La féminité, c'est l'hospitalité (24/09/2020)

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Lettre de Gérard Depardieu à Catherine Deneuve, 1988 :
 
 
« Ma chère Catherine,
 
 
Nous venons de vivre douze semaines ensemble. C'était la première fois que nous tournions en extérieur, la nuit. Je t'ai vue belle et fatiguée, belle étendue. Je t'ai découverte belle de nuit. Il y a des beautés figées, égoïstes. Des beautés qui cherchent à vous en imposer, à vous réduire à un rôle de Sganarelle ou de Quasimodo. La vraie beauté est enrichissante. Près d'elle, près de toi, je me sentais incapable de mauvaises pensées, d'être violent. Cette beauté-là apaise, rassure, vous rend meilleur.
 
Notre couple de cinéma est plus intense, plus solide que beaucoup de couples dans la vie.
 
Il y a un vrai désir à jouer ensemble. Une complicité professionnelle qui peut en rendre plus d'un jaloux. On s'amuse tous les deux. On s'amuse à s'embrasser devant les caméras alors que la plupart des acteurs vous diront qu'il n'y a rien de plus casse gueule, de plus angoissant qu'un baiser au cinéma. Nous, on se regarde, on se dit des yeux : "on va encore y avoir droit".
 
J'ai lu dans un sondage que tu étais la maîtresse rêvée des Français. Je sais qu'il y a des légendes qui courent autour de nous, que l'on fantasme sur notre couple depuis "Le dernier métro", il y a un interdit entre nous.
Tu es une idole bourgeoise et racée, je suis un fils de paysan aux mains fortes avec toute sa santé. Toi et moi, c'est presque une conquête sociale. La chance pour un gars de la Terre un peu rustre d'être aimé par la plus belle femme du faubourg Saint-Germain. C'est la prise de la Bastille de l'amour.
 
Tu traînes avec toi deux énormes valises chargées de fantasmes alors que tu vis des choses simples, très poétiques. Tu as su protéger ta vie privée, tes enfants. Certains pensent que tu es froide, tu es simplement directe, franche, sans ambiguïté. On te croit, sereine, organisée. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi désordonnée, fantaisiste avec l'argent, avec ses affaires.
 
Mais il y a plus intéressant que l'actrice. Sa beauté institutionnelle. Gainsbourg disait que tu marchais comme un soldat, Marcello Mastroianni, que tu étais un Prussien. Je ne t'ai jamais vue te plaindre sur un tournage. Tu peux rester debout des heures sans un mot, sous un soleil de fou, dans un froid de canard. Tu peux faire la fête, boire comme un hussard et être prête au combat le lendemain.
 
Un jour, dans une interview, j'ai déclaré que tu étais l'homme que je voudrais être. J'ai envoyé cette phrase insensée pour dire que j'enviais chez toi ces qualités qu'on prête d'ordinaire aux hommes et qu'on trouve si rarement chez eux. Tu es plus responsable, plus forte, plus carapacée que les acteurs. Tu es moins vulnérable. Sans doute ce paradoxe est-il la vraie féminité.
 
La féminité, c'est l'hospitalité, l'ouverture, c'est aussi pouvoir résister, savoir résister, ne pas se laisser atteindre par ces regards malsains, insistants, allusifs. On n'est pas dans un monde où l'on accepte la féminité.
Il y a souvent des histoires plus fortes entre les hommes et les femmes quand la sexualité n'est pas là.
 
Elle était belle, si la Nuit
Qui dort dans la sombre chapelle
Où Michel-Ange a fait son lit,
Immobile peut être belle.
 
Peux-tu m'écrire, Catherine, pour me confirmer qu'il s'agit bien d'un poème d'Alfred de Musset ?
 
Je t'embrasse,
 
Gérard. »
 
 

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12:07 Écrit par Pierre CORMARY | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gérard depardieu, catherine deneuve, le dernier métro, homme, femme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer