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Arkadin - Le Mensonge de la vérité

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NOTES d’après Youssef Isghahpour, François Thomas et Olivier Kohn (dans mon vieux et canonique Positif de juillet-août 1992, spécial Orson Welles.)

 

Le film le plus personnel d’Orson (qui devait s’appeler Mascarade à l’origine) et le plus défiguré par les producteurs. Fragmentaire et ruiné.

L’exergue où il est question du secret (incestueux) du roi est tirée d’une réplique de Périclès de Shakespeare, une pièce qui parle de l’inceste entre père et fille.

Film de masques et de faux semblants.

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Un film qui n’en finit pas de commencer, qui brouille les pistes, qui nous fait voyager dans le monde entier comme dans un James Bond. Une odyssée de l’espace plutôt que du temps (au contraire de Citizen Kane) et qui met sans cesse le spectateur en suspens par rapport à l’action. Celui-ci n’est jamais omniscient – comme du reste Van Stratten, toujours mis en retard par Arkadin, sauf dans la scène finale où il prend l’avion avant lui.

Le baroque de Welles à son comble : on est toujours trop près ou trop loin, trop haut ou trop bas et tout va toujours trop vite ou trop lentement. Narration erratique et elliptique, désarticulée et précipitée. Sentiment d’irréalité et de malaise. Disjonction permanente, heurts continuels, faux raccords en rafale au risque de l’étouffant et du foutraque, court-foyer asphyxiant, contre-plongées excessives, tensions irrésolues, tout est là pour faire perdre pied. Torsions de l’espace et du temps au risque de « l’absence d’univers ». Le récit comme piège, la diégèse comme mensonge, l’enquête comme liquidation du passé : Arkadin a-t-il vraiment perdu la mémoire ? Non, mais il veut en finir avec elle (// Angel Heart).

Et pourtant grande énergie et profonde nostalgie (grâce à la superbe musique de Paul Misraki). Et même des moments d’émotion (avec le personnage de Sophie, jouée par Katína Paxinoú, l’ex-chef du gang de la traite des blanches et la femme qu’Arkadin aima, et surtout l’entrevue entre Arkadin et Jakob Zouk - Akim Tamiroff dans la chambre à la fin.)

L’épisode du foie gras que veut absolument goûter Zouk.

 

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Les contes sur l’amitié (« buvons à l’amitié ») et le caractère du scorpion (« buvons au caractère »).

Le secret comme ce qui provient de la volonté d’en créer un.

Treibitsch (génial Michael Redgrave) qui révèle le trafic de femmes.

Le cirque des puces du professeur Radzinski (Mischa Auer – doublé par Welles).

Esthétique du grotesque (« attraction de la répulsion »).

Van Stratten (Robert Arden – dont on a dit qu’il était mauvais alors que c’était la volonté de Welles d’en faire un médiocre.)

Les belles mains, la belle taille et le beau minois de Paola Mori. Les belles femmes que Welles a eues, de Rita Hayworth à Oja Kadar.

Le gigantisme enfantin de Welles. Le criminel Rosebud.

Kane était un bourgeois mais Arkadin est un barbare - « monstre innocent ».

La bourgeoisie qui se pense comme « classe universelle ».

La prolifération abstraite.

L’extrême concentration du style de Welles où chaque plan contient un monde, un affect, une monade – mais va trop vite. La vitesse et les contorsions de Welles.

 

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Même si l’on ne suit pas le détail, le sentiment d’imprécision qui se dégage du film – fait pour perdre le spectateur toujours en retard sur Arkadin (comme l’est Van Stratten). « Devant Mr Arkadin, être spectateur n’est plus un privilège, mais un handicap car seules nous sont données à voir les conséquences d’une action accomplie en notre absence. »

Les scènes racontées et non vues (quand la baronne Nagel – Suzanne Flon – dit à Arkadin qu’elle a déjà vu Van Stratten, et que celui-ci répond qu’il est un sot car un sot paye deux fois pour le même service.) Les personnages digressent tout le temps. Le film lui-même semble avoir plusieurs tonalités : burlesque, polar, docu, drama. Un puzzle qui ne s’assemble pas. Une narration qui ne prend plaisir qu’à elle-même (comme dans certains romans de Pynchon.) Le sens du film n’est pas dans les informations récoltées mais dans la forme que prennent ces informations (comme dans F for Fake)– en ce sens, il est ultra-moderne.

Briser la perception du spectateur.

On ne voit jamais les meurtres – on arrive toujours après eux. Pareil pour le suicide d’Arkadin à la fin.

Arkadin comme conteur et qui a droit à des regards caméras.

Non « je ne suis pas qui je suis », de Iago, mais « je ne sais pas qui je suis ». En revanche, c’est un monsieur « je suis partout. » Sauf à la fin où le mensonge de la vérité (Van Stratten lui faisant croire qu'il a tout dit à sa fille alors qu'il n'en est rien) le tue - ou mieux le fait disparaître.

 

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