Suite Sollers XIII - Agent secret, 2012 - Légende du père (19/04/2021)

 

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Sollers, Julia Kristeva et leur fils David

 

« Le bonheur est possible. Je répète. Le bonheur est possible. » 

 

 

Tout ce qui aura rendu heureux Philippe Sollers n’est pas permis : l’envie d’être un oiseau (et donc l’être dans une phrase) ou un poisson pour « nager dans l’encre bleue » ; l’enfance, milieu des femmes s’il en est, mère, tantes, sœurs et leur douce ambiance incestueuse ; le savoir-vivre de l’époque malgré l’Occupation, et bien sûr les artistes et les poètes, Haydn, Watteau, Hölderlin, tant d’autres. Tout est bon pour se confondre « avec la lumière, l’alcôve, la vague » et cela malgré les crises d’asthme, les otites, les Allemands dans la maison. Agent secret, et ce n’est pas là son moindre paradoxe, dit et montre tout de l’auteur de Portrait du joueur tel un album de famille qui se feuillette. Beau livre au papier glacé entrelacé de photos et qui pourrait être le dernier de Sollers – mais combien de derniers livres Sollers a-t-il écrit ces derniers temps ? Ultimes variations qui se suivent, se ressemblent, se remotivent inlassablement comme une fugue qui n’en finirait pas et donnerait un peu plus de bonheur à chaque fois. C’est que le bonheur est toujours une reprise, un carrousel, un nouveau mouvement du même, du désir, de la beauté, une école du mystère menée par un médium, une éclaircie, une chambre claire, ce dont lui-même a été conscient très jeune : 

« Voici la façade de ma maison, la photo n’est pas très bonne, je l’ai prise lorsque j’avais treize ou quatorze ans, c’était une obsession, je la photographiais tous les jours comme si je pressentais qu’elle allait disparaître. » 

Rien ne doit disparaître. Donc, écrire, recueillir, suspendre, expérimenter notre éternité comme dit Spinoza. Ne pas avoir peur de se répéter ni de se contredire. Tout est bon dans l’infini et surtout le premier amour, celui vécu avec E.S.M., la « Concha » d’Une Curieuse solitude et dont Sollers écrit enfin le nom en toutes lettres après soixante-dix ans d'initiales : Eugénia San Miguel.

Il faut dire que l'auteur de Trésor d'amour a connu des amours qui font rêver n’importe quel homme divinement constitué, celui avec la femme plus âgée, Concha d’abord, puis Dominique Rolin, son Athéna (elle a 45 ans et lui 22, l’idéal absolu). On comprend qu’il s’intéresse au couple Macron, au corps catholique et informé du président [lire son fabuleux MACRON LACANIEN] – et même si le catholicisme est en train de se casser la gueule et cette fois-ci sans doute définitivement, car trop pédophile, progressiste, régressif, hypocrite, psychorigide, bisounours, incapable de régler ses contradictions. C’est cela un agent secret, quelqu’un qui voit les contradictions, les vit et les sublime – avec Hegel, jamais très loin : « la rose de la Raison dans la Croix du Présent », l’utopie de la réconciliation.

Alors évidemment, la Chine, Mao, le grand bon en arrière, la défaite de la pensée, l’utopie aux cinquante millions de morts. Parfois les « IRM » (« Identités Rapprochées Multiples ») déraillent. L’auteur de Paradis ne s’en est jamais repenti. Mais quoi ? Que ne ferait-on pas pour la calligraphie ?

À l’enfer moderne, préférer résolument le paradis classique. Éternelles retrouvailles du second plutôt qu’éternels regrets du premier – l’important étant de « toujouriser », comme dit Dante, ou « s’insemprare ». « Amener l’écriture à l’écriture », ça a été son grand truc, à l’auteur de Drame (et comme Hitchcock aurait « amené le cinéma au cinéma »). Il y a tout un aspect « sérieux » de Sollers qui a été un peu oublié, qui est à redécouvrir, « dodécaphonique » s’il en est, mais auquel on préfèrera toujours son aspect mozartien, flûte enchantée, combat amoureux avec la Reine de la nuit (encore sa mère qui n’appréciait pas du tout, quand il était jeune, ses aventures féminines et voulait lui couper les vivres, ignorant que son époux envoyait de l’argent en cachette à leur fils). Si ce sont les femmes qui ont fait l’homme, ce sont les hommes qui ont fait l’écrivain : Mauriac, Aragon, Barthes, Ponge, Bataille – singularités essentielles. En attendant son propre fils, David, cet « innocent » qu’il aime entre tous et dont celui-ci, quand il était enfant, disait de lui : « Papa est comme Dieu, il existe mais il ne répond pas ». Parions que le fils est devenu agent secret de son père et tue les prétendants avec lui comme Télémaque avec Ulysse dans l’Odyssée :

« On a pour la première fois dans l’histoire du monde humain un père qui s’entend avec son fils. »

Mais c’est une légende.

 

 

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Début de la Suite Sollers (2007)

 

08:35 Écrit par Pierre CORMARY | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe sollers, légende, bonheur, macron lacanien, eugenia san miguel, concha | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer