Comment on n'en finira jamais en France avec la droite et la gauche. (11/04/2016)

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Post publié le 08/10/2014 (à partir d'un entretien de la Revue des deux mondes avec Marcel Gauchet datant d'avril 2008 !!) mais que je remets à l'intention de mes (nouveaux) amis Pierre Balmefrezol, Julien Vergès, et Karine Papillaud sans laquelle nous ne serions rien.

 

Puisque nous sommes à la veille de ces fameux "rendez-vous de l'Histoire" de Blois et qui ont été à l'origine de la polémique grotesque de l'été, dont Pierre Jourde a tout dit dans un article jubilatoire, et même si celle-ci est loin d'être terminée puisque voilà que Médiapart s'en mêle, nous aurions simplement voulu relire un entretien que Marcel Gauchet a accordé à La revue des deux mondes dans son numéro d'avril... 2008 et qui nous semble une excellente introduction à la pensée de celui qui qui est un de nos maîtres. Post qui s'apparente donc à une fiche de lecture destinée à remettre en (première) place quelques idées forces et structurantes, qui n'évite pas les digressions, qui n'en fait qu'à sa tête.

 

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1 - Comment chacun de nous est l'autre mais pas au même moment et pas sur le même point. 

L'Histoire comme continuité, engendrement, enchaînement, plus que comme rupture. La modernité a le culte de la rupture. La modernité se défie de la condition historique. L'Histoire lui sert de détestation. Surtout pas d'origine, de lien, d'héritage avec les salopards du passé. 

"La révolution moderne (je crois qu’on peut parler ainsi, il n’y en a qu’une au fond qui passe par toutes sortes de « sous-révolutions » de tous ordres) instaure un mode d’être inédit des communautés humaines. Néanmoins, cette nouveauté ne nous coupe pas du passé de l’humanité. Les structures profondes du monde humain-social demeurent les mêmes derrière leur métamorphose. Nous avons affaire à une transformation qui nous garde en continuité fondamentale avec l’humanité religieuse, pour faire court. Nous pouvons très bien continuer à comprendre celle-ci dans sa manière de fonctionner socialement, psychiquement, culturellement, intellectuellement. L’Histoire invente des choses jamais vues mais l’humanité reste une."

Derrière cette apparence paisible du déroulement de l'Histoire, mille heurts et mille conflits. Parce que nous sommes tous anciens et modernes. Parce que nous avons tous de l'ancien et du moderne en nous -  mais pas aux mêmes endroits ni aux mêmes moments, d'où les inévitables conflits sociocultuelspsychiques. Pareil pour le clivage libéral-conservateur qui est celui, je crois, de la majorité d'entre nous mais qui ne nous empêche pas de nous disputer parce que les deux tendances ont chacun leur mode, leur registre, leur champ d'action. Et ce sont les modes, ces registres, ces champs d'action qui font que l'on se dispute ad nauseam. Souvent, l'on se vante de sa complexité : "je suis trop à droite pour mes amis de gauche et trop à gauche pour mes amis de droite", aime-t-on à dire de soi. Sauf que les amis en question disent (souvent) la même chose d'eux-mêmes et que nous ne sommes d'accord ni sur leur droite ni sur leur gauche. Parce que nous sommes tous ondoyants et cohérents, variants et invariants, mais que nous n'avons pas la même cohérence et la même façon d'ondoyer et que nous ne varions ou n'invarions pas sur les mêmes points. Et c'est une expérience pénible que de se rendre compte que ce qui nous rassemble (et ressemble) s'amoindrit et même s'abolit face à ce qui nous "dissemble". Comment chacun de nous est l'autre mais pas au même moment et pas sur le même point. C'est pourquoi il est si difficile dans une discorde d'éviter le mimétisme qui s'invite diaboliquement entre les protagonistes. 

 

2 - Point d'achoppement.

Chacun de nous se dit libéral ou socialiste jusqu'à un certain point. Mais quel point ? Celui d'achoppement ? De rupture ? De non-retour ? Là est la questchionne. Très violente, croyez-moi. 

 

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3 - Ma barbarie anti-barbare

Notre barbarie, c'est de croire que le passé fut barbare (propos finkielkrautien s'il en est) :

"Ainsi, se persuade-t-on, aurions-nous surmonté notre sombre préhistoire, cette période effroyable où les hommes battaient leurs femmes, croyaient dans des dieux et ignoraient les vacances."

Notre péché, c'est notre croyance en l'auto-création suffisante (et d'ailleurs, ce n'est pas un péché, car le péché, c'est ce que nous reconnaissons comme tel et c'est ce qui ce que Dieu est prêt à nous pardonner si nous ne le reconnaissons - or, les auto-créés sont très fiers de l'être et ne se voient pas du tout en pécheurs, notion ringarde pour eux, il est vrai.)

L'homme contemporain, ce connard "sans dieux ni maîtres".

Mais à quel point moi-même ne suis-je pas tributaire de ce péché ? "A quel point" ai-je encore des dieux et des maîtres autres que pour des raisons de vernis culturel ? C'est encore la questchionne.

J'accuse les gens de s'auto-créer sans dieux ni maîtres mais moi-même je n'en fais qu'à ma tête et m'abrite ensuite derrière mes paravents mythiques et religieux. Et quand je traite quelqu'un de barbare, qui me dit que ce n'est pas moi, lui ? Tant pis, il faut s'affirmer soi-même aux dépens de l'autre. "Voilà, si on veut vivre comme il faut, on doit laisser aller ses propres passions, si grandes soient-elles, et ne pas les réprimer.", clamait déjà Calliclès.

 

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4 - La modernité contre le temps.

Le mal moderne, c'est d'avoir aboli le temps (plus que l'Histoire).

"On ne peut même plus parler de « fin de l’histoire », car en bonne doctrine hégélienne celle-ci impliquait la récapitulation et la conscience du chemin parcouru. Plus rien de tel : nous sommes passés dans une sorte de présent post-historique."

Le seul temps admis, c'est le présent-post historique. L'idée djeune que le monde naît avec moi. Il est clair que l'historicité a fait vaciller l'idée d'une nature humaine immuable.

"Pendant longtemps, nous avons vécu sur l’idée d’une nature humaine demeurant égale à elle-même à travers le temps, les variations, par ailleurs bien enregistrées, étant secondaires au regard de cette permanence fondamentale. Depuis le début du XIXe siècle, la conscience historique a miné petit à petit cette représentation de la nature humaine, en nous faisant découvrir la diversité des cultures et des civilisations, l’historicité essentielle des manières d’être de l’humanité. Nous sommes entraînés par l’approfondissement de cette conscience historique à laquelle il nous est impossible de nous soustraire."

NOUS NE POUVONS PLUS NOUS SOUSTRAIRE. Ce qui va rendre méchants les classiques et furieux (de contentement et de triomphe, et donc encore plus méchants) les modernes. La belle éternité de l'être ne séduit plus personne (même si elle persiste malgré nous.) Elle est encore là mais n'a plus la côte.

 

5 - Pape au centre du dispositif.

L'organisation religieuse de la société n'est plus mais la foi persiste sous de nouvelles formes à la fois très individuelles et très orthodoxes (popularité des papes). Depuis Jean-Paul II, jamais le pape ne fut à ce point au centre du dispositif (y compris Benoît XVI honni par la doxa mais star de l'information, le moindre de ses éternuements faisant le buzz. Quant à François, je ne vais pas vous faire un dessin...)

 

6 - Génie humaniste du libéralisme classique.

"Il y a une puissante foi libérale dont il est important de retrouver l’âme."

Trois genres de libéralisme : 

- Le « manchesterianisme » "où ce qui compte est l’activité économique en tant qu’elle est productrice de libertés grâce à l’accroissement des richesses. La thèse est simple : la liberté politique dépend de la liberté du travail et des échanges, qui donne aux individus les moyens de leur indépendance."

- Le libéralisme synthétique "qui s’organise autour de la notion de progrès. Celle-ci lie toutes les libertés sous le signe de la raison et de la science".

- Enfin, le libéralisme français et républicain. "Un libéralisme méfiant par rapport à la liberté économique, qui entend faire prédominer la liberté politique et qui attend la solution des problèmes sociaux du suffrage universel" (Gambetta, Clémenceau). Libéralisme modéré où l'Etat décide, intervient et surveille (mais sans collectiviser, contrairement au socialisme), libéralisme gaulliste.

"C’est cela la nouveauté triomphale [libérale] du XIXe siècle. Avant, explique par exemple Spencer, nous avions affaire à des « sociétés militaires », où le commandement était l’axe organisateur de la vie collective. La grande nouveauté du temps, pour Spencer toujours, c’est le passage aux « sociétés industrielles », c’est-à-dire le passage à un monde où le rapport entre pouvoir et société s’inverse, puisque c’est la société qui prend le dessus au nom de son travail et qui dicte sa loi au pouvoir politique au travers du mécanisme de la représentation."

En ce sens, la modernité n'est rien d'autre que la prise en main de la société par elle-même. La société qui prend son pouvoir d'elle-même - ou le libéralisme réalisé.

 

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7 - Génie du libéralisme (individualisme) + vertu des limites, chaque notion possédant sa limite interne.

Et celui de l'individualisme selon MATHIEU LAINE face à Gauchet dans lequel il voit l' aboutissement des droits de l'homme. Le libéralisme comme ce qui respecte l'individu et non comme ce qui veut le changer (révolutions nazie et communiste). A cela, on rappelle que le christianisme fut aussi révolutionnaire et qu'il a voulu changer l'homme. Certes, mais ce n'est pas exactement du même "homme nouveau" dont on parle - celui de Paul étant glorifié dans la foi d'un Autre et n'étant obligé (aliéné) par aucun processus (programme) politique, le royaume des cieux étant plus à venir qu'à mettre concrètement en oeuvre. Mieux, avec le christianisme, l'homme devient vraiment enfin lui-même - individu unique devant Dieu. Alors qu'avec le communisme et les religions post-modernes, l'homme tel qu'il est, individuel et singulier, doit disparaître.

Génie de Locke qui écrivait :

"Tout homme possède une propriété sur sa propre personne. À cela, personne n’a aucun droit que lui-même. Le travail de son corps et l’ouvrage de ses mains, nous pouvons dire qu’ils lui appartiennent en propre."

Et c'est là que le débat sur la liberté de vendre son corps recommence. JUSQU'A QUEL POINT peut-on lire ou réaliser cette très belle proposition de Locke ? Locke est-il ultra-libéral libertaire ? Non, bien sûr, parce que sa proposition, comme toute proposition, comme toute notion, comme tout principe, contient limites. Ainsi, un libéral classique ne verra aucune dimension libertaire à cette déclaration lockienne. Alors qu'un socialiste, donc hostile par définition au libéralisme, et pour qui le mal absolu est le libertarisme, dira que si, justement, cette déclaration lockienne est déjà libertaire, contient du libertaire en germe. Chaque camp voit l'extrême dans le camp de l'autre. Moi, par exemple, je fais partie de ces gens qui voient la terreur et le goulag en germe dans Rousseau et Marx mais aucunement dans Montesquieu et Constant. Parce que le libéralisme contient ses propres limites. Le libéralisme croit au désordre et aux bienfaits du désordre JUSQU'A UN CERTAIN POINT. Le socialiste est celui qui oblige le libéral à se croire ultra-libéral et libertaire sans voir que le libéral est bien souvent aussi conservateur.

En fait, l'utopie libérale n'est pas l'ultralibéralisme mais l'autorégulation naturelle. Le libéral croit que du désordre va surgir un ordre naturel sans doute inégalitaire mais ni aliénant ni misérable. L'aboutissement du "libéralisme authentique" serait non pas le triomphe du plus fort mais "l’émergence d’un ordre social bien plus efficient que l’ordre naturel ou l’ordre artificiel qui semblaient jusque-là devoir régner sans partage sur la réflexion consacrée à l’optimisation de l’organisation sociale." Un ordre quasi taoïste où le laisser- aller le plus total aurait donné lieu à la société la plus équilibrée, ou le libertarisme, si libertarisme il y a, aurait conduit non pas à Las Vegas mais à la cité de Dieu. Où princes et pauvres s'entendraient comme larrons en foire. L'utopie libérale comme utopie bisounours.

A quoi Gauchet, refusant ce libéralisme idéal, répond : " Nous ne parlons pas du même point de vue. Vous parlez d’une manière normative : ce que le libéralisme devrait être, ce qu’il aurait dû être. Je me contente de parler du libéralisme tel qu’il a été historiquement." Et bien sûr, on acquiesce - tout en se demandant quand même pourquoi nous les libéraux devrions renoncer à notre idéal bisounours alors que les marxistes et autres gauchistes n'y renoncent pas et ont du sang sur les mains ou sur la plume bien plus que nous.

 

8 - Génie et médiocrité du sarkozysme (selon Mathieu Laine)

"À mon sens, Nicolas Sarkozy a gagné l’élection présidentielle parce qu’il était le candidat des idées. Il était celui qui ne cessait de proposer quand les autres se cantonnaient de réagir à ses audaces plus ou moins heureuses programmatiques. Mais même s’il y avait beaucoup d’idées, il n’y avait pas de ligne, pas de cohérence, pas de choix net entre, par exemple, des ambitions interventionnistes d’une part, et des velléités libératrices, d’autre part. Il refusait même explicitement de se laisser « enfermer » dans un camp intellectuel, cette attitude n’étant manifestement pas que tactique. Maintenant qu’il est au pouvoir, cette absence de vision se révèle au grand jour et explique, sans doute, sa paralysie dans l’action. Car si de nombreux chantiers ont été ouverts, nous ne connaissons en rien la rupture promise. Cela ne condamne pas le quinquennat de Nicolas Sarkozy, mais cela le contraint, s’il veut marquer son temps, à choisir une ligne, une perspective de société, et à s’y tenir."

(Rappelons que cet entretien date de 2008 et que force est de constater que...)

 

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9 - Gouvernance et croyance au laisser- aller

"Notre idéologie est discrète, voilà tout. Elle se résume dans une foi dans les régulations automatiques. Nos ancêtres de l’âge totalitaire étaient obsédés par la volonté de maîtriser le fonctionnement de leur société. Nous sommes aux antipodes de cette hantise. Notre foi à nous, c’est que les choses marchent très bien toutes seules. Le mot qui condense ce nouvel esprit de l’époque est « gouvernance ». Un peu de gouvernement, mais le moins possible. Pour le reste, le plus possible d’ajustements spontanés dans le système le plus décentralisé possible. C’est à la puissance de ce schéma de pensée qu’il faut attribuer la désintellectualisation frappante de nos sociétés. À quoi bon chercher à comprendre et à maîtriser des processus dont l’équilibre doit se trouver de lui-même ? L’Union européenne est l’incarnation planétaire de cette façon « post-politique » de faire de la politique…"

L'Europe - nouveau monde qui doit se trouver lui-même. L'idée européenne comme ce qui va s'arranger de soi. L'Europe comme croyance quiétiste. Et c'est marrant parce que je me reconnais totalement là-dedans en me disant en même temps que c'est totalement délirant et irréaliste.

Alors que les Américains croient encore à l'action, eux, courageux, forts et cons qu'ils sont toujours. Plus nous. Nous, nous croyons au petit bonheur la chance. Au Kairos. "Nous sommes de ce point de vue, sans le savoir, à l'avant-garde de l'Histoire."

 

10 - Sarkozy par Gauchet en 2008

"Le cas Sarkozy est très intéressant. C’est un homme dont la grande intelligence fonctionne à l’instinct, sans grandes théories. Son intelligence est d’avoir compris que, dans un pays comme la France, il faut un compromis entre la gouvernance et un certain rôle des idées, de l’Histoire, de l’autorité de l’État, de la mobilisation d’une grande mémoire. Sarkozy, c’est l’union de la technocratie version Union européenne avec le besoin d’idéal. C’est la composante que lui a apportée Henri Guaino. Grâce à lui, Sarkozy a trouvé une synthèse originale qui s’est révélée électoralement déterminante."

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11 -Identité française

La France n'a pas un problème d'identité nationale (contrairement à ce que pensent les "nationalistes") mais un problème d'identité historique (contrairement à ce que pensent les marxistes et consorts, tout ceux qui croient que le problème est "économique et social.").

 

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12 - Domination de la gauche culturelle depuis l'après-guerre.

Ce n'est pas moi qui le dit, c'est Gauchet :

"Le problème nouveau de la droite en France, c’est que c’est la gauche qui définissait l’avenir dans ce pays. La droite était le parti du passé. Or la gauche étant défaillante dans sa fonction traditionnelle, la droite se trouve dans l’obligation de faire ce travail à sa place si elle veut être crédible. La campagne s’est plutôt jouée sur le renouement avec le passé, comme condition de l’avenir. Sarkozy a retrouvé de ce point de vue le fil conducteur du gaullisme."

Le problème est que ce fil a fait long feu et s'est rompu, Sarko apparaissant au fil de son quinquennat comme un opportuniste, une girouette, un derviche tourneur, insuivable même et surtout pour son propre camp.

 

13 -Génie gaulliste : faire une politique de gauche quand on est de droite

"De Gaulle pouvait faire d’une certaine manière la politique de la gauche à droite."

Du moment que le président est de droite, peu importe (jusqu'à un certain point) qu'il fasse une politique de gauche. Ca peut être très bien une politique de gauche, mais moi c'est l'ambiance de gauche que je n'aime pas, la musique de gauche, l'immigré de gauche. Alors qu'un immigré de droite, il faudrait lui donner la nationalité française tout de suite !

 

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14 - Simplifier nos complexités

" À commencer par le poids des extrêmes, même si leur rôle n’est plus ce qu’il a été. L’extrême gauche fonctionne comme un surmoi pour la gauche socialiste, et le vote d’extrême droite est le grand problème électoral de la droite, dont il n’est pas sûr qu’il soit derrière nous. Cet extrémisme structurel contribue au durcissement des clivages. Par ailleurs, la raison première qui a présidé à l’implantation du partage demeure. Pourquoi y a-t-il eu une droite et une gauche ? Parce que le camp conservateur et le camp progressiste ont toujours été traversés en France par des failles très profondes exigeant une unification abstraite. D’où le besoin de fédérer ces familles disparates au moyen d’un affrontement symbolique simplificateur. Prenez nos partis. L’UMP est tout sauf un bloc homogène, c’est une réunion de courants dans une machine politique construite pour les besoins de la cause. Le Parti socialiste se divise à chaque occasion. Il est manifeste qu’il y a plusieurs gauches dans la gauche."

Et plusieurs droites dans la droite, plusieurs extrêmes droites dans l'extrême droite - et aussi plusieurs catholicismes, plusieurs islams, etc. Et là il dit quelque chose de très important et de très émouvant : nous avons besoin de simplifier nos positions non pas parce que nous sommes trop simples mais parce que nous sommes justement trop compliqués ! Nous sommes traversés par de telles failles idéologiques et religieuses qui sont autant d'irrésolvables contradictions (et que bien sûr l'adversaire prend plaisir à stigmatiser, mais comme nous le faisons aussi, c'est de bonne guerre) que nous sommes bien obligés de recourir à une unification abstraite. Parce qu'un moment donné, Anagké sténaï, "il faut s'arrêter" au sens littéral. Non pas arrêter, mais s'arrêter, s'arrêter soi, et tenter d'avancer, c'est-à-dire de laisser en jachère des parties de soi qui vont dans le mauvais sens - quitte à les reprendre plus tard. Et c'est la raison pour laquelle je m'insurge contre la fameuse objection "trop facile". "C'est trop facile de se dire catho et de se conduire comme un libertaire, c'est trop facile de se dire libéral alors qu'on est un fonctionnaire, c'est trop facile de parler de responsabilité quand on est bien loti, c'est trop facile...." Mais non, justement, c'est très difficile d'organiser toutes les forces en soi, de respecter toutes les configurations de domination ou autres formations de souveraineté. Quelle Herrschaftsgebilde pour quel problème ? Il est bien là le problème.

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18:35 Écrit par Pierre CORMARY | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marcel gauchet, revue des deux mondes, libéralisme, politique, droite, gauche | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer