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L'Anté-Littéraire I

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Cet article d'humeur, que j'ai eu envie de relancer EN CE MOIS D'AOUT 2016, parut, il y a fort longtemps, dans le dernier numéro du Journal de la Culture (n°17), sous le titre "l'écrivain est définitivement un salaud !". Mis en ligne sur ce blog d'abord en décembre 2005, puis en décembre 2008, il sombrait un peu dans l'oubli, quoique toujours très cher à mon coeur, allez savoir pourquoi. D'où ce "revival" auquel je pensais depuis longtemps et dont l'occasion m'a été donné cette semaine... en remettant à jour un autre vieil article de 2005, pendant de celui-ci, et avec qui il forme désormais une sorte de diptyque. Alors comme d'habitude avec moi, il y a moult choses ridicules, mais d'autres qui, je crois, valent encore le coup, d'être dites. Et puis quoi ? On ne se refait pas...

NOTE DU 28/08/2016


« Apprendre à devenir poète, c’est désapprendre à vivre ».

Rester vivant, Michel Houellebecq. 

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Le drame de l’écrivain, c’est que les gens sont heureux. Même souffrants, ils sont encore heureux. Ils font encore des enfants. Ils croient en la vie. Ils souffrent des choses de la vie, mais ils ne souffrent pas de la vie. Le contraire de l’écrivain qui a toujours maille à partir avec elle. L’inconvénient d’être ici-bas. Flaubert, Maupassant, Huysmans, Cioran, Houellebecq. C’est pour cela qu’ils écrivent, ces gens-là. Pour dire du mal de la vie. Pour inquiéter ceux qui « l’aiment ». Les éducateurs et les professionnels de l'édition se demandent régulièrement pourquoi la communauté des lecteurs a toujours constitué,
quelles que soient les époques, les milieux et les politiques, une minorité. Pour garder le moral, pardi. Ni Billancourt, ni le seizième, ni les campagnes, ni les villes ne veulent qu’on les désespère. Pas fous, les pékins.  Quand on lit, non seulement on ne bosse pas, mais en plus on trouve dans ce qu'on lit des raisons de ne pas bosser - et même de ne pas vivre comme il faut ! Les vrais gens le sentent bien. Quelqu’un qui lit ou qui écrit ne travaille pas. Pire, il sape le travail des autres. Il subvertit l’ordre social – c’est-à-dire le bonheur. L’écrivain n’aime pas le bonheur qui n’est jamais gai et qui donne toujours le cafard. Car le bonheur, ce n’est pas comme l’extase ou la jouissance, c’est une construction sociale. Ce n’est pas une question d’esthétique mais d’éthique. C’est du sérieux. De l’adulte. Le bonheur, c’est un boulot, une femme-des enfants, un drapeau. Le bonheur, c’est travail, famille, patrie. Alors que l’écriture, c’est mélancolie, solitude, parole - dit autrement, du vice, de l'orgueil, de l'exhib. C’est la langue française plutôt que la France.

Ca commence très tôt. On les remarque les enfants liseurs dans les cours de récréation. Ils sont seuls, taciturnes, souvent l’air maussade et ils ont leur livre à la main. Souvent, ils se couchent un peu plus tard que les autres, soit parce qu’ils ont des parents naïfs et intello qui leur accordent ce privilège (on ne va pas empêcher le petit de lire Balzac), soit parce qu’ils ont déjà sournoisement pris le pouvoir dans la famille. Un enfant lecteur, toujours sage comme une image, sait qu’on le laissera tranquille – il peut lire tant et tout ce qu’il veut. On ira surveiller et punir ses turbulents frères et sœurs, mais lui, on le montrera en exemple. Du moins dans les familles lettrées (aisées). Car chez les ploucs, c’est lui dont on « surveillera les lecture », trop conscient qu’on est que littérature rime avec pourriture et que le livre est une cause de désordre social.  Alors que dans les familles aisées (lettrées), la littérature fait partie du savoir, et le savoir, c’est le pouvoir. J’avais un frère qui faisait toutes les conneries de son âge : il fumait, il fuguait, il sortait avec les filles, il répondait aux parents et il recevait des baffes. Moi, j’étais l’enfant modèle - de bonnes notes à l’école, le meilleur en français, les rédactions lues devant toute la classe. Tandis qu'il matait des pornos, je lisais Sade dans mon coin. A seize ans, il s’est dépucelé avec une camarade de classe et a quitté la maison. Depuis, il est chirurgien-dentiste, deux fois marié, quatre enfants et il vote UMP. A trente-six, je suis toujours chez mes parents,  puceau, et je me branle tous les soirs (et parfois sur les anciennes VHS de mon frère). Un ado qui lit beaucoup est un ado  qui se masturbe beaucoup et sur bien autre chose que les nichons et les chattes de ses copines. Son imaginaire, baudelairisé ou rimbaldisé, est déjà sale. Et il a beau pleurer dans son coin, rien n’y fait. Branlette et pleurnichage, voilà son lot.

C’est qu’ils sont si fragiles, ces artistes, si pathétiquement sensibles ! Comment prendre au sérieux des gens qui ressassent leurs petites misères existentielle ? Qui pleurnichent sur leur nombril endolori ? Un vilain petit souvenir par ci, une petite injustice par là. Un rien les traumatise, les scribouilleurs. Ils cristallisent sur tout. Pour une fessée mal vécue (Vallès) ou trop bien vécue (Rousseau), ils font le drame ou le sens de leur vie. Que de vanité dans leurs souffrances ! Le pire, c’est Proust. Imaginez un peu. Cet homme qui ne s’est jamais remis que sa mère, un soir (pas tous les soirs, un soir !), ne soit pas venue le border parce qu’elle avait des invités à s’occuper en bas. A cause de ces cinq minutes sans maman, Marcel deviendra asthmatique, homosexuel, jaloux à mort, et entre deux madeleines et trois pavés, méditera sur son temps perdu – et sans travailler une minute de sa vie, remarquez bien. Rentier, évidemment. Le temps, c’est de l’argent. A la recherche du fric trouvé (ou hérité.)

Non, les vrais enfants, comme les vrais gens, sentent bien que les livres ne sont là que pour se moquer d’eux. Les livres sont là pour faire sentir à ceux qui ne lisent pas qu’ils sont inférieurs à ceux qui les lisent. La première hiérarchie sociale est celle entre lecteurs et non-lecteurs. L’orgueil hautain de l’enfant qui lit. Son mépris vis-à-vis de ses petits camarades qui se contentent de jouer aux billes ou au ballon. Pas étonnant que ces derniers se vengent sur lui à coups de poing. Dans la cour de récréation, les anti-littéraires rossent les littéraires et c'est justice. Gide enfant a été tourmenté par ses condisciples aussi pour cette raison. Plus tard, il se vengera en mettant leurs petits frères et leurs petites soeurs dans son lit. Lire rend pédophile, on ne le dira jamais assez. Et être pédophile, c’est se venger des enfants qui vous ont pourri l’enfance. Vive la littérature, vraiment !

 

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La vraie vie n'est jamais écrite.

Ah ces professionnels de l’éducation qui font aujourd’hui tout ce qu’ils peuvent pour inciter les enfants à lire... Ne se sont-ils jamais demandés que ceux-ci ont mieux à faire ? Qu’ils préfèrent jouer avec leurs copains pour de vrai plutôt que de se plonger dans un truc qui est faux - un livre ? Qu’ils n’ont pas envie de vivre une vie qui n’est pas la leur. Qu’ils trouvent plus excitante la vie réelle que la vie écrite. Qu’ils pressentent dans leur rude sagesse que la vraie vie n’est jamais écrite. Voilà une phrase qui fera mal à tous ceux pour qui la littérature est la raison de vivre. Tant mieux.  Il faut se faire anti-littéraire pour comprendre la vie. On va même la répéter pour qu’elle entre bien dans la tête des littérateurs : la vraie vie n’est jamais écrite. La vraie vie n’est pas littérature. En écrivant le contraire, Proust s’est trompé à jamais.  C’est la vérité la plus décevante qu’on ait jamais eu à dire, mais quand on aime l’art, on n’aime pas la vie

Quelqu’un qui aime vraiment la vie se contente d’honorer ses parents, d’élever ses enfants en vue d’en faire de futurs parents, est heureux de travailler dur, respecte l’ordre du monde, chérit l’espèce plus que l’individu, rend grâce à Dieu, et surtout se fout complètement de Shakespeare et de Mozart qui lui apparaissent comme des idoles malsaines susceptibles de le détourner de ses bottes et de sa herse. Aimer vraiment la vie, c’est rendre grâce à Dieu. C’est penser que mêmes les malheurs sont des épreuves qu’Il nous nous fait passer et qu’il faut aimer. C’est enfanter quoiqu’il en coûte.  C’est préférer la grossesse de sa femme à son orgasme.  Heureusement, un monstre pareil n’existe pas dans nos cercles. Personne n’adhère totalement à la vie. Même Nietzsche avouait que sans la musique, la vie serait une erreur – soit dit en passant, voilà une phrase que n’aurait pas osé le pire homme du ressentiment et qui en dit long sur l’auteur de Ecce Homo ! CQFD. Lire avilit, écrire pervertit. La littérature est une entreprise de corruption, pollution, abjection.

Aujourd’hui, le livre est le support principal, et l’objet sacré, de l’éducation. Il n’en a pas toujours été ainsi. Pendant des siècles, la lecture était mal vue partout. Au Moyen Age, le preux chevalier se faisait une fierté de ne pas savoir lire. On laissait cette basse occupation aux clercs. Pour qui voulait être un homme, un vrai, lire et écrire, c’était la honte. La plume avait moins de valeur que la bêche qui en avait moins que l’épée. Avec le temps, on comprit que savoir lire pouvait être un plus dans l’existence, à condition bien sûr qu’on n’en profite pas pour rêvasser. Savoir lire, c’était comme savoir compter. La lettre prise pour un chiffre. Lire pour échanger, réguler, légiférer, mais certainement pas pour penser. De toutes façons, l’Eglise se méfiait depuis toujours de la connaissance qui éloigne toujours un peu plus de Dieu – la Salut ne passant pas par le savoir. Il fallait protéger le Verbe perpétuellement menacé par le plaisir du texte. Il n’y  avait que chez les Juifs où l’écriture, soit la Parole et les commentaires de la Parole, avait une valeur. C’est aussi pour cette raison qu’on les a haïs de toute éternité. Le peuple élu est le peuple le plus littéraire du monde. L’antisémitisme est aussi anti-littéraire. Cette phrase aussi, il faudrait la répéter mille fois.

Bref, depuis Platon, on ne compte plus les éducateurs, les penseurs, les philosophes qui ont mis en garde les peuples contre les dangers de la lecture. Il faut relire cette lettre de la mère de Schopenhauer où celle-ci incite son fils, elle qui pourtant était l’archétype de la grande bourgeoise cultivée et qui aimait à avoir son salon littéraire, à « mettre de côté pour quelque temps tous les écrivains sans exception [car] la vie te semblera insupportable avec cette habitude prise si jeune de perdre tout ton temps à t’occuper d’art » – imagine-t-on aujourd’hui un parent dire ça à son enfant ? Et pourtant, c’est ainsi que nos arrières grands-parents et nos grands-parents raisonnaient. Qu’on se rappelle l’exhortation drolatique de César à Marius dans la trilogie de Pagnol quand ce dernier avoue à son père qu’en ce moment, il déprime un peu :  « tu lis trop », le sermonne-t-il. Pas de doute, de Dantzig à Marseille, on dit la même chose. Lire dévirilise, rend mélancolique - fier d’être mélancolique. La littérature donne de la réalité aux illusions et de la vanité aux passions tristes. Voyez Don Quichotte, Madame Bovary, Hanno Buddenbrook - tous ces gens qui se sont détournés du réel au nom de leurs fantasmes. Au fond, la littérature est criminelle. Son envoûtement conduit toujours au suicide.

 

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Vicieuse mélancolie.

Il est remarquable de constater que les deux procès les plus célèbres de la littérature française aient concerné deux écrivains du mal de vivre. Baudelaire n’a pas tant indigné à cause de ses lesbiennes qu’à cause de ses geignardises d’enfant gâté oisif. Pour l’homme à la poursuite du bonheur commun, ça ne se fait pas de se complaire dans ses idées noires et de faire de son spleen un « idéal ».  Les passions littéraires sont les passions tristes et perverses - et la société est bien plus spinoziste que les spinozistes ne le croient. La mélancolie est un vice que l’on veut transmettre. Un vice dont on cherche à faire un virus. Rappelez-vous  Des Esseintes dans A rebours qui se met à gâter quelque temps un adolescent en vue de le corrompre puis qui cesse brutalement toute gâterie et espère que ce dernier, frustré, tombera dans l’addiction, la déprime, le crime. Même si Huysmans ne le rapporte pas, on peut aisément imaginer que pendant sa période de corruption, Des Esseintes offrit Les fleurs du mal au pauvre garçon. La poésie est si nocive pour la jeunesse, comment lui résister ? Combien de parents ont-ils interdit à leurs enfants de lire Baudelaire même après sa réhabilitation ? Et si par hasard, on en surprenait un à réciter ces vers dans son coin, combien de coups de pied au derrière, de livres arrachés, confisqués, jetés aux ordures ? Le père et les frères de Julien Sorel se faisaient un point d’honneur à corriger celui-ci pris en flagrant de lecture. Un bon passage à tabac, et c’est reparti comme en quarante ! Les vrais gens repartent toujours en quarante.

Quant à Flaubert, soyons clairs, il ne fut attaqué pour Madame Bovary non pour avoir raconter une simple histoire d’adultère mais pour avoir oser remettre en cause ce qui à l’époque constituait le bonheur de la femme. L’obscénité d’Emma est de ne pas se satisfaire de ce dont rêvent à l’époque toutes ses consœurs. Un mari gentil et attentionné qui a une bonne situation, un statut de notable de province, une petite fille adorable. Quel besoin d’espérer autre chose de la vie et de lire des romans qui vous en dégoûtent ? Ce n’est guère charitable pour celles qui sont privées de tout ça et ne lisent pas pour autant. Une fois de plus, il faut être social, moral, anti-littéraire et répéter que pour une Emma malheureuse, insatisfaite, malade d’avoir trop lu, cent mille femmes heureuses ! On croit toujours que les gens vont se reconnaître dans les livres, qu’ils vont suivre l’auteur... Quelle erreur ! Redisons-le jusqu’à la nausée : les gens sont heureux, ils aiment la vie, pas la littérature, ils se foutent d’une neurasthénique qui gâche sa vie au nom d’un idéal livresque. Ils auraient même tendance à la condamner. Des nantis qui dépriment, voilà qui est vraiment immoral, anti-social, anti-chrétien. Aux yeux du pékin, l’on a le droit d’être triste que si l’on a perdu son enfant, son mari ou son emploi (et pas par sa faute, attention!). Il faut être responsable et la littérature déresponsabilise comme nulle autre entreprise au monde. Déprimer quand tout va bien dans son ménage et dans son milieu est proprement indigne. Qu’un écrivain, qui plus est,  fasse la promotion de cette dépression mérite en effet un procès. L’écrivain est définitivement un salaud.

Abjection de la littérature. Au fond, le seul qui ait compris qu’il fallait faire quelque chose contre elle, c’est Jean-Marie Bigard. Un soir chez Ardisson, il exhorta les écrivains à  cesser d’alimenter le désespoir du monde. A quoi sert en effet de branler la misère ? C’est positiver la vie qu’il faut. Faire chaud au cœur. Rendre le moral. Alors il proposa sa solution. Au lieu d’écrire « un paysan n’avait pas de vaches », il faudrait mieux écrire  « un paysan avait deux vaches » (sic). L’écrivain de l’avenir serait l'écrivain de la vraie vie et du positif. Christine Angot était sur le plateau.

 

L'Anté-littéraire II (août 2016)

 

Piste à suivre :
 
La haine de la littérature, par William Marx, article Marianne

Romans à lire et romans à proscrire, par l'abbé Bethléem (1914), superbe document.

 

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Commentaires

  • L'avant dernier paragraphe est à supprimer, il est une répétition du début de ton texte. Sans doute la perspective de voir "Le goût de la pastèque" (interdit aux moins de 16 ans, Matzneff n'ira pas le regarder) t'a légèrement perturbé.

  • En plus, c'est "La Saveur de la pastèque" qu'il fallait dire.

  • Ce que tu expliques dans la première partie de ton article, me rappelle un entretien de Le Clézio qui racontait que dans son enfance, les gamins qui venaient jouer en desous de sa fenêtre ne s'amusaient pas avec lui. De là est parti, selon lui, sa vocation d'écrivain. Cela me rappelle également le petit Henri qui souille sa couche, hurle pour être changé sans que sa mère ne s'en inquiète outre mesure, passant et repassant sans lui jeter un regard, dans Rester vivant de Michel Houellebecq qui écrit : "Henri est bien parti dans sa carrière de poète".
    Cela me laisse songeur également cete idée que tu développes quand à ce type de 36 ans qui se masturbe de peur d'affronter le réel. Finalement, c'est une assez juste image de l'écrivain, peut-être ! Incapable d'affronter le monde extérieur, il le réinvente dans son oeuvre.
    On pourra en effet, développer l'idée de l'abjection de la littérature. Mais je ne comprends pas cette idée. Sans l'art, la musique et la littérature, est-ce que la vie vaut "vraiment" le coup d'être vécu ? Est-ce que Jean-Marie Bigard est une excellente référence en la matière, quand il nous donne un élément de réponse ? Certes, il y avait Christine Angot sur le plateau. Ceci explique peut-être cela... mais quand même ! Je ne dirais pas que le romancier, l'écrivain donne de la réalité aux illusions. Mais plutôt qu'il fait l'inverse de l'historien qui élève la fiction au rang de vérité ; lui élève la vérité au rang de fiction. Il met des mots justes sur des sentiments vécus dans le chaos de l'instantané. Il donne à voir ce que chacun jusque là voyait sans rien apercevoir. Tel que tu le sais, la littérature comme l'art est une "catharsis". Elle nous permet de cerner nos souffrances pour nous les alléger voire, nous permettre de les dépasser. En cela, elle est déjà salvatrice. Peut-être que l'écrivain, tel que tu le décris finalement, n'est qu'un "salaud" qui veut nous briser notre bonheur. Peut-être est-il justement comme "gros dégeulasse" de Reiser, qui crache, sur la quatrième de couverture : "Les gens heureux me font chier". C'est une piste de réflexion... mais j'ai du mal à y croire. Je crois que les écrivains sont des hommes blessés, dont la félûre est si importante, qu'ils saisissent, malgré eux, toutes les souffrances déployées du monde. Ils les captent et, pour s'en défaire, il leur faut les décrire...

    Mais ce qui est sûr, c'est qu'il n'y a pas plus dure activité que l'écriture. Petite phrase bien de Dantec : "Le roman est le seul ennemi à la hauteur du romancier." A méditer, peut-être...

  • Le président iranien vient de nouveau d'interdire la musique occidentale.

    La police va devoir avoir de l'oreille ....

    Est-ce qu'il ne faudrait pas former une police spéciale en France chargée de reconnaître la bonne et la mauvaise littérature et de sévir selon les cas ?

  • Ô Angelo Rinaldi vient à notre aide ! Secours-nous de tes lumières et maintenant que tu as du temps libre indique nous la voie ...

    Bernard Pivot quand même ? Il aurait fallu lui donner la ciguë ?

  • Et non, mon pôvre policeman de bazar. Tu n'as rien compris au problème. Ce n'est pas une police de la pensée (qui exste d'ailleurs déjà) qui réglera le problème de la littérature française en déroute. La désacralisation du livre, la starisation des écrivains, la déroute des petits éditeurs et la fin du libraire de quartier sont le signe d'un déclin inecluctable. Mais tu peux toujours prendre ton balet, et à toi tout seul, essayer de te battre contre les moulins à vent.
    Nous vivons un tournant historique. La vanne "moribonde" de Bigeard en dit long. On ne croit plus en les vertus du livre, et l'écrivain est sorti de sa retraite pour jouer les "Lorie" de la télé-spectacle. Comment peuvent-ils être encore crédibles ? A l'image des hommes politiques, on mise à présent sur l'image et moins sur les idées. C'est un fait : il reste quelques bastions de résistance. Mais seront-ils suffisants contre le fronde ? La blogosphère est-elle assez solide pour se présenter comme une alternative ? Le print en demand' est-il un outil suffisament efficace et rentable pour renforcer le pouvoir bien cramoisi aujourd'hui des petits et micro-éditeurs ? Le livre n'est-il pas un médium de plus en plus concurrencé par d'autres tout aussi enrichissants ? Qu'est-ce que le livre ?
    Tu vois, mon petit policeman, on est loin de la réflexion inepte et réductrice que tu prodigues, bien fier de toi !

  • Hum, policeman, tu en d'autres, comme ça ? J'en ai une bonne pour toi : créer une cyberpolice, qui serait chargée d'identifier et d'exécuter les mauvais commentateurs de blogs.

  • Ah mon cher Marc, comme je te retrouve, toi et ton idée de culture alternative que constitueraient les blogs et à laquelle, malgré mon ironie, je suis de plus en plus sensible ! Tu t'inquiètes de l'avenir et même du présent de la littérature - mais son statut n'a-t-il pas toujours été le même, à savoir un bastion minoritaire contre l'opinion, voire la sensibilité majoritaires ? L'histoire de la littérature n'est-elle pas l'histoire d'une lutte perpétuelle entre les poètes et la cité, les romanciers et les familles, les dramaturges et le pouvoir en place ? C'est ce que j'ai voulu montrer dans mon article en me mettant volontairement "à la place" de Jean-Marie Bigard, mais aussi du parent d'élève, de curé puritain, du soldat brutal, de l'homme virilement beauf, du plouc anti-littéraire, anti-artistique qui ne retient de la vie que son plus bas niveau et que l'on retrouve dans tous les milieux. Une idée fixe chez moi. En même temps, si je ne me fais pas trop d'illusion sur l'avenir de l'art et de la littérature, je ne desespère pas non plus tant il me semble avéré que, comme le disait Georges Steiner, ceux-ci relèveront toujours du même pourcentage au sein des communautés et qu'il y aura toujours autant de Shakespeare et de Mozart par siècle, c'est-à-dire très peu. Je ne crois pas du tout à une mort de la tragédie à notre époque tout simplement parce que la tragédie a toujours été une réponse à toute époque.

  • Montalte tu auras une belle image ! Mais ne suce plus ton pouce, je te prie ...

    Je remarque encore une fois que le TransU et le Pozzo aiment bien insulter la police, vieille tradition inoffensive et très française, mais on devine que leur révolte n'ira pas plus loin que cette pétition de principe ...

