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JEAN I - Au commencement, le Verbe.

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Paradise (studio Smack, 2016)  cliquer sur l'image.

 

PARDÈS

parc 

jardin

paradis

P – « pé » / PSHAT  sens littéral, naturel, obvie----------> MIQRA (lecture.)

R – « resh » / REMÈZE sens allusif et même insinueux, courbé (ou « clin d'œil »)----------> MISHNA (méditation et, par là-même, répétition, reprise de la lecture.)

D – « delet » / DRASH  sens interprétatif, recherché, « arraché » ----------> TALMUD (étude ou contemplation).

S – « sameck » / SOD  sens secret, ésotérique, mystique ----------> KABBALE (révélation).

(Les quatre « Existenzialen » selon Karl Barth : émerveillement, émotion, engagement, foi.)

 

*

 

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Saint Jean l'évangéliste (Le Greco, 1609, Prado)

 

 Et d'abord, un drôle de gus, ce Jean ! 

Plus grec que juif, dit Jean-Yves Leloup qui inspire ce post comme il va inspirer les suivants.

Celui qu'on appelle « l'apôtre bien aimé ».

Celui qui dort auprès de Ieschoua.

Celui qui recueille la Mère chez lui. 

Celui qui donne le premier une « définition » de Dieu : Lumière et parole. 

Celui qui ose dire que Dieu est venu sauver le monde et non pas le juger (la morale rétributive - catholique - des hommes positifs en prend un coup !).

Celui qui ne dit d'ailleurs que des choses insensées comme « nul n'a vu Dieu », donc ne le connaît (coucou Maître Eckhart, Nicolas de Cues et autres apophatiques !) ou comme « si ton coeur te condamne, Dieu est plus grand que ton cœur »  et c'est bien ce qu'on attend d'un Dieu d'amour, qu'il soit plus grand et plus fort que moi, qu'il me sauve malgré moi.

Celui qui est l'auteur de l'Apocalypse.

Celui qu'on représente par un dragon ou un aigle.

Celui qui apparaît comme le sorcier du groupe (l'épisode de la coupe empoisonnée qu'il déjoue et de laquelle il fait sortir un dragon  voir les représentations du Greco et de Rubens.)

Le premier gnostique en ce sens.

Et qu'on a souvent comparé à Janus (car il a plusieurs faces), Poséidon (plusieurs formes) et même Déméter (car il est l'apôtre des mystères, donc Éleusis etc.)

Celui qui appelle au mystère, donc à l'interprétation. 

Et même l'inter-être-prétation. 

La Bonne Nouvelle comme herméneutique. 

Ça rappelle Nietzsche, tiens ! « Il n'y a pas de faits, il n'y a que des interprétations ».

Jean nietzschéen ? Comme Matthieu kantien, Marc cartésien, Luc hegelien ? Pourquoi pas ?

Donc, au commencement était le Verbe.

On trouve ça très beau sans vraiment vouloir comprendre.

Le Verbe, le Verbe... C'est un peu trop intello comme théologie. Un peu trop juif aussi. Et un peu trop hamlétien : words, words, words. Ou paroles, paroles, paroles, comme le chantait Dalida.

Un esprit positif et moral aurait d'abord pensé : 

Au commencement était l'action, le contrat, l'éthique, le droit, la morale, la cité, le commun, l'égalité.

Mais non, le Verbe !

Autant dire, au commencement était la littérature.

Au commencement était le poème - avant le monde.

Au commencement était la lettre - avant l'Être.

Cela ne va pas de soi.

Rien ne va de soi.

Ni cette confrontation de l'Être grec et de l'Autre juif.

Ni ce mélange de temps grec (chronos/Aïon) et de temps juif (accompli/inaccompli).

Cela vaut la peine de s'y pencher. 

Et c'est ce que je vous propose en ces Pâques 2024.

Entrons dans la logophanie johannique.

En suivant les commentaires de Jean-Yves Leloup et sa traduction gréco-hébraïque qui peut surprendre mais sur laquelle il s'explique dès la première page de son introduction

 

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Saint-Jean l'évangéliste (Rubens, vers 1611, Prado)

 

« LE SOUFFLE ET LA BRAISE » 

« Rabbi Natan de Beit Grovin disait : 

" il sied à l'humanité de parler quatre langues : le grec pour la poésie, le perse – d'autres disent l'araméen –  pour les élégies, l'hébreu pour le dialogue, et le latin - romi (la langue occidentale) pour la guerre..." 

Dans l'Evangile de Jean, il y a du grec et il y a de l'hébreu, c'est dire que l'espace de la lettre y est ouvert pour la poésie et le dialogue, espace pour une pensée de l'Être sans oubli de l'Autre. Sauf découverte de nouveaux manuscrits, pour le moment, on ne peut le lire qu'en grec et ainsi il nous donne à voir et à contempler “le Verbe de Vie“.

Mais les nombreux sémitismes du texte nous invitent aussi à l'écouter, le discuter, le dialoguer. 

Y aurait-il dans l'Evangile de Jean une rencontre possible du penser grec et du penser sémite capable de renouveler le champ de l'herméneutique contemporaine ? 

Paul Ricœur, note à propos de Heidegger “qu’il lui est parfois arrivé de penser à partir de l'Évangile et de la théologie chrétienne ; mais toujours en évitant le massif hébraïque qui est l'étranger absolu par rapport au discours grec, il évite la pensée éthique avec ses dimensions de relation à l'autre et à la justice (…) et ne reconnaît pas sa différence radicale avec la pensée ontologique. Cette méconnaissance me semble parallèle à l'incapacité de Heidegger de faire le “pas en arrière“ d'une manière qui pourrait permettre de penser adéquatement toutes les dimensions de la tradition occidentale.

 La tâche de penser la tradition chrétienne par “un pas en arrière“ n'exige elle pas qu'on reconnaisse la dimension radicalement hébraïque du christianisme qui est d'abord enraciné dans le Judaïsme et seulement après dans la tradition grecque ?“

“Pas en arrière“ ne veut pas dire nécessairement rétroversion du grec en hébreu, comme le proposent certains, mais il s'agit de donner une traduction du texte qui respecte au moins la saveur sémite du grec johannique. Cela n'est pas fait pour en faciliter la lecture, c'est une invitation au lecteur pour qu'il approche son souffle de ses braises obscures et que dans cet effort d'écoute qui est le premier pas du dialogue, elle lui révèle le poids de clarté et de chaleur. »

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1 – Au commencement : le Logos,

Le Logos vers Dieu,
le Logos est Dieu.
 

Au commencement – en « Arché », en tête, à la source, à l’origine, au fondement. 

Aleph – unité.

Beth – dualité. 

À l'Un était l'entrée dans le Deux. 

Du composé commençait le décomposé. 

Du Verbe, l'Être. 

l'Évangile de Jean sera l'Évangile de l'ontologie. 

Logos (« Davar » en hébreux) : parole, verbe, mais aussi information créatrice, sinon génétique. 

Au commencement était l'information, la relation, le rapport, la génétique – encore un peu, et il disait le sexe. 

« Et le sexe des femmes inondé de lumière », écrivait quelqu'un. 

Logos : feu et lien (« desmos »). On pense à Héraclite – dont Saint-Justin disait que ce dernier méritait d'être qualifié de chrétien six siècles avant JC. 

Mais on pense aussi à Aaron. Medium, media, milieu. Car il faut parler au peuple et Moïse ne sait pas, ne peut pas.  Dieu encore moins. Il faut donc un entre-deux (un Twixt, dirait Coppola) au risque que la communication se pervertisse. Parler, enseigner, diffuser, c'est toujours corrompre, galvauder, salir. Mais c'est ça ou rien. L'impur ou le pur. Dieu choisit l'impur – l'homme pécheur, la souillure, la scission. Ou si l'on préfère, Dieu choisit l'homme qui a choisi le péché. Dieu choisit l'homme de la chute. Dieu a besoin de quelqu'un qui tombe avec l'homme pour le récupérer, le remonter, le réintégrer.

Au commencement était le Père, au développement sera le Fils. 

Le Logos comme mouvement du Père au Fils.

Mouvement qui s'appellera (qu'on appellera) Saint Esprit. 

Le Saint Esprit, électricité spirituelle, éclaircie de l'âme, pleurs de joie – pensée.

Tout Jean est là : dans l'intimité trinitaire. 

Mais au commencement était aussi la chute. La perte. Le manque. Le déficit. Le découvert. 

Alors, la reprise, la remontée, l'échelle de Jacob – mais aussi la croix. L'érection de la croix. 

Le Fils comme retour au Père. 

Et nous avec Lui.

Dans l'oeil de Dieu.

Celui qui regarde Caïn mais celui aussi où se retrouve Caïn – ou existe Caïn. Caïn sauvé par Dieu, il ne faut jamais l'oublier.

Caïn, le premier sauvé.

Dieu verbe mais aussi (et c'est le plus étonnant) Dieu vue. 

« Deus » en latin = jour, lumière. 

« Theos » en grec = théorie, contemplation, vue. 

« L'oeil par lequel je vois Dieu est l'oeil par lequel Dieu me voit » (Maître Eckhart.)

 

Abacus Chapelle – La traduction de Logos par Verbe est quand même très problématique.

Par ailleurs il ne vous aura pas échappé que « au commencement », en hébreu (oui, je sais, l’évangile de Jean a été écrit en grec) se dit Bereshit. Et la première lettre de Bereshit est Beth.

La création se fait donc à partir du nombre 2. 

Percey Mirrora – Au commencement est le un, au développement est le deux. 

Abacus Chapelle – Alphabétiquement et paradoxalement non. 

Percey Mirrora - Disons alors que même si c'est par le deux que tout commence (et c'est vrai d'ailleurs car le deux contient le devenir et le mouvement), il arrive dans l'esprit après le un. Le deux arrive avant le un mais on en prend conscience après avoir appréhendé le un. Au commencement divin était le deux mais à notre commencement "psychologique" était le un. Bref, cela commence par un deux même si nous comprenons ce deux après le un. Je me demande si ce ne serait pas la meilleure définition du temps, cela - du moins du rythme. Un deux alors que deux un

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2 – Il est au commencement avec Dieu.

3 – Tout existe par Lui.

Sans Lui : rien. 

 

Dieu, l'anti-néant mais Dieu aussi néant... Au sens où Dieu n'est rien de ce qui existe.

Au sens où Dieu est l'incréé.

De cet incréé va naître le créé.

Du rien va surgir tout. 

Dieu est notre « buée » (Chouraqui).

 

4 – De tout être, Il est la vie.

La vie est la Lumière des hommes.

 

Dieu est vie (« zoé ») et lumière (« phos »). 

Dieu est l'Un qui fait Deux (et même Trois). 

Dieu pourrait se nommer « D.eux ».

Dieu est le seul inclusif.

 

5 – La lumière luit dans les ténèbres (« en te skotia phainem »)

et les ténèbres ne peuvent l'atteindre

 

[Non au sens « y accéder », mais au sens « agresser ». Les ténèbres ne peuvent rien contre la lumière qui brille, malgré tout, en eux.] 

Chacun sa lueur. Sa monade. Sa clarté. Sa distinction. Sa braise.

Dieu nous étreint en lui. D'où l'espérance joahnnique, selon Jean-Yves Leloup, que le mal ne l'emportera pas – qu'il n'y aura pas d'enfer. « Je ne suis pas venu juger le monde mais le sauver » (et les peine-à-jouir surgissent pour rappeler que non, non, non, il n'a pas dit que ça. ll y a plein de versets qui affirment le jugement, la sanction, l'enfer et gna gna gna. On se demande quel est leur genre d'espérance à ces punisseurs – en grand danger d'être punis eux-mêmes, d'ailleurs. Car ce sont les juges qui seront jugés et les condamnés à mort qui s'échapperont. C'est cela, l'espérance.)

 

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Un Condamné à mort s'est échappé ou Le Vent souffle où il veut (Robert Bresson, 1956)

 

6 - Paraît un homme, envoyé de Dieu,

Iohanân est son nom.

 

Jean-Baptiste, l'ad-verbe (tourné vers le Verbe.) 

Être chrétien – laisser le SOI prendre le pas sur le MOI.

Jean // Jung.

 

7 – Il vient comme Témoin (« martus »)

pour rendre témoignage (« marturèsé ») à la Lumière,

afin que tous y adhèrent (« pistéusosin »).

 

8 – Il n'est pas lumière

mais témoin de la Lumière

 

Être capable de Dieu, « capax dei ». La seule question. Suis-je « capax dei » ? Rien n'est moins sûr. 

« L'Evangile est merveilleux, les chrétiens sont sordides » (Gandhi).

 

9 – Le Logos est la lumière véritable

qui éclaire tout homme

[« To phos to alethinon photizei panta anthropon ».]

 

Au moins, être sensible au beau. Aimer le beau (philocalie). C'est déjà ça. Déjà Dieu. 

D'ailleurs, Dieu est un déjà et même un déjà-là – comme l'Être chez Heidegger, tiens ! 

Et il y a du divin partout, il s'agit d'y être sensible. Et pour cela, donner sa chance à tout le monde – même à Alain Badiou ou à Judith Butler, quoi qu'il nous en coûte. Ne jamais être jaloux de la vérité qui est dans l'autre (Maître Eckhart, encore). Au contraire, intérioriser cette vérité. Toutes les vérités sont bonnes à prendre, même chez notre pire ennemi. Tout est bon dans le cochon. Se réjouir des autres, avec les autres, grâce aux autres. Tenter l'amitié, puis un jour peut-être l'amour.

Gare à la vérité sans amour qui n'est qu'orgueil, cruauté, inhumanité, Inquisition, tortures, bûcher – première forme du démoniaque. 

Par ailleurs, ne jamais oublier que QUICONQUE REVENDIQUE LA VÉRITÉ, LA VÉRITÉ L’ABANDONNE.

Gare à l’amour sans vérité qui n'est qu'égoïsme, jalousie, possessivité, emprise, hypocrisie, meurtre (« Je l’ai tuée, ma Carmen adorée »), bêtise – deuxième forme du démoniaque.

 

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Les Diables (Ken Russel, 1971)

 

10 – Il est dans le monde (« kosmos »),

Le monde existe par lui,

Le monde ne le connaît pas.

 

Le monde, risque de Dieu.

Dieu dans le monde et dans l’Histoire.

L’Histoire inscrite dans la prière (« crucifié sous Ponce-Pilate »).

Même si le monde oublie Dieu à chaque instant – y compris certains croyants à la Hubert-Marie qui ne veulent surtout pas mêler Dieu au monde, au nom de la pureté du premier et de l'impureté du second, et le recrucifient à chacune de leur prière. 

 

11 – Il vient chez lui,

Les siens ne le reçoivent pas.

 

Les siens, d’abord les Juifs. 

Ensuite, nous tous.

Les Juifs qui avaient inventé l’universalité – et l’ont gardé pour eux.

Car « une chose est de posséder l’idée du dieu universel, autre chose est d’y faire entrer les autres peuple », et comme le dit Marcel Gauchet dans La Condition historique.

Les Juifs, peuple élu qui nous élève – et qui provoque notre rejet.

Car l’on ne supporte pas que des « élus » nous élèvent. L’on ne supporte pas que ce peuple si bien informé nous informe. L’on ne supporte pas, surtout, la verticalité – cette exigence qui consiste à nous faire sortir de notre nature, ce chantage à l’idéal que les Juifs ont imposé par trois fois à l’humanité : Moïse, Jésus, Marx.  La Loi, l’Amour, le Social. 

« Par trois fois, le judaïsme a soumis la civilisation occidentale au chantage de l’idéal. Quel plus grave affront ? Par trois fois, comme un observateur fou dans la nuit (Freud a même arraché les hommes à l’innocence du rêve), il a crié au commun de l’espèce humaine de se transformer en une pleine humanité, de renier son moi, ses appétits innés, son parti pris de la licence et des options. Au nom du Dieu ineffable sur le Sinaï ; de l’amour délivré pour son ennemi ; au nom de la justice sociale et de l’égalité économique. » (George Steiner, Errata). 

Pour autant, dans le cas qui nous occupe, ce sont les Juifs qui n’ont pas supporté Jésus – soit le Juif qui ne venait pas s’occuper que des Juifs mais de l’humanité entière. Le Messie non-communautariste qui avait comme souci le monde entier. L’élu pour tous. L’incarné pour chacun. 

Les Juifs n'ont pas supporté ça – et nous non plus. 

Être chrétien, quelle blague ! Mais ça aussi, Dieu le savait. 

 

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12 – À tous ceux qui le reçoivent,

à ceux qui croient en son nom,

Il donne d’être enfants de Dieu.

 

Nom de Dieu.

Dieu comme Nom.

Le Nom comme Présence, Énergie, Réel.

Être attentif au Réel.

Écouter le Réel.

Respecter le Réel. 

« Une des christologies les plus anciennes est celle où on considérait le Christ comme celui qui incarne le Nom, le porteur du Nom, le révélateur du Tétragramme sacré, celui qui manifeste dans sa chair le secret [le mystère, plutôt] de l’Être et de l’Amour. »

 

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Tétragramme de Notre-Dame-de-Lorette (sur les tétragrammes des églises de Paris, voir ici.

 

13 – Engendrés,

ni du sang,

ni de la chair,

ni d’un vouloir d’homme,

mais de Dieu.

 

« Naître d’en haut ». 

Accepter d’être divinisés – au moins réhumanisés.

Remontés.

Echelle de Jacob, encore et toujours.

 

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14 – Le Logos a pris chair.

Il a fait sa demeure parmi nous.

Nous avons vu sa Gloire,

pleine de Grâce et de Vérité.

Présence filiale – monogène

qu’il tient du Père.

 

Chair, c’est-à-dire sarcophage (« sarx ») en grec, « bazar » (bordel !) en hébreux.  Le corps – mort et bordel. 

Demeure – « Eskenosen en èrim », littéralement : « il a planté sa tente en nous ».  Tente. Camping. Patrick Chirac. 

Gloire – en grec « doxa », en hébreux « kabôd » qui veut dire « poids de la présence ». 

Grâce – « charis » en grec qui va donner charisme et charité. 

Vérité – « aman » (« amen ») en hébreux : ce qui est stable et digne de confiance, sur ce quoi on peut s’appuyer. Le rocher. Le roc. Dwayne Johnson (je dis ça pour que le lecteur se réveille.) 

Vérité – « aletheia » en grec : dévoilement, éveil, sortir du Léthée, de l’oubli. 

« Jésus n’a jamais dit : “j’ai la vérité“ mais “je suis la vérité“ », ce qui peut paraître improbable sur le plan psychologique mais tout à fait probant sur le plan métaphysique. « Je suis la vérité » est un pléonasme dans la bouche de celui qui dit « Je Suis ». 

Et encore une fois, même si on ne croit pas en Lui, on peut croire en l’Être.

L'Être est un accès à Dieu. 

Tout comme la génétique.

Dieu nous génère.

Dieu est une génétique.

 

15 – Ioanân lu rend témoignage.

Il crie :

Voici celui dont j’ai dit :

« Lui qui vient après moi

est passé devant moi,

Parce qu’avant moi Il était. »

 

Ceci nous ramène à nos histoires de commencement du temps.

Celui qui vient après moi était là avant moi.

Le second était premier et le premier second.

Deux en un.

Mais n’est-ce pas une loi de la vie, de la conscience plutôt, que de se rendre compte des choses après coup ? Un peu comme un enfant découvre son corps après qu'il l'a eu. 

 

16 – De sa Plénitude, nous avons tous reçu,

et grâce sur grâce.

 

Le plérôme et la grâce sans fin.

« Grâce sur Grâce »

D’abord, celle de la vie, gratuite, puis celle de l’enseignement tout aussi gratuit.

Zoé, puis Thora qui permet de comprendre la Zoé et comme si elle arrivait avant elle – ou plutôt qu’elle arrivait après elle mais se replaçait devant elle etc.

 

 17 – La Thora nous a été donnée par Moshé.

La grâce et la Vérité nous sont venues par

Ieschoua, le Messie. 

 

Et ici, ça se corse puisqu’après la Vie et la Loi, voici qu’arrivent l’Amour et ses complications.

Et avec cette parole mystérieuse : « je ne suis pas venir abolir la Loi mais l’accomplir ». Mystérieuse car donnant l'impression que pour l'accomplir, il ne faut pas l'appliquer. Ne pas lapider la femme adultère, faire fi du shabbat, laisser le condamné à mort s'échapper et même l'aider à le faire.

 

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18 – NUL N’A JAMAIS VU DIEU.

Le Fils monogène

qui demeure au sein du Père,

Lui, nous le fait connaître

(« exegesato ») 

 

Dieu caché, apophatique, innommable dont Thomas d’Aquin dira que « nous ne savons pas ce qu’il est, seulement ce qu’il n’est pas. »

Dieu que nous ne pouvons définir que par des termes négatifs ou abstraits : infini, incréé, éternel.

Dieu qui contient en lui tous les contraires et tous les mystères et qui fait, comme disait Einstein, que « le monde soit de temps en temps compréhensible. » 

Dieu mystérieux mais non éloigné. Dieu au contraire extraordinairement proche. Sans doute encore plus proche de moi que moi. Qui me connaît mieux que moi (du moins, je l’espère.) 

Même si on peut toujours être tenté par la « gématrie » – soit l’exégèse numérique, algorithmique de Dieu. 

Non, le plus incroyable est le sentiment que le monde « fait » Dieu. Que l’homme « fait » Dieu. Que beauté, bonté et vérité « font » Dieu. 

Que Dieu, même s’il n’existe pas, est une sacrée bonne idée. Sans doute la plus haute que puisse avoir un homme. 

Et d’ailleurs, Dieu n’existe pas, Il Est. 

Sollers disait ce genre de choses. 

Dieu est Deuxième vie. 

Dieu est paradis, comme on a dit.

 

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Photo tirée de Pile ou face

 

À SUIVRE – JEAN I (2) Nathanaël ou l'effet figuier

 

 ADDENDUM - Disputatio avec Gabriel Nerciat :

GN

Une objection, quand même, et de taille : le Mystère n'a rien à voir avec l'herméneutique, de même que le Verbe avec l'ontologie ; c'est même ainsi que je comprends le sens de l'incipit johannique sur la non-reconnaissance de la Lumière divine au sein du monde, et la grandeur consécutive de l'Incarnation divine. C'est avec la métaphysique néo-platonicienne de Plotin que rivalise l'évangile de saint Jean (écrit en grec), pas avec l'Ancien Testament ou on ne sait quel apocryphe hébreu, et encore moins avec Heidegger. Et puis, non, désolé, comme toujours : saint Jean n'est pas un protestant ; nulle part il n'affirme que Dieu doit ou va nous sauver malgré nous. Il dit que l'on ne peut pas être sauvé sans la manifestation de la Grâce de Dieu car le péché originel nous a rendus indignes, ce qui n'est pas la même chose.
 
PC
 
On dirait que votre obsession est de couper définitivement l'Évangile, et au fond le Christ lui-même, avec ses racines juives et de les rattacher à tout prix aux antiques, Plotin et co. Alors que les unes vont avec les autres, ce que Leloup a bien compris.
Quant à l'herméneutique, elle ne remplace pas le Mystère mais l'accompagne.
Enfin, le Verbe, c'est (par définition) l'ontologie.
 
GN 
 
Non, les racines juives sont bien présentes dans les Evangiles (la Transfiguration ou les références fréquentes à la figure messianique décrite par Isaïe), mais pour mettre en scène une rupture assumée avec elles, ou du moins avec l'orthodoxie hébraïque du Temple et des pharisiens. Avec Plotin aussi, il y a une confrontation assumée (l'Evangile de saint Jean n'est pas néo-platonicien mais il en emprunte la vision métaphysique et le vocabulaire). Et non, le Verbe n'est pas l'ontologie, justement : il s'inscrit dans une théologie providentielle de la Création et de la Chute, qui ne se contente pas de penser l'évidence ou la réalité de l'être-au-monde.

PC

Je vous entends mais à un certain moment, l'Être, c'est l'être (comme le Verbe, c'est la vie) et il me semble que tout Jean met en scène ce mouvement, via le Paraclet, et de manière tourbillonnesque. D'où la légitimité d'ailleurs de parler d'onto-théologie.
Quant à la rupture avec le judaïsme, c'est une affaire compliquée. Ce sont bcp plus les Juifs (les pharisiens, en l'occurrence) qui rompent avec Jésus que lui avec eux.
Un peu d'ailleurs comme c'est plus l'Église catholique qui a rompu avec Luther que lui avec elle.
(Et cela, Pilate l'a compris avec son écriteau provocant et somme toute humoristique : "roi des Juifs".)
 
GN
 
C'est la version calviniste de Tillich et je crois, d'après ce que j'en sais, plus ou moins de Marion chez les philosophes catholiques. Mais il me semble qu'on altère ou qu'on réduit dangereusement la gloire et la splendeur divines en les amalgamant avec l'Etre (avec ou sans majuscule) ou même avec la vie prise comme une totalité et non comme un concept. Surtout quand les mêmes, en général, critiquent fortement l'héritage païen (et/ou "identitaire") du christianisme romain pré-conciliaire. Je vois bien, évidemment, quelles analogies on veut tenter avec les philosophies allemandes modernes de Nietzsche, de Max Scheler et de Heidegger, mais je persiste à y voir de la fausse monnaie frappée pour séduire les intellectuels et les athées demi-érudits. Le Verbe et l'Esprit de Dieu se manifestent dans l'Histoire comme dans la nature, de façon immanente, mais Dieu lui-même est "au-delà de l'être", comme le dit d'ailleurs votre cher Maître Eckhart, transcendance absolue. S'il y a un "génie du christianisme", je crois qu'il est justement là : dans le Mystère de la Croix où se croisent transcendance et immanence. Sinon, "ce sont beaucoup plus les Juifs qui rompent avec Jésus que Jésus avec eux". Alors, là, non, pour le coup. D'ailleurs, les Juifs, quand on leur en parle, sont en général catégoriques là-dessus. Le Christ vient réinterpréter, suspendre et quasiment réécrire la Torah, la Loi de Moïse, tout en expliquant qu'il est le Fils du Père engendré par Lui de toute éternité, bien avant l'existence charnelle d'Abraham et de Moïse (le conflit d'autorité et de légitimité qui en découle est sans équivoque). De surcroît, même si de filiation davidique, le Christ est un Galiléen (un Juif un peu impur, proche de la culture hellénistique du nord de la Palestine) qui fraie avec des païens et des Samaritains tout en attaquant à boulets rouges les pharisiens et l'orthodoxie de leur interprétation de la Loi - de même que la légitimité du temple d'Hérode (le centre symbolique et politique de ce qui restait de souveraineté juive à l'époque romaine). C'est une déclaration de guerre radicale et univoque, qui ne pouvait pas rester sans réaction de la part des autorités juives officielles.
 
PC
 
Jean-Luc Marion, calviniste sans le savoir ? Eh bien !
Pour le reste, je ne vois pas en quoi "on altère ou on réduit dangereusement la gloire et la splendeur divines en les amalgamant avec l'Etre" - l'Etre étant à Dieu ce que l'étant étant à l'Être si j'ose dire. Tout comme l'existentialisme accompagne la mystique sinon émane d'elle. Là-dessus, je suis très "continuum" Dieu, ou même déité -----> Dieu ----> Nature ----> Histoire. L'Histoire comme "aventure de Dieu", disait je crois Whitehead - et comme déjà on le voit dans la Bible, Dieu s'adaptant aux hommes commes eux à lui.
Non, avec vous, ou plutôt entre nous, le problème est toujours le même. Vous penchez pour le côté païen du christianisme alors que celui-ci est à mes yeux une composante culturelle mais pas essentielle. La vraie rupture est plus entre paganisme et judéochristianisme qu'entre judaïsme et christianisme et même si cette dernière peut paraître plus violente. C'est que la Loi subsiste, l'Incarnation persiste mais autour d'un Père qui reste le même, le Même, le M'aime. Alors que le grand Pan est mort
Et quand vous dites que "dans le Mystère de la Croix se croisent transcendance et immanence", ben oui, absolument, c'est ce que je me tue à dire : Être / être.
Alors qu'ensuite, Jésus tire à boulet rouge sur les pharisiens et leur déclare la guerre, évidemment mais c'est une guerre intra muros, fratricide, la filiation davidique (et néo-testamentaire) perdurant et persistant pour de bon.
Du reste, "le salut viendra des Juifs", dit le Christ à la Samaritaine (voir mon chapitre demain.)

 

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Commentaires

  • Ces propos sont si merveilleux qu' ils simplifient beaucoup de savoir(s), qu' ils résolvent tant de doutes et mettent à la portée de Nous tous pas moins que l' Universel ! Laquelle rencontrenous tente de connaître un maximum de Ses possibilités.

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