JEAN I (2) - Nathanaël ou l'effet figuier (10/04/2024)
Denis Bergeret (1846 - 1910), Nature morte au pichet, aux figues et aux raisins
Nathanaël – le premier interlocuteur du Christ, sinon le premier élu qui ne soit pas un apôtre, le premier qui soit choisi à l'extérieur (quoique présenté par Philippe), en dehors du cercle, le premier "civil".
Nathanaël – celui dont on s'est demandé s'il n'était pas Barthélemy (celui qui suit Philippe dans la liste des apôtres) et mieux si ce n'était pas lui « l'apôtre que Jésus aimait », bien plus que Jean. À moins qu'il n'ait été l'époux de Cana où Jésus va faire son premier miracle, le chapitre d'après. Ou encore Jacques, le frère du Seigneur. En tous cas, un très heureux prédestiné – alors que rien ne semblait le prédisposer à cela.
Nathanaël – celui que Jésus a vu en train de ne rien foutre sous son figuier (sauf penser que « rien de bon ne peut sortir de Nazareth » ! comme quoi, et comme souvent dans l'Évangile, le meilleur peut venir du pire) et qu'il a élu par sa seule vue.
« D'où me connais-tu ? demande Nathanaël.
Avant que Philippos ne t'appelle,
quand tu étais sous le figuier,
je te voyais. »
Dès lors, révélation immédiate de Nathanaël :
« Nathanaël lui répond :
Rabbi, tu es Fils de Dieu,
tu es Roi d'Israël. »
Avant Pierre, avant tous les autres, Nathanaël reconnaît la messianité de Ieschoua.
Réponse fulgurante de ce dernier :
« Parce que je t'ai dit
"je t'ai vu sous le figuier", tu crois.
Tu verras mieux encore. »
Pour une promesse, c'en est une.
Mais on notera l'arbitraire de l'élection.
Ieschoua nous voit et nous nomme.
Pourquoi lui et pas l'autre ?
Décision, prédestination.
Et ce n'est que la première !
Ieschoua a vu Nathanaël sous le figuier – comme il verra la samaritaine près du puits. Comme il s'adressera à elle comme il s'est adressé à lui. Comme s'il était en quête d'eux. Comme s'il était en demande d'humanité. Mais c'est le cas ! Dieu demande. Dieu est la demande – bien plus que l'offre. C'est nous, l'offre.
« Être sous le figuier », cela veut dire, pour les anciens rabbins, « être dans la méditation des Écritures ». Mais par extension, cela peut signifier aussi : « être en soi », dans sa bulle, ses pensées, ses soucis, ses extases, son instant mystique.
Anyway... Dieu nous précède. Nous appelle. Et personne ne résiste à cet appel. Le faire, ce serait comme refuser de respirer. On tient quelques secondes, pas plus.
De toute façon, c'est l'échelle de Jacob qui fait tout. Et Ieschoua de la rappeler à Nathanaël :
« Amen, Amen je te le dis,
vous verrez les cieux ouverts
et les anges de Dieu monter
et descendre au-dessus du Fils de l'Homme. »
Bref, mangez des figues.
Cependant, rappelons-nous quand même que Nathanaël/Barthélemy finit crucifié, sinon écorché vif (à la Marsyas) et qu'on le représente toujours en train de porter sa peau – lui-même étant devenu entre temps le saint des bouchers, tanneurs et relieurs.
Saint Barthélemy tenant sa peau pendante et le couteau ayant servi à l'écorcher, dans le Jugement dernier, de Michel Ange. Notons un air de reproche, comme s'il en voulait Dieu d'avoir souffert pareil supplice.
Saint-Barthélemy, par Matteo fi Giovanni (vers 1480)
À SUIVRE – JEAN II Les métamorphoses (Cana / Marchands du temple)
À REPRENDRE – JEAN I (1) Au commencement, le Verbe.
07:36 Écrit par Pierre CORMARY | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nathanaël, figuier, évangile de jean, jean-yves leloup, barthélemy, marsyas | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer