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La reprise II - La recharge.

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Le 15 août 2012, Juliette 0, ma complice de toujours, montait au ciel et ma première lettre à Fanoutza faisait de même. Cette dernière en descendit bientôt et nous nous rencontrâmes la première fois le 15 octobre de la même année, l'un des plus beaux jours de ma vie. Depuis, c'est rose pourpre du Caire, flamme bleue et sourcil blanc entre nous. Et il y a une semaine, je reprenais contact avec Marie Fontanez, mon ancienne condisciple d'hypokhâgne, après vingt-deux ans de silence puceau. Une chance sur douze mille de la trouver là à ce numéro, à cette date, à cette heure, m'assura-t-elle. Les Anges, forcément.

En vérité, la reprise est RELOADED. Recharge d'adrénaline, d'amour, d'amitié, d'humanité, de spiritualité, de joie, de grâce. Je vous salue, Marie, pleine de grâce. La reprise est musicale, existentielle, religieuse. La reprise est refrain, motif et leitmotive. La reprise est contrapuntique : fugue, motet, offrande musicale. La reprise est renouvellement de l'être. La reprise est le point G de l'être. Gjentaglese ("reprise" en danois) - Gud, give, gave, god, Glaede ("Dieu", "donner", "don", "bon", "joie").

La reprise est recharge des choses par l'art. De l'homme par la femme. De l'individu par Dieu. La reprise commence avec "la seconde fois, mais avec quel bonheur !" et se termine avec le "Tout est toujours nouveau en Christ". Du point G au septième ciel. Ou bien du septième ciel à la rose céleste.

La reprise est le contraire d'une médiation hégélienne qui dépasse les contraires en les annulant. Non, la reprise est une opération en laquelle tous les contraires se tiennent. La reprise est une prise en main des points de vue, une élévation dans la contradiction vivante, une croix dans le corps et l'esprit. La reprise affirme tous les temps en même temps comme dans une fugue. La reprise est un art de la fugue. Un mouvement du même.

Mais qu'est-ce que le mouvement ? Le problème le plus difficile de la philosophie, assure Kierkegaard. Affaire d'espace chez les Grecs et de temps chez les chrétiens. Passage du possible au réel chez les uns, métamorphose chez les autres. La reprise est métamorphose. Et métamorphose heureuse (quoique Samsa n'était pas si malheureux), chrysalide, envol. De la chenille au papillon. Danse des ailes au dessus de l'enfant. L'enfant qui ne se fatigue jamais des reprises. "Fais-le encore", dit-il à l'adulte au bord de l'épuisement. "Lève-toi de nouveau", dit Dieu au soleil qui est ravi de s'exécuter (Chesterton, toujours).

 La reprise est ce double mouvement par lequel l'éternité pénètre le temps, au coeur de l'instant, tandis que le temps déploie l'éternité dans la réalité",  écrit Nelly Viallaneix dont il n'existe, hélas, aucune photo sur Google images. Au fait, 2013 est l'année Kierkegaard. Il faut fêter ça. Et question photos, Anouk fera l'affaire.

Chez les Grecs, l'éternité était saisie en arrière, par le ressouvenir, le passé. Chez les Chrétiens, l'éternité est saisie en avant. Le Christ est notre contemporain et notre horizon. Toute notre vie consiste à se préparer à être repris un jour par Lui. Devenir l'Unique devant Lui. Reprise de l'individu en Unique.

Hélas, la reprise échoue. Pour le jeune homme, pour Constantin Constantius, pour Kierkegaard lui-même - et même pour Mouchette. Non seulement Monsieur Arsène n’a pas vraiment tué le garde-chasse mais en plus il s'est réconcilié avec lui. Le criminel antisocial n’était qu’un voleur de poules comme le cyclone qu’elle s’est imaginée traverser n’était qu’une simple averse. L'orage véritable n'a pas eu lieu. L'Apocalypse encore moins. La reprise était bien ce désir d'apocalypse. Mais rien ne s'est passé pour de bon. Rien de transfigurable dans ce qu’on a cru vivre. Job, lui-même, n'a pas aidé le jeune homme. La reprise visait le dialogue avec Dieu et n'a pas dépassé le stade esthétique du "comme si". Ne leur reste plus, à Mouchette et au jeune homme, qu'à se suicider.

 

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En espérant que Dieu les sauve malgré eux. Que Dieu fasse un geste comme il le fit avec Abraham. Ou comme il le fit avec Faust grâce l'entremise de Marguerite. La reprise va contre toutes les lois de la nature et contre la nature de la loi. La reprise est appel et intervention du Très Haut. La reprise est contrariété pour le diable.

En revanche, le diable est dans la méprise. Il fait croire qu'il est là et qu'il gagne. Alors qu'il est là mais qu'il perd. Le diable a perdu depuis toujours - sauf qu'on passe sont temps à le laisser gagner. Ou plus exactement, qu'on se laisse dans la croyance qu'il a gagné. Le démoniaque, catégorie du simulacre par excellence. Un simulacre qui peut emmener en enfer, il est vrai. Et c'est pourquoi il ne faut pas faire joujou avec ce genre de chose. A d'autres, le Marteau des Sorcières (qui finit toujours par retomber sur la gueule de celui qui le tripote.)

L'abstraction, c'est-à-dire ce qui nie l'existence réelle au profit d'autre chose, l'Esprit, l'Histoire, le Social, les Classes, est une catégorie du démoniaque. La reprise est l'opposition de l'existence réelle et individuelle à la phénoménologie.

Mais qu'est-ce que la phénoménologie en deux mots ? D'après Françoise Dastur, dans le dernier Philosophie magazine, c'est l'idée qu'il n'y a rien derrière ce qui apparaît, qu'il a tout dans ce qui apparait, mais que nos présupposés nous empêchent de voir et surtout de comprendre ce tout. Le réel est bien là, devant nous, mais on le loupe. Autrement dit, c'est moins le réel qui est suspect que le sensible. La fausse perception vient non pas des objets, comme chez Platon, qui sont copies de copies, etc, mais bien du sujet qui voit double, triple, ou qui est daltonien. Pour un phénoménologue à la Eric Weil, "ce qui se donne immédiatement n’est pas réel". A quoi Clément Rosset répond dans son délicieux Principe de Cruauté que "l'on pourrait déclarer tout aussi crânement qu’une boisson qui se donne à boire n’est pas une vraie boisson, ou qu’une femme qui s’offre aux caresses n’est pas vraiment une femme ". Bref, le phénoménologue est celui qui complique les choses. Ce que vous voyez n'est pas ce que vous voyez, nous prévient-il. Ce que vous touchez, vous ne le touchez pas. Vous bandez à tort. On comprend que cette philosophie-là ait suscité la haine et le mépris. Chez Platon et les Chrétiens, l'invisible, au moins, était derrière. Chez les phénoménologues, il est devant. Ce n'est plus l'arrière-monde qu'il faut décrypter, c'est le monde. Eh ben fait chier.

Non, il faut reprendre, plutôt que phénoménologiser. Faire tinter les points de vue. Parce que voilà, comme chez Nietzsche, "tout aboutit à l'oreille". Tout concourt, conspire à l'unité. La reprise est principe de similitude entre les stades, lien entre l'homme et la femme et entre l'individu et Dieu, analogie entre les mondes - et selon une harmonie préétablie que n'aurait pas reniée Leibniz. La reprise est ce qui nous conduit à l'harmonie préétablie, à la rose céleste, à l'amour divin. La reprise comme processus de l'amour divin. La reprise comme amour divin. Dieu nous aime sans cesse. Et nous quelquefois. Dieu nous reprend sans cesse dans son éternité. Et nous quelques instants.

 

A REPRENDRE VIA RACHEL BESPALOFF

 

En attendant Rachel, voici Lola et la plus belle reprise amoureuse de l'histoire du cinéma, toujours musicale (forcément). Et quand ce n'est pas Jean-Sébastien ou Wolfgang, c'est Ludwig van.

 

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