient une société ouverte enseignaient les défauts du communisme. Mais l'oeuvre de Marx était discutée à l'université, dans les rubriques opinions des journaux et dans les écoles. Les dissidents qui avaient réussi à s'échapper pouvaient écrire, faire des films, dessiner, employer toute leur créativité pour persuader les gens de l'Ouest que le communisme n'était pas le paradis sur Terre.
Malgré l'autocensure de beaucoup en Occident, qui idéalisaient et défendaient le communisme, malgré la censure brutale imposée à l'Est, cette bataille a été gagnée.
Aujourd'hui, les sociétés libres sont menacées par l'islamisme, qui se réfère à un homme nommé Muhammad Abdullah (Mahomet) ayant vécu au VIIe siècle et considéré comme un prophète. La plupart des musulmans sont des gens pacifiques ; tous ne sont pas des fanatiques. Ils ont parfaitement le droit d'être fidèles à leurs convictions. Mais, au sein de l'islam, il existe un mouvement islamiste pur et dur qui rejette les libertés démocratiques et fait tout pour les détruire. Ces islamistes cherchent à convaincre les autres musulmans que leur façon de vivre est la meilleure. Mais quand ceux qui s'opposent à l'islamisme dénoncent les aspects fallacieux des enseignements de Mahomet, on les accuse d'être offensants, blasphématoires, irresponsables - voire islamophobes ou racistes.
Ce n'est pas une question de race, de couleur ou de tradition. C'est un conflit d'idées qui transcende les frontières et les races.
Pourquoi moi ? Je suis une dissidente, comme ceux de la partie est de cette ville qui passaient à l'Ouest. Moi aussi je suis passée à l'Ouest. Je suis née en Somalie et j'ai passé ma jeunesse en Arabie saoudite et au Kenya. J'ai été fidèle aux règles édictées par le prophète Mahomet. Comme les milliers de personnes qui ont manifesté contre les caricatures danoises, j'ai longtemps cru que Mahomet était parfait - qu'il était la seule source du bien, le seul critère permettant de distinguer entre le bien et le mal. En 1989, quand Khomeiny a lancé un appel à tuer Salman Rushdie pour avoir insulté Mahomet, je pensais qu'il avait raison. Je ne le pense plus.
Je pense que le Prophète a eu tort de se placer, lui et ses idées, au-dessus de toute pensée critique.
Je pense que le prophète Mahomet a eu tort de subordonner les femmes aux hommes.
Je pense que le prophète Mahomet a eu tort de décréter qu'il fallait assassiner les homosexuels.
Je pense que le prophète Mahomet a eu tort de dire qu'il fallait tuer les apostats.
Il avait tort de dire que les adultères doivent être fouettés et lapidés, et que les voleurs doivent avoir les mains coupées.
Il avait tort de dire que ceux qui meurent pour la cause d'Allah iront au paradis.
Il avait tort de prétendre qu'une société juste pouvait être bâtie sur ses idées.
Le Prophète faisait et disait de bonnes choses. Il encourageait la charité envers les autres. Mais je soutiens qu'il était aussi irrespectueux et insensible envers ceux qui n'étaient pas d'accord avec lui.
Je pense qu'il est bon de faire des dessins critiques et des films sur Mahomet. Il est nécessaire d'écrire des livres sur lui. Et tout cela pour la simple éducation des citoyens.
Je ne cherche pas à offenser le sentiment religieux, mais je ne peux me soumettre à la tyrannie. Exiger que les hommes et les femmes qui n'acceptent pas l'enseignement du Prophète s'abstiennent de le dessiner, ce n'est pas une demande de respect, c'est une demande de soumission.
Je ne suis pas la seule dissidente de l'islam, il y en a beaucoup en Occident. Et s'ils n'ont pas de gardes du corps, ils doivent travailler sous de fausses identités pour se protéger de l'agression. Mais il y en a encore beaucoup d'autres à Téhéran, à Doha et Riyad, à Amman et au Caire, comme à Khartoum et Mogadiscio, Lahore et Kaboul.
Les dissidents de l'islamisme, comme ceux du communisme en d'autres temps, n'ont pas de bombes atomiques, ni aucune autre arme. Nous n'avons pas l'argent du pétrole comme les Saoudiens et ne brûlons ni les ambassades ni les drapeaux. Nous refusons d'être embarqués dans une folle violence collective. D'ailleurs, nous sommes trop peu nombreux et trop dispersés pour devenir un collectif de quoi que ce soit. Du point de vue électoral, ici en Occident, nous ne sommes rien.
Nous n'avons que nos idées et nous ne demandons que la possibilité de les exprimer. Nos ennemis utiliseront si nécessaire la violence pour nous faire taire. Ils emploieront la manipulation ; ils prétendront qu'ils sont mortellement offensés. Ils annonceront partout que nous sommes des êtres mentalement fragiles qu'il ne faut pas prendre au sérieux. Cela n'est pas nouveau, les partisans du communisme ont largement utilisé ces méthodes.
Berlin est une ville marquée par l'optimisme. Le communisme a échoué, le Mur a été brisé. Et même si, aujourd'hui, les choses semblent difficiles et confuses, je suis sûre que le mur virtuel entre les amoureux de la liberté et ceux qui succombent à la séduction et au confort des idées totalitaires, ce mur aussi, un jour, disparaîtra."
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Ayaan Hirsi Ali
«Le problème, c'est le Prophète et le Coran»
propos recueillis par Jean-Michel Demetz
Son héros a pour nom Spinoza, un autre «allochtone» exclu, lui, voilà plus de trois siècles de la communauté juive d'Amsterdam pour ses positions ratio-nalistes et sa défense du libéralisme. Née en Somalie, Ayaan Hirsi Ali a fui à 22 ans pour échapper à un mariage forcé. Réfugiée aux Pays-Bas, vieille terre d'accueil, cette musulmane en a adopté les valeurs libérales au point de devenir une jeune députée à La Haye et de s'affirmer athée. Pour avoir travaillé dans les services sociaux du royaume, elle connaît, de l'intérieur, les horreurs tolérées à l'encontre des femmes au nom du multiculturalisme. Son combat contre l'emprise de l'islam a pris un tour tragique depuis le 2 novembre 2004, date de l'assassinat par un radical islamiste du cinéaste Theo Van Gogh, coauteur avec elle de Soumission. Menacée de mort, elle sait qu'elle est peut-être en sursis. Ce qui la rend grave, insolente, ironique. Tout simplement plus libre
On sait que vous êtes menacée de mort depuis l'assassinat de Theo Van Gogh et que vous êtes obligée de vous protéger. Comment vivez-vous?
Savez-vous pourquoi Theo Van Gogh a été assassiné?
La liberté, est-ce pour autant la provocation? Vous avez quand même traité Mahomet de terroriste et de pervers…
Ce qui s'est passé aux Pays-Bas peut-il se produire ailleurs en Europe?
Dans votre livre, Insoumise (Robert Laffont), vous écrivez ceci: «Depuis l'assassinat de Theo Van Gogh, je suis intimement convaincue que la seule manière de formuler mes critiques repose sur une parole libérée.»
Mais il existe des islams différents, plus ou moins stricts selon les pays…
L'islam ne connaît-il donc pas d'exégèse et de critique interne?
Le problème pour vous, c'est l'islam plus que l'islamisme…
Il n'y a donc pas de cohabitation possible entre l'islam et l'Occident.
A la lecture de votre livre, on est frappé par le conservatisme des femmes. C'est votre mère qui refuse que vous alliez à l'école, votre grand-mère qui impose l'excision, contre l'avis de votre père…
Qu'avez-vous pensé en voyant les présumés terroristes aux Pays-Bas remis en liberté?
Vous donnez des conseils aux musulmanes qui veulent échapper à l'islam…
A vous lire et à vous entendre, j'ai le sentiment que vous prônez une laïcité de combat…
Vous allez plus loin en demandant la fermeture des écoles islamiques aux Pays-Bas…
Donc, il n'y a pas d'autre option que l'intégration…
Vous militez, par exemple, en faveur d'un contrôle obligatoire pour déceler les excisions sur les filles…
Les autorités néerlandaises ont-elles pris position sur la question des écoles religieuses?
Dans un pays comme la France, la pratique religieuse chez les musulmans est en baisse. Pourquoi ne pas juste attendre une «démusulmanisation» de l'Occident, comme notre pays a connu une déchristianisation?
Quelle est votre réaction quand vous voyez que les auteurs des attentats commis au nom de l'islam, en Europe ou aux Etats-Unis, ont été éduqués ici?
Avez-vous le sentiment que le choix se pose aussi clairement dans ces termes pour tous?
11:46 Écrit par Pierre CORMARY | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : ayaan hirsi ali, islam, islamisme, caricatures de mahomet, polémiques | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
Commentaires
Une grande dame, pas métaphysicienne pour un sou, déterminée à combattre l’emprise de l’islam politique sur les esprits. Il faut saluer son courage, la vraie féministe c’est elle, et pas ses consoeurs occidentales, dont la majorité ferme les yeux sur les atteintes aux droits des femmes commises par l’islam, parce que ce n’est pas politiquement correct de le dire. Avec elle au moins, les choses sont claires : le problème c’est l’islam et pas seulement l’islamisme. Et elle montre bien que le terrorisme n’est pas lié à la pauvreté mais qu’il est une affaire de propagande, car il a su séduire de jeunes diplômés, bien intégrés en apparence, en quête d’une cause dans laquelle investir toute leur rage nihiliste. Exactement comme le fascisme, l’islamisme est un mouvement de classes moyennes, anticapitaliste et révolutionnaire. Il y aurait un livre à faire sur la psychologie de masse de l’islamisme, comme avait Reich avec le fascisme.
Écrit par : Sébastien | 18/02/2006
Intéressant, merci.
Écrit par : Gilles | 18/02/2006
Après avoir lu "ma vie rebelle", j'aurais aimé dire à Ayaan Hirsi Ali que son combat est très proche de celui d'un autre homme tué il y a deux mille ans lui aussi pour avoir brisé des tabous et pour avoir dit: tous les hommes ont un même père et tous sont appelés à le connaître. Par là même tous sont égaux, riches et pauvres, esclaves et hommes libres, hommes et femmes, chrétiens et boudhistes, arabes et juifs, français et anglais, chinois et japonais, PDG et SDF, etc... En annonçant sa résurrection ses disciples ont fondé le christiannisme.
Écrit par : CHAMBOLLE | 28/01/2007