III – Mystique
1 - Un père est battu
A l’instar de femme maso, la garce est une erreur de casting de la scène SM. Quelle que soit la cruauté avec laquelle la femme supérieure traite les hommes, il faut à un certain moment que cette cruauté soit la cruauté de l’amour et de la maternité. Il faut que la femme cruelle aime l’homme qu’elle tourmente – sinon, comme disent les enfants, ce n’est pas du jeu.
Dans le même ordre d’esprit, l’on oubliera les mères indignes, les Folcoche et autres Thénardier, les marâtres odieuses (comme celle de Cendrillon), non pas qu’elles ne peuvent participer aux fantasmes masochistes (tout le monde a fantasmé sur les méchantes reines de Blanche-Neige ou de La Belle au bois dormant), mais ces fantasmes sont à la marge du masochisme. Comme le dit Deleuze, « c’est une erreur de mettre le masochisme en rapport avec le thème de la mauvaise mère ». En fait, « tout le mouvement du masochisme est d’idéaliser les fonctions des mères mauvaises en les reportant sur la bonne mère. » On le comprend assez vite : les sévices de la mauvaise mère relèvent de la maltraitance et de la misère sociale, aussi peu érogènes que le sont au contraire les sévices de la bonne mère qui corrige par tendresse, fesse par ferveur, et châtie bien parce qu’elle aime bien. C’est dans ce mélange de violence et d’amour, de justice et de sacrifice (car la bonne mère est évidemment une mère sacrificielle) qu’a le plus de chance de naître l’embryon masochiste. La mère nourricière et aimante ne peut se tromper à notre égard. Si elle nous gronde ou nous punit, c’est bien parce que nous avons l’avons mérité. Et le châtiment qu’elle nous inflige nous affectionne davantage à elle. Cela devient presqu’un privilège que d’avoir été battu de sa main. Cela prouve notre proximité, notre intimité avec elle. D’ailleurs, elle-même en est consciente. « Si je le haïssais, je serais indigne de le châtier »[1], dit La pêcheuse d’âmes de son amant filial.
Donc, « il faut que le système des cruautés soit pris en charge par la bonne mère », exactement comme il faut que la fonction de prostituée soit assumée par la bonne épouse.
« C’est une merveilleuse chose, disait Masoch, de trouver chez sa propre, honnête et brave femme, des voluptés qu’il faut généralement aller chercher chez des libertines ».
Autrement dit, l’on retrouve dans le fantasme masochiste celui de la « Mama putana » si cher à Fellini. Certes, celle-ci est chez le maître italien moins sévère et plus obèse que celle de Masoch, mais elle est tout autant donneuse de vie, réaccoucheuse, nous allions dire : "civilisatrice", qu'elle. Cela serait à développer ailleurs, mais notons quand même que l’imaginaire érotique de l’auteur d’Amarcord s’inscrit directement dans le masochisme, et cela même s’il ne fait presque jamais appel aux fouets (sauf dans la scène si drôle et si signifiante du Satyricon où le héros se fait fouailler en cadence par une demi-douzaine de femmes, esclaves maîtresses idéales, afin de retrouver sa virilité perdue - la flagellation "fessante" et sa variante génitale, l'urtication aux orties, étant considérées depuis l'Antiquité comme un remède à l'impuissance !!!). Masochisme pacifique en un sens que celui du génie italien qui affirme la prépondérance des déesses mères, des femmes primitives, des matrices accueillantes.
Quoiqu’il en soit, si l’homme rêve d’être battu par la femme, c’est qu’il rêve en réalité de coucher avec sa mère. L’explication psychologique la plus simple est celle qui vient naturellement à l’esprit.
On connaît l’interprétation du masochisme que donne Freud dans un texte célèbre, On bat un enfant, et qui contrecarre la précédente explication. Le masochisme serait en réalité une préfiguration symbolique de l’homosexualité. On peut toujours rêver des déesses mères, on peut toujours se rassurer avec les femmes originaires, dans la société patriarcale qui fut celle de Freud, loi et châtiment sont généralement les apanages du père. C’est le père, « cette machine à corriger » selon Stephan Zweig, et non la mère, qui est au centre du dispositif masochiste. La mère, au contraire, est là pour consoler l’enfant des rigueurs paternelles, sinon pour les lui éviter. A la limite souhaiterait-on que cela soit elle qui se charge des punitions. Car si le père est pour le fils cette image imbuvable d’autorité brutale qui sent mauvais, et que par ailleurs, c’est la mère qui est toujours le premier objet désiré par l’enfant, eh bien, qu’à cela ne tienne, l’inconscient fera en sorte que cela soit la mère généreuse, accueillante et pleine de bonnes odeurs qui prenne la place du père, et le tour sera joué ! L’éprouvante correction paternelle devient alors une cuisante mais très voluptueuse étreinte maternelle – et l’homosexualité latente peut enfin trouver ses marques dans ce petit drame familial. La mère fesseuse n’est qu’un avatar du père fouettard et le plaisir masochiste qui en découle n’est qu’un plaisir homosexuel encore pas clair. On n’osait désirer le père directement, on ose le désirer à travers la mère. Dans un autre texte célèbre intitulé « l’homme au loup », et sans se rendre compte des dégâts qu’il va commettre pour la gente masochiste de tout le siècle à venir, Freud écrit : « dans le sadisme il tenait ferme à sa plus ancienne identification avec le père ; dans le masochisme il avait élu ce père comme objet sexuel ». L’affaire est close : le masochisme, c’est de l’homosexualité refoulée.
Cette croyance au rôle du père dans le dispositif masochiste ne fut-elle pas le pire préjugé sado-social ou maso-sexuel du père de la psychanalyse ? Pourquoi diable la mère, qui a quand même donné la vie à l’enfant, qui est quand même la chair de l’enfant, n’aurait dans ce théâtre pervers que le rôle de la doublure ? Au fond, que le père incarne le pouvoir social et sexuel n’annihile pas du tout le fait que la mère incarne le pouvoir vital et charnel. Mieux, la mère est la première qui a le pouvoir de vie et de mort sur l’enfant. C’est elle que l’on aime et que l’on craint originairement - le père arrivant toujours après, et d'ailleurs le père s'imposant comme tel que parce qu'il a été désigné par la mère. Non, il faut oublier Freud et revenir à l’explication psychologique traditionnelle, à savoir que c’est bien la mère en tant que mère qui bat l’enfant et c'est elle que l’enfant désire.
Mais pourquoi le bat-elle si elle l’aime tant que ça ? Et qu’est devenu le père dans toute cette histoire ? Ou se cache le père pendant que la mère bat l’enfant ? Mon dieu, mais c’est bien sûr ! Il se cache… dans l’enfant. C’est le père dans l’enfant qui est battu. C’est l’enfant dans sa ressemblance au père qui est coupable. La mère bat l’enfant pour le corriger de son appartenance au père. La mère expulse le père de l’enfant.
« Ce n’est[donc] pas un enfant, c’est un père qui est battu », conclut Deleuze.
O résurrection ! O fin des confusions ! Soulagement, oui, soulagement ! Grâce vous soit rendue, Gilles Deleuze, père idéal s'il en est, d’avoir résolu l’énigme du masochisme ! Oui, tout s’éclaire à présent, en moi, en nous, en eux - grâce à vous, déterritorialisateur ! Le monde est devenu limpidement pervers. La sainte famille est perversement réconciliée avec elle-même, et la Vierge Marie peut enfin corriger l’enfant Jésus sous le regard de trois témoins et qui sont moins Ernst, Breton et Eluard que la trinité paternelle évacuée ! L’enfant est désormais sous le seul joug maternel. Et pour conjurer le retour offensif du père en lui, de ce père toujours battu mais pas toujours mort, l’enfant se fait alors masochiste par fidélité à la mère. Masochiste pour continuer à expier toute sa vie l’image du père qui est en lui, pour rejeter hors de lui tout ce qui le rattache au père, pour renaître par le biais de sa seule mère ! Le père punissait l’inceste, la mère punit le refus de l’inceste. Qu’importe la catastrophe œdipienne que cela va engendrer et la folie sexuelle qui va s’emparer de ces deux-là ! L’important est que le fils ne soit plus que le pur produit de la mère. « Le fils – la zone érogène de la mère », écrivait Nabe. Oui, oui, le fils littéralement utérin - et le phallus-roi mis à terre.
Le voilà, le nouvel homme, le surhomme ! L’homme qui ne naît que d’une femme. L’homme reconçu et réaccouché par la seule mère. Orphelin de père, mais utérin de mère !
2 - Je vous salue Marie, mère de Dieu…
"Mais alors, mais alors…. Je suis le fils de Dieu, et ma mère est la mère de Dieu ! Car quelle femme, dans toute l’histoire du monde, a conçu un fils sans homme ? Mais la Vierge Marie, pardi ! L’Immaculée Conception, c’est de la parthénogénèse ni plus ni moins ! Me voilà donc sauveur des hommes, frère de tous les hommes, moi que l’on a fait sans père, moi que l’on a privé de père, moi, masochiste devant l’Eternel et contre lui !"
Caïn, déjà, était le fils préféré d’Eve. Celle-ci poussa des cris de joie quand il parut, dit-on dans la Bible. Alors qu’elle resta plutôt silencieuse à la naissance d'Abel – cet Abel qui ressemblait tellement à son père que c’en était révoltant. Ce fils à papa qui se fit même pasteur pour le représenter, quel benêt était-ce ! Alors que Caïn devint agriculteur, lui, Caïn cultiva la terre nourricière, pour rester fidèle à sa mère. S’il se résolut à tuer son frère, ce fut autant par jalousie que par volonté de rompre définitivement l’alliance du père avec son autre fils – soit avec l’humanité à venir. L’homme de Dieu à bas, Dieu serait alors lâché dans le ciel comme une baudruche et s’éloignerait le plus des hommes jusqu’au moment où il éclaterait de lui-même. Dès lors, Caïn ferait d’Eve la seule déesse-mère du monde, un monde qui ne contiendrait d’ailleurs plus qu’eux deux. La Mère et le Fils face à face pour l’éternité, la Mère unique ayant lâché pour le Fils unique le père et liquidé tous les autres enfants, quel affreux bonheur ! Quel incesteuse plénitude !
L'inceste – voilà précisément ce que Dieu empêcha dans sa grande sagesse. La reproduction dans la différence. L'amour dans l'altérité. La vie dans la rupture, ou la distinction, avec la mère. C'est pour que le monde redevienne possible qu'il accorda à Adam et Eve la possibilité post-édénique d'avoir un troisième enfant, ce Seth qui fut à la fois fils de consolation et père terrestre de l’humanité - sacré chouchou celui-là ! Quant à Caïn, reconnaissons que Dieu fut chic avec lui puisqu’il complut à le préserver de la colère des autres hommes qui voulaient venger la mort d’Abel, en le marquant d’un signe infâmant et protecteur - le signe de Caïn. Caïn maudit et sauvé par Dieu ! Dieu qui pense à tout ! Qui préserve les gentils et sauve les méchants !
Quelle histoire, la famille ! Et une histoire que l'on retrouve partout : Eve et Caïn contre Dieu le père, c'est Morgane et Mordred contre le roi Arthur, c'est Catherine de Médicis et tous ses fils contre le pouvoir royal, c'est toutes les mères et tous les fils contre tous les pères, avec tous et les désastres affectifs, politiques, sexuels, que cela entraîne ! Car les hommes de mère finissent toujours par se suicider ou par être massacrés par les hommes de père et de mère. Et les mères restent seules dans leur chagrin incestueux. Saloperie d'instinct maternel ! Bénédiction de la volonté paternelle ! (Je délire ? Mais le SM est fait pour ça !)
"Moi, ma mère n’a pas eu d’autres enfants. En tous cas pas de la manière par laquelle elle m’a eu. Je n’ai pas eu besoin de tuer mon père, c’est elle qui l’a fait, au moins symboliquement – pauvre Joseph ! Mon destin était autre. C’était d’aller aimer les autres. C’était d’aller me sacrifier aux autres comme ma mère me sacrifiait à elle. Enfin, je suppose qu’elle m’aimait. Hélas ! Cette affaire d’amour maternel a quand même mal tourné. Et là, me voilà sur la croix depuis des siècles, et pour des siècles, crucifié à jamais par ces salopiauds d' hommes que je venais sauver, et plus seul qu’aucun d’entre eux ne le sera jamais. Entre deux craquements d’os, je commence à comprendre. Cette mère qui m’aimait tant, c’est elle qui m’a livré aux hommes pour qu’ils me crucifient ! C’est ma mère qui m’a privé de père pour ne m’avoir qu’à elle et pour me perdre aux yeux du monde ! Elle a beau pleurer à mes pieds crucifiés, c’est elle qui au bout du compte m’a crucifié, m'a fait crucifié ! C’est presque si elle n’a pas astiqué les clous avant qu’on m’en perce les mains et les pieds. La propreté, la politesse, elles y tiennent les mères. Oh, un père l’aurait bien empêché de faire ça ! Un père m’aurait protégé de ma mère ! Hélas, ma mère a tout fait pour que je le rejette, mon père, pour que je le méprise, mon père, apour que je ne crois pas en lui, mon père, lors aujourd’hui, je suis sur la croix de ma mère et je crie à mon père ! Mon Dieu, pourquoi, pourquoi m’as-tu m’a abandonné… à ma mère ? Vois à quoi mène la parthénogénèse, à la croix !"
- Au fou !
- Au loup !
"Oui, comme j'aurais aimé être un loup moi aussi, un loup comme mon père, comme j'aurais voulu avoir un père ! Hélas, je suis pour l'éternité ce louveteau condamné à ne pas grandir, qui n'est pas sorti de l'antre de sa louve, et qui d'ailleurs est incapable d'honorer les autres louves ! Aujourd'hui, la vieille louve est morte et je suis seul dans le froid, traqué par les chiens, les chasseurs, mais aussi, pour mon malheur, par les autres loups, et moqué des louves ! Moqué car je n'ai même plus de queue. Un jour, à cause d'un méchant renard, celle-ci a gelé dans la glace, et un chasseur me l'a coupé, me libérant de la glace, mais me condamnant à la plus horrible des survies. Je suis encore vivant mais je suis sans vie, je suis un mort vivant, je suis un masochiste ! Mais je ne dois surtout pas pleurer, je dois être un homme, un homme manqué, un homme moqué - un loup errant et hurlant quand personne ne l'entend. Dans le gel et la misère honteuse. De toutes façons, mes larmes font rire...."
Dans Sacher-Masoch, le fils qui accepte de se faire crucifier par la mère, ou par la femme qui lui sert de mère, ce sera Sabadil, « l’amant adultère » de Mardona, la sacrificatrice et « mère de Dieu », du roman éponyme. Il faut relire cette page, pleine de beauté étrange et de tendresse cruelle, qui est typique de la théologie dégénérée de Masoch et de son grand art d’écrivain :
« - Je ne te force pas, dit-elle doucement. Un mot de ta bouche, et je te rends ta liberté. Veux-tu supporter la punition que je t’inflige, oui ou non ?
Elle se pencha vers lui tendrement.
- Je supporterai tout ce que tu ordonneras, Mardona, seulement, tu me pardonneras, dis ?
- Je te pardonne déjà maintenant, répartit-elle avec bonté.
Barabasch rentra suivi de deux hommes qui portaient la croix. Ils la couchèrent par terre, au milieu du temple. Kenulla tenait des cordes.
- Es-tu prêt ? demanda Mardona à sa victime.
- Oui, répondit Sabadil.
Elle se courba vers lui et l’embrassa… »[2]
La croix se met en place. Mardona ordonne à sa rivale, Nimfodora, de lui clouer les mains, tandis qu’elle-même lui clouera les pieds. Puis, elle s’agenouille près de lui, et les mains jointes devant elle, lui parle :
« -Souffres-tu beaucoup ? demanda-t-elle.
Il inclina la tête. Deux grosses larmes scintillaient à ses paupières.
- Cela me réjouit, dit-elle. Oh oui ! je suis heureuse que tu endures tout cela volontairement. C’est seulement ainsi que ton âme peut être préservée de la condamnation éternelle, Sabadil.
- Mes souffrances sont atroces, soupira-t-il.
- Oh ! Sabadil, je ne puis te dire comment cela me rend heureuse, s’écria-t-elle avec un saint enthousiasme.
Elle resta quelque temps encore auprès de lui, à le contempler. Elle semblait examiner son visage pâle avec plus de curiosité que de compassion. Puis elle se releva lentement et sortit dans la cour. Alors seulement, comme elle n’était vue de personne, elle respira plusieurs fois, très fort, joignit les mains et resta là, en proie à une extase douloureuse, le regard perdu à l’horizon.
Le jour parut bien long à Sabadil ; il souffrait des tourments horribles, l’enfer même ne l’effrayait plus. Il eût préféré la géhenne aux tortures qu’il éprouvait. Et, comme si Mardona, avec ses coups de marteau, eût condamné ses pensées à se fixer sur un seul point, il lui était absolument impossible de songer à autre chose qu’à elle. Il essayait de la haïr, et il l’aimait passionnément ; il voulait la maudire, et il ne pouvait que pleurer à chaudes larmes. Elle lui apparaissait plus belle, plus divine que jamais, maintenant qu’elle l’avait fait mettre en croix et que par sa seule volonté il souffrait des tortures inexprimables. »
Finalement, Mardona revient lui donner le coup de grâce.
« - Mardona, dit Sabadil d’une voix brisée, mets une fin à mes souffrances, je t’en conjure.
- La mort seule peut y mettre fin.
- Et bien, tue-moi, supplia-t-il, levant vers elle ses grands yeux enfiévrés, largement ouverts et pleins de reproches. Je mourrai de bon cœur, puisque tu l’exiges, et la mort me sera douce si c’est toi qui me la donnes.
- J’aurai pitié de toi, dit Mardona. Je te donnerai moi-même le coup de grâce.
- Je te remercie, répondit Sabadil.
Et il regarda avec une sorte de curiosité la Mère de Dieu choisir un clou, et prendre le marteau. Une sueur glacée l’envahit, son cœur battait à se rompre. Il vit que Mardona restait froide et sans émotion.
Elle s’agenouilla près de lui, et le regarda dans les yeux tranquillement.
- Embrasse-moi, supplia-t-il avec un soupir.
Mardona passa tendrement ses bras autour du cou de Sabadil et lui donna un baiser.
Puis, elle enfonça le clou dans le cœur, d’une main sûre, lentement.
La victime eut un tressaillement.
- Ah ! Que c’est doux !… balbutia Sabadil, tandis que son sang coulait, rouge, sur les mains de Mardona. »
3 – Rencontre d’un objet inamovible et d’une énergie qui ne s’arrête jamais.
Nous l’avons dit plus haut, avoir peur, ou plus exactement, aimer avoir peur, aimer le suspense, soit la suspension de son désir, c’est le premier indice du masochisme. Et réciproquement, ne pas aimer avoir peur (qui revient à ne pas aimer avoir mal) est le premier indice du sadisme – c’est-à-dire d’une normalité trop sûre d’elle-même, qui évacue tout négatif, sinon toute altérité, qui exclut tout ce qui pourrait l’atteindre (alors que le masochisme accueille avec bonheur tout ce qui peut l’atteindre). Dans les deux cas, sadique et masochiste méprisent celui qui veut les toucher, le premier par renvoi à l’envoyeur de son mal, le second par réception voluptueuse de ce même mal. C’est pourquoi, et contrairement à ce que l’opinion, y compris SM, semble croire, l’un et l’autre ne seront pas forcément les deux parties complémentaires du même jeu pervers. En rejetant le négatif sur l’autre, le sadique nie le masochisme. En acceptant le négatif sur soi, le masochiste dénie le sadisme. C’est pourquoi le vrai sadique ne voudra surtout pas d’un masochiste comme souffre-douleur. Le vrai sadique exige un être sain à qui les coups et les douleurs ne peuvent être transformés en goûts et couleurs. Le vrai sadique veut vraiment faire mal (ou vraiment faire bien), et son pire ennemi, c’est précisément le masochiste qui risque de retourner contre lui tous ses plans.
« Je retourne les plans contre ceux qui les font », tel fonctionne le Joker, l’ennemi juré de Batman dans The Dark Knight et grand masochiste devant la loi, masochiste sadique d’ailleurs, masochiste vengeur, masochiste nihiliste qui force les autres à se détruire mutuellement, qui les rend littéralement fous de douleur et de rage. A ce niveau, là, le masochiste devient, comme il se définit lui-même « un agent du chaos » dont le plaisir infernal est de pervertir la notion sacro-sainte de choix, obligeant à des choix innommables et faisant de la liberté une occasion de mort et de souffrance. "Qui vas-tu sauver ? Qui vas-tu perdre ? Désormais, je te le dis : chacune de tes bonnes actions sera l'occurrence d'une mauvaise. Toi qui aimais les choix moraux, je vais t'en foutre des choix, je vais te la faire saigner ta morale !"
Qui est le Joker ? Un méchant concentré de douleurs. Loup blessé à mort, mais loup qui s'est fait renard, Homme qui rit, mutilé aux joues par son père ou par lui-même, pervers dépressif mettant au poing les machinations les plus diaboliques dans lesquelles périront des dizaines de victimes et dans lesquelles lui-même fait tout pour y rester, quoiqu'y échappant toujours. Le Joker, ce superméchant dont le regretté Heath Ledger donna la plus puissante incarnation dans The Dark Knight, le film de Christopher Nolan, est cette extraordinaire figure du mal absolu qui ne fait le mal que pour le mal, que pour vexer le bien (le père), et qui espère que le bien va finir par le broyer. Mais le bien (Batman) cherche moins à le liquider qu’à l’empêcher de nuire, et voilà le Joker presqu’obligé d’aller de plus en plus loin dans l’horreur pour qu’on l’arrête. N’ayant peur ni de la mort ni de la souffrance, il peut alors dominer complètement ses ennemis et leur rire au nez quand ces derniers le torturent – altérant ainsi leur bonne nature, les forçant à devenir sadiques malgré eux. Il faut le voir, dans la scène de l’interrogatoire, prendre plaisir au passage à tabac que Batman et les autres lui font subir, éclater de rire à chaque coup de poing, et finir par l'emporter.
Forcer le bien à devenir méchant, la loi à devenir atroce, et Batman à devenir bourreau, forcer le sadisme des êtres et des choses, telle est la mystique satanique de ce monstre de perversité et de souffrance qu’est cette créature inventée à l'origine par Bob Kane et repris avec une intensité incroyable par Frank Miller. C’est cela qui est nouveau. Car ce « méchant » est aussi féroce que fatigué de vivre, aussi vicieux que désespéré, et qui recherche sciemment la mort (son hurlement de rire quand il est précipité dans le vide par Batman et juste avant que celui-ci ne le rattrape). Féroce, donc, mais non dénué d'une infernale sensibilité, le Joker de Miller, Nolan et Ledger, figure une blessure qui veut blesser. Une souffrance qui veut s’étendre. Mais une souffrance qui peut être émouvante. Rappelez-vous le plan de la rue où il est debout, la tête baissée, au milieu de la route, attendant que la moto de Batman lui fonce dessus - « je ne demande que ça », hurle-t-il comme un dément à l’homme chauve souris (l’homme loup ?). A ce moment-là, le Joker fait de la peine. Comme tout damné qui se damne à chaque instant. Comme tout torturé qui plaisante de sa torture.
Et Batman l’évite in extremis, au risque masochiste de se tuer lui-même, et comme s’il ne pouvait liquider un adversaire qui lui va si bien. Devant le maso criminel, le sado justicier redevient masochiste (un masochisme déjà annoncé par la renonciation à la femme aimée). Enfin, pourrait-on dire, sadisme et masochisme se retrouvent, chacun devenant complément de l'autre - sinon compliment, de l'autre comme le Joker complimente Batman sur sa probité, son incorruptibilité, et cela non sans une certaine connotation homosexuelle (d’ailleurs présente dans l’album mythique de Frank Miller). Freud n'est donc pas entièrement à rejeter : c'est dans l'homosexualité que la complémentarité du sadisme et du masochisme réapparaît et se légitime. Et il est peut-être vrai qu'au bout du compte Batman préfère le Joker à Catwoman. C’est que masochisme et sadisme sont deux forces originaires de la nature et qui se voient, comme le Joker, pendu par un pied, l’explique à Batman à la fin de ce formidable film, condamnées à se combattre à l’infini.
« Ah, toi alors ! Ca t’attristait trop de me lâcher, hein ? Voilà ce qui arrive quand un objet inamovible affronte une force que rien au monde ne peut stopper. Tu es assurément incorruptible, n’est ce pas ? Tu refuses de me tuer par sentiment de noblesses les plus imaginaires, alors que moi, je refuse de te tuer parce tu es tellement amusant. On est voué, je crois, à lutter jusqu’à la fin des temps. »
Tout est consommé. Sadisme et masochisme, plus que de simples pathologies, s’imposent comme deux visions critiques du monde, sinon comme deux théologies singulières dont l’une détruit ce que l’autre renverse. Et quand elles se rencontrent, elle s’affrontent pour fonder le meilleur (ou le pire) des mondes compossibles. Le sadomasochisme comme nouvel atomisme.
A la manière de Deleuze, résumons.
Sadisme – matérialisme spéculatif et démonstratif / Masochisme – idéalisme dialectique et imaginatif. Comme le dit Deleuze, « le masochiste a besoin de croire qu’il rêve, même quand il ne rêve pas [alors que] le sadique a besoin de croire qu’il ne rêve pas, même quand il rêve. »
Sadisme – inflation du père et du surmoi, destruction de la mère et du moi, extériorité pure / Masochisme – inflation de la mère et du moi, destruction du père et du surmoi, intériorité pure.
Sadisme – négation, répétition quantitative, néant / Masochisme – dénégation, suspension qualitative, renaissance.
Sadisme – anti-esthétisme, institutionnalité, apathie / Masochisme – esthétisme, contractualité, pétulance.
Sadisme – marquis de Sade, comtesse de Ségur, Batman / Masochisme – Léopold von Sacher-Masoch, Manon de Sercoeur, Joker.
4 – Dans la compagnie des loups.
Qu’est-ce donc qu’un masochiste ? Pour René Girard avec lequel nous finirons ce long voyage au pays de Sacher-Masoch, c'est un maître blasé, « un homme qu’un perpétuel succès, autrement dit une perpétuelle déception, conduit à souhaiter son propre échec »[3], un homme qui a le sentiment de sa supériorité sur tout et que cela commence à ennuyer (comme le Jean-Baptiste Clamence de La chute). La raison en est qu’à force d'être le dieu des autres, il finit par se sentir seul et voudrait à son tour avoir un dieu à vénérer - sans pour autant renoncer à ses anciens privilèges. Il voudrait que quelqu'un de plus fort que lui le soumette, et par là-même l'élève. Car il n'y a pas de secret : dans le sadisme comme dans le masochisme, il s'agit toujours d'être plus fort que les autres.
"Sadique, c'est moi le chef. Masochiste, c'est moi qui suis le plus prêt du chef. D’ailleurs, c’est mon chef rien qu’à moi. Moi seul mérite d'être grondé et puni par lui – ou par elle (car ce masculin commençait à devenir pénible). Je suis à elle ce que vous êtes à moi. Et si j'ai besoin d’elle, c'est qu'avec vous, je commençais à régresser. Ca devenait trop facile de vous soumettre. Avec elle, je reprends du poil de la bête. Avec elle, je me divinise vraiment. Je suis à ses pieds mais vous êtes aux miens. Elle peut me battre, m'humilier mais cette humiliation est vécue par moi comme un privilège. Je suis définitivement le maître du monde et l’esclave chéri de la maîtresse de l’univers. D'ailleurs, le fils préféré de la mère, c'est moi. Vous, les Abel, elle ne vous corrige même pas. Elle vous a mis au monde par erreur, elle vous a abandonnés à votre triste sort de mortel. Tandis que moi, elle m’a attaché à elle pour l’éternité. Et les coups qu’elle m’administre continuent à me modeler – exactement comme Dieu modelait Adam. Je suis le nouveau premier homme, je vous dis, et votre futur et indépassable modèle."
"D’ailleurs, ne croyez pas que j’ai réellement mal – comme vous, petits êtres aux émotions primaires, vous auriez mal si l’on vous infligeait les mêmes tourments. Un masochiste est quelqu'un qui tombe pour s'élever, qui dépérit pour ressusciter, qui souffre pour jouir (et non pas pour souffrir, on n'est pas maso !)"
"Insurpassable jouissance en effet d’être plus fort que son orgueil blessé. Celui qui voudra me ridiculiser, ce sera lui le ridicule. Celui qui me frappera, ce sera lui l’impuissant. Maso, je ne crains rien. Je suis invexable, intouchabe, inatteignable. Dans l’abîme, la gloire. Dans l’échec, le sacre. Dans le rabaissement, la souveraineté. L’homme « normal » peut bien croire qu’il n’a pas besoin de « tout ça » pour exister. Il peut bien voir en moi le fils castré à travers le fils privilégié, et qui est incapable de désirer de lui-même, incapable même de faire l’amour - mais que m’importe de faire l’amour puisque je prouve au monde que l’amour est une farce glauque ? Ne vous leurrez pas, humains du genre normal, saletés du "on", pour moi comme pour vous, l'existentiel précède le sexuel. C'est le masochisme érotique qui est le reflet du masochisme moral et non l'inverse. Ce que vous appelez perversion dans votre petit langage normatif n’est qu’un détournement érotique de votre propre et normative cruauté. Car votre fouet vertueux est au fond bien pire que mon fouet vicieux. C’est avec lui que vous vous faites vraiment mal les uns les autres. Moi, je ne fais que vivre sur un mode voluptueux le sadisme légal de vos gestes et de vos paroles. Je vous montre ce que ce que sont vos lois, vos supplices, vos principes, vos valeurs. Je m’élève au-dessus de votre humanité abjecte où tous vos bons sentiments mènent en enfer. Vous avez beau m’accablez de votre rire sain même pas sadique, à la fin c’est moi qui vous ferais pleurer. Mon rôle est de mettre le nez dans la merde du monde. Il faut vous montrer la cruauté banale qui est la vôtre. Vous moquiez mon sadomasochisme ? Il n’est que l’expression sans filtre de cette vie que vous aimez tant."
Qu’est-ce qu’un masochiste, demandions-nous ? C'est un envoyé de Dieu venu sur terre pour confondre les méchants. C'est quelqu'un qui adore expérimenter tous les tourments pour avoir le plaisir de montrer que la vie n’est que tourment. C'est Alceste qui attend impatiemment de perdre son procès pour avoir une bonne raison d'accuser l'iniquité des hommes. C’est Rousseau qui se fait fesser - d’abord pour son plaisir, ensuite pour se prouver que les hommes ne le valent pas. C’est Job qui, en osmose avec Dieu comme nul ne le sera, fait honte à ses amis de leur misérable charité. C'est le Christ, évidemment, qui se laisse crucifier pour montrer que l'humanité n'est bonne qu'à crucifier.
"Ah pauvres humains trop humains, pauvres humains trop cruels, si vous saviez comme je vous méprise du haut de ma croix ! Si je souffre, j'aurais la jouissance de prouver que le monde est souffrance - et le monde, c'est les autres, c'est vous, c'est eux, mais ce n'est pas moi. Moi, je suis la victime qui fait passer la vie au tribunal de Nuremberg, et qui n’en peut plus d'aise. Quel bonheur incomparable que de vous avoir révélé votre tempérament de bourreau ! Quelle jouissance que de vous avoir prouvé le fond sadique de votre être chéri ! Cette souveraineté absolue, c'est au masochisme que je le dois. Hélas ! Tous les souffrants ne sont pas comme moi, loin s’en faut. Tant de nigauds qui souffrent sans comprendre ce qu'ils souffrent ! Sans se rendre compte une seconde du privilège qui est le leur ! Moi seul possède la perspicacité de voir le rapport qu'il y a entre le désir et la peine, entre l'existence et la douleur, entre un nouveau né et Richard III ! Moi seul comprend que l'humanité fait tout pour ne pas sortir de son enfer ! Qu'elle y reste donc ! Mon devoir, mon sacrifice et ma joie seront de lui annoncer cette bonne mauvaise nouvelle."
"Et c’est pourquoi l’on jubile en enfer. L’enfer, c’est le lieu de la haine transparente de Dieu, une haine dans laquelle on peut se repaître à chaque instant pour l’éternité ! Quelle jouissance ! Dieu pleure au ciel de ce que nous n’y sommes pas venus ! Il nous accueillait les bras grands ouverts, tous les accès de son paradis ouvert, espérant même qu’on passe par les fenêtres ou n’importe quel passage secret. Pas de chance pour lui, nous n’avons même pas traversé son jardin. Au diable, son paradis de merde ! C’est nous et rien que nous qui avons décidé d’aller en enfer. Car s’il fallait compter sur Dieu pour remplir l’enfer, il n’y aurait jamais personne ! C’est cela notre joie salope : savoir que Dieu a tout fait pour nous sauver et que nous lui avons craché au visage. Ca vaut tous les feux de l’enfer, ça, toutes les marmites d’huile bouillante, tous les supplices de Bosch ! D’ailleurs, nous faire mal, c’est ce que nous avons trouvé de mieux pour faire mal à Dieu. Notre souffrance nous sert à faire souffrir Dieu. Nous le tenons par là et nous ne le lâcherons pas, nous les bienheureux damnés, les heureux roués, les masochistes !"
"Hélas ! Hélas ! Ils ne veulent pas m'entendre ! Ils disent que je suis dingue ! Ils disent que ma maman m’a trop fessé et mon papa pas assez ! Ils disent que ma louve de mère nous a tout pris, à lui et à moi, et que lui aussi aurait voulu m’aimer, m’élever, m’apprendre des choses, m'ouvrir au monde. Mais il n'en a pas eu la force il nous a laissés dévorés par elle ! La louve a tout gagné, tout détruit ! C’est pourquoi je hurle au loup toutes les nuits ! Pour eux, je suis malade ! Malade de dégoût sexuel et de ressentiment sexiste ! Qu'est-ce qu'ils savent de moi ces gueux ? Eux refusent de faire de leurs souffrances des prétextes pour accuser la vie ! Ils vivent envers et contre tout ! Ils vivent en continuant de fouetter leurs enfants et de pendre leurs criminels - et sans malice aucune, sans érotisme, sans rien qui pourrait les faire dévier de leur sérieux. Pour eux, je suis un fou et puis c'est tout. Ils disent que mon masochisme est un excès de délicatesse, une sensibilité morbide, et un prétexte pour ne pas avoir à affronter la vie. Enculé que je suis ! A leurs yeux de barbares innocents, une baffe n’a jamais tué personne, et ils sont fiers d’en avoir reçues et d’avoir serré les dents pendant qu’ils en recevaient. Ils disent que c’est grâce à ça qu’ils sont devenus des hommes et ils jurent de casser la gueule à quelqu’un comme moi qui bande pour une baffe. Salauds de normaux ! Chasseurs de loups ! Chiens ! Ils sont sadiques et ils ne veulent pas le reconnaître ! Ils sont masos et ils refusent de l'avouer ! Imbéciles, imbéciles, et pauvre de moi !
- Au fou !
- Au loup !
.............................................................................................................................................sans fin (enfer).
Chasse au loup, François Desportes, musée des beaux-arts de Rennes
UNE PREMIERE VERSION DE CETTE ETUDE EST PARUE DANS LES CARNETS DE LA PHILOSOPHIE N°7 EN AVRIL 2009. ELLE A ETE RELUE ET CORRIGEE COMME IL SE DOIT ICI.
Commentaires
Tu leur tiens des discours aussi longs que cela aux femmes qui te battent ? Mais tu sais que tu es un sadique qui s'ignore, ce sont les pires dit-on !
Mon cher Pierre, j'ai survolé tout cela et tu es beaucoup trop intelligent pour moi : je ne comprends pas tout, mais Diable ! quelle envie tu me donnes de lire Masoch !
Qu'eût pensé Chersterton de tout ceci ?
Que le fou est celui qui a tout perdu sauf sa raison ?
La raison ou la dialectique ? A vous de voir...
Par ailleurs, je me suis après coup fait la réflexion que l'on devait pouvoir trouver dans des textes pro-homo des années 60-70 (Hocqenghem ?) des diatribes contre l'ordre moral établi pas tellement différentes de certains aspects de cette série de textes. Si quelqu'un veut prendre la peine de vérifier, qu'il ne se prive pas.
Cordialement !
Ah mais je vous crois sur parole, cher Café ! J'étais moi-même très conscient de singer dans ce texte certaines des revendications libertaires, gay ou autres, des auteurs des années 70 - l'essai de Deleuze sur Masoch s'inscrivant directement dans cette tendance. La sexualité comme résistance à la loi du père, l'ordre moral, le phallus-roi et guerrier.
Evidemment, c'est moins la revendication que je revendique, si tenté que je revendique quelque chose, que l'affirmation "littéraire" (pour dire un gros mot) de mon idiosyncrasie, et d'ailleurs, je ne sais pas tellement quoi rajouter à cet enfant loup, ne pouvant d'ailleurs en parler qu'avec distance. C'est toujours le même problème : entre exprimer théâtralement sa blessure et en parler, il y a un abîme. Et cette phrase est déjà de trop. Je n'aime pas dire "ma blessure", c'est à la fois trop vrai et trop irréel, ou si l'on préfère trop réel et pas assez vrai (en plus d'être trop commun, grossier, complaisant). J'aime en revanche passer des masques, des loups, pour tenter de l'affirmer d'une autre façon, et ce faisant, découvrir des choses en moi qui n'étaient pas prévus. Je est un autre et compagnie.
Tout cela est bien confus, mais si j'ai l'art de la rhétorique (et d'une certaine vision poétique des choses, enfin, ce que j'en dis), je n'ai pas du tout celui de l'explication. Je ne sais pas m'expliquer. Je ne sais que me jouer.
Hier, chez mon médecin qui me demandait ce que j'avais, j'ai été incapable de lui dire précisément mes maux, je lui ai dit "mal au ventre, bouffées de chaleur, ça doit être une gastro ?". Il m'a quand même donné trois jours.
Ces explications sont moins claires que vos textes... C'est une gastro ou une gueule de bois à répétition ?
Cordialement !
AMG.
Ah non, pas de gueule de bois pendant la gastro ! Je sais quand même me tenir !
(Mais mes explications sont vaseuses, tant pis...)
Cordialement !