Iliade IV - On dirait une mère. (04/07/2013)
Picasso, Maternité (1963)
Chant IV - Comme Wagner, Homère est aussi bon dans l'ensemble que dans le détail. Ainsi, lorsque Athéna intervient dans la bataille pour sauver Ménélas :
« Devant toi se dressant, elle écarte le trait pointu loin de ta peau ; on dirait une mère éloignant de son fils qui sommeille une mouche. Elle fait dévier la flèche vers l'endroit où des agrafes d'or ferment le ceinturon, où le ventre est couvert d'une double cuirasse. La flèche amère atteint le ceinturon bien clos, et, traversant ce ceinturon très ouvragé, vient se ficher dans la cuirasse au fin travail ainsi que dans la cotte appliquée au niveau du ventre sur la peau, rempart contre les traits, défense la meilleure. »
Si ce n'est de l'écriture chirurgicale, qu'est-ce que c'est ? On notera le sublime, pré-marial et invariant des siècles et des siècles : "on dirait une mère."
Férocité de la guerre qui oblige à contraindre les faibles, à humilier les médiocres, à mortifier les doux - soit ceux qui ne veulent pas se battre comme il faut :
« Quant aux mauvais soldats, Agamemnon les refoule au centre, de façon que chacun, même contre son gré, soit forcé de se battre. »
La guerre comme ce qui force à se battre, c'est-à-dire à vivre malgré soi. Et lorsque « ça commence » enfin, la première bataille, lorsque les troupes, haranguées par leurs chefs, avancent, Homère a cette remarque bouleversante :
« On ne croirait jamais que cheminent ensemble un si grand nombre d'hommes, dont chacun, dans sa gorge, est doué d'une voix. »
Du camp des dieux et des Forces dont Discorde, la pire d'entre elles, fait partie, on avise :
« Le parti des Troyens, c'est Arès qui l'anime. L'autre, c'est Athéna, la déesse aux yeux pers. Elle a près d'elle Crainte et Panique et Discorde aux terribles fureurs [les forces cosmiques dont nous parlions plus haut], la compagne et la soeur de l'homicide Arès, qui, petite d'abord, se dresse tout à coup, et voici que son front s'en va heurter le ciel, alors que de ses pieds elle foule la terre ; c'est, une fois de plus, elle-même qui vient, sans égard pour personne [ni pour les mortels ni pour les Immortels], insuffler un esprit de querelle à travers les rangs qu'elle parcourt en faisant sous ses pas grandir la plainte humaine. »
Les perforations commencent.
09:33 Écrit par Pierre CORMARY | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : homère, rachel bespaloff, iliade | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer