Le vingt-quatre juillet mille neuf cent cinquante sept à quatre heures du matin disparaissait l’un de nos plus grands Français : Sacha Guitry. On a trop souvent oublié que ce génie du théâtre était aussi un génie du cinéma dont Orson Welles se réclamait et que François Truffaut révérait. « J’ai la prétention de ne pas plaire à tout le monde », se plaisait-il à dire. Et de fait, l’insolente facilité artistique de monsieur Moa, ses réussites éclatantes, son esprit étincelant et inépuisable, sa déférence pour le bonheur (l’une des choses les moins respectées du monde), et sans doute aussi une attitude "équivoque" pendant l’occupation (continuer à être lui-même, jouer ses pièces et protéger des Juifs comme si de rien n'était, pour lui, c'était résister - ce que les résistants de la douzième heure lui feront payer), tout cela aura placé Guitry au Purgatoire dont on ne sort finalement moins vite que de l’enfer. Et si c’était lui le véritable infréquentable ?
Sacha Guitry, c’est le père. Le père idéal. Le père indulgent. Le père des Deux couverts, qui attend son fils pour lui donner une somme d’argent s’il a réussi son bac… ou l’a raté. Le père de Mon Père avait raison qui a décidé de mettre son fils en pension, parce que lui aussi y a été, y a souffert, et que « c’est comme ça », mais qui, apprenant que sa femme vient de les quitter, lui et leur fils, revient sur sa décision et décide d’élever lui-même celui-ci, et dans l’espoir d’en faire un homme heureux. Car il ne suffit pas d’être un homme, dans l’esprit de Sacha Guitry, c’est-à-dire un être plein de devoirs, de responsabilités et de souffrances. L’important, c’est d’être heureux. Et contre cela, toutes les résistances sociales, psychiques, universitaires, familiales, politiques, veillent. Il faut relire sa Conférence sur l’éducation[1] où il met en cause cette manie de faire croire aux enfants que la vie est dure et triste alors qu’elle pourrait être une chose magnifique, qu’il y a du bonheur pour tout le monde et que « ceux qui ne sont pas heureux sont des maladroits » - sentence qui rappelle celle d’un personnage de Dostoïevski : « les hommes sont malheureux parce qu’ils ne savent pas qu’ils sont heureux » ! Mettre au même niveau l’auteur des Frères Karamazov et celui de N’écoutez pas mesdames ? Et pourquoi pas Bach au niveau d’Offenbach tant qu’on y est ? Oui, en effet, pourquoi pas ? On peut lire et écouter les uns et les autres. On peut aussi préférer la joie superficielle à la douleur profonde ou plutôt la joie profonde à la douleur superficielle. Voilà qui n’indignera que ceux qui estiment, les imbéciles, que c’est dans la gravité que réside le bonheur, et qu’on ne forge pas un homme sans fouet ni larmes. Alors que la légèreté est le véritable don de Dieu, c’est ce qui fait les anges, et que Montaigne est préférable au père du Président Schreber pour éduquer ses enfants. C’est l’esprit de sérieux plus que l’esprit d’enfance qu’il faut humilier en nous. Et ce sont les mêmes imbéciles pour qui la douleur est éducative qui disent d’un spectacle que c’était tellement idiot que l’on aurait pu y amener les enfants ! Là-dessus, Guitry est formel : ce n’est pas en faisant lire aux enfants ces fameux livres pour enfants qu’on leur donnera le goût des beaux livres. A un enfant, il faut le meilleur, c’est-à-dire de l’éternel, du spirituel, de l’Homère ou du Cervantès. Et ne lui demandez pas de quoi il se mêle vu qu’il n’a jamais eu d’enfants, il vous répondrait que c’est bien parce qu’il n’en a pas eu qu’il est obligé de s’occuper de ceux des autres – surtout de ceux qui sont aux mains bassement sociales de leurs parents. « Pourquoi tout savetier considère-t-il qu’il met au monde un savetier ?», interroge-t-il, alors qu’il pourrait enfanter un Watteau ou un Mozart ? Pas de doute, pour faire le bonheur de ses enfants, il faut les déshériter de leur hérédité, il faut briser leurs chaînes sociales et culturelles, les priver de la médiocrité de leur milieu – celui-ci pouvant évidemment être Billancourt comme le seizième ! Chez les gosses de riches ou de pauvres, il faut insinuer le venin du sublime et de l’excellence, leur parler de Molière qui est toujours plus neuf que n’importe quel livre à mode, ou de Versailles qui fait l'honneur de la France. Et aussi, surtout, en finir avec la sacro-sainte humilité des familles :
"Si l’enfance était envisagée avec plus de respect, il y aurait beaucoup moins d’imbéciles. Beaucoup moins de modestes aussi, me dira-t-on. Tant mieux. Quelle manie, mon Dieu, de vouloir à tous prix que les autres soient modestes ! Comme si c’était une qualité, d’ailleurs, - alors que ce n’est qu’une vertu, peut-être. "
En vérité, c’est être plus infirme qu’un bossu que de ne pas avoir d’orgueil ! L’orgueil, c’est l’admiration des choses que l’on voit et l’amour des choses que l’on fait. C’est le plaisir de vivre et c’est la sagesse de penser que la vie nous mérite et que nous sommes un miracle pour elle. C’est se dire : « faut-il que cela soit bon pour que cela me soit arrivé ! » [2]. C’est enfin la fierté d’être de France. Hélas ! A l’époque de Guitry, comme à la nôtre, il semble que les enseignants et les éducateurs mettent un point d’honneur à dégoûter leurs élèves de celle-ci. Au nom de l’esprit critique, on a mis la capacité d’admiration et de ferveur des jeunes gens dans un état critique. L’histoire de France doit d’abord faire horreur – esclavage, colonisation, collaboration, catholicisme sanglant, défaites morales et militaires, indignité des rois de France, injustices généralisées des régimes. « Mettre entre les mains d’un enfant l’histoire politique de son pays, commencer par là son éducation et ne pas le prévenir tout de suite qu’il y a eu autre chose que des guerres, autre chose que des victoires et des défaites, autre chose que des assassinats, des pillages et des persécutions – oui, ne pas le lui dire tout de suite, c’est un crime » s’insurge Guitry. Pourquoi ne pas apprendre aux nouvelles générations que 1525 est autant l’année de la défaite à Pavie que celle du Pantagruel de Rabelais et du château de Chambord ? Et que l’année de la Saint-Barthélemy fut aussi celle de la parution des Essais de Montaigne ? « Et si, tout au long d’une année qui fut pour nous cruelle, vous ne découvrirez rien qui soit à notre honneur, inventez quelque chose – vous n’aurez pas menti. » Réinventer l'honneur au lieu de se complaire dans les récits du déshonneur. Qui entendrait cela ?
Notre devoir de citoyen, d’homme et d’enfant, ce n’est pas de geindre mais de jouir. Comme Guitry l’écrit dans une étonnante lettre au fils qu’il n’a pas eu, il ne faut jamais se dire quand on arrive en ce monde : « j’arrive mal », mais au contraire « j’arrive à temps ». En vérité, être heureux est un événement ! Surtout dans notre pays dépressif. Après, le bonheur pourra éventuellement suivre, bien qu’il ne faille pas trop en faire avec le bonheur – car comme il le dit si justement dans Le mot de Cambronne, « l’argent ne fait pas le bonheur, mais le bonheur non plus ne fait pas le bonheur » D’ailleurs, qu’est-ce que le bonheur peut amener de plus à un homme heureux ? Le bonheur (qui n’est pas gai comme disait Max Ophuls à la fin du Plaisir) est une construction sociale et morale, un idéal contraignant qui nous rend bien souvent dépendants les uns des autres et nous force à nous inquiéter sans cesse de l’avenir. Alors que « rien n’est plus beau qu’un Vermeer que l’on montre à la femme que l’on aime », ou le café au lait que l’on boit le matin avec elle après une nuit d’amour, c’est-à-dire une nuit d’adultère, puisqu’il n’y a que les amants qui fassent l’amour et que les maris qui soient cocus. Quant aux plaisirs, « donnes-en, va, c’est plus sûr ! ». La jouissance de faire jouir. La gaieté d’égayer. L’égoïsme généreux, il n’y a que ça.
Pourtant, le vrai Sacha n’eut jamais d’enfants - sans doute parce qu’il n’eut jamais vraiment de mère. C’est que, comme il le dira plusieurs fois en interview, ce n’est pas si simple de trouver la femme qui sera une maman. Plus tard, il fera dire à Deburau qu’on ne peut même pas compter sur les femmes pour qu’elles aiment leurs enfants. S’il y a dans toute l’œuvre du Maître une seule réflexion révélant une misogynie réelle et profonde, c’est bien celle-ci. Et cette suspicion à l’égard de l’instinct maternel constitue en effet l’unique accusation tragique contre les femmes. Est-ce à dire que sa mère fut indigne ou absente ? Ne souffrit-elle pas plutôt de la présence écrasante de son monstre sacré d’époux dont elle divorça très vite ? Que penser de l’épisode fameux où Lucien lui enleva Sacha, alors âgé de quatre ans, pour l’emmener dans sa tournée en Russie ? Une aventure qui peina infiniment la mère mais dont le petit garçon garda paradoxalement un souvenir très doux [3]. Etrange lien filial que celui des Guitry où pour une fois c’est la mère qui est exclue de la relation père-fils. Et de fait, dans les pièces comme dans sa vie, seul le rapport paternel compta.
Ah le père ! Lucien Guitry. Le plus grand comédien de son temps avec lequel Sacha sera violemment fâché une partie de sa jeunesse et violemment réconcilié jusqu’à la mort de celui-ci. De 1918 à 1925, pas un jour sans que ces deux-là ne s’appellent, ne s’embrassent, ne se chérissent. « Nous ne restions pas six heures sans nous téléphoner, douze heures sans nous voir, vingt-quatre heures sans nous écrire… » [4]. En vérité, voilà une relation si fusionnelle, si parfaite, si idéale qu’elle confine à l’inceste. Et si le fils ne coucha jamais avec le père (comme ce personnage improbable le fait avec le sien dans le Huit femmes et demie de Peter Greenaway), il coucha en revanche avec une maîtresse de celui-ci, Charlotte Lysès, avant d’en faire sa première femme ! On ne saurait mieux se rapprocher du père et créer avec lui un lien si terrible ! Pour son père, plus tard, il écrira. Entre autres Pasteur, Jacqueline, On ne joue pas pour s’amuser, et après que celui-ci ait disparu, ce Mozart qu’il lui avait promis. Encore une histoire de père et de fils et quelle histoire ! Mais ce que Sacha considéra comme « le plus beau soir de sa vie » fut ce 08 octobre 1919 où pour la première fois il se retrouva sur scène avec son père et sa seconde femme, Yvonne Printemps, pour la création de Mon père avait raison au théâtre de la Porte Saint Martin. De Molière accusé d’avoir épousé sa fille à Guitry qui mit son père et ses femmes en scène dans des pièces racontant des histoires d’adultères et de filiation, il semble que l’inceste soit partie intégrante de l’histoire du théâtre.
De toutes façons, Sacha commençait à ressembler à Lucien comme un jumeau. Et c’est dans Le comédien (1948), le film bouleversant qu’il lui consacra, qu’il décida de jouer (de) cette ressemblance. Et d’y jouer non seulement le fils et le père, mais encore le père interprétant des rôles écrits par le fils ! Sacha Guitry, c’est le fils qui ne naît que du père. C’est le père qui renaît dans le fils - le saint esprit du théâtre permettant toutes ces entrées et sorties du père dans le fils et du fils dans le père. Qui joue qui ? Qui est qui ? Dans la scène du téléphone, ils ont les mêmes gestes, les mêmes intonations, et lorsque Sacha avoue à Lucien que la pièce qu’il est train d’écrire ne comporte pour une fois pas de rôle pour lui, celui-ci n’en est en rien affecté. C’est qu’il joue tout le temps, sur scène, dans la vie, partout. Il est comédien avant d’être homme. « Le double, c’est moi-même, explique-t-il à son fils, « et l’initial, c’est le comédien. »
Généalogies fantasques et génériques festifs
Pour autant, le fait de ne pas avoir de descendance tourmente Sacha et prend dans son œuvre l’allure d’une obsession. Comme Sade, il adore inventer des généalogies fantasques et aristocratiques - comme celle de l’instituteur de Remontons les Champs-Élysées (1938) dont il fait un descendant à la fois de Louis XV par son père et de Napoléon Ier par sa mère. Ou bien comme celle que crée, à la fin du Trésor de Cantenac (1950), le baron de Cantenac, en mariant Paul et Virginie, les deux enfants d’un village où tout le monde porte le nom de l’une ou de l’autre famille, et en adoptant Paul afin qu’ils portent désormais le sien. C’est la tentation consanguine de Sacha Guitry où le social se confond avec et le filial et le filial avec le sexuel. Le fantasme d’inceste plane dans de nombreux films mais c’est dans Le nouveau testament (1936) qu’il s’expose le plus clairement. Jacqueline Delubac est-elle dans ce film la maîtresse ou la fille de Sacha Guitry ? Nous ne le saurons qu’à la fin quand il lui demandera, devant sa femme, de l’appeler « comme s’ils étaient seuls », et qu’elle lui répondra « oui, Papa ». Chez les Marcellin-Guitry, l’adultère prend une tournure familiale. On fait passer sa fille naturelle pour sa secrétaire. On se trompe entre amis d’enfance. On couche avec la meilleure amie de ses parents – donc avec eux d’une certaine façon. On fait des « quadrilles » qui ont tout l’air de parties carrées. Et l’on fait un testament qui fait éclater la logique incestueuse de la communauté.
Ainsi, cet univers que l’on dit si léger, aérien, pétillant, a aussi ses abîmes et ses trous noirs et qui, même si Guitry se contente de les effleurer, ne laissent pas d’inquiéter. Chez lui, l’identité n’est jamais certaine. Le double est partout. La gémellité triomphe. Ce sont les sosies qui mènent la danse (Je l’ai été trois fois), les masques qui sèment la confusion (la scène de fête dans Le diable boiteux), les dédoublements qui font mouche (Le roman d’un acteur dans lequel Guitry change six à sept fois de tête). Il n’est pas rare que le même personnage dialogue avec lui-même tel Napoléon « avec » Bonaparte dans Remontons les Champs-Élysées. Et dans Le diable boiteux, les trois acteurs qui incarnent Napoléon, Louis XVIII et Charles X sont aussi ceux qui incarnent les trois valets de Talleyrand. Qui sert qui ? Qui domine qui ? Enfin, dans Le Destin fabuleux de Désirée Clary, le conteur Guitry demande à ses interprètes de passer leur rôle à d’autres : c’est ainsi que Geneviève Guitry est remplacée par Gaby Morlay dans le rôle titre et que Sacha lui-même endosse l’habit de Napoléon après que Jean-Louis Barrault ait tenu celui de Bonaparte. Et voilà un deuxième générique qui défile en plein milieu du film !
Ah les fabuleux génériques des films de Sacha Guitry, véritables fêtes pirandelliennes où l’auteur s’adresse à chacun de ses acteurs et présente avec la plus extrême courtoisie le moindre membre de l’équipe ! Mais leur fonction n’est pas simplement festive, elle est aussi narrative et annonce la mise en abîme dans laquelle le film se déploiera. Elle marque surtout ce qui intéresse le plus hautement Guitry, à savoir le film qui est en train de se faire (et qui obsédera tant le cinéma moderne). Et c’est la raison pour laquelle on ne s’ennuie jamais devant une de ses œuvres. Chacune d’entre elle donne en effet l’impression d’être écrite et jouée au moment où on la découvre et que par conséquent tout peut y arriver : bifurcations inattendues, inserts paradoxaux, perversions du mouvement et par-dessus tout, intrusion de la réalité du film dans le film. Déjà, dans Ils étaient neuf célibataires (1939), le célibataire principal qui vient enfin de retrouver la Polonaise qu’il convoitait depuis le début annonce à un producteur de cinéma qu’elle et lui sont en train de préparer un film « d’un genre nouveau », celui que l’on vient de voir - et que lorsqu’ils s’embrassent comme mari et femme, ce n’est que pour répéter une scène de ce dit film.
Mais c’est dans Toa (1949) que Guitry va pousser le plus loin la mise en abîme. Un auteur dramatique (interprété par Sacha Guitry) joue sur scène l’histoire de sa liaison tumultueuse avec sa maîtresse. Ayant le culot de récréer sur scène le décor de son appartement parisien et d’utiliser même sa propre domestique dans son propre rôle, il peut vaniteusement prétendre qu’il raconte la réalité de son existence. Sauf que sa « vraie » maîtresse (Lana Marconi) est dans le public et interrompt à tout bout de champ la représentation, dénonçant sans pitié les tricheries et les mensonges de son amant-d’auteur, au grand détriment de celui-ci, et en même temps, dévoilant pour le plus grand plaisir du spectateur, tous les trucs de théâtre. Voilà notre auteur dramatique obligé d’improviser sur scène pour répondre à sa diablesse, sauver sa pièce et son honneur. Et ce faisant, jouer une autre pièce en direct.
En fait, c’est sur la pellicule et non sur les planches que l’on peut se dédoubler à l’infini [5]. Car c’est sur l’écran et non sur la scène que Guitry peut apporter une serviette de bain à son père et « en profiter pour lui serrer la main » (Le comédien), ou décider en tant que narrateur d’être François Ier sur un coup de tête (Les perles de la couronne, 1937), ou changer de tête à chaque plan (Le roman d’un tricheur) ou même enregistrer pour l’éternité Claude Monet, Anatole France, Auguste Rodin, Edgar Degas, Sarah Bernhardt, et tant d’autres, dans Ceux de chez nous (1915). Le documentaire-fiction, l’une des trouvailles cinématographiques de Guitry et qui a tant à voir avec la célèbre « March of time » de Citizen Kane. Le dédoublement, sa passion, et qui fait qu’on peut le comparer sans crainte avec le David Cronenberg de Faux-semblants. Et parler sur les images, son beau souci.
Au commencement, au milieu et à la fin était le Verbe.
Comme le dit Noël Simsolo, qui lui a consacré un livre indispensable, dans un film de Guitry comme dans un film de Welles ou une création de Carmelo Bene, « c’est le son qui détermine les images comme étant des illustrations enfantées par l’imaginaire d’un langage. Autrement dit, le processus ordinaire du cinéma est inversé – donc renouvelé - par l’inflation de la parole comme retrouvailles d’un principe musical fréquent à l’ère du film muet » [6]. Et de fait, c’est la voix du conteur (et quelle voix !) qui assure la diégétique du film. «Le texte-off autorise toutes les liaisons dans le temps et dans l’espace », et ce faisant sans jamais tomber dans la langueur de l’expérimentation. Guitry est un de ces rares cinéastes qui font de fabuleuses trouvailles filmiques mais mettent celles-ci au service de leurs histoires, sans je-m'as-tu vu filmer. Et comme les siennes sont prétendues superficielles et conformistes, on les trouvera, à tort, telles. Et on ne verra pas qu'il est comparable aux plus grands cinéastes - ceux qui font la vanité de la cinéphilie.
Ainsi de Faisons un rêve, film emblématique de Guitry que Simsolo n’hésite pas à rapprocher de La corde d’Hitchcock. Ces trois actes semblent en effet trois plans séquences conduits seulement par la parole de Guitry. Certes, il n’y a ici pas à proprement parler de voix off, mais les monologues continuels de celui-ci, « en direct », semblent faire et défaire les situations à sa guise. C’est la parole qui fait l’amour, la vie et le réel. C’est la parole qui décrit ce qui se passe et ce qui va se passer. C’est la parole qui subordonne l’action [7]. Les mouvements de caméra, apparemment si simples, ne sont là que pour suivre celui qui parle, s’arrêter quand il s’arrête, reprendre quand il reprend, prendre le rythme du monologue (parfois huit minutes quand il est au téléphone), bref, filmer le langage. « Au moment où la bobine va finir, il intègre un insert ou opère le plan de coupe sur l’un des deux acteurs, et continue sur celui-ci en un long plan fixe tandis que le filmé continue son monologue ou enchaîne le dialogue. Si bien que le changement de plan prend la fonction de relance. Les inserts et les collages s’harmonisent alors au bénéfice du sens du texte et de la vitesse (voire la cadence) du jeu. C’est un tour de force, une manipulation de virtuose d’autant plus remarquable que cela ne détourne jamais le spectateur de ce qui se dit et se passe devant lui » [8]. Dans un film de Guitry, le suspense naît de ce que l’on dit, de ce que l’on va dire et même de ce que l’on ne peut pas dire (Le mot de Cambronne évidemment !). Et comme chez Pagnol ou chez Rohmer, les deux autres maîtres de la parole du cinéma français, il n’y a jamais de non-dit, de sous-entendu ou même d’inconscient chez lui. Le langage est réel, le réel est langage. Tout ce qui se dit se crée. Tout se crée est une folie et un plaisir.
Comme on aime Sacha Guitry ! Comme on ne peut que l'aimer ! Le dieu le plus aimable, le plus inventif, le plus indispensable de l’art français. Là-dessus, ma mère avait raison.
[1] « L’esprit », Cinquante ans d’occupations, Omnibus. Toutes les citations qui suivent y sont tirées.
[2] « Jusqu’à nouvel ordre », Idem, page 07.
[3] Et que Sacha racontera ainsi dans Si j’ai bonne mémoire : « … c'était affreusement cruel ce qu'il faisait, bien sûr, puisque ma mère allait rester huit mois sans me revoir. Mais qu'on ne me demande pas de regretter d'avoir été pendant ce temps plus aimé, choyé, chéri qu'aucun autre enfant peut-être ne le fut ! » [4] Lucien Guitry, idem, p 684
[5] A moins qu’il ne mêle la scène et le film dans un même spectacle comme il le fit une fois à Monte-Carlo avec Quadrille (1938) où il stoppera la projection du film après le second acte et montera jouer le troisième acte sur le proscenium en compagnie de Gaby Morlay et Jacqueline Delubac avant de faire repartir le film au quatrième
[6] Sacha Guitry, Noël Simsolo, Cahiers du Cinéma, Collection « Auteurs », 1988, page 54.
[7] On connaît l’intrigue de ce rêve. Un amant et une femme mariée passent la nuit ensemble. Le matin, la femme est affolée car elle n’est pas rentrée chez elle. L’amant la rassure en lui disant qu’il l’épouse et qu’ils auront toute la vie pour s’aimer. Mais le mari survient et apprend à l’amant (pendant que la femme s’est cachée) que lui aussi a découché. L’amant lui conseille alors de partir en province chez une vieille tante malade et de télégraphier à sa femme de là-bas pour la prévenir qu’il ne reviendra que dans trois jours. Heureux qu’on lui sauve la mise, le mari remercie l’amant et part à la gare. La femme saute dans les bras de l’amant, lui demande : « alors ça y est ? nous en avons pour toute la vie ? » et celui-ci lui répond la réplique célèbre : « mieux que ça, nous avons trois jours ! »
Commentaires
C'est fou ça ! Tu t'es dédoublé pour l'écrire cet excellent article ?
"Cet excellent article..." Tu fais ton Guitry, non?
Ceci dit, l'article donne envie de voir le sujet, ce qui en fait un excellent article en effet. De Guitry, je retiens une remarque que j'ai lu ailleurs: Guitry préfère le contre-champ, c'est à dire la réaction au dialogue plutôt que l'énoncé du dialogue. Guitry a le don (comme Welles d'ailleurs, et, je soupçonne, mieux que Pagnol) de rendre la parole palpable : il fait du mot un objet à filmer.
D'où "le mot de Cambronne", le mot qu'il ne faut surtout pas prononcer et qui est le grand absent présent du dialogue jusqu'au moment où.... Ou le mot "papa" qui dans "Le Nouveau testament" conclut l'intrigue et dévoile le lien réel entre la secrétaire et son patron. Ou pire encore dans "La poison" où ce sont les mots de l'avocat qui vont littéralement tuer l'épouse de Michel Simon et fournir à ce dernier... sa future légitime défense. Le mot qui construit, dénie ou reconstruit le réel (hello Guillaume), c'est évidemment celui du "Diable boîteux" (Talleyrand) - le grand maître des mots, de la diplomatie imbattable et qui lui permet de "servir la France" quel que soit son régime.
A noter qu'un coffret Guitry intitulé "l'âge d'or" et contenant huit chefs-d'oeuvre absolus va sortir ce mois-ci.
IPidiblue qui dégaine tout de suite sur l' "excellent" article - rien de tel que de faire le vaniteux pour indigner illico la vanité des autres.
Tu connais l'histoire racontée par Philippe Bouvard, jeune journaliste il était allé interviewer Guitry, très intimidé il lui avait dit : 'Il y a deux hommes qui m'impressionnent, vous et le général de Gaulle" et Sacha lui avait répondu : "Pourquoi de Gaulle ?"
Parenthèse : cela ne me dérange pas que tu sois schizophrène, mais je comprends mieux maintenant pourquoi tu manges comme quatre si tu as deux bouches à nourrir.
Ton article aurait pu s'intituler "des mots et des maux". Mais on voit la supériorité sur Pagnol, chez qui la parole est une couleur locale - fort savoureuse, certes, mais qui ne se traduisent pas en éléments de l'intrigue, au même titre qu'un pistolet ou un livre.
A propos de mots qui définissent une situation, un destin ou un individu, allez-donc m'écouter faire l'histrion chez le meilleur d'entre nous.
http://slothorp.blogspirit.com/archive/2007/09/04/auto-portrait-en-vieux-con.html
Puisque tout le monde ici se fout du bon nom de mon compatriote Dostoïevsky, je vais, mon cher Montalte, me mettre, pour la deuxième fois, sur la brèche.
Vous présentiez déjà Bernanos, si je ne m'abuse, comme une espèce de Dostoïevsky français, et voilà que vous récidivez avec ce huileux Guitry hissé à la hauteur de Fédor Mikhaïlovitch, en matière de notre devoir de bonheur.
Il paraît que le ridicule tue ; ici, le ridicule me fait enrager. Ce brave et fort sympathique Bernanos est peut-être capable de bouleverser quelques boursicotiers se prenant pour critiques littéraires, mais Guitry, Montalte, ce tout petit personnage sussurant des balivernes, ce "nain" comme dirait l'autre, même à côté de ses confrères de Marivaux ou Sollers, celui à qui on pourrait appliquer le mot de J.Gracq : "colosse de la pensée pour album", - comment peut-on être à ce point super-relativiste ! Que vous le mettiez dans le même glorieux panier que Raimu ou Pagnol, ce ne serait que justice. Que vous vous référiez à des Cameron/Gibson, Nothomb, Houellebecq/Dantec - bon vent ! Mais n'essayez pas de lui dénicher une place dans des édifices réservés aux artistes. Mais comment interdire de traiter Figaro à la Rossini...
La légèreté est un don de Dieu, quand la cervelle ou les semelles ont de l'or ou du plomb. Certes, le sérieux est une piètre alternative, mais pour que la légèreté nous comble, il faut qu'elle nous conduise vers une profondeur ou une hauteur ironiques et vertigineuses. La légèreté guitresque ne peut aboutir qu'à une morne platitude.
Préférez-vous Fabrice Luchini ?
Je seconde et appuie. La frivolité de Guitry a été, à tort, vue comme de la légèreté: il n'était que le produit oisif de son temps.
Was ist das "produit oisif de son temps" ? Voulez-vous dire que son père le bel acteur Lucien Guitry l'a fait dans un moment d'oubli ayant omis de se retirer à temps ?
Note importante : Sacha est né à Saint-Petersbourg, ceci devrait lui valoir les circonstances atténuantes aux yeux de tous les slaves ici-présents.
"Préférez-vous Fabrice Luchini ?"
Celui-là a, au moins, de l'inachevé, de l'inabouti, en suspens, une recherche de poésie ou de mystère (je ne dis pas - trouvailles...). Un sens de répartie remarquable. Et surtout-surtout - de la bonne ironie, dont sont dépourvues les minauderies de ce fat de Guitry. Et FL a la bonne idée de se limiter au rôle d'histrion bouffonnant, tandis que l'autre s'attaquait aux sentences...
"Sacha est né à Saint-Petersbourg, ceci devrait lui valoir les circonstances atténuantes aux yeux de tous les slaves"
Le fait d'être né dans ce grave pays est souvent une circonstance aggravante. Surtout lorsqu'on n'a ni la légèreté de J. de Maistre pour peindre ses "Soirées" ni l'intelligence de L.Salomé pour séduire des poètes (et non pas des soubrettes).
Brave tentative, iPidiblue, mais, comme toujours, vous échouez et demeurez bouffon.
Bonheur, légèreté, Montaigne, Watteau, "déshériter de leur hérédité", "plaisir de vivre", "Notre devoir(...)ce n'est pas de geindre mais de jouir", "la jouissance de faire jouir", "suspicion à l'égard de l'instinct maternel", "tout ce qui se dit se crée" etc...
Montalte, vous vous dédoublez en Sollers, maintenant?
Je n'ai jamais pu détester Sollers (et Portrait du joueur est un beau livre) mais le comparer à Guitry, quelle hérésie ! Sacha, n'en déplaise à Scythe, est un authentique génie, non l'équivalent de Dostoïevski bien sûr (mais qui l'a jamais cru ? Scythe, mon ami, connaissez-vous le sens du mot "boutade" ?), mais un maître des mots, un très grand cinéaste, un comédien génial, la plus belle voix de France, le plus grand dramaturge du siècle passé, oui absolument, et un homme que j'aime, que j'admire et qui en effet figure pour moi une sorte de père idéal ! Cherchez l'Oedipe et remettez-vous la fin de l'acte un de "Mon père avait raison", quand il prend son fils de dix ans dans les bras et qu'il lui dit "pourrais-je en faire un homme heureux ?"
Scythe, Pidiblue, Luchini admire profondément Sacha Guitry.
Kate, je suis très heureux de vous revoir... et de vous découvrir si guitryenne.
Vous faites erreur, Montalte! Je n'aime pas Guitry, père ou fils! Mais je m'aperçois seulement maintenant qu'entre le moment où je lisais le dernier commentaire (celui de Scythe) et postais le mien, celui du bidule s'est sounoisement infiltré. Je suis étonnée que la teneur de mon texte vous ait confondu; il est évident qu'il s'inscrivait à la suite de Scythe.
Montalte, je vous accorde "la belle voix" - mais ne supra crepidam...
On peut prêter son oreille à un bouffon, on ne lui demandera pas son avis sur les affaires de cour... Luchini - sutor...
Ne vous faites pas d'illusions sur mes "(mé)connaissances de mots"...
"Maître des mots" ? - le mot, au sens non banal, commence quand une image ou une pensée l'annoncent ou lui succèdent. Les maximes de SG - tiens, notre Sacha en concurrence avec la so(a)c(t)iété générale... - ne porterait-il pas, en lui, trop de société et de satiété? - ses maximes, disais-je, sont d'une navrante fadeur.
Tandis que Guitry n'aurait jamais béé d'admiration devant Luchini (il ne béait que devant lui-même), il préférait à juste raison Pauline Carton ! Ceci dit dans "Assassins et voleurs" son dernier film il a bien embauché Poiret pour jouer son rôle et Serrault en comparse ... sic transiit !
Ma petite Kate sortez de votre banlieue, Guitry n'usait pas du mot "bouffon" et il avait plusieurs cordes à son arc - et même de femmes quand bien même il bandait mou dixit Yvonne Printemps !
Il bandait mou mais il parlait ferme !
Kate, en effet, cela m'étonnait aussi que vous aimiez Guitry - un horrible gougat, un être superficiel (et pourtant si profond), un mondain agaçant (quoique plus proche de Charlus que des Verdurin), au bout du compte un infréquentable (qui se foutait comme d'une guigne des "maudits" et des esprits sérieux). Bien sûr, il y a des fan de Sacha, Nabe en premier lieu, mais force est de constater qu'il perturbe encore aujourd'hui comme dans les années trente. Pidiblue a l'air d'en faire partie et dans ce cas, il lui sera fort pardonné.
La satiété est une qualité, mon cher Scythe, et je regrette que vous soyez si fermé à celle de ce tricheur magnifique. Et dire de lui qu'il est "navrant" vous renvoie à votre lourdeur que j'avais cru oubliée. Dommage, vraiment.
Serais-je donc le seul dans notre canton à aimer Guitry ? Vous êtes désespérants les amis...
Oui Montalte il me sera beaucoup pardonné car j'adore Pauline Carton - qui n'avait pas un caractère facile - mais qui aimait les hommes, l'été elle partait en Suisse rejoindre son amant et refusait tous les contrats en disant : "Désolé au mois d'août, je baise !"
Sur le Net on peut voir "Toi c'est Moi" où elle joue le rôle en or d'une tante gâteau avec Pills et Tabet.
"le plus grand dramaturge du siècle passé" ??? Qu'est-ce qu'il ne faut pas lire ! Des pièces donc la misogynie n'a d'égale que la vitesse à laquelle on les a oubliées. Au siècle de Cocteau, Giraudoux, Ionesco et Beckett, franchement...
*Celeborn
Vous faites à nouveau erreur, Montalte. Je me fiche pas mal de la personne de Guitry; je le juge sur son oeuvre (dont on m'a gavée à l'école): superficielle (comme l'homme selon ce que vous en dites) et ennuyeuse. Encore s'il était un vrai Charlus, on lui trouverait quelque drôlerie, mais hélas...
Quant à vous, cher petit bouffon de province (parce que seul un provincial saurait en reconnaître une autre, n'est-ce pas?), la seule marque que vous portez c'est celle de l'amusette: vos commentaires à eux seuls vous marquent.
Après avoir lu votre texte, cher Don Alfonso, je me disais - bien vu, bien fait, mais la cause de Guitry est gagnée depuis longtemps, est-ce bien utile de faire son éloge, etc. Apparemment oui. "Bonne chance", "La vie d'un honnête homme", "La poison", "Faisons un rêve", "Les trois font la paire", "Quadrille", les chefs-d'oeuvre ne manquent pourtant pas pour prouver le génie d'un cinéaste contrairement aux apparences d'une grande humilité, au moins vis-à-vis de son art, ce qui est le plus important. Il ne faut jamais reprocher aux grands artistes d'être sûrs de leur talent, si cela les stimule, c'est encore mieux.
Quant à sa virilité, il ne m'appartient pas de la défendre (j'espère tout de même pour lui qu'il a fait jouir la Delubac, avec sa voix piquante, ça devait être quelque chose), mais si l'on en croit la légende, il fallait bander rudement fort et rudement longtemps pour contenter Mme Printemps.
Allah bénisse Pauline Carton !
Strictement parlant, vous avez raison en évoquant la "lourdeur". Question de balances et de méthodes de pesage. On a beau piper ses mots avec ce qu'on ressent comme musique ou tableaux, qui transvalueraient les chiffres affichés, c'est la lecture machinale qui aura le dernier mot. Voilà ce qui s'affiche en tonnes, à force de ne s'appuyer que sur de l'impondérable. Voilà nos ironies légères, prises pour une écriture "au marteau".
Et une "satiété" peut bien valoir une "soif", quand c'est auprès d'une bonne fontaine, vous donnant l'envie de mourir un peu.
Bizarrement, c'est le grand public qui a oublié Guitry ou qui ne voit en lui qu'un auteur de seconde zone, doublé d'un misogyne répugnant (c'est-à-dire antiqueer), triplé d'un infâme collabo (toute l'histoire prouve que non), alors que les gens de théâtre, de Jean Piat à Francis Huster, continuent de le révérer et de le jouer. Et aujourd'hui fêtent un peu partout le cinquantenaire de sa mort.
Quant à sa fameuse misogynie, il faudrait en débattre. Ceux qui aiment les femmes (les hétérofacistes comme disait Guillame Dustan, là dessus voir http://cafeducommerce.blogspot.com/2007/08/faut-bien-bouffer-je-vois-pas-le.html
)
savent qu'elle n'est chez lui que la parole du désir, et que l'on ne dit jamais du bien de ce que l'on désire - la différence sexuelle impliquant nécessairement le conflit et/ou l'amour.
On aime ou pas le théâtre de boulevard ... pour le reste on va a la MJC.
Dégradation du cinéma et du théâtre français : il n'y a plus l'équivalent de gens comme Michel Simon ou Pauline Carton dont le talent compensait la laideur - ou alors dont la disgrâce physique faisait partie du talent. C'est une perte d'imagination ...
Mon cher Scythe,
Vous avez un encombrement des voies respiratoires, les mots ont du mal à sortir de votre bouche, je vous conseille un bon aérosol pour vous aider à prendre votre inspiration et à expirer calmement.
Cher Deep-Blue (c'est ainsi que je lis votre "nick", provenant visiblement de l'expérience des "échecs")
Vos sollicitations me vont droit aux ... voies respriratoires. Pour éructer quelques noms imprononçables, que mon humanité empêche de s'articuler. Vous y enlevez "art", ce qui reste, vous est destiné et suffira largement, pour ne pas dire - profondément.
Et gardez surtout votre calme, même en expirant.
Bah, quand un Poisson rencontre une Lionne, il faut s'attendre à ce genre d'échange (vif, mais peut-être apocryphe) :
- Chère Yvonne, lorsque vous mourrez, je ferai écrire sur votre tombe: "Enfin froide!"
- Vous, Sacha, quand vous mourrez, je ferai écrire sur la vôtre: "Enfin raide!"
Quant à sa misogynie... "Je suis libre d'avoir une opinion - et c'est déjà très beau - mais je voudrais bien être libre aussi de n'en pas avoir."
Patrice "tout contre" et vit d'amant
Enfonçons le clou (nabien) : "Eux [les homosexuels], ils aiment les femmes. Moi, j'en ai besoin."
Qui n'est pas misogyne a tout de même pas mal de chances de n'avoir jamais vécu avec une femme.
Je suis homosexuel, et pourtant, je ne me sens pas spécialement misandre. Pourtant, j'ai franchement besoin des hommes ;o).
@Celeborn, quelques précisions :
- il ne s'agit pas de faire l'éloge de la misogynie en tant que telle, ou de l'exiger dans les relations avec les femmes, mais si on sent une altérité entre hommes et femmes il y a fatalement des moments d'incompréhension, puisqu'il s'il y avait compréhension totale, il n'y aurait plus altérité - et la conscience de ces moments d'incompréhension, c'est la misogynie (j'écris tout du point de vue des hommes, il n'y a qu'à transposer) ;
- la "misogynie amoureuse", dont Guitry est un illustre représentant, peut prendre à l'occasion de désagréables accents de supériorité, elle n'en est pas moins un mode cohérent d'approche des femmes. La réduire à du "machisme" est un réductionnisme à peu près équivalent à la bonne vieille assimilation anticommuniste=fasciste, ou, dans l'autre sens et plus contemporaine, pro-palestinien=antisémite ;
- votre "pourtant" s'explique dans le contexte, mais il n'est pas nécessaire : ce que vous évoquez est précisément une spécificité de l'homosexualité par rapport aux relations normales (ne voyez pas de provocation dans l'usage de ce terme). Ceci dit, il est évident qu'il y a des couples homme-femme plus fondés sur la ressemblance que sur la complémentarité, et des couples homosexuels au contraire fondés sur de nombreuses différences. Qui plus est, avec le temps se produisent souvent des effets de mimétisme au sein du couple, avec l'âge les femmes peuvent se "masculiniser", etc. ;
- tout cela est bel et bon, mais la France a perdu, et je ne m'en remets pas.
" avec l'âge les femmes peuvent se "masculiniser"... "
Allons bon, on ne va pas tarder à parler hormones...?
Patrice tout contre alto
PS dédié à certaine Dame de mes pensées: «Les femmes préfèrent être belles plutôt qu'intelligentes parce que, chez les hommes, il y a plus d'idiots que d'aveugles.» (toujours de l'imbattable Yvonne!)
Il me semble que votre troisième paragraphe vient (un peu) contredire votre premier : effectivement, l'altérité peut entraîner l'incompréhension, mais il ne me semble pas que l'altérité soit fondamentalement sexuée. Tous les couples homosexuels que je connais sont globalement fondés sur le même "niveau" de différence que les couples hétérosexuels (oups, pardon : "normaux" : ;-) ) que je connais. En gros, je ne vois vraiment pas de spécificité homosexuelle sur le sujet.
Ce qui m'intéresse aussi dans votre message, Despinetta, c'est la référence aux "désagréables accents de supériorité". Il y a effectivement ça chez Guitry (et d'ailleurs pas que chez lui), et c'est typique d'une vision différentialiste des genres (au passage pour le maître des lieux, ne me colle pas l'intégralité de la pensée Queer sur le dos : quand j'entends Guillaume Dustan, j'ai envie d'envahir le Marais). On en revient systématiquement au problème posé dans toute sa magnifique simplicité par Orwell : l'homme a toujours été incapable de différencier sans classer ; il y en a toujours des plus égaux que d'autres. Et les différentialismes de tout bord, qu'ils soient patriarcalement misogynes comme chez Guitry ou féministement misandres comme chez de nombreuses féministes actuelles, est à vomir.
Donc vivement cette société (qui est en train d'émerger) où l'on arrêtera de considérer qu'une femme se "masculinise" quand elle regarde un match de rugby, ou qu'un homme exprime son "côté féminin" quand il fait la vaisselle.
