Planète Vebret (09/03/2009)
François Mauriac, l'épouilleur (extrait)
« La race implacable des simples » - on ne fait pas plus méchant ni plus antisocial. En vérité, les humbles n’ont pas bonne mine dans les romans paysans du XIX ème, XX ème et même XXI ème siècles. De Mauriac à Pierre Jourde, la perfidie du romancier fut toujours de montrer en quoi la petite maison dans la prairie est un repère de scorpions, un nid de vipères, un pays perdu. Dans Thérèse Desqueyroux, on nous décrit « le simple » comme un être qui aime la nature, la chasse, le sexe de temps en temps, la famille par-dessous tout. Dénué d’humour et d’intelligence, il n’a pour lui que cette « cruelle perspicacité des rustres » selon le terrible mot de Bernanos. De page en page, il semble que Mauriac fasse tout pour l’enfoncer dans sa grossière brutalité. Et c’est là que la critique de Sartre peut alors rebondir. Est-il en effet honnête de la part du romancier de nous dégoûter de cette âme simple ? Est-il chrétien de nous faire passer ce représentant des « braves gens » pour un abject bouseux dont la mort donnerait raison aux « grands hommes » qui ne font pas cas des hommes ?
« … il est de ces campagnards ridicules hors de leur trou, et dont la vie n’importe à aucune cause, à aucune idée, à aucun être. C’est par habitude que l’on donne une importance infinie à l’existence d’un homme. Robespierre avait raison ; et Napoléon ; et Lénine… »
En faisant du modeste laboureur un affreux connard, Mauriac ne passe-t-il pas de la case « créateur » à la case « manipulateur » ? Combien de gens seraient dans la réalité contre Thérèse et pour Bernard ? Enfin, qu’est-ce que c’est que ces histoires d’êtres supérieurs qui souffrent de vivre dans un milieu inférieur ? Décidément, la littérature est le lieu de toutes les vanités dangereuses, de tous les paradoxes assommants, car comme dirait Bernard lui-même :
« Ce n’est pas malin d’avoir de l’esprit ; on n’a qu’à prendre en tout le contre-pied de ce qui est raisonnable».
Que n’a-t-il dit là ? Le voilà comparé, quand il fait l’amour à sa femme, à un porc qui renifle de bonheur dans son auge (« c’est moi l’auge », pense Thérèse à cet instant). Ah si sa femme était plus simple, plus humble, moins fantasque, comme cela se passerait mieux entre eux ! Ce n’est pas le moindre vertu de Mauriac que d’avoir révélé au public de son époque que le viol pouvait exister dans le mariage (ce que déniait la loi du temps), et que le désir mortifié d’une femme pouvait conduire au crime. C’est effectivement au lit que Thérèse pensera à supprimer son homme simple de mari.
"Faire souffrir le diable " - sur Grand beau temps de Philippe Sollers (extrait)
Marx, Freud… « Il n’y a qu’à les prendre avec soi et aller plus loin, au loin, au lieu de s’épuiser à les imposer ou à les réfuter. » C’est ça, être souverain, syncrétique, absorbant. Prendre tout, digérer tout, et partir. Vacances. Océan. Ile de Ré. « Moi, je vote poisson… Mouette… Ecume…Huître… Palourde… Papillon…N’importe. » Et l’on écrit pour les fleurs, pour celle-ci en particulier ou pour celle-là. La vérité vraie, de tout temps et en tout lieu, c’est que « le paradis est mal vu. »
Sauf dans le catholicisme, évidemment, cette religion qui est « la négation même de toutes les religions », et qui lui semble « la moins policière au niveau de la surveillance de l’exception possible ». La clef de notre époque ? L’Eglise surveille les masses, les masses surveillent les exceptions, l’Eglise protège les exceptions - les masses ont déclaré la guerre à l’Eglise. CQFD.
Que le pape se retrouve au centre du dispositif, c’est ce qui n’était pas du tout prévu au programme. C’est pourtant lui le seul chef spirituel au monde qui soit aujourd’hui garant de l’individuation. Pas étonnant qu’il soit devenu le premier ennemi du monde. Qu’il ait été récupéré cette brebis galeuse de Williamson est diablement catholique. C’est le berger qui abandonne le troupeau pour aller chercher l’égaré – ce que le troupeau ne peut logiquement lui pardonner. On le comprend presque.
Tant pis pour le lynchage ! Plus on nie le catholicisme, plus on le renforce. Plus on le crucifie, plus il ressuscite dans les esprits. Marie conçue sans péché ? Marie vierge avant, pendant et après ? Y croire est une preuve d’humanité. C’est cette anti-nature mystique qui nous délivre de notre nature, de notre animalité et nous fait transcender notre primitive barbarie.
Pourquoi j'aime Sollers ? Parce que c'est l'un des rares qui tiennent encore tête à Onfray...
La suite dans LE MAGAZINE DES LIVRES N°15, en kiosque depuis le sept mars.
01:47 Écrit par Pierre CORMARY | Lien permanent | Commentaires (38) | Tags : le magazine des livres, joseph vebret, blogs, sollers, mauriac, catholicisme | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
Commentaires
Mon devoir de réserve, en tant que fonctionnaire de ce blog, m'interdit de lyncher le patron de ces lieux mais enfin je suis un peu comme Thérèse j'ai des arrière-pensées ...
Écrit par : iPidiblue exhibition show | 09/03/2009
Je me dois tout de même d'émettre quelques réserves à vos hypothèses cher Montalte. Dire du Pape qu'il agit à la manière du Christ quand il ramène la brebis galleuse de Williamson occulte un tantinet l'intention politique de la chose. Au même titre que l'émissaire du Pape approuve l'excommunication de l'équipe médicale ayant pratiqué un avortement sur une fillette de 9 ans qui avait été violée. Ne voyez-vous pas au contraire un recroquevillement ténu de la religion catholique qui voyant les difficultés ambiantes pour conserver ses brebis préfère se durcir ?!
Le deuxième gros doute qui m'étreint est la mauvaise foi dont vous semblez faire preuve. Si, dire d'un Pape qu'il fait preuve de la première règle catholique à savoir ramener ses petits dans la bulle protectrice papalle, non dans un but de cautionner mais dans un but manifeste de rassembler, ne pensez-vous pas que, et c'est là toute la force de cette religion, que l'on peut rassembler que ceux qui font repentence et par la-même comprennent leurs erreurs. Qu'il devient même contraire au principe basique de cette religion que de pardonner et acceuillir celui qui n'a pas fait au préalable un travail sur lui-même ? C'est en expiant ses pêchés que l'on trouve la grâce me semble-t-il...
Un acte qui vous semble si anodin voire même d'une noblesse d'âme à n'en point douter, ne vient-il pas en droite ligne des premières doctrines radicales qui consistent (comme l'a montré l'attitude équivoque du Vatican pendant la 2ème guerre mondiale par exemple) pour les catholiques à nourrir auprès des juifs une certaine hostilité (pour ne pas dire plus) en prônant le fait que les juifs ont tout de même mené à l'assassinat du Christ-Roy ?! Sans vouloir faire du Dan Brown au rabais, je pense que depuis 1928 avec la création de l'Opus Dei, une certaine frange de ses adhérents n'est pas totalement en désaccord avec certains discours d'extrême droite.
Etre contre un certain oecuménisme (bon teint et quelque peu fadasse, je le concède bien volontiers) ne va-t-il pas dans le sens d'un renforcement de l'autorité catholique donc papale contre une église chrétienne plus large protestante pour ne nommer qu'elle qui ne reconnaît pas son autorité ?
Ne pensez-vous pas que l'ensemble de ces actes renforce la méfiance que les croyants ont de plus en l'Eglise catholique car elle apparaît en totale inadéquation avec les moeurs et les pensées de notre époque.
Arriverez-vous à me faire croire que vous admettez ce qui pour beaucoup s'apparente à de l'intégrisme alors que j'imagine aisément oh combien vous la combattez (tout au moins par les écrits et les mots) dans les autres religions ?
Le repli de chaque religion sur elle-même ne pourra mener qu'à une seule chose et vous le savez bien.
Ou alors est-ce là la volonté secrète ? Ils prônent la Guerre Sainte alors soit ils l'auront leur guerre !
Quand nous en serons arrivés là cela dit, les mots et les écrits nous sembleront bien désuets...
BL
http://borderline.midiblogs.com/blog/
Écrit par : BL | 10/03/2009
"Le cardinal Justin Rigali, archevêque de Philadelphie et président de la commission pro-vie de la conférence épiscopale américaine, a présenté la décision du président Obama comme la "triste victoire de la politique sur la science et la morale".
Pour lui, cette initiative est "moralement mauvaise car elle favorise la destruction de vies humaines innocentes, en considérant les êtres vulnérables comme de simples produits bons à être moissonnés".
Euh ! des vies humaines moissonnées sous un microscope ? Je me demande avec quoi ils se shoutent dans les séminaires ...
Écrit par : iPidiblue dit l'épastrouilleur | 10/03/2009
Il est intéressant de noter, au sujet de Thérèse Desqueyroux, que s'il s'était agi d'un garçon, elle aurait été repérée et placée dans un collège, ce qui élargit les perspectives. Je suis d'accord avec la vision anti-plouc de bien des auteurs français. Pour un bonne antidote, je conseille la lecture des anglais, d'Austin à Cronin, avec un détour chez les Américains, comme Twain ou London (Martin Eden est un exemple superbe où la bonne société est d'autant plus vide de sens qu'elle est imbue de son sens de supériorité).
Quant aux notions de charité du Pape, j'émets mes réserves : il faut rajouter que la fillette a été violée par le second mari de sa mère. Si la fillette, la mère et le médecin furent excommuniés (décision validée par SS, rappelons-le), rien n'a été dit au violeur, source de tout ce malheur. Ce qui me laisse rêveur sur la hiérarchie des valeurs prônées par la Curie actuelle.
Écrit par : Hawkeye | 12/03/2009
"Et l’on écrit pour les fleurs, pour celle-ci en particulier ou pour celle-là. La vérité vraie, de tout temps et en tout lieu, c’est que « le paradis est mal vu. »"
"« Moi, je vote poisson… Mouette… Ecume…Huître… Palourde… Papillon…N’importe. » "
Et c'est avec ça que Philippe Sollers va tenir tête à l'ogre Onfray?
L'ignoble gauchiste Onfray n'a pas de quoi se tordre...
En fait Cormary se moque de la gueule de Sollers, il ne le prend pas au sérieux.
Cormary se contrefout de Sollers.
Il préfère la belle Amélie Nothomb...(il est amoureux ce gros âne).
Donc ...Cormary...votre petit cinéma à propos de Sollers n'est absolument pas crédible.
Écrit par : Boulard | 13/03/2009
Par ma sainte gidouille qui se moque ici du père Montalte ?
Écrit par : iPidiblue et la reine première servie ! | 14/03/2009
N'est-ce pas plutôt Onfray qui tient tête à Sollers ? Il me semble que j'ai pu le constater grâce à un de tes liens. En attendant, ça n'est pas non plus un gage de qualité. Non ! J'attends toujours plus de Sollers qui m'endort depuis déjà trop d'années. Enfin ! Nous ne sommes pas toujours d'accord sur la littérature.
Mais je tiens dans ces pages à saluer le travail HENAURME de Vebret pour parvenir à une telle qualité avec son MdL. Le dernier est vraiment bon... A lire d'urgence !!!
Sinon, je suis toujours aussi admiratif de ton hospitalité... c'est très charitable de ta part d'abriter tous ces désoeuvrés du monde moderne... Boulard... ipidiblue... d'un talent bien singulier... sûrement dû à leur dimension pathétique et à leur force comique... eh ! eh ! On ne refera pas le web... vive l'époque post-moderne !!!
Écrit par : Marc Alpozzo | 14/03/2009
"Il y a certaines bêtises que j'ai faites parce que je savais qu'elles seraient amusantes à raconter."
Sacha Guitry
Écrit par : iPidiblue pathétiquement drôle | 14/03/2009
Et Onfray et Sollers sont du même camp, celui de la médiocrité ; ce n'est ni le savoir ni la bonne foi ni l'humour qui leur manquent le plus, c'est le talent.
L'un ne parvient pas à réveiller en lui-même la moindre honte, l'autre en a déjà trouvé l'unique foyer - dans les méchants d'une classe, d'une coterie, d'une école - ce qui le dispense de rougir lui-même. Les deux font honte aux Lumières : "Homme, ne cherche plus l'auteur du mal, cet auteur, c'est toi-même" (Rousseau).
Les dîners en ville ou les feux de la rampe populaire ne leur laissent plus le loisir de rester en compagnie de leur conscience atavique. Sans science ni conscience, ce n'est plus la ruine qui menace l'âme, c'est l'ennui qui déborde du cerveau.
Écrit par : Scythe | 15/03/2009
BL.........vous avez une fan!
Écrit par : Kouka | 15/03/2009
J'ai croisé Onfray samedi à Super-U. Il avait un peu honte d'avoir esquivé Sollers au rayon poisson.
Écrit par : Pétrus | 16/03/2009
Ayant été retenu toute la semaine dernière par un long texte sur Sacher-Masoch, intitulé "l'enfant qui criait au loup", et que l'on pourra lire dans le numéro d'avril des Carnets de la philosophie, je n'ai pas eu le loisir de répondre aux commentaires, et notamment à celui de BL.
Sur Williamson d'abord. En fait, en levant l'excommunication qui touchait les quatre évêques intégristes, et contrairement à ce qui été dit partout, le pape ne les a pas "pardonnés" mais leur a donné une occasion de l'être. Ils ne les a pas non plus "réintégrés" à la curie romaine, non, il leur a simplement tendu la main en leur disant : "bon, les gars, c'est fini les conneries, vous vous repentez, vous demandez pardon, et vous revenez". Bien sûr, on pourra toujours arguer que la tentative de réintégration de ce qui constitue tout de même le pire quarteron de brebis galeuses qu'on ait vu depuis longtemps n'était pas si pressée que cela, d'autant que le pape n'a pas vu le coup venir, en quoi il manque de psychologie de finesse, puisque Williamson a multiplié les déclarations immondes sur la Shoah, présentant ensuite des excuses qui étaient presque pires que les déclarations - ridiculisant ainsi l'appel papal et, plus grave, faisant passer la miséricorde pour un truc sans importance. Tant pis pour lui ! Williamson reste dans son enfer négationniste. Comme d'ailleurs je le dis dans mon texte sur Sacher-Masoch, c'est dingue comment ce sont les damnés qui remplissent l'enfer contre la volonté de Dieu. On veut leur pardonner, et ils nous crachent à la gueule, nous faisant en plus passer pour des niaiseux complaisants. Et ben, casse-toi, pauvre con !
Maintenant, l'affaire de petite brésilienne de neuf ans violée et mise enceinte par son beau-père et l'excommunication par l'archevèque de Récife qui a frappé la mère et les médecins qui ont pratiqué une IVG. Là, impossible de faire de l'humour tant cette histoire soulève le coeur, et en effet fait cruellement douter de la charité ecclésiale.
Evitons malgré tout les procès d' intention, et tentons d'aborder le problème frontalement.
Passons d'abord sur la naïveté qu'on a lu un peu partout et qui consiste à dire que c'est le violeur qui aurait dû être excommunié et non pas la mère et les médecins.
D'une part, si Rome devait excommunier tous les violeurs et les assassins, l'excommunication n'aurait plus aucun sens. D'autre part, l'excommunication concerne les hérésies intra muros de l'église catholique, et le viol n'est pas que je sache une "hérésie". Le criminel relève de la cour pénale et non pas d'une bulle papale. Non, à la vérité, celui qui devrait être sanctionné par l'Eglise, ce n'est pas le violeur, c'est l'archevêque. C'est lui le salaud véritable de l'histoire, ce monseigneur José Cardoso Sobrinho, prototype de l'intransigeant imbécile et dogmatique qui crée de la souffrance au nom de la vie, salaud métaphysique assez unique d'ailleurs (car des violeurs il y en a bcp), et qui incarne la saloperie intégrale et intégriste - d'ailleurs condamné officiellement par le Vatican qui dans un communiqué a affirmé qu'il était "du côté de la fillette".
http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2367903&rubId=1098
Pour autant, et je sais bien ce que vous allez me dire, ce n'est pas parce que le Vatican n'est pas solidaire de son archevêque de choc qu'il revient sur ses positions naturellement intenables sur l'avortement. Notons au passage que dans leur croisade contre l'IVG, l'aimé Jean-Paul II fut au moins aussi rigoureux que le haï Benoît XVI.
La réalité, comme toujours, est une question de métaphysique : soit l'on considère que la vie est un don de Dieu, que seul lui peut la donner comme il peut la retirer, et que par conséquent, l'être vaut mieux que le bien-être, soit l'on considère que ce sont la volonté, la liberté et le choix qui sont sacrés, et dans ce cas, on sera pour la possibilité d'avorter.
Quant à moi, je suis pour l'avortement - et dans tous les cas, du plus grave au plus futile. Pour la fillette violée comme pour la pouffiasse qui avorte tous les ans parce qu'elle a oublié sa pilule - une telle créature ne méritant de toutes façons pas d'être mère. Je suis "pro-choice" et non pas "pro-life", car je pense en toute conscience que ce n'est pas la vie qui est sacrée, mais que c'est la volonté. Ce qui fait de moi un homme, c'est-à-dire un être différent d'un bigorneau (et on ne rigole pas je vous prie), c'est que moi je suis libre et pas le bigorneau. Dieu nous a donné la vie à tous les deux, mais il m'a donné quelque chose de plus, donc de plus sacré, qui est la liberté. Je suis "pro-choice", car je ne veux pas d'enfant, et que si un jour il y avait un accident avec une amie, eh bien, je voudrais avoir le recours de l'avortement. Alors, sur ce point capital, oui, je ne suis pas catholique. Je pense que la curie romaine a tort, et je pense que les protestants luthériens ont là-dessus un point de vue plus sage et plus humain. Mais je continue d'aller à la messe (surtout en période de Carême, j'essaye de tenir une fois par semaine), je suis un adepte des neuvaines, et je lis les ouvrages et les encycliques de Benoît XVI avec ferveur et admiration. J'aime ce pape, même si je ne suis pas d'accord avec lui sur cette foutue question de la vie, et que je trouve qu'il n'a pas un sens politique très développé.
Une qui m'était odieuse, c'était Mère Teresa a et ses interviews de malheur dans lesquelles elle s'acharnait à proclamer que la vie est sacrée même au prix de la souffrance et de la misère. Ce genre de raisonnement, "la vie, la vie,la vie, la vie, on s'en fout des viols, on s'en fout de la misère humaine, on s'en fout des tortures, il n'y a que la vie qui compte", me débecte particulièrement. Avec les pro-life, il semble que l'essentiel de la vie, c'est ce qui se passe entre la conception et l'accouchement, le reste, ils s'en contrefoutent. Eh bien non ! La vie est certainement une chose très belle, certainement un don de Dieu, mais autant que le choix est également un don de Dieu. La vie, ça se gère. Et si un salaupard pro-life me dit que je suis dans ma culture de mort, je lui réponds que je préfère ma culture de mort à sa culture de tortionnaire.
Pour autant, il faut comprendre que nous raisonnons là en bon occidentaux individualistes (l'individualisme, une invention chrétienne pour compliquer les choses !), mais que les restes du monde, comme ils disent à Groland, et notamment le Tiers-Monde, sont en phase avec le pape ou avec leurs religions locales. Elle est là, la fracture réelle entre l'Occident moderne et individualiste (nous) et le reste du monde religieux et collectif (eux). Africains, indiens, ou américains du sud, sacralisent la vie même dans la guerre, la famine, la misère, ou le viol. Alina Reyes me disait un jour qu'elle avait participé à des rencontres avec des femmes bosniaques, certaines violées et mises enceinte par les serbes, et qui, par esprit de vie, d'abnégation et de sacrifice, avaient gardé cet enfant de la guerre, et l'avait chéri peut-être plus qu'un autre.
Force est de constater que ce sont toujours les plus pauvres et les plus souffrants qui sont "pro-life" - c'est pourquoi ils nous culpabilisent à mort, car nous, quand nous pensons enfants, nous pensons machine à laver, jeux vidéos, et épanouissement sportif, alors qu'eux, ils pensent nécessité de la reproduction, vie, terre, transcendance. En fait, et cela nous fait mal de nous le rappeler, l'humanité traditionnelle s'est toujours définie selon des valeurs qui la transcendaient même au prix de la mort et de la souffrance (en Inde, on préfère crever de faim plutôt que de toucher à une vache).
Et ce sont ces populations traditionnelles que l'Eglise aide, à qui elle parle, et qui, contre ce que nous pourrions penser, nous les pro-choice de la Matrice, la comprennent bcp mieux que nous. La parole du pape sur la vie, qui nous étrangle, nous, est en adéquation totale avec le Tiers-Monde. Et c'est pourquoi il se fout de nos préservatifs...
Pour en finir avec Benoît XVI, force est pour moi de reconnaître qu'il est autant un grand intellectuel qu'un très piteux politique qui ne fait que des gaffes et des provocations. Et cela va continuer, hélas, avec la béatification de Pie XII, pape non "nazi" comme l'on dit partout, pape qui a même sauvé quelques milliers de juifs, et comme le démontre la biographie qu'en a faite un rabbin,
http://www.rue89.com/2008/10/02/quand-un-rabbin-rehabilite-pie-xii-pretendu-pape-dhitler
mais pape qui joua un double jeu avec les nazis et qui donc n'est pas le meilleur candidat pour être canonisé. On peut avoir besoin d'agent double, ce n'est pas une raison pour en faire des saints. Voilà. Amen.
Écrit par : montalte | 16/03/2009
Mais alors il vaudrait peut-être mieux transférer le Vatican dans un pays sous-développé puisque de toutes les façons nous gens réfléchis et individualistes - c'est la même chose - nous n'avons que des reproches à lui faire ...
C'est un peu comme la Halde, j'avais proposé qu'on la décentralise en Guadeloupe où visiblement elle aurait une action beaucoup plus sensible qu'ici mais je crains que M Louis Schweitzer et ses séides n'aient pas envie d'évangéliser les "c'est à nous pas à vous" contrairement à son illustre parent le docteur Albert Schweitzer !
Est-ce que par hasard ton excellent rapport ne s'adresse pas surtout aux Bobos qui sommeillent en nous tous tes lecteurs ?
Écrit par : iPidiblue hérétique et relaps | 16/03/2009
Et qui êtes-vous Ipidiblue pour savoir que je suis une sale race de Bobo ? Et demain me reconnaîtrez-vous sous vos fenêtres la sébile à la main ?
Écrit par : Pétrus | 16/03/2009
"Ce qui fait de moi un homme, c'est-à-dire un être différent d'un bigorneau (et on ne rigole pas je vous prie), c'est que moi je suis libre et pas le bigorneau."
Je sais , c'est mal mais cette image m'est restée en tête alors que je lisais la suite et du coup , j'ai associé ( en luttant contre , promis ! ) les pro-life et les bigorneaux . Vi , c'est pas joli-joli .
Écrit par : roussote | 16/03/2009
C'était le but !
Écrit par : montalte | 16/03/2009
Quand on s'appelle Petrus on ne peut pas être entièrement mauvais quand même ...
Écrit par : iPidiblue pierre tu es pierre et sur cette pierre ... | 16/03/2009
Cher Montalte, à la lecture de votre réponse et je vous remercie de sa clarté, j'en conviens avec vous et je ne puis qu'être d'accord. Toute explication claire et nuancée appelle ce type de ralliement. Mais dès lors vous en êtes de la religion comme vous en êtes de la philosophie c'est à dire que vous vous laissez la possibilité de piocher. Un peu de Luther par-ci, un peu de Benoît XVI dans son approche mystique par là, un peu de Calvin également, beaucoup de Jean-Paul II, énormément de Lustiger (incontestable de clairvoyance), un peu moin de Benoît XVI dans son approche politique...Il est vrai que la religion (selon moi) est avant tout une interpretation personnelle (vous faisiez d'ailleurs notion de l'individualisme inventé par les chrétiens) et souvent allégorique des textes. Fuyant par là-même toute interprétation littérale (à moins de fonctionner en costard - version collégien anglais et par deux). En ce sens le culte protestant a bien compris que nous ne mangions pas un morceau du corps du Christ lorsque nous allons à l'eucharistie mais que symboliquement nous nous imprégnons de lui. Je pense en ce sens que la chrétienté a un avenir certain dans cette ouverture d'esprit malgré le fait qu'il ne s'agit pas non plus de faire de la religion catholique ou plus largement chrétienne, un pot pourri diffus et confus. ce qui fait la grande différence entre la beauté de la religion et sa dangerosité reste le prisme analytique en un mot le libre arbitre.
Concernant l'avortement, je suis en revanche plus nuancé que vous ne l'êtes, l'avortement tout le temps pour tout le monde s'oriente vers une dérive libertaire qui déresponsabilise mais lorsqu'il s'agit d'une fille violée et qu'elle met sa vie en danger en menant l'enfant à terme, il n'y a aucun doute à avoir. L'avortement au même titre que la loi devrait, comme à chaque fois avoir ses généralités et ses exceptions. etre pour l'avortement à tout craint entre dans le "pro-life" moderne, individualiste : on a qu'une vie, faut pas se faire chier etc...ce qui va, en ce sens, contre le precept de l'accomplissement de soi non dans l'euphorie mais dans l'affrontement. Sans être totalement Janséniste, c'est un courant (notamment bien relayé par Monseigneur Barbarin) de l'Eglise actuelle qui ne m'apparaît pas totalement superfétatoire.
Voilà mon ami pour ce que j'avais à en rajouter.
Bien cordialement.
http://borderline.midiblogs.com/blog/
Écrit par : Borderline | 16/03/2009
Ipidiblue, vil flatteur...
N'empêche que crucifié la tête en-bas dans la France du même nom...
Écrit par : Pétrus | 16/03/2009
Concernant le paragraphe sur Williamson, tout à fait d’accord avec vous. C’est une vision on ne peut plus chrétienne de Benoît XVI, attitude miséricordieuse que nous attendons de lui, mais « ce sont les damnés qui remplissent l'enfer contre la volonté de Dieu ».
D’accord aussi sur le fait que Jean Paul II a toujours tenu exactement le même discours de fond que Benoît XVI, mais que les médias omettent toujours curieusement de signaler; on ne le dira jamais assez.
Et oui, le viol relève de la cour pénale, oui, l’Eglise devrait surveille un peu plus certains de ses archevêques illuminés,
mais comment pouvez vous être pour les cas d’avortement les plus futiles ? Peut être bien que la pouffiasse qui oublie sa pilule ne mérite pas d’être mère, (et l’homme qu’en faites vous ? il faut être deux pour avoir un enfant. En plus avec tous les moyens dont on dispose aujourd’hui pour ne pas tomber enceinte...) Mais je vous garantis qu’elle ne retombera pas enceinte tous les ans, ce doit être terrible d’avorter même quand on est con et irrespectueux.
Et peut être que le fait qu’elle et l’autre deviennent parents les fera changer complètement ? Donnons leur une chance et assumons nous, merde !
Mère Teresa ne peut pas être odieuse… (En même temps, si vous etes complètement pour l’avortement sans nuancer, je ne peux pas lutter.) Que faites vous de sa spiritualité ?
Non, on ne s’en fout pas des viols, ni de la misère, ni des tortures, (connaissez-vous Tim Guénard ?) mais c’est vrai la vie est sacré. Et peut être bien que j’avorterais si j’étais violée.
Merci Borderline pour votre conclusion.
Écrit par : emeraldias | 16/03/2009
A tout ceux qui sont contre "les cas d’avortement les plus futiles", j'aimerais demander ce qu'ils proposent. Quelle loi ? Qui aura le droit ? La loi pour la légalisation de l'avortement est une des grandes lois du siècle derniers (et des grandes lois, y'en a pas tant que ça par siècle), alors je me méfie des "ajustements" qu'on pourrait souhaiter y faire...
*Celeborn
Écrit par : *Celeborn | 16/03/2009
Bien vu Jean-Rémi ! L'avortement, c'est comme l'abolition de la peine de mort, cela ne fonctionne que s'il n'y a aucune exception. C'est soit l'avortement pour tout le monde tout le temps, au risque de la dérive libertaire, soit c'est autre chose et donc une interdiction potentielle de l'avortement.
Quand j'utilise l'argument perfide de la pouffiasse qui avorte pour des raisons idiotes (et il y en a), ce n'est pas tant par misogynie défoulée que par affirmation du droit inconditionnel à l'avortement.
Bien sûr, un monde parfait serait un monde sans avortement. Mais puisqu'il n'en est ainsi, puisque nous ne sommes pas tous forts devant l'existence, l'avortement reste le moindre mal - et un mal qui est, ma chère Esmeralias, bien moins traumatisant que vous ne le pensez. J'ai des amies qui ont avorté deux ou trois fois et qui se portent très bien.
Pour autant, et pour modérer mon discours, disons que c'est un problème que je n'aimerais pas à devoir affronter dans ma vie. C'est pour cela qu'en bon faible je me réfugie derrière la loi à tout prix au cas où.
Écrit par : montalte | 17/03/2009
Montalte, renseignez-vous (vraiment) auprès des intéressées, il est extrêmement rare qu'un avortement, même futile, soit innocent. Qu'on s'en porte bien, peut-être, on sait bien qu'on n'en meurt pas, mais il n'y a guère d'avortement sans traumatisme... et le femmes, seules aptes à décider, le savent bien qui refusent parfois d'avorter, contre tout principe de réalité... (Mais la raison on s'en contre-fout, n'est-ce-pas ? car finalement l'idiotie est plus belle... avec sa méthode Ogino qui ne marcha jamais et produisit une génération entière d'enfants-surprise ! )
Ce n'est évidemment pas ce que l'Eglise recherche. A se demander d'ailleurs si elle sait ce qu'elle veut. en posant un distinguo entre la vie du foetus de 0,2 cm, et celle du soldat, tripes à l'air...
L'amour universel a ses exigences et Dieu, enfin le nôtre, celui qui donne sa vie librement jusqu'à la fin des temps, se moque bien de tout ça. C'est d''ailleurs ce qui le différencie...
Écrit par : Pétrus | 17/03/2009
Pierre, tu es cohérent avec toi même. Ce sujet, l'avortement, renvoie à ton autre post sur ton portrait poilitique.
J'ai l'impression que tu défends souvent la liberté mais pas son corollaire, la responsabilité. Tu t'en prends souvent si j'ai bon souvenir au protestantisme, cette éthique du capitalisme. Que ceux qui veulent être libre et responsable le soient, mais qu'ils ne nous les "brisent" pas, qu'ils arrêtent de nous culpabiliser, nous les "faibles".
Je m'embrouille peut être un peu de bon matin, mais je dirais que si tu es "pro-choice" c'est comme tu le dis, sur le site où tout le monde se surveille : "Le premier permettra aux "faibles" d'avorter et aux forts d'enfanter, alors que le second obligera les "faibles" à enfanter contre leur volonté, et c'est en effet cela que l'on défend. "
Est-ce que tu veux des responsabilités? Ou bien serais-tu un éternel "adulescent"? ^^
Écrit par : jugurta | 17/03/2009
Toutes mes félicitations cher Montalte pour ce très bel article virtuose et profond comme toujours. Tu t'attaques à mon MAURIAC que j'aime et adore mais lucidement et sans l'écorcher. J'aurais aimé vraiment en parler avec toi plus densément ce Samedi soir. Un peu dommage. J'étais déjà fort ivre en arrivant et excitée par toutes les merveilleuses rencontres autour du Salon.
A mon tour au prochain numéro d'occuper l'espace "classique".
Douces et tendres pensées amicales.
Écrit par : ameleia | 17/03/2009
J'interviens un peu comme la mouche du coche, mais la question, du point de vue laïc, n'est pas de savoir si on est pour ou contre l'avortement (en ce sens, le problème différe de celui de la peine de mort) mais de savoir s'il faut criminaliser (au sens pénal) le fait d'avorter. Ou pour le dire plus directement doit-on condamner (au sens juridique) une femme qui avorte ?
Pour ma part je pense que la réponse est non.
Écrit par : P/Z | 17/03/2009
Ouin!!!!!! Dans mon bled , ils n'ont pas le magazine des livres !!!!(Pourriez pas écrire dans des trucs mieux distribués , non ?)
Je prends mon auto et vais voir si je peux le commander ...( grumble !)
Écrit par : roussote | 17/03/2009
Petite remarque: une des raisons de la similitude entre J-P II et B XVI vient du fait que le cardinal Ratzinger rédigeait les articles éthiques de son prédécesseur. Toute fois je me demande si le cas de la fillette de Brésil n'est pas un cas de manque de jugeote de l'évêque en question. Trop de vie tue la vie. Il est plus que probable que les foeti attendus n'auraient pas pu survivre et la fillette serait restée avec. Où est la vie alors ? Il faut peut être s'interroger sur l'esprit de la loi, même divine. Cela s'appelait la casuistique, art dans lequel excellait l'Eglise, quand elle savait ne pas s'arc-bouter sur ses principes...
Écrit par : Hawkeye | 17/03/2009
Pétrus, une ancienne connaissance de ma soeur, enceinte d'une paire de jumeaux, ayant décidé de n'en garder qu'un, avait dit devant elle : "tiens, c'est jeudi prochain que je vais m'en faire aspirer un".... Et elle le fit en effet comme si elle passait l'aspirateur.
Non, Jugurta, je ne veux en effet aucune responsabilité dans ma vie. En tous cas, pas celles-là. "Si les enfants que je n'ai pas eus savaient le bonheur qu'ils me doivent", disait Cioran.....C'est pour cela que je suis célibataire et gardien de musée. Aucun regret là-dedans. J'essaye de lire, d'écrire, parfois d'aimer, de poursuivre ma quête intellectuelle et spirituelle, et si j'écris un livre dans la ma vie, cela ne sera déjà pas si mal...
Pascal, Hawkeye, je tombe maintenant sur vos messages ! Les voilà en ligne. D'accord avec l'un et avec l'autre. Oui, la casuistique était une grande chose !
Et oui, on ne peut décemment criminaliser une interruption de grossesse - même pour des raisons théologiques. Dommage qu'il n'y ait pas de pro-life parmi nous, on aurait pu avoir un beau débat. Si vous en connaissez un, envoyez-le !
A la prochaine, ma chère Améléia !
Écrit par : montalte | 17/03/2009
Montalte,
on ne peut tirer une généralité d'un cas isolé. J'espère d'ailleurs qu'il le reste, car pour la plupart des femmes l'avortement est traumatisant, et prend des allures métaphysiques qui ridiculisent a minima tous les débats sur le sujet. C'est la plupart du temps à contre-coeur qu'elles avortent, persuadées à raison qu'elles n'ont pas d'autre choix. Y compris cette malheureuse fillette.
Mais j'ai trois rescapés chez moi, comprenez-vous, trois survivants qui ont bénéficié de la décision suprême et charnelle de celles qui les portaient et qui pour cet amour durent affronter cette prétendue réalité qui n'est là que pour se plier à notre imagination et à cette curieuse faculté que nous avons de la transformer.
Fuck la réalité, donc.
Écrit par : Pétrus | 18/03/2009
Ah mon cher Petrus,je crois que vous êtes cerné par des gens authentiques et que vous ne fréquentez pas assez de bobos parisiennes athées qui préfèrent avorter plutôt que prendre la pilule qui fait grossir.
Écrit par : montalte | 18/03/2009
Rapport aux capotes, notre cher Benoit XVI a encore fait une bourde de communication et politique… Et pourtant… il est dans son rôle de gardien du dogme catholique ! mais de là, à ce que tout le monde ou presque s’insurge et le traite de criminel ! et surtout les non cathos ! Mais qui se soucie de ce que pense le pape aujourd’hui ??? ou plutôt la vraie question : pourquoi tout le monde attend au tournant et crache sur un homme dont personne ou si peu suivra les préceptes ?? Ah, le catholicisme en a encore pour des siècles à récolter ses erreurs passées… et surtout bien quasiment la seule religion à en prendre plein la gueule et à l’accepter. « Heureux ceux et celles qui seront persécutés à cause de Moi »
Quand on sait qu’il y a de nombreux pays dirigés par de VRAIS chefs d’état (j’entends non spirituels) et eux, vraiment criminels, qui APPLIQUENT et VIVENT par la charia et que l’on parle beaucoup moins de toutes les tortures imposées pour des broutilles !
L’auto censure sur l’islam et le judaïsme ne cessera pas de sitôt, tout comme le sport mondial et très national qu’est encore l’anticléricalisme sur UNIQUEMENT l’Eglise de Rome.
De toute façon, les africains ont leur jugement, et la majorité des cathos du monde sont loin de suivre le pape, quand souvent ils ne sont même pas d’accord avec lui. Et combien y a-t-il de cathos en Afrique ???
Alors oui, je suis assez en colère contre le pape qui communique très mal, mais encore plus contre ceux qui font exprès de ne comprendre rien à rien de ce qu’il dit !!!!
Quand à tous les Cohn Bendit, qu’ils se mêlent de ce qui les regardent, on a pas de leçons de morale à recevoir SURTOUT de ces gens là.
Écrit par : emeraldias | 18/03/2009
"Dommage qu'il n'y ait pas de pro-life parmi nous, on aurait pu avoir un beau débat. Si vous en connaissez un, envoyez-le !"
Il y en a, je t'assure, Montalte. Mais ils préfèrent garder le silence. Par fatigue, peut-être.
Je m'élève contre cette idée qu'on ne puisse trouver des arguments théologiques qui montrent que l'avortement est un crime. L'embryon possède une âme, dès sa conception. C'est ce que dit saint Thomas d'Aquin :
« L'embryon avant d'être achevé par l'âme rationnelle, possède l'opération d'une âme ; parce qu'il grandit, se nourrit et éprouve des sensations. Mais l'opération de l'âme n'existe pas sans la vie. Donc il vit. Mais le principe de la vie du corps est l'âme. Donc il a une âme. Mais on ne peut pas dire qu'il lui arrive une autre âme, parce que, alors, dans un seul corps, il y aurait deux âmes. Donc l'âme même qui avait été d'abord propagée dans la semence est l'âme rationnelle. » (De Potentia, q. 3 a. 9 Arg. 9)
Si bien que supprimer un embryon, c'est supprimer un être doté d'une âme rationnelle. Selon la loi naturelle, cela s'appelle un homicide, autrement dit un crime.
Ce qui ne veut pas dire que les femmes qui ont eu recours à l'avortement sont des criminelles. Il faut haïr le péché mais aimer le pécheur. L'Eglise est miséricordieuse envers les femmes qui ont eu le malheur de commettre cet acte, absolument pas anodin, contrairement à ce que tu dis. Parmi elles, beaucoup comptent les années, après avoir eu recours à l' « aspirateur ». Au fond d'elles-mêmes, elles savent bien qu'elles sont faites pour donner la vie et non la mort.
J'ai bien aimé ta remarque sur les pauvres qui sont ardemment pro-life. Sans doute parce qu'ils n'ont pas été pervertis par nos conceptions modernes. Le progressisme n'a pas encore totalement éteint en eux le sens moral.
Écrit par : Sébastien | 18/03/2009
Cher Sébastien, je ne dis pas que l'avortement est anodin ou traumatisant, je dis simplement qu'il est faux de croire qu'en majorité les femmes qui ont avorté s'en sont portées plus mal. Ca, c'est comme les chrétiens qui croient toujours que les non-chrétiens sont dans le désespoir ! Hélas pour Kierkegaard, Montaigne vivait très joyeusement son scepticisme. La plupart des femmes occidentales qui ont pratiqué un IVG l'ont vécu comme une opération douloureuse mais nécessaire et qu'elles ne regrettent pas - là-dessus, depuis les 343 salopes, les témoignages concordent. Peut-être parce que supprimer un être humain en devenir n'a jamais paru aussi grave que tuer un être humain actualisé. Peut-être aussi parce que l'avortement a toujours été pratiqué en cachette et qu'il fut donc toujours assumé par les femmes jusqu'au moment où les clercs leurs disaient qu'elles avaient fait un crime abominable.
Et puisque l'on parle de crime... Mets-tu au même niveau, et même en les pardonnant, une criminelle qui a tué ses enfants de six ou dix ans et une "criminelle" qui a avorté six ou dix fois ? Est-ce vraiment la même chose moralement et humainement ? A qui fera-t-on croire que supprimer une âme est la même chose que supprimer une conscience humaine contenue elle-même dans un corps complet ? Eh bien, l'âme retourne au paradis, voilà tout ! Et puis l'âme, c'est une question de croyance et le croyant, c'est celui qui fait l'effort (sublime) de croire en quelque chose qui n'est ni visible ni prouvable. Alors que le corps, lui, il est sur terre, coupé du cordon ombilical, autonome, vivant, gigotant, et surtout conscient, avec un esprit déjà complet. Conception n'est pas gestation qui n'est pas réalisation.
Quant à l'argument gerbant qui consiste à dire qu'il faut donner de la chance à la vie, il serait vrai si la vie était quelque chose de rarissime, se passant une fois toutes les années bissextiles, et à peine deux fois dans la vie d'une femme... Or, ce n'est pas le cas. La vie déborde de toute part. La moindre goutte de sperme contient dix mille vies, et neuf fois sur dix, ou plutôt six milliards de fois sur sur six milliards une, il y a ovulation. La vie, ça grouille comme des vers de terre dans le fromage. Il y a beau avoir toutes les pandémies du monde, toutes les guerres, toutes les famines, ça n'empêche pas l'espèce d'être toujours plus nombreuse. Alors la vie qu'il faut protéger comme si elle était aussi rare que la perle que l'on trouve dans un coquillage sur mille, on repassera....
Enfin, l'avortement reste aussi une question d'égalité sociale. Car la petite bourge de quinze ans qui se retrouve enceinte le lendemain d'une fiesta un peu arrosée, ses parents vont éventuellement l'engueuler mais ensuite lui payer le voyage dans un pays du nord ou même un pays anglo-saxon pour la faire avorter. D'ailleurs, on en profite tous pour faire un chouette voyage touristique (histoire vraie). Tandis que la sous-prolétaire qui vient d'être fécondée, elle, pas question qu'on l'avorte - ne serait-ce que parce les riches ont besoin que les pauvres aient des tas d'enfants pour les exploiter. L'avortement, c'est un truc de riches, de possédants, de chefs, et l'intérêt des chefs, des possédants, des riches est que leurs esclaves croupissent en familles nombreuses. D'ailleurs, c'est comme ça qu'on gouverne : donner aux autres le goût de la vertu et de la transcendance, et se garder les vices et le pouvoir pour soi.
Et pour le coup, je ne crois pas que le pape soit si machiavélique. Non, le pape est en fait en osmose avec les cultures traditionnelles. Le "croissez et multipliez" au risque du sida est compris par les peuples comme une parole d'amour primitive. Tant pis pour la mort quasi-certaine ! Tant pis pour la souffrance ! Encore une fois, on préfère crever de faim plutôt de tuer la vache. On préfère mettre au monde des êtres qui n'auront presqu'aucune chance de survie plutôt que de les faire tuer dans l'oeuf. On préfère sacrifier l'individu à la vie plutôt que la vie à l'individu. C'est comme ça, la vie est sacrée même si elle ne dure que neuf mois. C'est quelque part sublime, quelque part incompréhensible pour nous Occidentaux. Salopards que nous sommes ! Salopard que je suis !
Mais c'est un fait. Je préfère que ma fille, ma soeur ou ma fiancée puissent avorter si c'est cela qu'elles veulent.
Sinon, bien d'accord avec vous Esmeraldias.... Au lieu de s'en prendre au pape qui cause de la capote encore une fois comme un con mais que personne n'écoutera vraiment, il faudrait peut-être mieux s'en prendre à ceux qui lapident et excisent pour de bon ! Même si je suis profondément en désaccord avec la position de l'Eglise sur les questions sexuelles (ce qui aux yeux des purs et durs peut me faire passer pour un catho mondain et fun, ou pire comme un... protestant), force est d'admettre que les discours papaux ne restent que des discours, que de la morale, et ne sont pas suivis, Dieu merci, d'une mise en pratique concrète des choses. Le pape dit qu'il est contre le préservatif, mais ne fait rien pour ruiner l'empire de Durex, et fondamentalement, il laisse libre le monde d'agir comme il veut. Tout le contraire d'un ayatollah ou d'un taliban qui actualise tout ce qu'il dit. Aussitôt dit, aussitôt fait !
Que le monde occidental se crispe sur le pape est peut-être le symptôme d'une culpabilité aussi atroce que refoulée. En ce sens, Benoît XVI est vraiment un bouc-émissaire tel que René Girard l'a décrit. Intégriste peut-être mais qui met furieusement à mal les désintégrés que nous sommes !
Écrit par : montalte | 18/03/2009
Bien, Montalte !
Que les hommes d'Eglise, le Maitre de Cérémonie et tous ceux qui lisent ou écrivent ces lignes commentent l'avortement, il n'y a rien de neuf sous le soleil. Je suis à titre personnel pour l'avortement quand une femme le souhaite et contre quand elle s'y refuse - c'est le moindre des respects - mais ne comprend pas qu'une assemblée d'eunuques en fasse ses chevaux de bataille... et légifèrent comme des mollahs. Les histoires de cul de l'Eglise m'ennuient profondément et m'inspirent à nouveau la même nausée, le même dégoût adolescent pour ses institutions.. et me donnent à nouveau envie de cracher dessus. L'Eglise n'a pas à avoir de "position sur les questions sexuelles", surtout pas elle ! Trop mal placé pour en avoir ! Ou alors qu'elle commence par balayer devant sa porte et s'excuser pour de bon en virant tous les thuriféraires pédophiles qu'elle garde encore en son sein (qui n'en a connu ?) ! Et Dieu sait que je n'aime pas hurler avec les loups, mais là !
Mals par delà je persiste. Qu'en pensent les non-hommes, autrement dit les femmes ? Et je ne parle pas de culpabilité, surtout pas. Seulement de ressenti. Renseignement pris "on" me confirme qu'il y a dans 95% des cas une vraie douleur, non entachée d'une religiosité à deux balles, avant, pendant et après l'avortement. Ca n'est peut-être que la survivance reptilienne d'un instinct en voie de disparition, un passage historique obligé de la femme à la sur-femme, et je suis bien prêt à en convenir. Mais je réclame le témoignage franc et massif des femmes qui fréquentent ces lieux, enfin de celles qui n'auraient pas peur de parler d'elles-mêmes. Car les 95% de témoignages dont je vous parle, ceux des meurtries-volontaires, me viennent directement du bloc opératoire ou mon amie les a bien involontairement recueillis. Beurettes larguées, filles de famille, pauvresses, épouses volages ou fidèles, croyantes ou pas, riches ou pauvres,...
Je crains cependant que le silence, et je le ne le comprends que trop, ne soit la seule réponse possible.
Écrit par : Pétrus | 19/03/2009
"Je suis à titre personnel pour l'avortement quand une femme le souhaite et contre quand elle s'y refuse", dites-vous Pétrus.
Bon dans sa première partie, l'argument se retourne contre lui-même dans la seconde. Vous êtes pour l'avortement quand la femme le souhaite (mais c'est juste cela, être pour l'avortement) et vous êtes contre quand elle le ne le souhaite pas - mais pour qui ? Pour elle ou pour les autres ? Personne n'est pour ou contre l'avortement simplement pour soi-même. C'est un choix de valeur qui implique tout le monde, et c'est pour cela que tout le monde se dispute.
Sinon, personne n'a dit que l'avortement n'était pas une opération triste et douloureuse, sauf que cet aspect négatif est très inférieur à ses aspects positifs, et c'est d'ailleurs pour cela que les femmes l'ont voulu. Ce qui traumatisait les "343 salopes" étaient moins d'avoir avortées que de l'avoir fait illégalement. Et la loi Veil fut accueillie comme un bonheur et un progrès. D'ailleurs, si elle fut votée, c'est bien parce qu'elle correspondait à un besoin et à un changement de moeurs profonds.
Écrit par : montalte | 20/03/2009
On a toujours avorté depuis que le monde est monde mais on n'a pas toujours légiféré sur l'avortement !
Écrit par : iPidiblue peace and love | 20/03/2009
Alors que l'on a toujours légiféré sur le meurtre !
Écrit par : montalte | 20/03/2009