La Femme à la puce, Georges de La Tour (1632-1635), Musée lorrain de Nancy
SAMUEL I
Anne
Comme d'hab, dans la Bible, ça commence par une histoire de stérilité/fécondation.
Elcana a deux femmes, Phénenna (ou Penninah) et Anne (ou Hanna).
La première a des enfants, la seconde, non. « Le Seigneur l'avait rendue stérile ». La première parade et se moque de la seconde. « Sa rivale l'affligeait et la tourmentait excessivement, jusqu'à lui insulter de ce que le Seigneur l'avait rendue stérile ». Reprocher son malheur à l'autre, faire de son mal une malédiction et de cette malédiction un jugement de Dieu – telle pourrait se définir la méchanceté humaine à son niveau chimiquement pure.
Cependant, ce n'est pas parce que Dieu fait quelque chose de dur ou rend quelque chose douloureux qu'il l'approuve. Dieu a des desseins mystérieux qu'il faut comprendre. Dieu est un coach redoutablement efficace. En rendant Anne stérile, il la rend aussi désirante de ne plus l'être. La stérilité d'Anne devient ainsi désir de fécondité – et de fécondité supérieure. Si Dieu lui donne un fils, promet-elle, il sera consacré à Dieu. « Si vous n'oubliez point votre servante, et que vous donniez à votre esclave un enfant mâle, je vous l'offrirai pour tous les jours de sa vie, et le rasoir ne passera point sur sa tête », les cheveux longs étant en effet le signe de la consécration à Dieu (rappelez-vous Samson). Le chevelu, c'est l'élu ; le rasé, le connard.
Anne prie tant et tant qu'on la dirait ivre. « Jusqu'à quand serez-vous ainsi ivre ? Laissez un peu reposer le vin qui vous trouble », lui conseille son mari, assez peu psychologue.
Pire, à force de prière, elle devient anorexique.
Mais un beau jour, elle reprend de la nourriture, retrouve un visage fort et retourne à son époux. « Elcana connut sa femme et le Seigneur se souvint d'elle. »
Dieu se souvient des femmes qui jouissent, Dieu entend comme personne l'orgasme féminin. Le plaisir sexuel comme appel (ou don) de Dieu.
Et Dieu lève la stérilité d'Anne et lui accorde un enfant qu'on appelera Samuel. C'est lui qui va donner son nom au titre des Livres Samuel I et Samuel II (mais Rois I et Rois II dans la Bible de Port-Royal).
TOUT N'EST JAMAIS DÉFINITIF – une certaine définition de la foi.
Le Nouveau-Né (dit aussi Sainte Anne et la Vierge au maillot), Georges de La Tour (1645-1650), Musée des beaux-arts de l'Ontario
Les anus d'or
Cantique d'Anne. La femme stérile devenue féconde (ou le contraire). Le Seigneur qui donne et qui ôte la vie, qui conduit aux enfers et qui en retire, qui fait le pauvre riche et le riche pauvre, qui abaisse et qui élève. Comment lire autrement ces versets (I Samuel I 6-7) que de manière protestante, calviniste ou stoïcienne ? Amor Fati, prédestination, grâce – "mèmes" de la philosophie, invariants de la pensée, premiers besoins de l'âme. Que nous emmerdons-nous avec le libre-arbitre ! Non, rendons grâce et réjouissons-nous, quoiqu'il arrive. Dieu a des plans, faisons lui confiance.
Et son dernier plan s'appelle Samuel, né d'Anne, dont il va faire son chef de guerre. C'est que les Philistins viennent de nouveau de l'emporter sur les Israéliens, leur arrachant l'arche d'alliance – ce qui ne va pas aller sans leur causer quelques problèmes car on ne s'empare pas de l'arche perdue sans risquer gros (rappelez-vous les nazis dans Les Aventuriers de l'arche perdue). La preuve, quelque temps après ce rapt, infestations de rats et infections « dans les parties secrètes du corps ».
« Et pendant qu'ils la menaient [l'arche] de cette sorte, le Seigneur étendait sa main sur chaque ville, et y tuait un grand nombre d'hommes. Il en frappait de maladie tous les habitants depuis le plus petit jusqu'au plus grand ; et les intestins, sortant hors du conduit naturel, se pourrissaient. C'est pourquoi ceux de Geth, ayant consulté ensemble, se firent des sièges de peaux. »
Hémorroïdiens ou ulcériens à s'en tordre, les Philistins n'en peuvent plus et finissent par rendre l'arche à Israël en plus de CINQ ANUS D'OR ET CINQ RATS D'OR afin de se faire pardonner. Pourrait-on y voir là une forme de naissance de l'art-gore ? Du grand-guignol ? Du dégueu sublime ? Catharsis comme une autre. Cinquante mille morts tout de même et autant de malades. Qui pourra donc supporter ce Dieu impossible dont on se refile l'arche comme une patate chaude ?
Est-ce la raison pour laquelle ce n'est plus un Dieu que veulent les Israéliens, ou pas seulement, encore moins un juge – mais bien un roi. Un roi comme en ont toutes les nations. Un roi qui les conduise, les commande et les rassure. Un roi qui les légitime. Le roi comme besoin social primitif, mystique national – et conte de fée. Car un juge est à la fois trop et pas assez. Trop de lois, de responsabilités, de trucs chiants mais pas assez d'ordre, de légitimité ni de charisme. Samuel a beau les raisonner, ils ne veulent rien entendre.
« Nous voulons être comme toutes les autres nations. Notre roi nous jugera, il marchera à notre tête et il combattra pour nous dans toutes nos guerres. »
Samuel est obligé de rapporter cette demande à Dieu qui voit rouge mais accepte. « Faites ce qu'ils vous disent. »
Et c'est ainsi que Samuel, dernier juge, se met à la recherche du premier roi. Mais qui ?
Prise de l’Arche par les Philistins à la bataille d’Eben Ezer, fresque de la synagogue de Doura Europos en Syrie, vers 250.
Saül, le premier roi
« Il y avait un fils appelé Saül, qui était parfaitement bien fait ; et de tous les enfants d'Israël il n'y en avait point de mieux fait que lui. Il était plus grand que tout le peuple de toute la tête. »
Saül, le premier beau gosse de la Bible (remarquons comme de livre en livre, le texte se fait toujours plus littéraire, dramatique, épique, psychologique, poétique) – et avant l'idylle entre David et Jonathan. Le livre de Samuel sera le livre des hommes.
Saül, donc, désigné comme premier roi d'Israël et oint par Samuel (qu'on appelle « le Voyant », tiens, tiens...) – tout cela bien entendu par la seule volonté de Dieu qui change les cœurs à sa discrétion, en bien ou en mal (rappelez-vous : « Dieu endurcit le coeur de Pharaon »). Dieu qui trace les chemins de Damas. Dieu qui décide des destins. Dieu qui nous rend libres ou pas.
« Aussitôt que Saül se fut retourné en quittant Samuel, Dieu lui changea le coeur, et lui en donna un autre, et tous ces signes lui arrivèrent le même jour. »
Et ça lui réussit. Premières victoires militaires éclatantes, « austerlitziennes » pourrait-on dire, contre les Ammonites dont « on ne cesse de tailler en pièces l'armée jusqu'à ce que le soleil fût dans sa force. »
Hélas ! Comme Napoléon, Saül est rattrapé très vite par son hybris et commence à agir de son propre chef, procédant à un holocauste improbable qui n'a pas la faveur de Dieu. Déboires, du coup, avec les Philistins qui reprennent l'avantage.
Entre temps, il a eu un fils, Jonathan [Jonathas dans la Bible de Sacy] très avisé, courageux, tout aussi impatient que son père d'en découvre et qui, avec son écuyer, décide d'aller semer du désordre chez les Philistins. Persuadé que Dieu peut « donner la victoire avec un grand ou un petit nombre », tous les deux attaquent un camp philistin et zigouillent vingt personnes. Impressionnés par ce succès, les Israéliens qui avaient déserté l'armée les rejoignent et l'on procède à un beau carnage philistin.
Fort de cette victoire, Jonathas et ses hommes arrivent dans une sorte de contrée magique où la terre est couverte de miel. Interdiction d'en manger, a dit Saül. Ça rappelle la pomme d'Adam, tiens. Jonathas, qui ignore cette interdiction (ou s'en fout), se fait une tartine de miel qui lui redonne une vigueur extraordinaire dans les yeux. Il exhorte ses hommes à en faire de même mais eux s'en gardent bien.
Apprenant la faute de son fils, Saül décide de l'immoler. Mais le peuple l'en empêche. Immoler le sauveur d'Israël, l'émissaire de Dieu, jamais ! Du coup, Jonathas devient le vrai héros du peuple – et rival de son père.
Les victoires israéliennes se succèdent. Dieu ordonne à Saül d'exterminer les Amalécites « jusqu'aux petits enfants, et ceux qui sont encore à la mamelle ». Saül procède mais épargne Agag le roi. Fureur de Dieu – « je me repens d'avoir fait Saül roi », maugrée-t-il de son nuage. Déception de Samuel qui ose cette horrible phrase :
« L'obéissance [en l'occurrence, exécuter tout le monde, roi compris] est meilleure que les victimes et il vaut mieux lui obéir que de lui offrir les béliers les plus gras. Car c'est une espèce de magie de ne vouloir pas se soumettre ; et ne se rendre pas à sa volonté, c'est le crime de l'idolâtrie. Comme donc vous avez rejeté la parole du Seigneur, le Seigneur vous a rejeté et il ne veut plus que vous soyez roi. »
En vérité, la Bible met son lecteur à rude épreuve – et sans doute sommes-nous aujourd'hui trop modernes, humanistes, laïcs, athées pour supporter ces passages révoltants et qui font qu'on se sent beaucoup plus du côté de Saül que de ce dieu incompréhensible, cruel et arbitraire ? On l'aime, ce Saül qui a été prédestiné à être roi, dont Dieu a changé plusieurs fois le coeur comme s'il était sa marionnette et qu'il abandonne là parce qu'il n'a pas voulu immoler Agag (alors qu'il était prêt à le faire avec son fils comme Abraham avec le sien.)
Saül ou la complexité de l'âme. Saül ou le premier personnage véritablement "existentiel" de l'Histoire. Quelque chose se passe dans ce premier livre de Samuel et je me demande si ce n'est pas la naissance de la politique avec ses contradictions, ses injustices, ses raisons d'état, ses malentendus, ses bons ou mauvais hasards. Tout ce qui fait que la vie ne va jamais comme on voudrait et qui annonce la formule fameuse de Bainville que « tout a toujours très mal marché ». Parce qu'enfin tout allait bien jusque-là, sur le plan militaire, social et économique et voilà qu'à cause d'une exhortation révoltante de Dieu, tout va mal.
Pour l'heure, on amène le roi Agag « tout gras et tremblant » [ou « qui arriva tout gaiement » dans une autre traduction] à Samuel qui le découpe en petits morceaux. Son dernier acte d'importance. Après quoi, il quitte pour toujours Saül.
David, le héros
Samuel pleure Saül. Dieu le lui reproche. Qu'il aille plutôt à la recherche du nouveau roi que Dieu a choisi pour son peuple. Samuel s'exécute. On lui présente un certain Isaï (ou Jessé), personnage important puisqu'il n'est nul autre que l'aïeul direct du Christ (voir l'Arbre de Jessé) qui a huit fils (et non pas onze comme chez Kafka). Aucun ne convient parmi les sept premiers. Reste le huitième, un petit berger qui garde les brebis. On va le chercher. C'est un garçon roux (comme Judas et Poil de Carotte), « d'une mine avantageuse et fort beau » et dont Dieu tombe tout de suite amoureux. Ce sera lui, l'oint.
Au même moment, « l'esprit du Seigneur se retire de Saül » et l'esprit du malin, « envoyé par le Seigneur » (quel horrible dieu que le nôtre, tudieu !) entre en lui. Dépression et mélancolie. Comme Nicolas Demorand, Saül est un bi-polaire. La maladie mentale est une maladie divine – et non le contraire.
On ramène David à Saül qui, lui aussi, en tombe tout de suite amoureux (« l'aima fort », dit Sacy) et en fait son écuyer. Mieux, son harpiste. Car Saül est mélomane et David musicien. Seul lui peut soulager son maître de ses phases dépressives.
« Ainsi toutes les fois que l'esprit malin envoyé du Seigneur se saisissait de Saül, David prenait sa harpe et en jouait ; et Saül en était soulagé et se trouvait mieux ; car l'esprit malin se retirait de lui. »
Quel éloge de la musique, soit dit en passant. La musique contre le démon. Dans ta gueule, tes oreilles plutôt, l'imam de Brest !
Saül et David, Rembrand (vers 1651-1654), Koninklijk Kabinet van Schilderijen Mauritshuis
Goliath
On connaît l'histoire. On connaît moins ce détail : David ne va pas « apeuré » à l'encontre de Goliath mais assuré que Dieu est avec lui et comme il l'a déjà été lors de combat avec des ours et des fauves. A Saül qui refuse d'abord son aide (car c'est lui qui s'est proposé), le petit roux rétorque :
« Lorsque votre serviteur menait paître le troupeau de son père, il venait quelquefois un lion ou un ours qui emportait un bélier du troupeau ; alors je courais après eux, je les attaquais, et je leur arrachais la proie d'entre les dents ; et lorsqu'ils se jetaient sur moi, je les prenais à la gorge, je les étranglais et je les tuais. (...) Le Seigneur qui m'a délivré des griffes du lion et de la gueule de l'ours me délivrera encore de cet incirconcis. »
David est conscient d'être l'élu. David, sorte de mini Hercule.
David avec la tête de Goliath, Le Caravage (1606-1607 ou 1609-1610), Garlerie Borghèse, Rome.
Jonathan
Après ce coup d'éclat, Saül ne veut plus que David, « qu'il aime comme lui-même », le quitte. Entre temps, David s'est lié au propre fils de Saül, Jonathan qui, lui aussi, « l'aime comme lui-même », doublement rival de son père.
Amitié grecque s'il en est.
« Jonathan se dépouilla de la tunique dont il était revêtu et la donna à David avec le reste de ses vêtements, jusqu'à son épée, son arc et son baudrier. »
David n'en demeure pas moins le chef de guerre de Saül qui l'envoie guerroyer et triompher partout. David « était fort aimé du peuple et surtout des officiers de Saül. »
Les femmes ne sont pas en reste.
« Or, quand David revint de la guerre, après avoir tué le Philistin, les femmes sortirent de toutes les villes d'Israël au-devant du roi Saül en chantant et en dansant, témoignant leur réjouissance avec des tambours et des timbales. »
David sex-symbol !
« Et les femmes dans leurs danses et dans leurs chansons se répondaient l'une à l'autre, et disaient : Saül en a tué mille et David en a tué dix mille. »
David, problème politique – car évidement, quand Saül apprend ça, il veut l'éliminer. Et de sa propre main encore. Mais David évite sa lance par deux fois et Saül comprend bien que Dieu est avec lui. Il tente alors de le perdre auprès des Philistins.
David et Jonathan, Rembrand (vers 1668), Musée de l'Ermitage, Saint-Petersbourg.
Prépuces
Profitant de l'inclination que sa seconde fille, Michol [ou Mikhal], a pour David, Saül propose à celui-ci, s'il veut épouser celle-ci, d'aller tuer cent Philistins et lui rapporter leurs prépuces.
Après les anus, les prépuces !
David s'exécute, tue deux cents hommes et revient avec deux cents prépuces ! Saül est obligé de lui donner sa fille à la grande joie de celle-ci « qui avait beaucoup d'affection pour David ».
Mais David doit bientôt fuir car Saül veut de nouveau le faire assassiner. Les histoires qui se répètent dans la Bible. Reprises, redondances, bégaiements, mais comme dans la vie après tout.
Ruse de femme. Pour tromper les soldats venus assassiner son mari, Michol met une statue à sa place qu'elle recouvre d'une peau de chèvre. Pendant ce temps, David s'est réfugié chez Samuel. Crise de nerfs de Saül qui jure une énimème de perdre David – et maudit son fils qui a renouvelé son union avec lui et qu'il traite de « fils de pute » (Samuel I 20-30)
Mikhal aide le jeune David à s'échapper, gravure de Gustave Doré (1865)
David, le fugitif
Un peu plus tard, David fait le fou pour échapper aux Philistins – comme Hamlet, tiens. Cavale dans le désert. David, « renard du désert ». Dans une caverne où il s'est caché, il voit Saül entrer un moment pour y chier (I Samuel 14-4). Des amis de David vont pour le tuer, David les en empêche. Jusqu'au bout, il voudra sauver Saül, le considérant comme le véritable roi d'Israël. Loyauté de David. Saül pleure devant David :
« Vous ne m'avez fait que du bien, je ne vous ai fait que du mal ».
Destin tragique de Saül, condamné à haïr ce qu'il aime, à faire le malheur des autres et le sien.
David encore en cavale. Dans une cité, il épouse une autre femme, Abigaïl, épouse du niais, cocu et bientôt mort Nabal.
David survival.
Entre temps, Samuel est mort.
“Saul and the Witch of Endor” (Master of Otto van Moerdrecht, 15th century)
Endora, la femme python
La guerre avec les Philistins a repris. Désemparé, Saül rencontre une femme « à l'esprit de Python » (c’est-à-dire une sorcière, native de la cité d'Endor et qu'on aurait envie d'appeler « Endora », la mère de Samantha dans Ma Sorcière bien aimée !) afin qu'elle rappelle Samuel des morts afin de le consulter. Apparition de celui-ci qui lui prédit sa fin prochaine.
Saül définitivement abandonné par Dieu.
Tandis que David remporte de nouveaux succès contre les Amalécites, Saül et ses fils sont cernés par les Philistins. Ses fils périssent, dont Jonathan.
Saül demande à son écuyer de le tuer avec son épée. Celui-ci, effrayé, refuse. Alors Saül se perce lui-même « à la romaine ».
Saül, premier suicidé de l'Histoire sainte.
Le suicide de Saül, Brueghel l'Ancien (1562), Musée d'histoire de l'art de Vienne, Vienne.
SAMUEL 2
Le roi danse
David aimait Saül – qui avait pourtant tout fait pour le liquider. David pleure Saül – et fait liquider l'homme qui a aidé Saül à mourir.
David fidèle à la mémoire de Saül jusqu'à en être injuste.
David célèbre Saül et Jonathan – et au nom de ce dernier (« le plus beau des princes, plus aimable que les plus aimables des femmes »), exhorte son peuple à apprendre à leurs enfants à tirer à l'arc tout comme lui.
« Jamais la flèche de Jonathas n'était retournée en arrière, mais elle avait toujours été teinte du sang des morts, du carnage des plus vaillants, et jamais l'épée de Saül n'avait été tiré en vain. »
Et :
« Saül et Jonathas, si aimables durant leur vie, et d'un air si majestueux, plus prompts et plus légers que les aigles, et plus courageux que les lions, sont demeurés inséparables dans leur mort même. »
La guerre reprend entre la tribu de Judas, dont le roi est David, et les onze autres tribus d'Israël sur lesquels règne Isboseth, successeur légitime de Saül. David a le dessus. Épisode de la course Abner/Asaël qui rappelle/annonce celle des Horace et des Cuirasse. Coup dans l'aine du premier au second – et qui est le premier d'une longue série, l'aine étant « l'organe » qui revient régulièrement dans ce Samuel II où la vendetta fait rage. Entre temps, David « se fortifie » et multiplie les femmes et enfants, dont un certain Absalon. Un peu plus tard, il devient roi des douze tribus... et pleure ses ennemis.
David – le vainqueur qui pleure les vaincus et les venge. Quand l'homme qui a tué Isboseth se présente à lui, croyant être récompensé pour son acte, il est exécuté à son tour. Allez faire plaisir à David.
Suivent d'autres victoires éclatantes contre les Philistins et qui permettent de transférer l'arche d'alliance à Jérusalem devant laquelle David va danser. Le roi danse ! Et comme un fou ! « De toute sa force », dit Sacy, ce qui provoque la moquerie de sa femme Michol. Quelle idée, lui dit-elle, de se mettre nu devant les servantes et de danser comme un bouffon. Réponse du roi :
« Oui, devant Dieu qui m'a choisi plutôt que votre père [Michol est la fille de Saül], je danserai et paraîtrai vil encore plus que je n'ai paru : je serai méprisable à mes propres yeux et devant les servantes encore ! Et cela sera ça ma gloire ! »
Mais qu'est-ce que ce type ? Un gay LGBT ? Une folle de Village People ? Un possédé dostoïevskien ? Qui aime ses ennemis et tue ses amis ? En tous cas, le personnage le plus barré de la Bible pour l'instant.
Et qui refroidit l'ardeur de sa femme.
« C'est pour cette raison que Michol n'eut point de David jusqu'à sa mort. »
Bethsabée
Un jour, le roi David surprend une femme nue dans sa piscine. Elle est belle. Très belle. Il l'invite (ou l'enlève), la connaît (ou la viole), la met enceinte. Elle s'appelle Bethsabée, est l'épouse d'un de ses soldats, Urie le Hittite. Il fait venir celui-ci chez lui, comme pour lui faire une faveur, et sans lui révéler son forfait, l'exhorte ce soir à ne pas rentrer au camp avec les autres mais à aller chez lui en week-end pour honorer sa femme (afin, on le comprend, que l'enfant qu'attend celle-ci soit « de lui »). Mais Urie, loyal parmi les loyaux, préfère rester à veiller l'Arche. David est admiratif mais cette admiration ne fait pas ses affaires. Quelques jours après, il rappelle Urie, l'invite à sa table, l'enivre de bon vin, et de nouveau incite son brave à aller honorer madame – mais Urie, tout bourré qu'il est, s'en retourne dormir au camp. Mince !
Il est obligé alors de renvoyer Urie au bataillon – et de prévenir son fils Joad qu'on place Urie « au plus rude de la bataille » et faire en sorte qu'il périsse au plus vite. Ce qui arrive bientôt.
Dieu n'apprécie pas tellement et fait mourir l'enfant de Bethsabée. David en pleurs.
Mais David ensemence de nouveau Bethsabée et cette fois-ci, l'enfant n'est pas sacrifié (« Dieu aima cet enfant ») et on le nomme Salomon.
Dieu est tout de même un peu difficile à suivre. Mais c'est aussi notre chance. On fait avec. On parie. On espère ne pas être puni là où on devrait l'être. On craint de l'être même si on ne le devrait pas. On sait que Dieu, comme femme, varie.
David, toujours victorieux contre ses ennemis en tous cas.
« Et ayant fait sortir les habitants, il les coupa avec des scies, fit passer sur eux des charriots avec des roues de fer, les tailla en pièces avec des couteaux, et les jeta dans les fourneaux où l'on cuit la brique. C'est ainsi qu'il traita toutes les villes des Ammonites. »
Bethsabée au bain tenant la lettre de David, Rembrandt (1654), Louvre [à noter que Besthsabée est représentée là sous les traits de la la concubine de l'artiste, Hendrickje Stoffels].
Absalom
Houellebecq le disait quelque part : les crimes sont toujours d'argent ou de sexe. Crimes de « beauté », pourrait-on dire tant le texte insiste ici sur la beauté des protagonistes. D'abord Saül qui était le plus bel homme de la cité, plus grand d'une tête de tous les autres, puis David à la sensibilité échevelée, Jonathan, « plus aimable qu'une femme ». Bethsabée, surprise nue dans son bain « et qui était très belle » ; et dans ce nouvel épisode, Thamar « qui était très belle », puis Absalon [ou Absalom], considéré comme le plus bel homme du royaume.
Mais reprenons.
Ammon, fils de David, en pince pour sa demi-soeur, Thamar, soeur d'Absalon. Contrairement à l'épisode de David et Bethsabée dont la romance pouvait être consentie, il est bien dit là qu'il la viole.
« Étant plus fort qu'elle, il lui fit violence et abusa d'elle. »
On est dans un récit naturaliste, brutal, plein de bruit et de fureur, « faulknérien ». Passion violente du frère pour sa soeur puis aversion pour elle après le viol.
« De sorte que la haine qu'il lui portait était encore plus excessive que la passion qu'il lui avait eue pour elle auparavant. »
Informé de son crime, David ne peut se résoudre à châtier Ammon, son fils aîné, donc successeur. C'est Absalon, son autre fils qui s'en charge deux ans plus tard (et toujours selon le mode « Salomé » ou « péplum érotique » ou « Game of Thrones » : on convie le mec à une noce, on lui fait voir des danseuses, on l'enivre, puis on le liquide.
David en pleurs (pour changer), Absalon en fuite.
Le meurtre d'Amnon par Absalon, Gaspare Traversi (1752), Monastero di S. Paolo fuori le Mura, Rome.
Parabole (la femme de Thécua)
Suit l'intéressant épisode de la femme de Thécua.
Envoyée par Joab, neveu de David, celle-ci vient se plaindre à lui. Depuis que l'un de ses fils a assassiné l'autre (tout comme Absalon a fait assassiner Ammon – et l'on pense bien entendu à Caïn et Abel), elle n'est plus en paix car la cité veut la peau du fils meurtrier. Elle supplie le roi David de protéger celui-ci contre l'ire de la foule. Bien sûr, il accepte – mais sans se rendre compte qu'en le faisant, il se retrouve lui-même dans l'obligation de le faire avec son propre fils, Absalon. Il est vrai que cette femme de Thécua a une éloquence rare :
« La femme lui dit : Pourquoi refusez-vous au peuple de Dieu la grâce que vous m'accordez ? Et pourquoi le roi se résout-il de pécher plutôt que de rappeler son fils qu'il a banni ? »
Suit ce passage admirable qui dit tout de la miséricorde réelle de Dieu :
« Nous mourrons tous, et nous nous écoulons sur la terre comme des eaux qui ne reviennent plus ; et Dieu ne veut pas qu'une âme périsse : MAIS IL DIFFÈRE L'EXÉCUTION DE SON ARRÊT, DE PEUR QUE CELUI QUI A ÉTÉ REJETÉ NE SE PERDE ENTIÈREMENT. »
Telle fonctionne la parabole (le mot est écrit au 14-20). Faire mine de parler de soi pour édifier autrui. Raconter une histoire soi-disant sienne pour obliger l'autre à comprendre la sienne. Transférer la vérité. Aider à l'intérioriser. Médiatiser.
La Bible – affaire de médiatisation.
Et la femme, évidemment, son grand rôle. Média, intermédiaire, intercesseuse, mariale. Etc. La femme aaronienne, ou l'homme marial, comme on voudra.
David comprend. C'est Joab qui a envoyé cette femme pour le réconcilier avec son fils. Double médiation, double réconciliation. David doit y être sensible. Son neveu a bien fait les choses. On aime se réconcilier en famille grâce à un tiers. Il accepte de rappeler Absalon... à condition de ne pas le voir tout de suite.
Retour d'Absalon au bercail. C'est là qu'on le décrit comme le plus bel homme d'Israël. « Depuis la plante des pieds jusqu'à la tête, il n'y avait point en lui le moindre défaut. »
Le détail des cheveux (Samson ?)
« Lorsqu'il se faisait couper les cheveux, ce qu'il faisait une fois tous les ans, parce qu'ils lui chargeaient trop la tête, on trouvait que ses cheveux pesaient deux cents sicles, selon le poids ordinaire. »
Ce détail capillaire aura bientôt son importance.
Absalom, illustré par Albert Weisgerber (1912)
Absalon ! Absalon !
Mais Absalon en veut à son père et fomente une révolte contre lui. Une grande partie du peuple le rejoint. David est obligé de fuir (tout comme il avait fui Saül à l'époque). Une vie à régner et à se cacher. Éternel retour des situations, des malédictions, du sang. Encore une fois, David accepte son destin.
« Peut-être que le Seigneur regardera mon affliction et qu'il me fera quelque bien pour ces malédictions que je reçois aujourd'hui. »
Un mal pour un bien – ce qui va contre toute logique et qui est spécifiquement théologique. Dieu n'est pas logique, Dieu n'est pas logicien – contrairement au diable.
À cela s'ajoute l'horrible logique sociale qui fait du cocu le coupable, de la femme violée la femme déshonorée, de l'enculé le bouc-émissaire et par conséquent de l'enculeur le triomphateur, du suborneur le grand gagnant.
Alors qu'ils viennent d'entrer dans Jérusalem et qu'Absalon est prêt à en devenir le roi, le grand-prêtre Achitopel exhorte en effet celui-ci à violer toutes les concubines de son père afin de déshonorer ce dernier et faire en sorte que le peuple s'attache plus fortement à son parti à lui. Le crime et le viol comme ce qui honorifient ! Le sacrifice comme ce qui sacre ! La violence comme ce qui en impose !
Ainsi fonctionne le social, le sacré. « Or les conseils que donnait Achitophel étaient regardés comme des oracles de Dieu même. » Impossible de ne pas les suivre.
« On fit donc dresser une tente pour Absalon sur la terrasse du palais du roi et il abusa devant tout Israël des concubines de son père. »
Et Absalon que l'on a tant aimé (car vengeur de sa soeur violée etc.) S’exécute. Saül, David, Absalon – tous avaient bien commencé, tous finissent mal.
Quelque chose d'atridien.
Cependant, Achitophel a fait son temps. Un autre conseil, Chusaï, commence à parler à l'oreille d'Absalon. Le corrompt – et cela du fait de Dieu lui-même qui veut perdre Absalon. Et en effet, David revient combattre son fils. Nouvelle guerre et défaite de l'armée d'Absalon. Entre temps, Achitophel s'est pendu (le second suicidé de la Bible après Saül ?)
Fuite d'Absalon. En passant sous un chêne, ses cheveux s'embarrassent dans les branches et son mulet passant outre, il se retrouve suspendu à l'arbre. Un soldat le trouve, va prévenir Joab, celui-ci lui ordonne d'y retourner et de lui passer son épée au travers du corps. Le soldat refuse car David leur a ordonné de préserver son fils. Le neveu fait le travail à sa place.
« Il prit en sa main trois dards dont il perça le coeur d'Absalon. Et lorsqu'il respirait encore, toujours pendu au chêne, dix jeunes écuyers de son service le percèrent de coups et l'achevèrent. »
Pleurs de David quand il apprend la mort de son fils.
Absalon ! Absalon !
La mort d'Absalon, Francesco di Stefanodit dit "Il Pesellino" (XV ème siècle), Musée de Tessé, Le Mans
David, l'existentiel
« Vous aimez ceux qui vous haïssent et vous haïssez ceux qui vous aiment. » (Samuel II 19-6)
Ce que Joab reproche à David. Ce que l'on nous reproche parfois. Cette propension à aller voir ailleurs, à essayer l'amour et l'amitié ailleurs, au risque de négliger ou de trahir les siens. Ce besoin d'adultère, de diversion, de nouveau départ. David, sanguinaire et miséricordieux, roi toujours en fuite, "inverti" en tout, qui aime les hommes comme les femmes, qui trompe, tue et pleure (qu'est-ce qu'il pleure, cet homme !), qui vit dans sa chair la contradiction, la croix, l'écartèlement. Qui rappelle, annonce, le verset paulinien : je fais ce que je ne veux pas, je ne fais pas ce que je veux. Qui incarne cette torture propre au christianisme, religion sadomasochiste s'il en est - ce dont nous parlions, hier, cher Jean-François Rouzières. David, premier (ou second après Saül) personnage complexe, existentiel, de la Bible, de l'humanité. Son unité impossible. Ses dissonances, paradoxes, inconséquences, auto-négations. Tout ce qui ne va jamais en nous. Comme si l'être était incompatible avec lui-même. Libre, pas libre. Innocent, coupable. Déchu mais susceptible d'être sauvé (mais pourquoi ce passage par la déchéance ? cette nécessité de la déchéance ?), mort, vivant, mort-vivant, zombie. Ce que j'ai l'impression d'être ces derniers temps. Trollé par moi-même. Tiens, sinon, Trolls, Unicité, il paraît qu'on est en contact avec un distributeur influent. Espoir qui renaît – avec tout ce qu'il y a de nerveusement épuisant dans le ré-espérant. On croise les doigts avec Etienne Ruhaud et Hervé Weil.
David pleure Absalon, Chagall (1956)
Joab, le ninja
De nouveau, divisions, rivalités, guerres. Plutôt que Joab qui a tué Absalon, David charge Amasa, un de ses lieutenants (nommé par Absalon) d'aller mater la révolte de Séba. Jaloux, Joab fait mine de rejoindre ce dernier et commet l'une des pires trahisons de la Bible. Admirez sa tenue ninja :
« Joab était revêtu d'un habillement étroit qui lui était juste sur le corps, et par-dessus il avait son épée pendue au côté dans un fourreau fait de telle sorte qu'on pouvait la tirer, en frapper en un moment.
Joab dit donc à Amasa : Bonjour, mon frère ; et il prit de sa main droite le menton d'Amasa pour le baiser.
Et comme Amasa ne prenait pas garde à l'épée qu'avait Joab, Joab l'en frappa dans le côté : les entrailles aussitôt lui sortirent du corps ; et sans qu'il fût besoin d'un second coup, il tomba mort. »
C'est que la succession de David se prépare et que Joab, le neveu, compte bien y avoir sa part.
Joab tue Amasa (voir Wikipedia)
Abéla, la femme avisée
Siège de Beth-Maacha, la ville rebelle qu'on s'apprête à massacrer.
« Alors une femme de la ville, qui était fort sage, s'écria : écoutez ! écoutez ! dites à Joab qu'il s'approche et que je veux lui parler. »
Cette femme ["Abéla" dans la traduction Sacy mais "Abel" ou "Avel" dans d'autres] est coutumière de diplomatie, sinon de prophétie et l'affirme avec un certain orgueil.
« Elle ajouta : Autrefois on disait d'ordinaire : Que ceux qui demandent conseil le demandent à Abéla et ils terminaient ainsi leurs affaires.
N'est-ce pas moi qui dit la vérité dans Israël à ceux qui me la demandent ? »
Et de demander à Joab pourquoi il veut détruire la ville. Joab lui répond que ce n'est que Séba, le chef des rebelles, qu'il réclame. Qu'à cela ne tienne, rétorque Abéla, on va lui jeter sa tête par-dessus la muraille. Et en un verset quasi-comique, l'affaire est faite.
« Elle alla ensuite trouver tout le peuple et elle leur parla si sagement qu'en même temps on coupa la tête à Séba et on la jeta à Joab. »
« Quand il s'agit de tromperie, de duperie, de volerie, il est toujours bon, sur ma foi, d'avoir les femmes avec soi. »
Joab poursuit Sheba jusqu'à la cité d'Abel-beth-maachah où celui-ci se réfugie. Puis sa tête jetée par-dessus les murailles – Illustration de la Bible de Maciejowski
Suite et fin
Famine (à cause des anciens crimes de Saül, dit-on – ou des récents de David, se demande-t-on). Crucifixions conjuratoires. Guerres en rafales (quatre en quatre versets). Monstres.
« Il se fit une quatrième guerre à Geth où il se trouva un grand homme qui avait six doigts aux pieds et aux mains, c'est-à-dire vingt-quatre doigts et qui était de la race d'Arapha. »
Défaite tout de même. Cependant, David fatigue. Le trouvant « las dans le combat », on tente de l'assassiner mais il est sauvé in extremis.
Son fameux cantique (XXII).
« Le Seigneur est mon rocher, il est ma force, il est mon Sauveur.
(...)
Les liens de l'enfer m'ont environné, les filets de la mort m'ont enveloppé.
J'invoquerai le Seigneur dans mon affliction et je crierai vers mon Dieu ; et il entendra ma voix de son temple, et mes cris parviendront jusqu'à ses oreilles. »
Et de demander à Dieu de maudire ses ennemis, de les faire périr. Psaume vindicatif et hargneux qui laisse songeur – et qui aussi fatigue. C'est là où l'on n'arrive plus à suivre. Prier contre ses ennemis extérieurs, quel ennui ! Et comme si nos seuls ennemis n'étaient pas intérieurs. Je les ai tous lus et médités les psaumes de David. Il y en a de splendides, de profonds, d'extraordinaires – mais il y en a tellement aussi de haine, de vengeance et de pleurnicherie.
En vérité, il est très éprouvant de lire la Bible. A un certain moment, on est saturé par les guerres à outrance, les vengeances, les trahisons, les plaies, les châtiments – et surtout la morale qui se dégage de tout ça, la culpabilité permanente, les nerfs toujours mis à vif. Au moins Apollon ne faisait pas la leçon à Marsyas quand il l'écorchait. Les dieux antiques étaient cruels mais foutaient la paix. Rien de tel avec ce dieu terrible qui ne laisse jamais tranquille, qui demande des comptes, des sacrifices, des vêtements déchirés, des cendres. Qui propose des choix abominables :
« Voilà ce que dit le Seigneur : je vous donne le choix de trois fléaux que je vous prépare ; choisissez celui que vous voudrez. Ou votre pays sera affligé de la famine pendant sept ans ; ou vous fuirez durant trois mois devant vos ennemis qui vous poursuivront ; ou la peste sera vos États pendant trois jours. Délibérez donc maintenant et voyez ce que vous voulez. »
On choisit la peste, plus rapide. 70 000 personnes emportés en une journée si bien que Dieu a quand même pitié et renonce aux deux jours qui restent. Surtout qu'entre temps, David s'accuse : « c'est ma faute, ma très grande faute, rien que ma faute. »
Tout est comme ça dans la Bible. Et ça pleure, et ça se repent, et ça fait pénitence. Et Dieu re-pardonne. Et on repart comme en l'an 40. Et le lecteur n'en peut plus. Comme Nietzsche, à un certain moment, on ne voit plus que l'aspect pathologique de l'écriture sainte. Rendez-nous l'Iliade, foutre-ciel ! La violence non impure ! La cruauté sans histoire ! Le tragique sans morale (pléonasme) ! La douleur sans souffrance !
David et Goliath, Titien (1542 - 1544), Santa Maria della Salute, Venice
A SUIVRE, LIVRE DES ROIS I ET II