Celeborn,
il ne s'agit pas je crois de contradiction, simplement de distinguer différents niveaux de relation à l'altérité : en l'occurrence, je voulais préciser que s'il y a dans l'homosexualité une forme de refus de l'altérité, ce refus n'implique pas un refus général de l'altérité (suis-je clair ?).
Un point de détail : sur ce que je connais de Guitry, c'est-à-dire les trois quarts de sa filmographie, je ne le mets pas dans la catégorie "désagréables accents de supériorité", loin s'en faut.
Sur la différence des sexes, je ne veux pas trop en dire, car dans ce domaine il faut toujours tellement de précisions pour éviter les contre-exemples, que nous n'en finirions plus et que Don Alfonso fermerait son site pour nous faire taire. Je me contente donc d'une question : comment pourrait-on différencier sans classer ?
A toutes fins utiles : je n'ai jamais trouvé une femme moins féminine quand elle aimait le rugby. Ca m'exciterait plutôt, même. Et je ne me suis jamais senti plus féminin en faisant la vaisselle, je m'y suis surtout fait chier. Mais moi mis à part, vos exemples sont tout de même datés. Votre putain de société a déjà pas mal émergé - ceci dit en toute courtoisie.
Continuez, précisez, étayez, chère Despina, la différence ontologique entre femme et homme, la différenciation comme loi naturelle, l'altérité comme réalité anthropologique, argumentez tout votre saoul, citez Muray, Freud ou Lévi-Strauss, vous ne vous en sortirez pas... Non pas que l'ami Celeborn ait raison, loin de là, mais lui donner tort revient à se poser comme véritablement hétérofasciste, c'est-à-dire comme orthodoxe. Croyez-moi, nous n'avons raison "contre" l'homosexualité que métaphysiquement, et comme la métaphysique est une représentation sociale, il suffit pour les homosexuels de changer de représentation sociale... Contre la différenciation naturelle, on pose les impératifs culturels, contre la réalité homme/femme, on pose le mode androgyne, contre l'altérité, on pose l'ipséité et ainsi de suite. A la fin, homme et femme ne sont que des modes de constructions sociales instituées au profit de l'homme. Vous ne me croyez pas ? Allez-y, osez dire le contraire, je suis avec vous.
Vu les statistiques sur la répartition des tâches ménagères dans le couple (hétérosexuel, n'est-il pas ? :-) ), je ne crois pas que mon exemple de la vaisselle soit daté.
Nous sommes d'accord : on ne peut pas différencier sans classer. Donc, pourquoi différencier ? Parce que la métaphysique, c'est bien beau, mais pendant que certains dissertent sur la loi naturelle, d'autres tentent d'améliorer la société et d'empêcher que des gens se fassent tuer/humilier/insulter par "excès de différentialisme".
@Celeborn : vous me donnez plus d'armes que nécessaire : "pourquoi différencier" ? Mais pour ne pas mourir d'ennui, tout simplement. Cela n'a rien à voir, vraiment rien, avec "tuer/humilier/insulter" - d'ailleurs vous l'écrivez vous-même, puisque vous passez tout de suite du différentialisme à l'excès de différentialisme. La question n'est peut-être d'ailleurs pas là, le problème n'est pas tant l'excès de différentialisme que la hargne vis-à-vis de ceux qui ne respectent pas les critères communs. On peut très bien jouir intensément de la différence des sexes sans avoir d'agressivité à l'égard des homosexuels.
Pour vos statistiques, n'entrons pas trop là-dedans- il suffit juste de se balader dans une grande ville et de voir tous ces jeunes parents, avec le papa en charge de la poussette et du sac à langer, et tout fier de l'être, pour relativiser votre propos.
@Don Alfonso : merci de vos encouragements, mais à la vérité je ne suis pas nécessairement d'accord avec vous sur tous les points. Je travaille de toute manière sur le sujet, donc, j'aurai l'occasion de préciser tout ça. Une chose est sûre, je suis "hétérosexiste" à mort, et je ne vois même pas comment on pourrait ne pas l'être.
Bises à vous !
Ouf ! Des scientifiques font des études, mais heureusement, vous, vous vous baladez dans les grandes villes pour pouvoir rétablir la vérité ! :-) Qu'est-ce qu'il ne faut pas lire, parfois...
Bon, pour revenir à ce qui est le plus important, nous sommes d'accord qu'il y a une différence des sexes, comme vous dites. Un homme, physiquement, ce n'est pas pareil qu'une femme (fichtre ! Je dis des choses fascinantes, ce matin). Je suis ravi que le physique féminin vous émeuve ; moi c'est le masculin qui me met dans tous mes états (et accessoirement je ne meurs pas d'ennui, et ne comprends pas comment on peut désirer une femme ;o) ) ; jusque là tout va bien. Mais il me semble que vous créer par-dessus cette différence une différence de genre (quand vous me disiez qu'avec l'âge, une femme se "masculinise", par exemple). Ca m'intéresserait donc de savoir ce que vous mettez derrière cette différence-là, en fait.
Et pour enfin préciser ma pensée sur le différentialisme et ses excès : je suis bien persuadé que ni vous ni Pierre n'irez avoir de l'agressivité mal placée envers moi. Il n'en demeure pas moins que vous entretenez un système (pour le nommer, le système patriarcal, qui vous encourage à cette différentiation dont on parles depuis un petit moment maintenant), que vous participez d'un système qui lui, en génère. Il me paraît donc malséant de défendre ce système, et lumineux d'évoluer vers un autre qui éviterait ce genre de désagréments au citoyen que je suis.
*Celeborn
NB : je tenais à signaler que, même si nous ne sommes absolument pas d'accord, il très intéressant et agréable de discuter avec vous.
Ach, l'ami, pour votre premier paragraphe : vous me citiez une statistique sans source ni contexte, je lui ai opposé un fait, avec lequel je n'entends certes pas régler toute la question, mais qui ne me semble pas négligeable.
Pour le reste, plutôt que de vous répondre directement dès maintenant, je voudrais juste vous poser deux questions :
- qu'est-ce que le patriarcat ?
- sans vouloir être indiscret : si les hommes vous affolent et pas les femmes, est-ce pour des raisons purement physiques, ou seulement entre autres pour des raisons physiques ?
Pour ne pas dévier le propos et pour que vous gardiez une bonne opinion de moi, je ne relève pas plus que ça votre usage du mot "citoyen" : je suis plus citoyennophobe qu'homophobe !
Cordialement !
Qu'est-ce qu'on peut lire comme conneries, parfois!
"vous me citiez une statistique sans source ni contexte"
http://www.ipsos.fr/CanalIpsos/articles/1529.asp
Vous voilà exaucé !
"- qu'est-ce que le patriarcat ?"
Un bon dictionnaire doit pouvoir vous aider. Sinon, essayez Simone de Beauvoir.
"- sans vouloir être indiscret : si les hommes vous affolent et pas les femmes, est-ce pour des raisons purement physiques, ou seulement entre autres pour des raisons physiques ?"
Les individus qui m'affolent sont tous des hommes, car je ne désire pas le "physique" féminin. Ensuite, les hommes qui m'affolent "sérieusement" ne m'affolent pas que pour des raisons physiques : je les préfère avec de l'humour et de la conversation. Ca m'intéresserait de savoir à quoi vous voulez en venir...
*Celeborn
NB : "citoyen" est un mot souvent dévoyé et que j'emploie d'ailleurs peu ; mais là, ça me semblait le mot adéquat ; je ne vois donc pas pourquoi je m'en priverais.
(Laissons pour "citoyen", passons, comme un vulgaire juif américain, sur Simone).
Pas mal, votre sondage ipsos, très "scientifique" effectivement : l'idée que les femmes en déclarent très souvent moins qu'elles ne font (les pauvres chéries), et les hommes très souvent plus (les salauds) est dans la façon dont elle est exposée ici presque aussi rigoureuse que les corrections des sondeurs par rapport aux intentions de vote pour Le Pen - pendant des années ils ne les ont pas assez corrigées à la hausse, cette année, hélas, ils les ont trop corrigées à la hausse. Vous me permettrez un certain scepticisme, qui ne m'empêche certes pas de noter que l'appréciation sur les jeunes va plutôt dans le sens de mon exemple.
Je suis votre conseil (paternaliste) et ouvre le dictionnaire (Robert 2006, p. 1872) - Patriarcat : "Forme de famille fondée sur la parenté par les mâles et sur la puissance paternelle ; structure, organisation sociale fondée sur la famille patriarcale." Navré, c'est encore à vous de me dire ce qu'il y a de si scandaleux là-dedans, de même, éventuellement, que le rapport à l'homosexualité.
Quant à ma question indiscrète, elle était liée à votre idée que je rajoutais une différence de genre sur une différence organique. Je ne vois pas trop comment il est possible de faire autrement, mais, en l'occurrence, j'aurais souhaité que vous me disiez "j'aime les hommes parce qu'ils sont ceci, cela", j'aurais pu vous prendre en flagrant délit de différenciation des sexes. C'est raté. Il se peut d'ailleurs que cela vienne d'une autre différence entre les relations hommes-femmes et l'homosexualité, puisque votre réponse rappelle le diagnostic de Baudelaire : "Aimer les femmes intelligentes est un plaisir de pédéraste." Mais ayant été moi-même souvent sexuellement excité par l'intelligence de telle ou telle, je ne peux me solidariser complètement avec le grand Charles sur ce point.
Dans l'attente de votre réponse, je me permets ce voeu oecuménique : que Dieu (le Père, bien sûr) foudroie Paris Hilton et Steevy !
AS (pour Kate) : "Il vaut mieux consacrer son intelligence à des conneries que consacrer sa connerie à des choses intelligentes" (le monde selon Rouxel, chat-dok va de soi)
Coeur de mess :
"Qui n'est pas misogyne a tout de même pas mal de chances de n'avoir jamais vécu avec une femme."
Pour le coup voilà une khonneurie qui m'éjouit ! (A commencer par le mot "chance", bonjour le lapsus révélateur...)
Sans citer des cas plus courants, mon meilleur pote a quand même vécu toute sa vie avec des femmes, dont près de 20 piges avec la même, sans misogyner un instant - et, recordman de l'homoindifférence qu'il est, le terme '"hétérosexiste" le ferait hurler (de rire?) ...
Il faut dire que le même ne sait pas reconnaître un nom juif, ni un faciès étranger. Un cas ? Peut-être... Alors, une "chance"- une vraie - si je le connais.
Patrice, what about gender ? "Et je sais sur ce point / Bon nombre d'hommes qui sont femmes" (La Fontaine - avec un nom pareil, comment ne pas être Cancer ? )
PS : prends garde à toi Kéké, tu te mets à dysorthographier ! Pour te remettre va donc voir un Guitry (aïe pas taper)
"Aimer les femmes intelligentes est un plaisir de pédéraste."
Le p'tit Charlot, qui versifiait moyennement (pas taper, Kéké) et pensait encore moins bien, n'est pas allé jusqu'à écrire pareille énormité : il a craché "aimer UNE femme intelligente est un plaisir de pédéraste", ce qui est... singulièrement différent, même si pas plus malin.
Et pendant qu'on est passé du genre (je n'y reconnais de sens que grammatical) au nombre :
"j'aime les hommes parce qu'ils sont ceci, cela"
"Quand on aime pour plusieurs raisons, c'est qu'on n'aime pas." (de qui ? de Guitry - sans garantie)
Patrice George
PS : quelle pomme je fais, au sujet des philogynes j'ai oublié mon père unique et préféré, qui a eu bien raison de fauter il y a soixante ans... Mon vieux, je vous souhaite de belles noces de diamant !
Il devient difficile de débattre avec vous, mon cher Despina, car vous vous défilez régulièrement. J'ai l'impression que vous êtes tellement sûr de votre bon droit que vous ne vous souciez même pas d'expliquer vos positions, et vous vous contentez alors d'essayer de me prendre en défaut, si possible sur des points mineurs à propos desquels la discussion ne peut virer qu'à l'argutie. Et comme vous vous ratez, nous n'avançons pas.
Par exemple sur la question de la répartition des tâches ménagères. Tout le monde vous le dira, les gens comme les chiffres, vous avez tort et j'ai raison : cette répartition est inégale. Que les interprétations propososées par l'institut de sondage soient sujettes à discussion, sans aucun doute, encore que l'on peut supposer qu'ils n'avancent pas leurs explications par hasard, juste parce qu'ils ont observé des couples se promener le dimanche à Paris. Ces explications ne changent de toute manière rien aux chiffres avancés (il n'est pas indiqué qu'elles auraient servi à "corriger" les chiffres, contrairement à ce que vous laissez entendre avec votre amalgame avec les élections et le FN).
Donc finalement, moi, bonne poire, je vous apporte tout ce que vous me demandez ; tandis que vous, vous n'apportez absolument rien, et vous contentez d'utiliser une virgule ou un mot mal placé en guise d'argumentation. Faut-il alors que j'en vienne à opposer mes "faits" aux vôtres, et à vous signaler que sur ma ligne de métro, je n'ai jamais vu que des femmes avec une poussette, et que je prends souvent le métro ? Nous frisons le ridicule...
De même pour le patriarcat : je veux bien apporter des éléments au débat, mais je n'aime pas être pris pour un imbécile. Vous savez ce que c'est, je n'en doute pas, mais apparemment vous avez envie de jouer, et vous en profitez pour passer sur Simone (la pauvre :) ), quand même spécialiste du sujet. Un peu comme si l'on discutait de la volonté de puissance et qu'on passait sur Nietzsche...
Donc non, ce n'est plus à moi de vous répondre : c'est à vous de vous expliquer, mon cher. Et autrement qu'avec une citation de Baudelaire avec laquelle, au final, vous affirmez ne pas être d'accord ; ou qu'avec une parenthèse gratuite qualifiant, on se demande bien pourquoi, mon conseil de paternaliste. Ma mère aussi me conseillait d'ouvrir un dictionnaire, pourtant ;-).
Celeborn-Despina : Six-zéro pour le premier set, et un-zéro pour l'instant.
Despina, réveillez-vous ! Avec vos échappatoires à la con, votre ironie non argumentative, votre façon de couper les cheveux en quatre, de faire fi des évidences et, excuse-moi JR, d'enculer les mouches (et qui me rappelle furieusement les méthodes de Patrice, si si si si....), vous êtes en train de vous faire écraser, sinon plus. Pourquoi diable suis-je condamné à être d'accord avec des gens qui se font massacrés par d'autres gens avec qui je suis en désaccord ? Celeborn, je te maudis, et je t'aime.
" Pourquoi diable suis-je condamné à être d'accord avec des gens qui se font massacrer par d'autres gens avec qui je suis en désaccord ? "
Peut-être est-ce bêtement un tort d'être en accord avec des gens qui ont tort ?
(et inversement...)
Patrice, raisonnablement raisonneur
Maintenant que Cormary-Chasle est démasqué, je pense qu'il est temps pour moi de tout avouer : oui, Pierre Driout, c'est moi.
Pour ne pas donner dans la polémique, je vais surtout m'efforcer de clarifier mon propos.
Concernant le sondage, d'abord. Je n'ai pas remis en cause ses résultats, puisque j'en ai moi-même repris à mon compte une partie, je me suis contenté de signaler que l'argument selon lequel les hommes surestimaient leur participation aux tâches ménagères, et vice-versa pour les femmes, était tout de même bien commode. A terme, on pourra peut-être s'épargner de faire des sondages sur cette question, puisque l'état d'esprit supposé des partenaires finira par invalider a priori leurs réponses. Je n'ai jamais écrit que c'était le cas ici.
Et je le répète, ce sondage, en ce qu'il dit des jeunes couples, va dans le sens du fait que je m'étais permis de relever et dont je n'ai pas prétendu qu'il résumait toute la réalité. (Au passage, si vous ne voyez "jamais" de pères avec enfant et poussette dans le métro, c'est que vous êtes aveugle, tout simplement.)
Je ferais fi des évidences, selon D. Alfonso (qui mérite mieux ce pseudo que je ne le pensais, à rester assis dans son fauteuil à regarder les autres échanger des coups. Passons, j'ai dit pas de polémique.) Non, je n'en fais pas fi, mais ce qui m'intéresse, et c'est pour ça que je pose beaucoup de questions aux gens, et que ça les énerve parfois, ce qui m'intéresse, c'est de savoir si ces évidences sont si évidentes que ça. Une évidence (quand du moins elle ne touche pas à l'ineffable ; je comprends très bien qu'un croyant puisse avoir du mal à exprimer ce qu'est Dieu pour lui, alors qu'ils le ressent avec évidence) devrait pouvoir s'exprimer sans difficulté, je constate bien souvent que ce n'est pas le cas.
Pour ce qui est du patriarcat, il faut savoir de quoi l'on parle. Un couple d'Espagnols d'une cinquantaine d'années sont venus faire des travaux de maçonnerie chez des connaissances à moi, ou plutôt le monsieur faisait les travaux : sa femme se levait avant lui, lui préparait le petit déjeûner, restait debout à côté de lui, sans se nourrir elle-même, pendant qu'il le mangeait, idem pour les autres repas - il va sans dire que la vaisselle était pour elle, etc. Certes un tel système n'est pas ma tasse de thé, mais il ne me semble pas que la "puissance paternelle" à laquelle il est fait allusion dans la définition du Robert implique nécessairement de tels comportements.
Laissons de côté le problème de savoir si cette femme est malheureuse ou non, consciemment, inconsciemment, un peu, beaucoup, passionnément ; admettons, plus généralement, que le système patriarcal, tel que défini par le Robert, est en net affaiblissement, ce que, j'espère, vous pouvez admettre, quand bien même nous serions en désaccord sur la portée actuelle de cet affaiblissement. Si celui-ci en tout cas vous réjouit, il vous reste à me dire, la nature ayant horreur du vide, par quoi le patriarcat est ou va être, demain ou dans des années, remplacé, ou par quoi vous désirez qu'il le soit. Vous souhaitez la fin d'un système, c'est pour mettre un autre système à sa place. Moi je ne souhaite rien, j'essaie de voir ce qu'on (vous, moi, tout le monde) peut y gagner ou y perdre. Je ne défends même pas nécessairement le patriarcat, j'essaie de comprendre ce qu'il a nécessairement de si odieux. Vous aviez l'air de le savoir, je vous ai prié de me le dire. Même en faisant la part de ma fausse naïveté, si c'est cela vous prendre pour un imbécile, c'est ubuesque.
Car relisez-vous un peu, tout de même : vous m'assenez des vérités définitives sur le patriarcat, concept que vous avez été ici le premier à évoquer ici, et quand je vous demande de les préciser, c'est à moi, non seulement de déduire ce que vous pensez à partir de la définition du dictionnaire, mais de me taper, tant qu'on y est, les deux volumes du "Deuxième sexe" - après quoi vous me reprochez de me "défiler". Malgré l'antipathie que j'ai pour la Beauvoir, je pourrais me rendre à ses raisons si je les trouvais bonnes, mais dans le cadre de nos discussions informelles et éphémères, c'est tout de même à vous de mes les fournir !
La balle en tout cas est dans votre camp.
1-1 pour le deuxième set !
Je suis Olivier Noël. Il est temps à présent de tout dire.
(je suis bien conscient de l'absence d'intérêt et du caractère particulièrement énervant des 2 lignes ci-dessus, mais je ferai mieux une autre fois)
Ne soyez pas si pressé de discuter sur le patriarcat. Moi, cela fait environ 15 messages que j'attends que vous m'expliquiez les différences que vous mettez entre le masculin et le féminin, et vous voyez : je prends mon mal en patience :). Donc c'est quand vous voulez, hein !
Mais bon, en attendant, et puisque nous avançons de nouveau, je veux bien continuer à "asséner mes vérités définitives".
Qualifier un sondage de " très "scientifique" effectivement" (avec toute l'ironie que supposent ces guillemets), si, c'est remettre en cause ses résultats. Mais bon, je suis au final ravi que vous les acceptiez. Oui, nous sommes d'accord, la situation s'améliore chez les jeunes (les mecs en font plus, même s'ils sont loin d'en faire assez), mais malheureusement, c'est aussi dans cette catégorie d'âge que les femmes doivent en faire le plus (on paye plus difficilement une personne pour faire le ménage à 25 ans qu'à 50, pour aller vite). Donc le côté libérateur de la nouvelle répartition m'échappe encore.
Au passage, si je ne vois jamais de pères avec une poussette dans le métro, c'est peut-être que je ne prends pas la même ligne que vous, et pas aux même moments.
Venons-en à notre serpent de mer, le patriarcat. Je vais donc chercher ma Simone (le premier tome suffit) et ma Virginia, et je reviens.
Coucou ! Me revoila ! Alors, en gros, le patriarcat (qui existe toujours, même si je suis bien d'accord pour dire qu'il s'affaiblit ; encore qu'il faut faire attention qu'il ne prenne pas de nouvelles formes, plus dissimulées mais tout aussi efficaces), c'est le système selon lequel tout ce qui n'est pas un individu masculin (et tant qu'à faire blanc, hétérosexuel et en possession de ses moyens physiques et mentaux) est traité comme inférieur. Puisque vous aimez les exemples très concrets, je vais vous en proposer plutôt que de disserter théorie (mais j'y reviendrai) pendant trois pages :
- dans notre société, le salaire moyen d'une femme est inférieur à celui d'un homme (de 20%). Les femmes occupent en proportion davantage d'emplois précaires, de mi-temps.
- A poste égal, dans l'entreprise, une femme est généralement moins payée.
- Dans l'entreprise comme dans l'Etat, les postes à responsabilité sont, à une écrasante majorité, détenus par des hommes. Quand une femme en obtient un, on pense souvent qu'elle a couché pour l'obtenir (et malheureusement, il peut arriver que ce soit vrai).
- Souvent, quand une femme passe un entretien pour entrer dans une école de commerce, on lui demande comment elle va s'y prendre pour gérer à la fois sa vie professionnelle et sa vie familiale. On ne pose jamais, ou très rarement, cette question à un homme (et là, youpi, c'est du "vécu" !)
- Quand une femme est une candidate sérieuse au poste de Président de la République (peu importe qu'on l'apprécie ou non), on entend aussitôt des bons mots sur le fait qu'il "ne s'agit pas d'un défilé de mode". Pour les hommes, rien.
- "Salope" est une insulte autrement plus dégueulasse que "salop". Quand on insulte une femme, c'est presque toujours par rapport à son sexe (salope, pute). Un homme, on pense juste que c'est un gros con (ça n'empêche pas de dire qu'une femme est également une grosse conne, voire une grosse connasse, d'ailleurs :) ).
- il y a des hommes battus (très peu) et des femmes battues (mais alors là, beaucoup beaucoup plus, au minimum 7% des femmes en France selon les statistiques, forcément difficiles à établir sur ce sujet) dans notre société.
- la religion (quelle qu'elle soit) met l'homme au centre, et la femme à la périphérie : Dieu est un "père" (d'où le "patriarcat", comme quoi tout se rejoint), Jésus et Mahomet des mecs, la femme créée à partir de l'homme (et c'est elle, quelle cruche, qui prend la pomme).
... et nous pourrions continuer.
Tout ça, c'est le patriarcat. Je vous cite Beauvoir, qui résume ça très bien :
"Or la femme a toujours été, sinon l'esclave de l'homme, du moins sa vassale ; le deux sexes ne se sont jamais partagé le monde à égalité ; et aujourd'hui encore, bien que sa condition soit en train d'évoluer, la femme est lourdement handicapée. En presque aucun pays son statut légal n'est identique à celui de l'homme et souvent il la désavantage considérablement. Même lorsque des droits lui sont abstraitement reconnus, une longue habitude empêche qu'ils ne trouvent dans les moeurs leur expression concrète. Economiquement hommes et femmes constituent presque deux castes ; toutes choses égales, les premiers ont des situations plus avantageuses, des salaires plus élevés, plus de chance de réussite que leurs concurrentes de fraîche date ; ils occupent dans l'industrie, la politique, etc., un beaucoup plus grand nombre de places et ce sont eux qui détiennent les postes les plus importants. Outre les pouvoirs concrets qu'ils possèdent, ils sont revêtus d'un prestige dont toute l'éducation de l'enfant maintient la tradition : le présent enveloppe le passé, et dans le passé toute l'histoire a été faite par les mâles."
(Simone de Beauvoir,Le Deuxième Sexe, Tome 1,Folio essais, p.23).
Vous voyez, même Beauvoir affirme que la situation évolue, et vers du mieux. Mais il faudrait voir à ne pas confondre l'objectif et le chemin qui y mène, et à ne pas s'arrêter au milieu en disant que ça y est, on est arrivé.
Des questions ? :o)
(Pour le lien entre patriarcat et statut de l'homosexualité dans la société, si ça ne vous dérange pas, on verra ça une autre fois, mais je garde ça sous le coude.)
Bien à vous !
*Celeborn
Quel petit vantard ce Juldé, non seulement il est Personne mais maintenant il est aussi P.D !
Si on peut même plus rigoler...
Le hic avec votre argutie, Celeborn, c'est que, si vous vous fondez - même partiellement - sur Beauvoir et sur Woolf, vous vous fondez sur des autorités (?) obsolètes. Difficile, dans ce cas, de ne pas écarter une grosse partie de votre raisonnement; il manque de contemporanéité. La réalité n'est peut-être pas aussi défavorable aux femmes (de manière générale) que vous la présentez.
PS: les blagues comme les injures sont fondées sur ce qui rend le "farci" différent (le sexe, la couleur de la peau, l'orientation sexuelle). Vous devriez pertinemment le savoir, non?
Je présente des faits actuels, Kate, pas des faits des années 30 ou 60 (si vous souhaitez en nier certains, j'attends des cas précis par rapport à ce que j'ai avancé, et non un blabla flou sur la contemporanéité). Etonnamment, les analyses de Woolf et de Beauvoir s"y appliquent toujours très bien. Peut-être parce que les raisonnements de personnes intelligentes et douées, fussent-elles "obsolètes", valent toujours 1000 fois mieux que les raisonnments contemporains de dizaines de crétins ? Peut-être parce qu'elles ont mis à jour des mécanismes profonds de la société, qui ne disparaissent pas avec la mode suivante ?
*Celeborn, "Quoi de neuf ? Platon !"
PS : je suis bien d'accord avec votre PS ! Dans un système patriarcal, on farcira donc les femmes, les homos et les minorités colorées, non ? Vous trouvez que c'est une bonne chose ?
PS2 : accessoirement, c'est à notre époque qu'on a créé des mouvements d'une grande contemporanéité tels que "Ni Putes ni soumises" ou "Les Chiennes de garde", qu'Antoinette Fouque édite de nombreux écrits féministes aux éditions des femmes, qu'on joue partout "Les Monologues du vagin"... et on a donc rarement autant discuté de la question des sexes et de leurs rapports. Ensuite, chacun pense ce qu'il veut de ces diverses choses (je n'en pense pas toujours du bien, loin de là, je le précise, avant qu'on m'envoie Isbelle Alonso dans le groin ;o) ), mais elles ne semblent pas très obsolètes.
Eh oui chère Kate, Celeborn a les chiffres et les faits avec lui, et ces chiffres et ces faits vous emmerdent (autant qu'ils emmerdent Despina), car lui, voyez-vous, et je m'adresse autant qu'à vous qu'à vous qu'à lui, il est du côté de la loi, du côté de l'époque, du côté de l'avenir, rien ne lui résiste - et si vous n'êtes pas d'accord avec lui, il vous fera un un procès - un procès qu'il gagnera (enfin pas lui car c'est un gentil garçon mais un de ses pairs méchants, un pédé procédurier qui considère que le mot "pédé" est une crime contre l'humanité). Comme je vous le disais, vous ne vous en sortirez pas (sauf si vous sortez UN argument, mais celui-ci, vous n'y croyez plus vous-même - et je le dirai à la toute fin du débat si vous ne l'avez pas sorti). Mais Muray, Nabe, ou mieux, l'expérience socio-culturelle de femmes qui sont heureuses et riraient de Beauvoir ou de Woolf, il n'en a rien à foutre, car ces femmes ne représentent pas du tout l'opinion dominante, la leur, la sienne, les stats. Il vous enculera tous je vous dis, et c'est pourquoi ce débat me passionne. Quand la loi, l'opinion dominante (je n'ai pas dit "majoritaire") sont contre vous, vous ne pouvez rien faire et quand mon ami Celeborn se met à raisonner contre vous, vous êtes perdus - sauf si vous avez cet argument que je dévoilerais à la fin si j'en ai envie.
Car, en effet, pour l'instant, personne ne peut nier le patriarcat, personne ne peut nier que l'on secondarise les femmes (avec toutes les raisons que Celeborn a avancées - et s'il vous plaît, Despina, pas de chinoiseries à ce propos), que l'on exclut les homos du champ social "normal" (combien de gays suicidés, passés à tabac ou bannis de leur famille ??? là aussi, les chiffres et les faits sont là, il se fera un plaisir de vous le rappeler), personne ne peut nier que l'humanité entière et depuis toujours a affirmé le mâle contre la femelle et dénié le droit aux mâles et aux femelles qui osaient SE préférer à l'autre.
Si vous voulez aller contre cet argument, soyez métaphysiques, sinon, si vous n'êtes que socio-culturels, vous vous ramasserez.
Bonne nuit à tous.
Merci de votre réponse Celeborn, merci de vous mouiller un peu D. Alfonso (et désolé pour le délai, mais l'esclavage salarié n'est pas un vain mot). Je crois que le débat part un peu dans tous les sens, et je crois que c'est normal, car contrairement à ce qu'écrit D. Alfonso, on ne peut ici séparer complètement "métaphysique" et "socio-culturel" (sinon, d'ailleurs, Celeborn pourra répondre que la métaphysique n'est qu'abstraction, la balayer d'un revers de la main, et on sera bien avancé) et que dans les derniers messages, cette "métaphysique" et ce "socio-culturel" se chevauchent allègrement.
(Pour ce qui est de la différence des sexes, Celeborn, j'ai prévenu dès le début que je ne me voyais pas me lancer là-dedans dans le cadre de ces commentaires - puisque je veux écrire dessus bientôt, vous n'avez qu'à surveiller mon site, ou m'envoyer votre mail, ou, dans l'intervalle, vous consoler avec ceci : http://cafeducommerce.blogspot.com/2006/04/mise-au-point-connaissance-biblique.html. Mais je vais bien être obligé d'aborder un peu ce sujet aujourd'hui.)
C'est probablement ma faute, mais je ne sais pas où D.A. a pris l'idée que les faits, notamment ceux évoqués par Celeborn, me gênent. Je peux même vous en apporter des supplémentaires : dans une grande entreprise automobile française on vire les femmes à la moindre grossesse, sous des prétextes divers, alors que l'on garde leur place au chaud à des hommes victimes de maladie de longue durée. J'ai dans mon entourage deux exemples récents montrant que les PME ne laissent pas leur part au chien en la matière. C'est du propre.
Bref, pour ne pas être accusé de chipoter (tout de même, il serait intéressant d'avoir de bonnes statistiques sur les hommes battus...), je vous accorde tous ces faits - je parle de ce qui relève du salaire (au passage, "salope" est un très beau mot. Si vous n'en êtes pas convaincu, écoutez la version de "Avec le temps" à Dejazet en 1988, où Léo Ferré en fait une des plus émouvantes déclarations d'amour que je connaisse - ou "Ton style" ("Ton style, c'est ma loi, quand tu t'y plies, salope...", la classe)), laissons Jésus et Mahomet de côté pour l'instant.
Simplement, ces faits incontestables, et que comme vous je trouve regrettables, ne résolvent pas toute la question (quelle question ? l'égalité hommes-femmes aujourd'hui. Le patriarcat, tout à l'heure.) Je me permets un détour par un pays que je connais bien, l'Islande, qui avec ses quelques centaines de milliers d'habitants, permet plus aisément une vue synthétique du problème que la France. Il y a un an environ, les femmes islandaises, dans leur écrasante majorité, ont arrêté le travail à l'heure à laquelle elles l'arrêteraient tous les jours, si leur salaire horaire était équivalent à celui des hommes - en gros, au lieu de bosser jusqu'à 17h30 comme d'habitude, elles ont quitté le boulot à 15h. Cela montrait très bien les disparités de salaire, la manifestation organisée dans le centre de Reykjavik à partir de 15h fut un énorme succès. Bravo, donc, à ceci près qu'il est évident pour un observateur extérieur que la réalité du pouvoir, en Islande, appartient aux femmes. Elles sont plus dynamiques, plus en confiance, que les hommes, lesquels, avachis et désorientés pour une bonne part d'entre eux, ont tendance à en rajouter dans ce que l'on peut appeler le machisme, la beauferie - et, accessoirement, la beuverie. Autrement dit, dans le cas de l'Islande, l'inégalité salariale est un contre-exemple d'une inégalité inverse et plus générale. (Vous n'êtes pas obligé de me croire. Mais si vous ne me faisiez pas un peu confiance, où serait l'intérêt de discuter ?)
Je ne prétends ni ne pense que la situation soit la même en France, ni ne sais si elle va évoluer dans la même direction. Mais l'exemple de l'Islande me semble montrer que l'inégalité salariale ne fait pas tout. Faut-il aller jusqu'à penser, comme Montesquieu :
"Il faut remarquer qu[e] (...) les femmes n’ont jamais guère prétendu à l’égalité : car elles ont déjà tant d’autres avantages naturels, que l’égalité de puissance est toujours pour elles un empire." ?
Même en connaissant tellement de couples ou Madame fait faire à peu près ce qu'elle veut à Monsieur, même en connaissant, eh oui, bien plus de couples où c'est Madame qui a fait cocu Monsieur que le contraire, même en ne se faisant pas d'illusions sur la bêtise masculine, je n'irais pas jusque-là.
Une rectification avant de continuer :
- "personne ne peut nier que l'humanité entière et depuis toujours a affirmé le mâle contre la femelle et dénié le droit aux mâles et aux femelles qui osaient SE préférer à l'autre.", écrit D. Alfonso - est-ce ironique ? Et les Grecs ? Et les bordels à garçons en plein Moyen Age catholique (il y a un livre de J. Boswell là-dessus) ? Et toutes celles des sociétés primitives qui fonctionnaient en régime matrilinéaire ? J'entends bien, j'entends bien, au total, sur le nombre, c'est le système patriarcal qui domine (et peut-être n'a-t-il pas si mal que ça fait fonctionner l'humanité, après tout).
Mais il faut remarquer, M. Celeborn, que vous reliez de façon rapide les excès que vous dénoncez au patriarcat : si je vous accorde qu'il y a un rapport circonstanciel et historique entre celui-ci et ceux-là, il ne s'ensuit pas que la filiation par le père et une certaine primauté donnée à la puissance paternelle, primauté qui peut être limitée en droit comme en fait, aboutissent inévitablement à l'oppression de tout ce qui n'est pas mâle-blanc-sexuellement-conforme.
La question que je me pose est simple, je l'ai déjà exprimée dans mon message précédent : qu'est-ce qu'on met à la place du patriarcat ? On peut enchaîner sur une "sous-question" plus précise : y a-t-il une place pour une troisième voie entre matriarcat et patriarcat ? Je n'en sais rien - et ce message est déjà bien long. Mais le patriarcat au moins ne se cachait pas, et l'on peut craindre que sous prétexte de lutter contre ses abus ce soit un matriarcat, qui, lui, ne s'avoue pas comme système de domination, qui soit en train de s'imposer.
Je développe quand vous voulez (et si vous voulez).
(Oui, je ne veux pas être désagréable, mais votre évocation des religions est bien rapide : et les déesses égyptiennes, vous en faites quoi ? Et est-ce que Héra-Junon est si subordonnée que ça à Zeus-Jupiter ? Notre hôte wagnérien pourra vous confirmer que chez les Teutons Fricka ne laisse pas sa part au chien à Wotan. Et puis Dieu a bien le droit d'être père, non ?)
Cordialement !
Les affaires reprennent ! (bon, on risque de partir dans tous les sens, donc il va falloir tenter de cadrer).
Je passe (à mon tour) sur "salope" : un artiste peut rendre n'importe quel mot magnifique (même si ce que vous me citez, là, comme ça, décontextualisé, euh, bof...) ; il n'en demeure pas moins que les femmes qui se font traiter de salope dans la rue/dans leur famille trouvent rarement ça "très beau".
J'ai de bonnes statistiques sur les hommes battus (là aussi, flemme de retrouver l'adresse, mais c'est faisable), ou plus exactement sur ceux qui en meurent : un homme mourrait suite à des violences conjugales tous les 14 jours (pour rappel, une femme en meurt tous les trois jours, soit pas loin de 5 fois plus). Précision : dans la moitié des cas, l'homme frappait sa femme (ce qui n'explique pas tout, mais peut donner des idées permettant de comprendre pourquoi on en est arrivé là).
Je reviens deux secondes aussi sur l'Islande, non pas que je ne vous crois pas, mais la situation exposée heurte ma logique à un moment : si la réalité du pouvoir appartient aux femmes, comment se fait-il qu'elles soient moins payées ? Il m'a quand même l'air d'y avoir anguille sous roche, et je me demande de quel "pouvoir" on parle exactement. Apparemment pas celui d'égaliser les salaires, en tous les cas... Avez-vous des précisions supplémentaires ?
La notion de rôle au sein du couple est, à mon sens, à bannir de la discussion : qui trompe qui, qui gueule quand l'autre rentre en retard, ça n'a jamais empêché le système patrircal de fonctionner joyeusement. le mari peut être terrorisé par sa femme en privé sans que cela empêche que ce soient les hommes qui détiennent les pouvoirs politique, économique, religieux, culturel... bref, social et public. Au pasage, la phrase de Montesquieu, en l'état (mais il faudrait la recontextualiser) est juste à gerber, et place comparativement Guitry au rang des grands féministes de notre époque :o).
Un petit détour par la Grèce (qui vaut aussi, mutatis mutandis, pour le Moyen-Âge) : la pédérastie de l'époque faisait partie du système éducatif, mais il n'existait pas de chose telle qu'un "couple homosexuel" dotés de droits et servant de cellule de base (familiale) à la société. La Grèce était un bon vieux patriarcat des familles comme les autres, avec tout au plus une légère différence dans la définition de la "virilité". Au passage, les lesbiennes pouvaient aller se brosser, en Grèce comme dans les bordels à garçons (où elles ne risquaient pas trop de s'amuser :) ).
Et puisque l'on est bien en Grèce, profitons-en pour parler de Jupiter (le maître des dieux) et de son épouse (qui elle ne l'est pas), comme d'Hadès (le maître des enfers) et de Perséphone (joyeusement enlevée par le sus-nommé). Si vous ne voyez pas la différence de traitement entre le mec et la nana dans les couples de dieux grecs, si vous ne voyez pas le système patriarcal en gros, en couleurs et avec le son dolby-stéréo dans la mythologie greco-romaine, je ne peux vraiment rien pour vous.
"il ne s'ensuit pas que la filiation par le père et une certaine primauté donnée à la puissance paternelle, primauté qui peut être limitée en droit comme en fait, aboutissent inévitablement à l'oppression de tout ce qui n'est pas mâle-blanc-sexuellement-conforme. "
Sauf pour le blanc (pour des raisons évidentes), ça a juste été vrai partout et depuis des millénaires. Ca me semble donc relativement crédible, mon analyse.
Nous en arrivons enfin (ouf !) au point le plus important : maintenant qu'allons-nous faire ? Gardez tranquillement vos délires de matriarcat bien au chaud : je crois qu'on a le temps. D'ailleurs, ce type de discours est souvent lié à un patriarcat qui, ne pouvant plus s'afficher sereinement, se cache (sisi, il peut le faire, je vous assure ! :) ) et joue des peurs des mecs pour se maintenir en place. Je ne sais pas s'il y a la place pour troisième voie ; personnellement, en la matière, je crois ce que je vois, et je vois que cette troisième voie se construit un peu plus chaque jour (même s'il faut rester attentif à ne pas revenir en arrière ; je pense par exemple à l'avortement qui est un sujet de débats inquiétant ces temps-ci, mais ce serait une autre (longue, peut-être) discussion). Sa définition conceptuelle laisse un peu à désirer, et tout le monde n'est pas d'accord dessus, mais je crois qu'on peut la définir par rapport à un principe d'égalité non seulement de droit (ça, en gros, on l'a, et béni sera le jour où l'on n'aura plus besoin de lois sur la parité) mais aussi et surtout de fait entre tous les individus, quelque soit leur sexe, leur couleur, leur religion, leur orientation, etc.
Pour résumer cela, je parlerais volontiers de la mise en place d'un principe d'indifférence (ce qui ne veut pas dire qu'on se fout des gens, ni qu'il y a indifférentiation entre le sexe masculin et le sexe féminin dans une sorte de recherche d'androgynie physique) à tout ça : on ne dira plus que les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus, que les homos savent faire la fête, et autres billevesées. Bref, un bon gros anti-communautarisme appliqué à tous, car au final le patriarcat n'est qu'un communautarisme.
Bien à vous !
*Celeborn
Bonjour,
(pour le "contexte" de Léo : écoutez les chansons, si je vous ai fait découvrir ça, nous n'aurons pas tout perdu... Sinon, être insulté par un con dans la rue, ce n'est pas très agréable peut-être, mais on s'en remet - et on peut même s'en amuser et s'en enorgueillir.)
Merci pour les statistiques (on peut battre pendant des années quelqu'un sans le faire mourir, soit dit en passant).
Sur l'Islande, il n'y a pas de contradiction, mais il y a un décalage chronologique entre la place qu'ont les femmes aujourd'hui et les survivances, d'autant plus aiguës peut-être que les hommes se sentent en difficulté, de l'ancien système, où les hommes avaient à peu près tous les pouvoirs politique, économique, tous les postes importants. Bref, ils se crispent sur leur steack. A titre personnel, je trouve parfois qu'il y a un manque de dialogue entre les sexes dans ce pays, et que ce problème est à terme nettement plus préoccupant que les inégalités salariales. Mais bon, c'est à eux de voir.
Sur l'histoire des religions, j'ai été rapide (fin de message). Je constate que vous ne me répondez ni sur l'Egypte ni sur les sociétés primitives. Sur la Grèce, je sais foutre bien que c'était une société patriarcale, et que Zeus et Héra n'y ont pas le même rôle. Reste que Zeus, malgré ses galipettes à répétition, ne s'amuse pas toujours et ne fait pas tout ce qu'il veut, Héra est là pour le remettre dans le droit chemin. Et il est intéressant de voir une société patriarcale encourager l'homosexualité (non sans problèmes de conscience si j'en crois Foucault), et en l'occurrence peut-être l'encourager par exacerbation de machisme. Evidemment la notion de couple-homosexuel-doté-de-droits n'y avait rien à faire, mais je ne l'ai jamais laissé sous-entendre, et je ne suis pas sûr que beaucoup de Grecs de l'époque s'en soient plaints ou aient ressenti un gros manque de ce point de vue.
La phrase de Montesquieu figure dans "Mes pensées", il a écrit ça un jour pour lui-même, il n'y a pas vraiment de contexte qui adoucirait ou aggraverait son cas. Précisons pour que les choses soient dites que je trouve juste qu'il exagère.
D'ailleurs, lorsque vous écrivez : "La notion de rôle au sein du couple est, à mon sens, à bannir de la discussion : qui trompe qui, qui gueule quand l'autre rentre en retard, ça n'a jamais empêché le système patriarcal de fonctionner joyeusement. le mari peut être terrorisé par sa femme en privé sans que cela empêche que ce soient les hommes qui détiennent les pouvoirs politique, économique, religieux, culturel... bref, social et public.", vous m'accordez un premier point, puisque cela relativise tout de même la portée de l'oppression concrète du régime patriarcal (dont je ne suis pas, je le rappelle, un ardent défenseur).
J'en profite pour ajouter qu'un système qui fonctionne pendant autant de siècles (cela vaut d'ailleurs aussi pour la monarchie) ne peut fonctionner sans que la majorité de gens y trouvent leur compte - ce qui fait d'ailleurs que s'il ne fonctionne plus, c'est qu'il ne convenait plus à la majorité, et c'est pour ça que l'on n'est pas près je pense d'y revenir. Mais au temps où ce système fonctionnait, il n'était pas qu'oppression de la femme par l'homme, il était aussi, l'exemple des dieux grecs peut contribuer à l'indiquer, répartition des rôles entre eux, et c'est cela qui fait qu'on ne peut réduire le patriarcat à un communautarisme, quand bien même il en aurait certains traits, notamment, comme vous le signalez, la posture minoritaire qu'il est en train de prendre.
Alors bien sûr, on peut contester la manière dont la répartition s'est faite, on peut constater que dans de nombreux cas elle s'est faite un peu trop à l'avantage de l'homme. Mais ceci admis, nous retombons sur le problème que nous avons trouvé au début de notre discussion, la différence des sexes. Je suis aussi horripilé que vous par les clichés Mars-Vénus d'une part, je n'ai rien, bien évidemment, contre l'égalité salariale, l'accession des femmes à tout plein de responsabilités dans tous les domaines (au passage, dans le cinéma, on n'y a pas beaucoup gagné, mais c'est peut-être l'époque qui veut ça), si vraiment elles le désirent, d'autre part : je ne crois pas pour autant qu'un principe d'indifférence, s'il peut être pragmatiquement viable dans la vie professionnelle, puisse aller jusqu'à devenir, en tant qu'organisateur des sociétés, un principe d'indifférenciation - des sexes, des communautés, des religions, des cultures, etc. Pour le dire autrement : dans votre dernier paragraphe, je ne suis pas convaincu que ce qu'il y a entre parenthèses puisse se concilier avec le reste. Pour le dire encore autrement, et après je m'arrête : il ne faut pas enfermer les gens dans les clichés, a fortiori lorsqu'on se sert de cette opération comme d'un levier de pouvoir, mais dès qu'on différencie on valorise, on dévalorise (parfois au nom des mêmes arguments (je prends des exemples aberrants, c'est pour faire court et clair) : la femme est douce/lâche, l'homme est courageux/violent), et si l'on peut espérer que ces valorisations et dévalorisations n'entraînent ni trop d'injustices ni trop de commodités intellectuelles, je ne vois pas comment on peut se passer des différenciations sur lesquelles elles reposent, et que nous opérons chaque jour que Dieu fait.
Bonne journée !
C'est vrai, chère Despina, qu'à mes yeux, vous perdez encore le deuxième set malgré quelques beaux échanges et quelques beaux coups (sur l'Islande et cette notion de décalage entre inégalité salariale, égalité politique, voire supériorité sociale et que Celeborn a du mal à intégrer, tout entier à sa transparence factuelle). Hélas ! Ca fait tout de même 6-0, 6-3 pour lui. La raison ? Non le fait que nous nous connaissons depuis huit ans mais bien l'obligation de reconnaître qu'il vous a fait bouffer ses concepts. Vous avez fini par l'admettre : quel que soit ses ouvertures, le patriarcat existe bel et bien tel qu'il l'a défini et tel que vous n'avez pas voulu l'entendre au début. Entre nous, à force de poser des questions, c'est lui qui a fini par imposer ses réponses, faisant voler en éclat votre ironie. Vous avez dû même reconnaître que l'excellente phrase de Montesquieu allait trop loin, alors que lui n'a pas reculé d'un iota sur Simone de Beauvoir. Vous lui avez donné ensuite un point en or avec votre exemple confus sur Zeus/Héra (alors que les religions primitives et leurs représentations matriarcales auraient en effet pu nuancer son propos). Et même vos exemples contraires qui marchaient (bordels de garçon du Moyen Age, homosexualité "encouragée" à Sparte) n'apparaissaient finalement que comme des exceptions confirmant la règle. Du coup, ses erreurs de rhétorique et d'information se révèlent des détails et l'on ne voit vraiment pas bien en quoi sa phrase sur le décalage entre la loi patriarcale et la réalité de certaines mégères relativise sa position et redonne un peu de force à la vôtre -puisque lui dit précisément que malgré ces dernières, malgré quelques hommes battus, il n'en reste pas moins que etc...
Pour finir, vous l'avez joué bonne patte (avec ce ton de l'excuse que nous sommes tous obligés de prendre devant un gay militant ou une féministe au fouet) en disant, comme lui, que vous trouviez insupportables les clichés de Mars et de Vénus mais sans reconnaître pour autant que ces clichés ne sont que le résultat du système que lui dénonce et dont vous venez apparemment de prendre conscience. D'ailleurs, quand vous dites que vous n'avez "rien" contre "l'accession des femmes à tout plein de responsabilités", outre que le "tout plein" est un expression rigolotte qui montre votre degré d'engagement dans cette affaire, le problème n'est pas de n'avoir "rien" contre cette accession, le problème est de se battre pour cette accession comme le ferait tout homme soucieux (et heureux) d'égalité sexuelle. En vérité, vous réagissez comme un de vos islandais mal à l'aise dans ses baskets. Obligé d'admettre "le progrès", comprenant qu'y résister vous ferait passer pour un blaireau, mais si profondément dégoûté par celui-ci que vous préférez aller au bar d'à côté au lieu d'aller bander dans le cortège féministe ! Et là, devant votre quinzième scotch, vous vous laissez aller comme il se doit à votre misogynie originelle, à savoir que l'arrivée des femmes dans le cinéma n'a strictement rien donné, putain non ! Tout de même, Despinetta, il faudrait réellement savoir de quels films et de quelles cinéastes vous parlez (Catherine Breillat ? Laetitia Masson ? Claire Denis ? Claire Simon ? Agnès Jaoui ?) et savoir si elles sont nulles parce qu'elles sont des femmes (non, bien sûr, mais alors pourquoi dire que l'arrivée des femmes au cinéma n'a rien apporté ?), éventuellement se demander après s'il y a un cinéma féminin comme il existe, paraît-il, une écriture féminine (là-dessus, j'attends que les féministes différencialistes viennent m'expliquer, histoire qu'elles se foutent sur la gueule des féministes indifférencialistes), enfin, et tout le problème est là, bien se rendre compte que la cause féministe n'a rien à voir avec une cause de l'excellence. Etre féministe, ce n'est pas être du côté des meilleures femmes, c'est être du côté des femmes. C'est poser la question de leur équivalence sans poser la question de leur compétence. Françoise Giroud (oui je sais teasing Patrice, n'en profitez pas !) a tout dit là-dessus :
"L'égalité entre hommes et femmes ne sera atteinte que lorsqu'une femme médiocre accèdera à un poste suprême."
Autrement dit, tant qu'il n'y aura pas au parlement, dans les institutions, et dans n'importe quel organe de pouvoir, autant de connasses que de connards, le combat féministe aura lieu d'être. Quelle "putain de société" n'est-ce pas et comme vous-même le disiez à Céleborn tout au début du débat ? La voilà la raison qui vous fait tant ramer dans celui-ci, c'est que vous ne pouvez pas la voir cette "putain de société". Mais vous êtes bien obligé de la suivre, de dire que les chiennes de garde et Act Up sont abjects mais ont quelque part raison et que Philippe Muray ou Marc-Edouard Nabe ont beau être cent fois plus brillants et flatteurs, ils ont quelque part tort. Alors oui ok, puisqu'on ne peut pas faire autrement, puisqu'on nous rebat les oreilles avec l'homme dominant, l'hétéro fasciste et beauf, puisque la bonne espagnole dit encore amen à son mari, ben ok, c'est un juste combat, mais bordel c'est pas moi qu'irais financer ses salopes de cinéastes !
Voici qu'arrive alors cet argument bizarre, et pour autant fort intéressant si vous l'aviez développé autrement (et qui était déjà celui de Montesquieu) qu'au fond, si les hommes (et les femmes) ont supporté le patriarcat pendant des millénaires, c'est qu'ils le voulaient bien eux(elles)-mêmes. C'était déjà l'argument contre les suffragettes : mais de quoi se mêlent ces pétasses de vouloir "libérer" les femmes alors que celles-ci ne le veulent pas ? Laissons les femmes décider toutes seules après tout !!!? Et l'on verra si elles veulent être libres, hein bobonne, tu veux être libre toi des fois ?
Despina mon ami....Mais bien sûr que les femmes ne veulent pas être libres ! Exactement comme les hommes qui se battent majoritairement toujours contre la liberté ! Exactement comme les peuples qui ont connu le totalitarisme et ne veulent surtout pas de démocratie ! Exactement comme le chien de la fable qui ne veut pas devenir loup ! La liberté, c'est des responsabilités, du boulot, des efforts. Même les enfants n'ont pas a priori envie qu'on leur apprenne à lire et à écrire ! De ce point de vue les femmes appartiennent férocement à l'humanité majoritaire qui ne veut pas être libre. Et bien tant pis, on les forcera à être libres, les gonzesses ! On les forcera à sortir de la matrice - d'elles-mêmes ! Et il faudra des hommes pour cela car traditionnellement c'est l'homme, le père, qui a pour fonction "d'arracher" l'enfant à la mère, de couper le cordon ombilical avec elle. La mère donne la vie, l'homme ouvre au monde. La mère donne l'intelligence et la sensibilité, le père donne la volonté. La mère assure la substance, le père transmet la transcendance. Et c'est pourquoi (et je dois bien me faire violence pour le reconnaître) le fouet est traditionnellement plus l'affaire du père que de la mère - car une mère qui le donne à son fils risque de le rendre maso, c'est-à-dire amoureux d'elle, alors que le père, quand il se charge de cette rude tâche, en fait un homme (relire là-dessus les deux fessées des Confessions qui vont exactement dans ce sens) [pour le masochisme féminin, un autre jour...]
Mais je m'égare.
En fait, quand je m'interroge sur cette notion de patriarcat, contrairement à Celeborn, je ne commence pas par m'indigner. Je ne me dis pas que le patriarcat est nécessairement scandaleux - pas plus que l'esclavage antique ou les catharres que l'on a brûlés. Certes, je peux en reconnaitre les dérives, je peux même admettre (et sans me saouler de désespoir) qu'il faut changer les choses sur bien des points -d'autant que les machos me font horreur et que je ne pourrais désirer une femme qui ne soit pas mon égal(e) - mais j'essaye surtout de la comprendre. Et comme vous, je ne fais pas dans l'anthropologie paranoïaque. J'ai tendance à penser que si l'humanité s'est organisée de tout temps de telle façon, c'est qu'elle avait de bonnes raisons de le faire. En plus, j'avoue aimer cette humanité, je trouve fort émouvante la formation des sentiments, des identités, je me mets à rêver du premier acte de tendresse qu'un homme et qu'une femme ont eu mutuellement l'un envers l'autre. Quelle fut la cause du premier rire ? Comment se passa le premier orgasme conscient ? Et que s'est-il passé le jour où homme et femme décidèrent de cacher leurs organes génitaux ? Bref, c'est mon côté Guerre du feu romantique. Par ailleurs, il me semble que dès que l'on pense à la vie, l'on ne peut penser qu'à sa violence (mon côté Orange Mécanique). Contrairement à nos rousseauistes en rose, la vie ne me semble pas particulièrement sympathique, encore moins égalitaire. J'y vois surtout sa férocité biologique, physiologique, nerveuse, mentale, existentielle ! Je n'irai pas jusqu'à dire que les fleurs pleurent et que les pierres crient mais en fait oui j'irai jusqu'à là.
Or, ce que veut cette vie, me semble-t-il, avant toutes choses, ce n'est pas le mariage entre gays, ce n'est pas l'égalité entre individus, ce n'est même pas le bien-être, non, la seule chose que veut la vie, c'est la vie. La vie exige plus de vie. La vie réclame de l'espèce. Pour l'individu, cela veut dire la survie. Dès lors, l'organisation sexuelle et sociale, pardon, sociale et sexuelle, se fait autour de la survie. Qu'on soit mâle ou femelle, et qu'on soit pithécantrope ou gay du XXième siècle, on ne pense qu'à ça, survivre. C'est malheureux mais c'est comme ça. Le sang veut du sang. Le sperme veut des ovaires. Le naturel bande socialement. Et donc, puisque d'une part il faut protéger les petits et que d'autre part il faut aller chasser, c'est-à-dire risquer la mort, on en vient rapidement à penser que les hommes (généralement plus forts que les femmes sur le plan physique) devront se charger de la chasse et de la défense du territoire et que les femmes (qui après tout ont porté neuf mois le petit d'homme dans leur ventre) seront peut-être plus aptes à le garder. Bref, d'un côté, il faut assurer la vie, et de l'autre il faut risquer la mort pour assurer la vie. Alors, en effet, la vie est la tâche subalterne laissée aux femmes. L'homme, lui, s'occupera de la tâche autrement plus importante de la mort. Et c'est à ce moment-là que, tel un monolithe kubrikien, Celeborn arrive et déclare au pithécanthrope "Halte !!!!! Stop !!!!!!!!!!discrimination !!!!!!!!! Atteinte à la dignité !!!!!!!! Simone de Beauvoir !!!!! Judith Butler !!!!! Tu es une bite mais tu pourrais tout aussi bien être un vagin !!!!!" On imagine la gueule de 2001.
En fait, l'erreur de Celeborn et de ses pairs est qu'ils ne comprennent l'histoire du monde que d'un point de vue humaniste - indifférencié et idéal. Ils posent l'égalité des sexes avant la réalité sexuelle, ou plus exactement, ils posent l'érotique avant le génital et peut-être même l'éthique avant l'érotique. Le sexe est un genre qui a servi les mâles au détriment des femmes et des minorités, disent-ils. Personnellement, je n'arrive pas à contester cette idée mais en même temps je me dis que c'était là la condition sine qua non de l'humanité (mon côté Schopenhauer certainement...). Mais quand même ! La première idée qui vient à l'esprit de Celeborn quand on commence à parler de la sexualité est qu' "il est scandaleux que les mâles aient aliéné les femmes et persécuté les gays". La première idée qui vient à l'esprit de Marcel Mauss, Levy-Strauss et René Girard quand on parle de sexualité est qu' "il est formidable que l'humanité ait réussi à échapper à l'inceste". Au vu de l'histoire du monde, Celeborn dira : "des Dix Commandements au journal de Jean-Pierre Pernaud en passant par L'esprit des Lois et Harry Potter, y en a jamais eu que pour les hétéros". Au vu de l'histoire du monde, Sigmund Freud, Marcel Gauchet et Jean-Pierre Pernaud disent (chacun à leur niveau bien entendu) : "sans différenciation sexuelle, l'humanité aurait péri depuis longtemps et d'ailleurs il n'y aurait pas eu d'humanité". Tenez, je sors cet après-midi d'un des chefs-d'oeuvre absolus du cinéma japonais, Miss Oyu, film sublimissime de Mizoguchi que je ne connaissais pas et qui parle de la réalité médiévale japonaise (les traditions, les femmes aliénées, les amours imposssibles, etc) Et bien, je me dis que même si ce film traite d'une réalité heureusement révolue, il n'en traite pas moins de thèmes amoureux qu'un gros con comme moi estime éternels. Et je me demande alors si un jour on pourra voir un Miss Oyu lesbien. Et si on pourra lire une Recherche du temps perdu VRAIMENT homosexuelle, ou monter une pièce de Genet normativement gay. Bref, je me demande si l'homosexualité sera un jour autre chose qu'une singularité... Si un "Roméo et Mercutio" pourra symboliquement et universellement valoir "Roméo et Juliette".
Alors, oui, en effet, comme pas mal de gros nuls, ou plutôt pas nul de gros mâles, je fais partie de ceux qui pensent que tout commence par Adam et Eve et que tout aurait pu se finir par Caïn et Abel (car deux hommes ensemble, ça se tue), mais que Dieu dans son immense bonté a permis aux hommes et aux femmes de survivre par la recherche et le besoin (naturel donc social, ou social donc naturel) de l'altérité. Si l'on en croit Freud, et je le crois, c'est le père qui est chargé de donner le goût de l'altérité, de dire à son enfant qu'il n'y a pas que sa mère dans la vie - très sale boulot comme tous les boulots masculins. C'est le père qui se pose comme le censeur du plaisir immédiat et qui empêche ce que lui-même, comme tout le monde entier, aurait envie de faire - l'inceste.
L'inceste. Le tabou des tabous. L'interdiction suprême. La première loi, le premier commandement - tellement premier qu'il n'est pas inscrit dans les dix commandements (encore que Jean-Joseph Goux dise dans ses "Accrochages" qu'il soit contenu dans le second : "tu ne feras pas de dieu à ton image" soit "tu ne dessineras pas le ventre de mère pour y re-rentrer.") La prohibition de l'inceste universelle et pourtant jamais écrite dans les lois, la loi non écrite par excellence, la loi d'Antigone. Notre époque procédurière et créonienne en diable ne supporte que ce qui est écrit, transparent, extérieur, immanent et ne voit plus nulle part l'inceste - le crime absolu par lequel l'humanité peut se détruire et qui nécessite donc de détruire réellement ou symboliquement tout ce qui peut réellement ou symboliquement s'en rapprocher - comme l'homosexualité.
Tout cela est bien beau, me dira-t-on, mais aujourd'hui, la question a changé. La survie de l'humanité n'est plus un problème (?), l'inceste est précisément considéré comme un crime atroce, et à travers la pédophilie pratique, comme le pire, est largement puni par la loi des familles (dont certaines réclament même la peine de mort), il n'est donc n'est plus un souci (??), d'ailleurs toute cette vieille symbolique n'a plus lieu d'être (???) , et il serait temps de se soucier un peu des minorités qu'au nom du tabou de l'inceste on a martyrisées jusqu'à présent. Et d'ailleurs, vous qui aimez les fessées de femme, il semblerait que l'autorité familiale soit partagée aujourd'hui par les deux parents, et que ce soient les mères qui d'après des études, se révèlent plus punisseuses que les pères. Normal ! Rendu coupable de tout par tous, castré en permanence, accusé de n'être pas une femme comme les autres, l'homme contemporain ne va pas encore passer pour cette "machine à corriger" que, d'après Stefen Zweig, l'enfant voyait dans le père. Au contraire, les nouveaux pères se doivent d'être sympas, cools, grands-frères et surtout pas autoritaires ! Aux mères d'éduquer, de punir, de sortir de force leurs marmots du ventre, de leur couper le cordon et les couilles en même temps, et de leur apprendre les vertus cuisantes du féminisme !
(Dans les années quatre-vingt, un sondage très sérieux disait que désormais le père idéal n'était plus Lino Ventura mais Alain Souchon et la mère idéale n'était plus... j'ai oublié.... mais Anne Sinclair, sondage qui me fit fantasmer toute l'année comme vous le pensez). Mais je m'égare encore.
Bref, car ce commentaire devient interminable, on peut tout à fait penser que l'ordre symbolique n'a plus lieu d'être et on peut tout à fait penser le contraire - surtout quand on voit à quelle vitesse nos sociétés régressent vers l'infantile (d'où le fait que l'on dramatise le crime pédophile jugé comme le pire des pires - non pas parce qu'en effet c'est un crime abominable mais parce que nous nous définissons tous comme des enfants en puissance et que le pédophile, c'est l'ogre qui va nous manger), l'onanisme, le gloubiboulgisme, et le légalisme. Jamais l'envie d'inceste n'a été aussi grande qu'aujourd'hui et c'est pourquoi, homos, hétéros, échangistes, puceaux, sados, masos (de toutes les aberrations sexuelles, le SM remporte évidemment la palme de la régression maternophile), nous avons tous une haine absolue pour la seule chose qui pourrait nous empêcher de sombrer dans le matriarcat, je veux parler bien sûr du patriarcat.
PS - pour une définition anthropologique et non polémique du patriarcat, voir cet article de Wilkipédia qui m'a inspiré :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Patriarcat_(sociologie)
Et pour ceux qui se demandent si le matriarcat a existé ou non :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Matriarcat
AS : "Françoise Giroud (oui je sais teasing Patrice, n'en profitez pas !) a tout dit là-dessus"
Tout arrive : je ne vois absolument pas ce que je viens faire là...?
Par contre, après votre brillante tartine (Yahveh longtemps) je grille de me livrer à mes "techniques non-argumentatives" préférées ( et sans vouloir convaincre, on est toujours bien aise de persuader ) :
"Vous avez dû même reconnaître que l'excellente phrase de Montesquieu allait trop loin, alors que lui n'a pas reculé d'un iota sur Simone de Beauvoir. "
Encore moins sur Woolf, que les messieurs ont l'art d'éviter, ne l'ayant pas lue - et qui ne fait pas du tout rire les femmes heureuses : plutôt réfléchir à leur chance.
"Vous lui avez donné ensuite un point en or avec votre exemple confus sur "Zeus/Héra (alors que les religions primitives et leurs représentations matriarcales auraient en effet pu nuancer son propos)."
Foudredieux ! Déjà cette confusion matriarcat/filiation matrilinéaire me gonfle un tantinet, à plus forte raison *faudrait arrêter* (merci Bellisa) avec la mythique loi matriarcale... Hypothèses, rien que des hypothèses, sur des fantasmes de part et d'autre que je ne me permettrai pas d'analyser.
"Comme il existe, paraît-il, une écriture féminine"
Mais bien sûr, elle existe ! De grands noms la représentent : Nerval, Verlaine, Proust...
"Tant qu'il n'y aura pas au parlement, dans les institutions, et dans n'importe quel organe de pouvoir, autant de connasses que de connards, le combat féministe aura lieu d'être. "
Grâces soient rendues à la sarkoparité : nous y voilà, prématurément...
Avec ce "plus" comme on jargonne maintenant : non solum connasses, sed etiam paillasses.
" [pour le masochisme féminin, un autre jour...] "
... lorsque vous aurez (re)lu Feud, auquel on vous découvre converti, et (re)découvert que le "masochisme féminin" chez lui désigne une névrose exclusivement masculine ?
"la seule chose que veut la vie, c'est la vie. La vie exige plus de vie. La vie réclame de l'espèce. Pour l'individu, cela veut dire la survie. Dès lors, l'organisation sexuelle et sociale, pardon, sociale et sexuelle, se fait autour de la survie. Qu'on soit mâle ou femelle, et qu'on soit pithécantrope ou gay du XXième siècle, on ne pense qu'à ça, survivre. C'est malheureux mais c'est comme ça. Le sang veut du sang. Le sperme veut des ovaires. Le naturel bande socialement."
Le microbe aussi, et l'amibe, et la chienne, et le loup... Précisément ce que l'homme n'est pas (entièrement). Comme les biologistes l'ont très bien analysé, la procréation, contrairement à la reproduction, suppose la mort, et non la survie, de l'individu. Baiser, ce n'est pas vouloir vivre : c'est accepter de mourir. T'en veux du raccourci? En v'là ! dirait Cavanna...
"Et donc, puisque d'une part il faut protéger les petits et que d'autre part il faut aller chasser, c'est-à-dire risquer la mort, on en vient rapidement à penser que les hommes (généralement plus forts que les femmes sur le plan physique) devront se charger de la chasse et de la défense du territoire et que les femmes (qui après tout ont porté neuf mois le petit d'homme dans leur ventre) seront peut-être plus aptes à le garder"
... et à biner, sarcler, ratisser. battre, vanner... pauvres petites choses fragiles qu'elles étaient, y compris sur le point d'accoucher...
" La première idée qui vient à l'esprit de Celeborn quand on commence à parler de la sexualité est qu' "il est scandaleux que les mâles aient aliéné les femmes et persécuté les gays". "
J'ai bien une idée de la première idée qui vient à l'esprit de Kéké au mot "sexualité", mais "rigoureusement ma mère / m'a défendu d'le dire ici"... rire... Plus généralement : la prétérition est une figure de style délicate, dont il convient d'user modérément ; la prosopopée davantage (... et je rejoins là mon ante-scriptum).
"L'inceste. Le tabou des tabous. L'interdiction suprême. La première loi, le premier commandement - tellement premier qu'il n'est pas inscrit dans les dix commandements"
... mais si mais si, ils en parlent : "TU HONORERAS TON PERE ET TA MERE"... comme ta femme...
Oups pardon, mais trop de délire me fait délirer.
Au point d'en oublier de signaler la banalité crasse du cas islandais : quand monsieur bosse et/ou gagne moins que madame, monsieur a le blues... et madame a les boules. A moins que l'amour...
Patrice, "un pur esprit s'accroît sous l'écorce des pierres"...
PS : Satrapi aux Oscars ! Seule réponse possible au "cinéma pourri par les femmes " (variante : les arabes - même iraniens, UPJ - les juifs, les pédés...)
Bon, rapidement :
- le matriarcat est d'après les historiens plus un âge d'or fantasmé qu'une réalité sociale - même si les tenants de cet âge disent que les premières sculptures du monde sont en effet des représentations de déesses mères. Dans tous les cas, ce matriarcat révèle notre désir païen et régressif du ventre originel. C'est le fantasme de Big Mother qui se et nous met en branle, etc...
- Nerval, Verlaine, Proust, incarnations de l'écriture féminine ? Je voudrais bien le croire mais il faudra me l'expliquer (et à Celeborn aussi je crois). Et l'écriture homosexuelle, ça existe ?
- Le masochisme féminin, "névrose masculine" selon Freud ? Pourquoi pas ? Pour l'heure, je suis dans le masochisme selon René Girard et bien sûr il a tout bon.
- Baiser, c'est accepter de mourir ? La petite mort et tout ça ? Bataille ? M'ouais. Je préfère Schopenhauer à Bataille. Et d'ailleurs, accepter de mourir après avoir procréer ne me semble pas contradictoire. Enfin, personne n'a dit que baiser, c'était vouloir vivre, non, baiser, c'est affirmer LE vouloir-vivre qui est en nous, malgré nous. Mais l'espèce plus forte que l'individu, etc.
- La femme qui travaille souffre mais ne meurt pas. L'homme qui va à la guerre souffre et risque de mourir.
- Satrapi aux Oscars ? Excellente nouvelle. J'ai vu le film deux fois et la deuxième fois avec ma mère.
Aujourd'hui, je suis allé voir les "Contes de la lune vague après la pluie" de Mizoguchi et j'ai eu beau me dire que si ces couples hétéros (excusez le pléonasme) avaient été des couples homos (excusez le contresens), la qualité du film n'en aurait pas souffert, je n'ai pas réussi à le croire. L'universel, tout ça, le langage, le bon sens, l'ordre du monde...
En tous cas, voilà un début de réponse à ma question sur l'écriture homosexuelle : si celle-ci existait, elle commencerait à forcer le langage qui comme le disent les théologiens juifs est différencialiste, copulateur, j'allais dire hétérosexuel. Et donc une écriture gay donnerait quelque chose comme :
"Mon maman et ma papa m'ont dit que le fille qui est en moie est plus gentille que la garçon qui est méchant et qui me fait du mâle alors et qui si je veux n'est plus moie."
Celeborn se taisant, D. Alfonso et moi-même ayant le sentiment que la boucle est à peu près bouclée, ceci est un simple accusé de réception des derniers commentaires. Je rentre chez moi (à Celeborn : d'ici quelques jours, peut-être quelques heures, une citation de Nietzsche qui vous est dédiée). A bientôt !
Si si, je suis encore là ! (c'est que le début de semaine est pour moi peu propice aux débats virtuels, du fait de mon travail réel).
Le problème avec les tartines de m'sieur Cormary, c'est qu'elles sont très bien écrites, mais que toutes les dix lignes, on y découvre une aberration (ce qui fait, vu la tartine, beaucoup d'aberrations), et qu'il est donc difficile de répondre à tout ce à quoi l'on voudrait répondre. Essayons pourtant (même si Patrice, pour le coup, en a déjà beaucoup dit) :
"Exactement comme le chien de la fable qui ne veut pas devenir loup !"
Dans la fable en question, c'est le loup qui ne veut pas devenir chien. Le chien, lui, ne s'est rien vu proposer et n'a donc rien eu à refuser. la morale de cette fable est que la liberté est le plus grand des trésors, et que, quand on l'a, on la garde. Ce serait donc bien de ne pas inverser les choses...
Au passage, bien sûr que sortir d'un système dans lequel on vit depuis son enfance, depuis l'enfence de ses parents et de ses grands-parents, est difficile. Mais tu vois beaucoup de femmes se plaindre aujourd'hui d'avoir obtenu le droit de vote ? Tu ne te demandes pas pourquoi, dans les pays non-démocratiques, ceux et celles qui demandent la démocratie sont les gens les plus cultivés, les plus "instruits", ceux qui ont eux la chance pour quelque raison que ce soit de "mettre la tête hors de l'eau" et de s'échapper, un instant au moins, du système ? Ce n'est pas que les femmes (ou qui ce soit d'autres) ne veulent pas être libres, c'est qu'on ne leur a pas laissé le choix en ne les instruisant pas. Lire à ce sujet Virginia Woolf, qui explique ça très bien : l'instruction a été le début de la libération, et je peux t'assurer que celles qui ont été instruites sont justement celles qui se sont battues pour être libres.
Sur le fait que l'homme doit "donner le fouet" et non la femme, je me pisse dessus. Tu ne prends comme exemple que l'éducation d'un enfant de sexe masculin (les filles ne doivent pas être éduquées ?), et tu nous sors Rousseau comme illustration imparable ! Ah beh oui, entre une belle jeune fille (qu'il ne prend franchement pas pour sa mère) et un vieux barbon, il ne faut pas s'étonner que Jean-Jacques ne bande que pour la première... Je ne vois rien de sérieux à partir de quoi fonder un système de valeurs universel.
Zap sur le "délire vital", au cours duquel le gay du XXIé siècle est censé penser que le sperme veux plus d'ovaires. Je rejoins Patrice sur le fait que c'est rabaisser l'homme au rang de la puce, et que ce qu'à voulu la vie (et Dieu, s'il existe), c'est que l'homme soit libre de se vouloir comme bon lui semblait (et même de se tromper là-dessus).
Venons-en au truc vraiment sérieux : mis à part que, contrairement à toi, je ne crois pas Freud (qui, s'il a fait avancer bien des choses, a aussi mélangé à nombre de ses théories l' "esprit de son époque"... et bonjour le drame de la vision de la sexualité de la femme !), je voudrais vraiment savoir une chose, mais alors là vraiment...
"l'inceste - le crime absolu par lequel l'humanité peut se détruire et qui nécessite donc de détruire réellement ou symboliquement tout ce qui peut réellement ou symboliquement s'en rapprocher - comme l'homosexualité."
Il faut absolument que tu m'expliques en quoi l'homosexualité se rapproche (réellement ? symboliquement ? les deux ?) de l'inceste. Parce que là, je ne vois pas, et je ne vais pas me contenter d'une simple phrase lancée comme ça sans rien autour. Donc si tu pouvais soit développer (qu'on puisse en discuter sérieusement), soit dire que tu as proféré une énorme connerie, ça m'arrangerait :).
*Celeborn
PS : "- La femme qui travaille souffre mais ne meurt pas. L'homme qui va à la guerre souffre et risque de mourir." ... Les gars, on lui dit qu'aujourd'hui, il y a de plus en plus de femmes soldats ?
PPS : non, l'écriture homosexuelle, ça n'existe pas. Je crois bien que Patrice voulait dire que, d'après les "critères" sociaux et stylistiques que l'on utilise pour distinguer une écriture masculine et une écriture féminine, on en arrive à ce que l'on trouve plus de mecs que de nanas dans "l'écriture féminine". De là à dire que la distinction est débile, il n'y a qu'un pas que je franchis allègrement !
Moi je suis le homard qu'on traîne dans tous les coquetèles ...
Bon, encore plus rapidement :
- Sur la fable du Chien et du Loup : certes, j'ai inversé volontairement les données, croyant qu'on n'allait pas me reprendre sur la forme, puisque dans les deux cas (la fable telle qu'elle est écrite et telle que je "l'inverse"), la morale est la même : la liberté est le plus grand des trésors, le loup veut garder sa liberté, le chien ne pense même pas à la prendre. Ce que je voulais dire c'est que précisément l'humanité ne bande pas automatiquement pour la liberté et dans bien des cas préfère la servitude (voir Enquête sur la servitude humaine de La Boétie ou La connaissance inutile de Revel). Et Rousseau dit des peuples aliénés qu'on "les forcera à être libres". Et contrairement à ce que tu avances, il n'est certain que ceux qui le sont veuillent le rester - en tous cas pas dans la forme libertaire de la liberté. N'y a-t-il pas eu la révolution conservatrice aux Etats-Unis ? Et le sarkosysme ne porte-t-il pas en lui une réaction néo-conservatrice ? Il n'est pas sûr du tout, mon cher Celeborn, que l'avenir soit de plus en plus progressiste et pour ma part, j'ai bien peur qu'après les excès libertaires et les aberrations procédurières des trente dernières années, le retour du bâton ne soit encore plus violent que ne l'aurait voulu le réac moyen. Penser donc comme Virginia et toi que le savoir permet nécessairement la libération est faire preuve de candeur - même si en effet je préfère comme toi des peuples libérés et des femmes libres (car une femme libérée, c'est l'horreur absolue, j'en vois plein sur Meetic en ce moment et je ne me rappelais que j'étais si misogyne)
- Sur le fouet des pères. En dehors de ma complaisance coupable pour les expériences de Jean-Jacques (d'ailleurs, il faudra que j'y revienne un jour sérieusement), force est de constater que dans l'ordre social traditionnel, c'est généralement le père ou le percepteur qui châtie l'enfant (cf "Barry Lyndon" ou "Fanny et Alexandre"), c'est d'ailleurs le garçon qui est fouetté plus souvent que la fille (les coups, c'est un truc de mecs) et c'est madame de Rénal qui voit d'abord en Julien Sorel le salaud qui viendra fouetter ses enfants. Et puis quoi ? Ce n'est pas de ma faute si ce grand pédé de Zweig parlait du père comme d'une "machine à corriger". Enfin, il faudrait consulter une "généalogie des châtiments corporels" si ça existe (Patrice, vous n'avez pas lu un truc là-dessus ? Un sujet pour Monestier, tiens... )
- L'homme n'est pas une puce (encore que...) mais l'homme n'est pas simplement ce qu'il veut faire de lui ; exactement comme on ne peut faire dire aux mots le sens qu'on veut, on ne peut faire un homme rêvé (sauf si l'on s'appelle Hitler ou Lénine). Hélas, je sais bien que c'est Humpty Dumpty qui domine aujourd'hui, que l'homme contemporain est à la fois Frankenstein et sa créature, et que comme le faisait remarquer Philippe Muray, nous sommes dans un monde qui pense que
"le membre masculin n'est nullement un membre masculin, qu'une vulve n'est pas une vulve ; que ce ne sont en réalité que deux préjugés culturels qu'il est de notre devoir de déconstruire au plus vite, plutôt que d'essayer de les mettre en contact comme on l'a fait pendant si longtemps. Dans la nouvelle vie dévote, il convient de réciter tous matins que "la différence des sexes, loin d'être une donnée de la nature, est une formation de l'inconscient portant une vision du monde binaire et hiérarchique, et une façon de se représenter ou d'interpréter la relation entre les sexes". A ce compte, il est également légitime de considérer que lorsqu'il pleut le soleil brille, et que différencier un châtaignier d'un radiateur relève du recours déguisé au naturalisme ou de l'abus de répresentation hiérarchique et binaire. (...) Dans la nuit du nouveau monde-monstre, où il n'y a que constructions sociales et culturelles, le simple sens commun est devenu une sorte de crime et, par rapport à lui, tous les révisionnismes sont désormais encouragés à condition qu'ils aillent dans la bonne direction." (Exorcismes spirituels III, "Monde-monstre", p 150)
- Sur l'homosexualité enfin dont tu me demandes une définition longue et scientifique et son rapport avec l'inceste, sachant très bien ce que j'en pense et ce que tu penses que j'en pense. Eh bien oui, je pense en effet, à l'instar des freudiens classiques (dont Marcel Schneider ou Tony Anatrella) que l'homosexualité est un désordre mental dû à un Oedipe mal résolu, que tout se passe au stade sadique-anal (et non pas au stade "feotal" comme le pensait Sarko avec ses foetus pédophiles), c'est-à-dire au moment de la formation de l'identité qui ne se fait pas d'un seul coup mais qui précisément passe par une bisexualité originaire où l'individu commence d'abord par ses désirs incestueux et meurtriers "naturels", puis les dépasse.... ou y reste. L'homosexualité est l'un de ces blocages. Qu'il y ait fixation de l'individu sur le parent du même sexe ou rejet du sexe opposé, et que cela soit un effet du désir ou de la volonté, cela ne change rien à l'affaire, l'individu s'est alors malencontreusement identifié à son sexe, et ce kyste psychique va perdurer toute sa vie consciente (ou exploser un jour s'il le refoule). L'homosexualité n'est donc pas une "différence" sexuelle puisque l'homosexuel est précisément l'être qui s'est construit (pour de bonnes ou de mauvaises raisons) contre la différence sexuelle. Freud la classe parmi les "perversions" en tant qu'elle relève d'une fixation identitaire à des buts sexuels primitifs, passagers, infantiles... et donc en effet symboliquement incestueux - inceste et homosexualité ayant évidemment comme point commun le refus de l'altérité, social (donc sexuel) dans le cas de l'Oedipe, sexuel (donc sexuel) dans le cas de Sodome et Gomorrhe. Dans les deux cas, ils sont une menace symbolique pour l'humanité et c'est pourquoi l'humanité les a tant prohibés. Bien sûr, je ne dis pas que les homos sont tous incestueux dans l'âme, je remarque seulement que bcp d'homos sont en général en conflit avec leur père (décevant, tyrannique, faiblard ou les trois à la fois) et en adoration avec leur mère. Le fils homosexuel ultra-trop proche de sa mère et qui se défie du père, ça existe (y compris dans ma famille). [là aussi, je parle fort peu de l'homosexualité féminine par manque de connaissance...]
A tout cela bien sûr, tu pourras répondre que ce n'est que de la théorie grand-guignol, que Freud s'est lourdement trompé, qu'il était victime de son époque, et que d'ailleurs l'on trouve autant de psychanalystes (Roudinesco, Butler) qui la réfutent qu'il y en a qui l'affirment - et je ne pourrais qu'admettre, puisqu'en effet, c'est l'affaire des psy de trancher, sauf que précisément, ils ne tranchent pas, et dans les deux cas, c'est peut-être mieux ainsi, parce qu'au bout du compte, cela m'ennuie de passer pour le père fouettard des homosexuels et de faire de la peine à nos ami(e)s, et peut-être aussi à toi. J'en ai marre de voir au bout de mon intelligence des choses du sang et des cadavres, et en même temps je me dis que cela ne peut être que comme ça. Dès que l'on pense juste, l'on tue ceux qui pensent mal. Je suis un inquisiteur fatigué - mais s'il n'y avait pas tous ces hérétiques aussi qui disent que deux plus deux font cinq et qui à force de prendre leurs désirs pour des réalités finissent par prendre leur slip pour une tasse à café..
PS : Café du commerce, nous aurions bien aimé connaître votre avis là-dessus.
Allez, continuons.
"Et contrairement à ce que tu avances, il n'est certain que ceux qui le sont veuillent le rester - en tous cas pas dans la forme libertaire de la liberté."
Oui, effectivement : d'une part tu nous dis qu'une vulve est une vulve, mais de l'autre tu dis que n'est la liberté n'est pas la liberté, mais le libertaire. Dommage de reprocher aux autres ton propre procédé, qui conduit à un raisonnement faux : ce n'est pas parce qu'il y a des phases de néo-conservatisme qu'on a perdu la liberté, m'enfin ! On change peut-être un peu de degré (encore que ce que tu appelles des néo-conservatismes développent une "liberté économique", mais ce n'est pas le débat), mais certainement pas de nature (à moins que tu nous défendes que les USA sont un Etat totalitaire ? Ca me ferait beaucoup rire !). Bref, là, pour le coup, tu ne penses pas juste... comme sur La Fontaine, où je ne te reprends pas sur la forme, mais sur l'histoire, et où soit tu n'avais pas besoin d'inverser la fable puisque tu es censé arriver à la même morale, soit tu en avais besoin et alors tu lui fais dire des choses qu'elle ne dit pas.
Tu raisonnes faux également sur Virginia Woolf (et donc sur moi :) ) : "Penser donc comme Virginia et toi que le savoir permet nécessairement la libération est faire preuve de candeur". Formidable ! Sauf que ce n'est pas du tout ce que je dis ! Je n'ai jamais dit que le savoir permettait NECESSAIREMENT la libération... J'ai dit que ceux qui cherchaient la libération étaient généralement les mieux instruits, ceux qui ont pu sortir un moment du système (on pourrait penser aux parents de Marji dans Persepolis, si l'on cherche un bon exemple... et à Jane Austen ou à Virginia Woolf elles-mêmes si on en cherche d'autres). Mais jamais je n'irais affirmer une bêtise telle que "le savoir entraîne nécessairement la libération". Moi aussi j'ai lu "Le Silence de la mer", tu sais :).
Je passe sur le masochisme ; je ne crois pas que cela apporte beaucoup à la discussion : je considère que si le père a longtemps été considéré comme une "machine à corriger", c'est du fait du système patriarcal et des comportements sociaux qu'il entraîne. La preuve que la chose n'est pas gravée dans le marbre : les comportements changent, comme tu nous le signales judicieusement.
Venons-en au détestable et caricatural passage de Muray (m'étonne pas qu'il te plaise, lui ! :) )
Tout d'abord, même l'abhorrée Judith Butler n'affirme aucunement la similitude des sexes. Pour elle aussi (et pour moi, d'ailleurs) une vulve est une vulve et un membre est un membre. Donc je ne vois pas pourquoi ce monsieur hurle à ce sujet : il hurle dans le vide, car il n'a pas dû lire les théories d'en face et s'est contenté de les caricaturer sur le mode "je veux avoir raison, donc faisons-leur dire des conneries" (m'étonne pas qu'il te plaise, lui :) ). Oui, il y a différence des sexes. En revanche c'est sur les genres que porte le débat : pas sur le fait qu'il existe des femmes et des hommes, des vulves et des bites, mais sur le fait que l'on distingue un principe féminin et un principe masculin sur un plan métaphysique (et non physique), conceptuel, cosmologique, artistique, social, existentiel et même téléologique. Tout le monde s'accorde sur la différence des sexes, Pierre, mais je ne vois pas en quoi Muray peut se permettre de parler de "sens commun" alors que le commun des mortels n'est pas forcément d'accord avec lui, et que ce qu'il avance n'a rien d'évident. Si "penser juste", c'est dire "c'est une question de bon sens", alors pour moi "penser juste" n'est pas penser.
Nous arrivons au grand moment. Non, ce n'est pas un piège de ma part (ou une volonté de te faire chier) que de te lancer sur ce sujet, car si tu m'as déjà parlé de ta vision psychanalytique de l'homosexualité, c'est bien la première fois, ce me semble, que tu lies à ce point homosexualité et inceste. Pardonne donc ma surprise, qui n'était pas feinte. Pour le reste, tu sais (tu le dis, d'ailleurs) ce que je pense de la théorie psychanalytique "à dominante freudienne" sur la question.
Je reviendrai simplement sur les homos mecs en coflit avec leur père. Il faudrait voir déjà si c'est à ce point vrai, et surtout si ce conflit ne vient pas de raisons sociales et psychologiques pluitôt que névrotiques. Il me semble que le soucis pour beaucoup de mecs homos, c'est que leur père accepte mal cette homosexualité (pour des raisons... liées au système patriarcal, évidemment, et sa conception d' "un homme un vrai" !), netement plus souvent que leur mère. De là à expliquer un rapprochement avec la mère, ça ne me semble pas inenvisageable. Et il faudrait surtout voir si les nanas homos sont globalement ultra-trop proches de leur père et se défient de leur mère. J'ai de sérieux doutes à ce sujet, ce qui ferait alors pencher la balance en faveur de l'explication sociologique, et, au final, me donnerait raison, na ! :-p
*Celeborn
PS : rassure-toi, tu ne me fais pas de peine !
Oui, bon, me revoilà (pour le 69ème commentaire en principe, c'est un honneur), puisqu'on me demande mon avis, pourquoi ne pas le donner, quelques remarques en vrac.
Je suis d'accord avec Celeborn contre Muray, son texte m'a toujours semblé un peu court, un organe est un organe, point final, je trouve même que lorsqu'il se contente de ça Muray donne des armes à ses adversaires. Un sein, somme toute, c'est con comme une bite : ce qui compte, c'est l'ensemble dont ils font partie, c'est-à-dire le corps, et l'ensemble dont ces corps font partie, c'est-à-dire, encore elle, la différence des sexes.
En revanche, je suis tout à fait d'accord avec P. Cormary sur l'homosexualité comme façon d'en rester à la bisexualité fondamentale - une autre manière de parler de "refus de l'altérité". Et je pense que l'humanité sait cela depuis longtemps, et qu'elle n'a pas voulu valoriser l'homosexualité pour cette raison, qu'il n'y a aucune grande découverte à montrer que les deux sexes par plein de côtés se ressemblent ou qu'il y a toute une part de construction sociale dans la différence des sexes (je dis "plein de côtés", "toute une part", je ne vais pas plus loin) : simplement, l'humanité est plus amusante, plus dynamique et plus dynamisée (pour le meilleur et pour le pire) si l'on insiste sur les différences que sur les ressemblances.
Une chose est de ne pas violenter les homosexuels ou de ne pas trop rabaisser les femmes, une autre chose est de valoriser l'homosexualité ou d'exalter à toute force la féminité.
Concernant les lesbiennes et le rapport à la mère, j'ai peut-être un élément de réponse. Je ne sais pas si vous avez vu ce film "The family stone" ("Esprit de famille") - comme c'est un navet, je ne vous le souhaite pas. Dans ce film (très gay friendly), Diane Keaton, mère de la tribu, explique qu'elle aurait aimé que tous ses fils deviennent gay, pour les garder près d'elle : on ne saurait mieux évoquer le caractère maternisant-amniotique d'une certaine conception de la féminité - et de l'homosexualité, comme refus de l'émancipation par rapport à la mère. Je n'imagine pas un père souhaiter que sa fille devienne lesbienne pour la garder près de lui (pour mâter ses copines, c'est autre chose) : ne serait-ce pas là un cas de différence des sexes ?
Pour l'inceste, je suis plutôt d'accord avec P. Cormary.
Celeborn, j'ai posté ma gâterie - qui ne vous convaincra certes pas - sur mon site. J'en profite pour vous remercier d'avoir évité d'utiliser l'argument "vous n'êtes pas homos, vous ne pouvez pas comprendre" à l'égard de gens comme P. Cormary et moi, qui parlons un peu de ce que nous ne connaissons pas.
Cordialement !
"simplement, l'humanité est plus amusante, plus dynamique et plus dynamisée (pour le meilleur et pour le pire) si l'on insiste sur les différences que sur les ressemblances."
C'est quand même fou de prôner la différence d'une part, et de dire que les homos doivent rester bien sage et ne pas trop se montrer de l'autre. Pour le coup, c'est vous avez des problèmes avec l'altérité : pas celle des sexes, mais celle du désir sexuel ("brrrr ! Il ne désire pas comme moi, c'est un monstre, il doit avoir des problèmes avec la façon dont il a réglé son OEdipe). Rassurez-vous, les homosexuels ont été, sont et a priori seront toujours nettement minoritaires dans la société (c'est parce qu'elle est minoritaire et qu'elle ne rentrait pas dans le cadre social que l'homosexualité a été dénigrée, m'enfin ! pas parce qu'elle se rapprochait de l'inceste ! Mais bien parce que la société refusait l'altérité ! c'est le même processus que pour le racisme, d'ailleurs... A moins que vous n'expliquiez ça aussi par l'inceste ?), donc nous ne serons jamais pour vous qu'une altérité sympathique, qui met de la diversité dans la vie et la société, et soyez tranquille, il ne s'agit pas pour les homos de devenir un modèle dominant et exclusif et de parquer les monstrueux hétéros dans des zoos qu'on ira visiter le dimanche en famille homoparentale ;-).
A part ça, pas évident, mon Despina, de vous répondre, car vous faite l'amalgame entre des choses que je différencie depuis vingt message environ. Par exemple, c'est vous et non moi qui "exalte(z) à toute force la féminité" (vous ne faites que ça dans votre message nietzschéen, d'ailleurs... j'y reviens). Moi, j'aurais l'air bien con de le faire après tout ce que j'ai écrit ! :).
En revanche, j'aime bien quand vous parlez "d'une certaine conception de la féminité", ce qui montre bien qu'elle n'est pas gravée dans le marbre, cette conception. Heureusement, parce qu'elle est franchement dépassée, et la maman qui espère garder son fils près d'elle car il est homo se fourrera souvent le doigt dans l'oeil jusqu'au genou. Sinon non, ce n'est pas un cas de différence des SEXES, à mon sens (dans l'idée où l'on poserait cette différence comme transcendante et métaphysique), mais de différence socio-culturelle des GENRES (donc je suis d'accord avec vous si vous faites rentrer cet exemple dans la catégorie "construction sociale" dont vous parlez plus haut : la construction sociale, c'est ce que les théoriciens que déteste Pierre appellent les genres).
Effectivement, quand Nietzsche parle des femmes, j'ai envie d'envahir l'Allemagne (et là, pour le coup, j'aurais beaucoup de femmes dans mon armée :) ). Oui l'aspiration à l'indépendance est avant tout économique et juridique (et j'ajouterais l'indépedance d'esprit à la liste) ; ça, c'est le sujet d' "Une Chambre à soi" de Woolf, que je vous conseille toujours de lire (n'en déplaise à Nabe). Je ne vois pas en quoi cela est bête et honteux (je ne vois pas non plus ce qu'est une "bêtise masculine", foutue différence des genres ! :) ). Mais il est net que Nietzsche est dans la conception de la femme comme un objet et non comme un sujet libre, conception patriarcale et misogyne qui veut que la femme soit ce que l'homme désire d'elle et non qu'elle se choisisse elle-même (et qu'au passage elle choisisse ses armes, et non celles que l'homme lui a attribuées, à savoir la turlutte sous la table pour influer sur la politique de l'Etat). L'homme, lui, se détermine très bien tout seul, merci pour lui. Pour plus d'infos, je le redis, lisez "Le Deuxième sexe" (je peux faire une commande groupée, si vous souhaitez ! :) ), c'est dans le premier chapitre.
Bien à vous toujours !
*Celeborn
PS : mais si, vous pouvez comprendre ! Je ne comprends pas si mal que ça l'hétérosexualité, alors je ne vois pas pourquoi vous n'y arriveriez pas avec l'homosexualité ! ;-)
Eh il est là, le problème, cher Celeborn, le problème insoluble. Pour toi l'homosexualité est une altérité que nie la société, alors que pour nous, l'homosexualité est une singularité qui nie la société. Et si tu parles de racisme, je dirai que le racisme est lui aussi du côté du refus (haineux et non inconscient celui-là) de l'altérité - tout comme l'homosexualité et l'inceste, oui absolument. (Et que le racisme soit incestueux, cela va de soi)
De toutes façons, nous arrivons au moment du débat où nous ne pouvons plus être d'accord, c'est-à-dire au moment où nous pensons tous les deux avoir raison. Je remarque que ta réponse est plus une opposition à la mienne et qu'au lieu d'avancer de nouveaux arguments tu tentes de corriger, ou plutôt de nier les miens.
Je dis qu'une vulve est une vulve mais je ne dis pas que la liberté soit libertaire. Je dis que le libertaire est une forme de liberté. Je dis que l'époque (une notion qui nous poserait problème à nous deux, mais passons) a choisi comme liberté la pire forme qui soit, celle du libertarisme, soit de la volonté à tous prix de faire passer des vessies pour des lanternes, l'homosexualité pour une différence sexuelle comme une autre, et le langage pour ce que l'on veut qu'il signifie. Ce qu'en effet je conteste, car etc.
"Le chien et le loup" ne dit qu'une chose - que la liberté demande des efforts et des sacrifices et que bien des hommes, des femmes, et des chiens préfèrent rester aliénés plutôt que se battre pour être libres. Ce qui ne signifie pas qu'ils aient raison mais ce qui signifie que la liberté est plus un acquis douloureux qu'une évidence existentielle en laquelle tout le monde se précipite. Je dis aussi qu'il est faux de croire que les sociétés "développées", culturellement "avantagées" plaident automatiquement pour le désordre symbolique - la preuve en est avec la société américaine, pourtant ultradémocratique et ultra-droit-de-l'hommiste (jusqu'à l'impérialisme) et qui est devenue ultra-puritaine depuis vingt ans (tout en se considérant en même temps comme ultra-libre). Bref, on peut être à fond pour la peine de mort et contre l'avortement et se considérer comme la pointe humaniste de la civilisation (type Georges Bush), et mieux, on peut être ultra-féministe et ultra peine capitalophile (type Hilary Clinton). Je suppose qu'on peut être aussi ultra-féministe et anti-communautariste gay - les deux combats n'ayant en fait et en droit rien à voir.
- Sur Virginia et toi. Tu disais que "Lire à ce sujet Virginia Woolf, qui explique ça très bien : l'instruction a été le début de la libération, et je peux t'assurer que celles qui ont été instruites sont justement celles qui se sont battues pour être libres." Je suis bien d'accord. Persopolis etc. Je faisais simplement remarquer que des gens instruits, cultivés et civilisés (pardon pour le racisme sous-jacent de cette déclaration) pouvaient être contre le mariage gay, la prostitution et les mots grossiers à la télévision - bien sûr, cela n'a rien à voir - je faisais simplement remarquer que la société la plus libre pouvait être contre certaines formes libertariennes de la liberté. Dit autrement, les talibans sont contre le mariage gay pour des raisons obscurantistes, les féministes différencialistes sont contre le mariage gay pour des raisons progressistes (je le sais, j'étais à la soirée Antoinette Fouque hier soir).
- Le père "machine à corriger" fut pendant longtemps la règle de l'ordre traditionnel. Loin de moi l'idée de louer cette tendance, et pour préciser, il me semble, même si je n'ai pas d'enfant, que l'on peut éduquer sans fouetter - ce qui est d'ailleurs semble être l'avis de tout le monde contemporain et occidental, homme et femme confondus.
- Sur Muray. C'est là que nous ne serons jamais d'accord, car quand lui (et moi) affirmons qu'une bite est une bite et qu' une vulve est une vulve et que toi, tu dis être d'accord tout en rajoutant aussitôt que déduire de cette différence biologique une différence existentielle est proprement abusive nous trouvons en effet que cette déduction n'est pas abusive, mais bien logique. Etre une bite ou une vulve ENGAGE nécessairement, existentiellement, anthropologiquement l'individu qui en a un ou une. La preuve, un individu homme ou femme peut vouloir devenir le contraire de son sexe, il n'en demeure pas moins de son sexe. Comme le dirait Antoinette (décidément !), il n'y a pas de transexualité possible. Un homme qui se fait castrer volontairement, puis se fait mettre des implants mamaires, puis un vagin à la place de sa bite, et qui demande que l'on l'appelle "madame".... sera toujours un homme. Et de même une femme qui se fait couper les seins et qui se fait mettre une bite ne sera jamais "monsieur" - même si moi je les appelerais par charité comme ils le souhaitent. Mais la charité n'est pas la raison. Donc, en effet, plus qu'en Dieu, je crois au corps, je crois à la réalité intangible du corps, je crois à la réalité existentielle du corps quelles que soient les mutilations qu'homme ou femme lui infligent. Et je crois que la vraie pensée ne peut changer la réalité du corps. "Le sens de la terre", comme disait Nietzsche, c'est cela le "bon sens".
- Sur la théorie freudienne, je crois avoir eu l'honnêteté de dire qu'elle était autant revendiquée que contestée. C'est à ce moment que notre débat (qui est aussi celui des psys) devient politique, car n'étant pas plus psy que toi, il ne nous reste plus qu'à confronter nos croyances. Et il me semble que nous l'avons largement fait dans ce mini forum. Et que pour conclure, je me sens profondément féministe différencialiste et anti-communautariste gay (car si les gays sont une communauté, les femmes ne le sont pas), et toi sans doute es-tu profondément féministe indifférencialiste et communautairement queer.
- Un mot enfin sur le patriarcat. Ce qui me chiffonne dans cette notion est l'élargissement qu'on lui donne. Renvoie-t-il à certains systèmes précis où l'homme est (et a) tout et la femme rien (type talibans) ou renvoie-t-il, comme tu sembles le dire mais je peux me tromper, à tout l'univers ? Alors ok, les relations hommes-femmes peuvent être dites patriarcales, une certaine organisation sociale, la théologie, la pornographie... mais le langage. Dirais-tu qu'il est patriarcal ? Car après tout, ce n'est pas tant le mot "salope" qui pose problème que tous les mots, tout le vocabulaire, toute la syntaxte, toute la grammaire - que l'on devrait en toute logique appeler "grampère". Avec son masculin dominant, ses copules, sa dichotomie actif/passif, extérieur/intérieur, le langage n'est-il pas le lieu le plus foutrement patriarcal ? Pire, le lieu où naît précisément la différenciation sexuelle ? N'en déplaise à Despinetta, là-dessus Muray a tout dit :
« A bien le regarder, le langage n'est même composé que d'écarts de langages. Tout mot juste peut être considéré comme une insulte. La manière que la langue a de définir ce dont elle parle, donc de tracer des frontières, à commencer par la plus antique de toutes, celle des sexes, ne peut être qu'un affront pour les nouvelles mentalités flexibles et fluides, et une délinquance pour les néo-féministes des Chiennes de garde qui croient lutter contre les "insultes sexistes" mais qui s'emploient, avec bien d'autres, à faire rentrer les mots, tous les mots, à la niche de l'indifférencié. (....) Elles se plaignent que la langue soit immorale, qu' "entraîneur" et "entraîneuse" n'aient pas exactement le même sens, ni "professionnel" et "professionnelle", ni "coureur" et "coureuse". Mais la langue n'est pas morale ou immorale ; elle est ou a été sexuée, c'est-à-dire humaine, c'est-à-dire divisée, c'est-à-dire vivante, c'est-à-dire historique, et là est le scandale. La langue garde les cicatrices de la longue histoire du désir. » Philippe Muray, Exorcismes spirituels III, "Les chiennes de loi".
Alors, que faire ? Accuser le Verbe autant que le corps social ? Accuser la littérature qui d'Homère à Houellebecq n'a fait que de la propagande différencialiste et sexiste ? L'art lui-même, de Rubens à Beethoven, n'est-il pas le repère de tous les phallocrates ? Même en musique, on parle de majeur et de mineur, donc de masculin et de féminin. Le mal mâle est décidement partout.
Peut-être me répondras-tu qu'il faut raison garder, que le langage est ce qu'il est, et dans ce cas tu seras d'accord avec Muray. Car pour moi, oui, en effet, le langage et par extension le monde est bcp moins "patriarcal" que "sexué". Le monde est bcp plus le résultat d'une gigantesque dialectique du masculin et du féminin que d'une bagarre de machos. Et si j'écris que "LE soleil brille HAUT dans LE ciel" et que "LA pluie tombe dans le BAS de LA colline", j'ai plus l'impression d'être sur un mode sexué (sinon sexuel, Freud etc) que sur un mode patriarcal. Autrement dit, et pour finir, j'aurais du mal à étendre la notion de patriarcat à tout ce qui existe, j'aurais du mal à considérer que La Chartreuse de Parme est un chef-d'oeuvre sexiste, que les femmes de Rubens sont des toiles phallocrates et que les patriarches de la Bible sont le symbole du partriarcat universel, j'aurais du mal à faire de l'universel le lieu du père. Bref, nous ne vivons pas dans un monde patriarcal, nous vivons dans un monde sexué. Nous ne vivons pas sous la loi du père, nous vivons sous la loi du sexe, c'est-à-dire de la différence, et si nous pouvons vivre nos singularités, nous devons prendre garde à ne pas les prendre pour des différences. Point barre masculin.
"De toutes façons, nous arrivons au moment du débat où nous ne pouvons plus être d'accord, c'est-à-dire au moment où nous pensons tous les deux avoir raison. Je remarque que ta réponse est plus une opposition à la mienne et qu'au lieu d'avancer de nouveaux arguments tu tentes de corriger, ou plutôt de nier les miens."
Je tente surtout de bien me faire comprendre, et comme tu as la (fâcheuse) habitude de faire parler les personnes qui débattent avec toi dans tes propres messages, en leur prêtant des idées, des pensées et les phrases qui vont avec, cela me paraît la moindre des choses que de corriger quand je vois que tu n'as pas compris (ou pas voulu comprendre ? je ne sais pas). Parce que les "tu répondrais ceci...", "tu dirais cela...", parfois oui, tu as juste, mais parfois non, pas du tout ; dans ce cas, je rectifie afin que tout soit bien clair.
Reprenons :
"Et si tu parles de racisme, je dirai que le racisme est lui aussi du côté du refus (haineux et non inconscient celui-là) de l'altérité - tout comme l'homosexualité et l'inceste, oui absolument. (Et que le racisme soit incestueux, cela va de soi)"
Là, par exemple, on ne s'est pas du tout compris ! :) Bien sûr que le racisme est du côté du refus de l'altérité... mais c'est à l'homoPHOBIE qu'il faut le comparer, pas à l'homosexualité ! Ce sont eux, les deux mécanismes sociaux de refus de l'autre (qui est différent de nous) qui ont fonctionné globalement de la même façon dans la société. Alors que toi, tu es en train d'avancer que l'homosexualité, en gros, c'est comme le racisme. Tu mélanges allègrement un refus d'altérité individuel et intime lié à une régression du psychisme (ce qu'est l'homosexualité dans ta théorie à la Freud, avec laquelle, je le précise pour nos lecteurs, je ne suis toujours pas d'accord) et un mécanisme social de refus de l'autre sur des critères concernant des groupes d'individus, tout ça grâce à la magie de l'inceste (??). Ce n'est même plus "penser faux", là, c'est faire des queues de poisson à la pensée...
""Le chien et le loup""...
C'est "Le Loup et le chien" ;o). mais quitte à inverser, effectivement, autant le faire jusqu'au bout (fin de la remarque mesquine ;-) ).
Nous sommes bien d'accord que le libertaire (dont je n'ai absolument jamais parlé) pose des problèmes, de même que le puritanisme, d'ailleurs. Mais je ne vois toujours pas que cette discussion vient faire ici, en fait... On n'était pas censé parler des hommes et des femmes, et non du retour de la peine de mort ? Oui, l'homme peut se complaire dans la servitude, formidable, on est d'accord, même si globalement, depuis les Egyptiens, on est quand même allé vers plus de liberté individuelle. On continue ?
Le combat féministe et le combat gay étant deux combats contre la même chose (le patriarcat et ses conséquences sur la société), si, ils ont quelque chose à voir.
Ravi de voir que tu es d'accord avec moi et Woolf. Si tu voulais faire remarquer quelque chose de complémentaire sur le sujet, il te suffisait de le faire simplement, et non de m'attribuer des propos avec lesquels je suis en désaccord. On aurait gagné du temps :).
Heureux qu'on soit d'accord sur notre désaccord concernant Muray. La preuve par la transsexualité, en revanche, ça me semble fumeux, vu d'ici, et ça me semble ne rien prouver puisque tu te sers de ce que tu veux prouver comme point de départ de ton exemple : les sexes engagent existentiellement, donc il n'y a pas de transsexualité possible, ce qui prouve bien que les sexes engagent existentiellement... on a fait mieux, question logique.
Là où en revanche, je souhaite nettement faire avancer le débat et ne pas me contenter de te reprendre, c'est sur la notion de "communautaire". Tu te définis comme "anti-communautariste gay" et tu me définis comme "communautaire queer" : là, j'aimerais développer, car je me définis comme anti-communautariste gay, justement. En laissant de côté les "queer" et en parlant simplement de mes idées (peu importe qu'elles soient ou non "queer", ça, franchement, je m'en fous), je crois bien que c'est moi, l'anti-cmmunautariste. Car je revendique justement une société dans laquelle les gays auraient les mêmes droits que les autres (mariage, adoption) afin justement de se fondre dans la société (mon côté "indifférenciation sociale"). Ca, ça me semble être une revendication fortement anti-communautaire. Les gays communautaires, ce sont ceux qui veulent avoir leur quartier, leurs magasins, leur mode de vie différent de celui des autres, leurs habits, leurs fêtes. Moi, j'ai un mode de vie loin de tout ça, tu le sais, et j'espère que tu me trouves moins communautaire que le gay dont je viens de te faire le portrait à la ligne d'au-dessus. Eh bien j'ai bêtement les revendications qui vont avec ce mode de vie : je ne veux pas de règles spécifiques à ma communauté (d'ailleurs, je ne me sens pas appartenir à une communauté), je veux simplement pouvoir faire ce que les autres (les non-gays) peuvent faire : me marier avec la personne que j'aime, adopter des enfants sans que mon orientation sexuelle m'en empêche, donner mon sang sans avoir à mentir, etc. Je n'ai rien contre un peu de folklore bon enfant (une boîte gay sympa, c'est toujours chouette, d'ailleurs plein d'hétéros adorent), ceci dit. Il me semble au final que tes nouvelles copines féministes différentialistes sont largement plus communautaires que moi, non ?
Non, enfin, le patriarcat, ce n'est pas seulement les talibans. je ne vais pas m'amuser à reprendre les divers exemples que j'ai donnés (je te renvoie à mon message), qui appartiennent à notre société, et que tu ne remettais pas en cause, je crois. Oui, le langage a été marqué par le patriarcat, c'est une évidence (dans notre langue, le masculin est la forme "par défaut", au pluriel il l'emporte sur le féminin, etc.). Il ne s'agit pas pour autant d'accuser le langage de quoi que ce soit (la différenciation sexuelle lui préexiste, ce me semble, mais là, on entre dans l'aporie rousseauiste de l'oeuf et de la poule version "fallait-il d'abord penser pour parler, ou parler pour penser ?"). Que la littérature ait véhiculé des préjugés sexistes, évidemment. Elle a aussi véhiculé les idées inverses, donc tout va bien. Je ne suis pas très "chienne de garde" sur le sujet : je préfère qu'on évite aux nanas de se faire défoncer la tronche par leur frère car elles sortent le soir voir un mec plutôt que de débattre sur "Madame le Ministre ou Madame la Ministre ?". Et tout ce dont je parle dans la société n'est pas de l'ordre d'un monde simplement sexué, comme tu dis, mais bien d'un monde inégalitaire. C'est ça, le patriarcat : c'est l'inégalité des sexes érigée comme fondement (conscient ou non) des relations sociales. Il est nettement plus violent chez les talibans, on est d'accord. Une fois encore, ce n'est pas parce qe c'est mieux chez nous qu'il n'y a plus rien à faire (cf. les statistiques sur les femmes battues, par exemple).
*Celeborn
"une femme libérée, c'est l'horreur absolue, j'en vois plein sur Meetic en ce moment et je ne me rappelais que j'étais si misogyne"
Sûr que les michetonneuses ("femmes libérées" mon c***) de Meetic rendraient quiconque misogyne, même moi que d'ailleurs les dragueurs du même lieu rendraient facilement misandre, si j'y allais. Je préfère encore (sans pour autant consommer) les "vraies" putes.
Patrice, ailleurs (le bouleau moi aussi - mais Kéké a tout dit. C'est jeune et ça ne fatigue pas, sourire)
PS : "c'est madame de Rénal qui voit d'abord en Julien Sorel le salaud qui viendra fouetter ses enfants."
Mme de Rênal n'imagine pas un homme, mais un prêtre - soit, dans la saine tradition anticléricale chère à l'auteur, le contraire, voire pire : un "pédophile" sadique (cf. le refrain antijésuite "C'est nous qui fessons, et qui refessons les petits garçons"...)
La chanson des jésuites - ignoble en effet.
Bon, Celeborn, nous voilà arrivés à l'élémentaire, au fondamental, au moment où l'on est proche de s'envoyer à l'asile pour aberration mentale ou en prison pour propos discriminatoire.
Car tout de même, et sans être trop cassant :
- Oui, l'on peut dire que l'homosexualité est une sorte de racisme psychique - un refus mental de l'autre, une identification narcissique qui panique devant l'identité différente. Bien entendu, cela ne signifie pas que les homosexuels soient socialement racistes, pas plus que les sado sont des tueurs et les masos des tués (même si symboliquement c'est tout à fait ça), tout cela est inconscient et je ne mélange pas du tout les processus de la (dé)formation de la conscience et le comportement psychosocial. Bien au contraire, personne de plus tolérant et de plus charitable que les homosexuels ! Comme l'écrit Freud,
"il est bien connu qu'un certain nombre de personnes homosexuelles se signalent par un développement particulier des motions pulsionnelles sociale et par leur dévouement à des intérêts d'utilité publique. (...) Du point de vue psychanalytique, nous sommes habitués à concevoir les sentiments sociaux comme des sublimations de positions d'objets homosexuelles. Chez les homosexuels doués de sens social, la séparation des sentiments sociaux et du choix d'objet ne serait pas complètement réussie." (Névrose, psychose et perversion, "Sur quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l'homosexualité", puf, 1973)
On peut comprendre ce genre de sublimation. On compense socialement sa dette psychique, on fait dans le monde le contraire de ce que notre désir fait dans sa matrice. D'ailleurs, il n'y a pas que les homos qui soient concernés. Tout comportement altruiste est toujours un peu suspect, (voir Nietzsche and co là-dessus).
- L'homophobie, maintenant. Sans aller jusqu'à dire qu'elle est une imposture intellectuelle et morale comme le fait Tony Anatrella (il y a vraiment des cassages de gueule et des meurtres de gays), force est de constater que si l'homosexualité a toujours fait horreur à toutes les sociétés du monde, comme l'inceste ou le meurtre, c'est parce qu'on voyait en elle une négation de la vie - la vie qui, je le rappelle, est hétérosexuelle. Inutile donc de nous rebattre les oreilles avec l'idée qu'on ne supporte pas la différence sexuelle puisque c'est l'homosexualité, "ce vice destructeur de l'humanité s'il était général" comme la qualifiait Voltaire, qui la nie. Ne confondons pas la résistance aux revendications illégitimes et absurdes des homosexuels avec la vraie homophobie, celle qui veut casser du pédé, qui a une conduite meurtrière d'ailleurs punie par la loi. Au fond, l'homophobe n'est qu'un fanatique superstitieux qui veut la peau des homosexuels comme les bonnes gens d'antan voulaient la peau de l'hérétique, frappaient le bossu ou se moquaient des aveugles - réactions indignes et criminelles que l'on a heureusement fini par blâmer puis par punir mais sans admettre pour autant que l'hérésie valait l'orthodoxie ni que la cécité valait la vue. Or, aujourd'hui, c'est comme si les aveugles demandaient non pas tant le droit d'être des citoyens comme les autres (ce qu'ils sont évidemment), mais d'avoir le droit de conduire comme les voyants. En fait, quand les homosexuels disent vouloir les mêmes droits que les hétérosexuels (comme se marier et avoir des enfants), ils ne réclament pas tant des droits que des attributs qu'ils n'ont pas. En une mécanique de pensée extrêmement perverse, ils réclament une égalité de traitement que leur être profond nie depuis toujours. Et ils traitent d'homophobe quiconque ose leur faire remarquer que c'est bien parce qu'ils sont des citoyens comme les autres qu'ils n'ont pas accès aux désirs qu'ils se sont eux-mêmes interdits. En bref, un enfant se fait avec deux sexes ; si vous n'aimez pas l'autre sexe, éclatez-vous avec le vôtre mais ne venez pas réclamer de faire ou d'avoir ce que l'on fait et ce que l'on a avec l'autre sexe ; n'exigez pas que l'on vous accorde ce que vous avez originellement refusé de faire ; soyez vous-mêmes, ne faites pas semblant d'être autre.
- Et ne confondez pas le combat des femmes avec le combat des gays qui n'ont strictement rien à voir, pas plus d'ailleurs que le combat des femmes n'a à voir avec le combat des Juifs, des Noirs et des Arabes. D'une part, les femmes ne sont pas une minorité mais la moitié de l'humanité. D'autre part, Noirs, Arabes, Juifs ou Tamouls ne sont pas EN SOI une minorité - ils le sont dans nos pays et c'est nous qui le serions dans les leurs. Leur situation minoritaire est conjoncturelle. Alors que les homosexuels sont une minorité partout. Il n'y a pas de territoire et encore moins de "peuple" homosexuel.
- Alors quelle solution ? Je l'ai déjà dit mille fois, mais il m'a toujours semblé que les Grecs avaient résolu ce problème. Au siècle de Périclès, l'homosexualité était tolérée, affirmée, snobée, mais en aucun cas instituée. La vie sociale et sexuelle était fondée sur le mariage et la différence des sexes (certes avec quelque petite différence de pouvoir entre homme et femme) et s'il était permis aux hommes d'aller philosopher et sodomiser le dimanche, on se serait moqué de ceux qui auraient voulu en faire une norme sociale. L'homosexualité était une érotique et non une politique, un style de vie et non une revendication sociale. Socrate faisait la leçon à Alcibiade mais revenait se faire engueuler par Xanthippe.
Très brièvement,
@ Celeborn : dans votre réponse à mon dernier commentaire, vous commettez deux erreurs. La première sur le rapport à l'altérité, sur le fait que j'aurais un mauvais rapport au désir homosexuel : M. Cormay y répond très clairement dans son paragraphe "l'homophobie, maintenant", ci-dessus, je n'ai rien à ajouter. Ce pourquoi d'ailleurs, les revendications d'égalité que vous présentez pour vous-même sont faussement simples, faussement évidentes. Ajoutons cependant qu'un jour le "progrès scientifique", s'il continue à séparer relations sexuelles homme-femme et procréation, risque de ruiner notre belle argumentation, les homosexuels pourront alors avoir des enfants "comme tout le monde", c'est-à-dire sans baiser. On n'en est pas encore là.
Votre seconde erreur est liée à mon "texte" (http://cafeducommerce.blogspot.com/2007/09/o-sont-les-femmes-triste-europe.html, pour mémoire). J'y ai effectivement "exalté la féminité", ou certaines formes de féminité dont il se trouve à la fois qu'elles me plaisent (Gloria Grahame m'a toujours tellement excité que je crois que je pourrais baiser son squelette) et qu'elles sont fondées sur une différenciation forte avec les hommes, ce n'est pas la même chose que d'exalter la féminité en tant que valeur suprême, par opposition souvent au masculin-salaud-violent-oppresseur, etc.
(Au passage : est-ce que vous pourriez m'expliquer pourquoi Cixous, Butler, Iacub, Autain, Corman... ont toutes la même coiffure, que je qualifierais volontiers de "masculine" ? C'est marrant ce mimétisme chez toutes ces femmes libérées de la différence des sexes.)
@P. Cormary : juste un point : le texte de Muray que vous citez sur le langage me semble d'une part différent, d'autre part bien plus intéressant que celui sur la-verge-et-la-vulve, donc vous ne me "déplaisez" pas en le citant, au contraire.
(Et au passage : puisque le terme de "mimétisme" vient de me venir sous la plume, je signale que vos considérations sur le racisme, l'homophobie (comme dit M. Schneider, que vous pourriez lire, Celeborn ("La confusion des sexes"), il faudrait en toute rigueur parler de "homosexualophobie", homophobie veut juste dire "peur du même", mais bon, pour le coup, on ne va pas refaire le langage) sont tout à fait intégrables à une problématique girardienne (cf. "La violence et le sacré", "Des choses cachées...")
Bonne journée à vous !
Pas de mess... des PS :
- "la société américaine [...] qui est DEVENUE ultra-puritaine depuis vingt ans".
Pour être à peu près (et encore) récupérable, cette énormité n'aurait besoin que du préfixe verbal RE- .
- la chanson dite "des Jésuites" est une tranche d'histoire, pas plus ignoble que les refrains antisémites ou sexistes. Ou qu'Henri B. tournant en rond dans le salon grand-paternel en triomphant sur la mort de Louis XVI (comme Marji "A bas le Roi!")
- un bébé se fait de moins en moins avec deux sexes, de plus en plus avec deux tubes à essais. Surtout entre hétéros, qui ne le transforment guère, l'essai (... quand ils l'ont essayé.)
- sur l'homosexualité en Grèce : ... non rien. Fatigant de redire la vérité, sur la pédérastie majoritaire, l'homosexualité interdite, et le total asservissement des femmes.
Patrice, c'est la rentrée, on n'a pas fini de répéter
PS anticipé : ... quand vous publierez ici Stendhal II.
Pour information, il faut toujours deux sexes pour faire un bébé, même si ceux-ci ne se rencontrent pas... de visu. Et que la science ne pourra jamais rien contre ça.
Ce que l'on peut espérer aussi est que l'homosexualité ne soit jamais génétiquement prouvée (ce que l'explication de Freud a le mérite de ne pas sous-entendre), car si demain l'on découvrait "le gène homosexuel", il en serait fini après-demain des homosexuels - aucun parent au monde, aucun être humain ne voulant avoir un enfant homosexuel.
"Pour information, il faut toujours deux sexes pour faire un bébé, même si ceux-ci ne se rencontrent pas... de visu. Et que la science ne pourra jamais rien contre ça."
J'adore les gens qui fixent comme ça, sans raison, une limite à la science, qui, coup de bol, tombe pile à l'endroit où ils veulent qu'elle tombe. Mais, mon cher Pierre, la science ne t'a pas attendu pour faire naître des souris (des mammifères, donc) par parthogénèse (un mode de reproduction tout ce qu'il y a de plus naturel chez certains lézards et même chez des requins ! soit dit en passant)... Alors affirmer que la science ne pourra jamais rien contre le fait qu'il faut deux sexes pour faire un bébé, je serais toi, je me méfierais...
Ok, ok, je ne l'ai pas vu venir, le coup des souris sans mâle - et comme je suis beau joueur, je me suis même renseigné ici :
http://www.algerie-dz.com/forums/showthread.php?t=9968
et ici :
http://www.algerie-dz.com/forums/showthread.php?t=1178
On aurait aussi pu parler du clonage d'ailleurs. On y arrivera peut-être à la possibilité d'une île et au monde "virginal", asexué et féminin ("féminin" barré si j'avais la touche) ((Si j'avais la touche avec le féminin barré, c'est amusant, ça !)) (((oui parce que pour avoir la touche avec ces connasses de Meetic, qui sont encore plus ringardes sur moi sur le plan hommes/femmes, il faut se lever tôt et je me couche trop tard à leur envoyer des messages de merde))))(((((d'ailleurs, c'est fini dans deux mois ouf)))))
Bon, alors la parthogénèse, la parthogénèse... ET BEN PAS MOI !!!!!!!! voilà.
Plus sérieusement, même si on arrivait à faire un être humain sans mâle, il ne serait pas sûr que les mégères qui gouverneraient alors le monde accepteraient qu'on en accorde un aux homos - s'ils existent encore ! Mais je te le concède, tout est possible.
Bienvenue dans la post-humanité...
Moins de lape-suce SVP, je ne peux plus suivre !
Patrice pas surmoi (mais sur quoi...?)
PS : eh vous deux - "parthENogénèse"... pour l'amour du grec (sans majuscule), merci
PS2 : plutôt un enfant homosexuel qu'un enfant homophobe. Si.
PS du PS2 : ... cela dit, on ne choisit pas. Dans aucun cas.
Ah mais c'est lui qu'a fait la faute, m'sieur, moi je n'ai fait que recopier ! Moi je suis bien dans mon rôle de Serpentard, mais lui il ne l'est plus du tout dans celui de Serdaigle !
PS : La référence à la science, c'est toujours casse-gueule. Car à l'heure actuelle personne ne peut dire si l'on ne finira pas par faire un être humain sans sperme ni qu'on ne trouvera pas non plus le gène de l'homosexualité.
J'arrive peut-être un peu après l'orage, je découvre juste que les commentaires se poursuivent ici aussi, mais sur cette question de gène, la mise au point récente d'un généticien sceptique : http://www.philomag.com/fiche-philinfo.php?id=37
Bonne lecture !
Preved medved
extagen
LES COMMENTAIRES 2011 COMMENCENT ICI.
Tout ça ne nous rajeunit pas !
Voyons, Arnaud, l'âge, c'est dans la tête...