  • Il avait toujours eu soif. Il avait toujours cherché à dépasser en folie ou en esthétisme la maigreur sèche de ses autres. Il avait toujours réussi à faire plus ou moins illusion : on le trouvait effectivement assez unanimement bizarre.
    Pourtant c’était une imposture.
    Quand il était enfant, plus encore quand il était adolescente, il s’était nourri de livres.
    Ce n’était pas l’amour de la littérature, c’était un pillage sans vergogne.
    Il rêvait de génie, de créer lui-même, du neuf et du sien, il rêvait de grands sentiments, d’art, de personnages inouïs d’indépendance et de marginalité. Il en rêvait, mais il n’était pas ainsi. Pourtant, la soif du génie lui asséchait l’esprit, il en ressentait le manque, en constater l’absence le plongeait dans des délires angoissés d’auto flagellation.
    Il n’avait rien de créateur, sa stérilité était indépassable, son indépendance était feinte, nul génie grandiose ne coulait dans ses veines, et plus que personne, il en souffrait.
    Il avait pourtant un don, un seul, qui l’avait sauvé un moment, en même temps que perdu, un don qui avait permit sa propre mystification comme celle des autres : Il savait lire.
    Il s’était jeté à corps perdu dans la littérature pour s’abreuver du génie des autres. Au contact des livres, il s’était épanoui : il recevait son existence de l’extase que d’autres avaient conçu.
    Il en était très vite devenue dépendant. Sa soif était inextinguible et devenait chaque jour plus exigeante, pour pouvoir maintenir le nouvel équilibre chimique de son cerveau.
    Il ignorait sincèrement n’être pas lui-même la source de cette créativité. Les apparences étaient sauves, la virginité de son âme aussi.
    Si il était incapable de créer par lui-même les canons de son esthétique, il avait la faculté de s’approprier ceux des autres avec innocence, comme s'il avait lui-même toujours vibré pour ces mêmes choses, comme si le fait de les retrouver dans des livres était un hasard, une coïncidence, ou plus subtil encore, une preuve de son propre génie. Il rebâtissait instinctivement ses délires à posteriori, faisant par un glissement temporel des livres qu’il lisait la confirmation de ses intuitions géniales, et non leur unique source.
    Il s’appropriait des goûts et les dégoûts, des extases et des horreurs, il vampirisait des ambitions et de traits de caractère qu’il faisait très naturellement siens. De fait, il était un vampire, et le don de la lecture remplaçait le liquide commun de ses veines par le sang pur et génial de ceux qui savent inventer les choses. Il était incapable de créer la beauté elle-même, de la voir par ses yeux, de la discerner sans aide. Sans les livres, il n’était rien, il les dévorait littéralement, et c’était la beauté, cette beauté dont il était dépourvue, qui coulait alors dans ses veines, qui la faisait renaître, qui colorait ses joues, qui dictait ses engouements, qui parlait de sa bouche. Il se nourrissait des autres, pour ne pas faner.
    Pourtant, le mensonge était là. Quand il avait pris conscience de l’imposture, il avait essayé de croire que le génie s’adoptait, il savait pourtant au fond de lui que c'était le contraire d’une adoption, qu’il s’élaborait par lui-même, exubérance fertile, dans l’autonomie inspirée d’une conscience géniale, qu’il s’élaborait justement dans la solitude mondaine, dans la seule connexion avec l’Absolu. Il trichait, mais pourtant, finissait par se convaincre qu’il était génial de savoir se nourrir du génie des autres.

  • Qui a insulté la police ? Pour Marc comme pour moi, la police est une institution nécessaire et respectable : c'est même pourquoi nous refusons de la réduire à cette caricature. La police de la littérature existe, mais seulement dans les dictatures. Et dans 1984. Cette police-là, qui nous dirait quoi lire, quoi penser, comment baiser, nous n'en voulons pour rien au monde.
    Et c'est toi qui ose parler de révolte ? Nous en reparlerons, matraque du dimanche.

  • Comment je ne suis pas devenu un génie ... eh ! eh! joli titre Se7th ! Comment j'ai écrit tous mes posts par Montalte alias Raymond Roussel, un futur succès webien !

  • Pour l'espèce de traîne-msère de la pensée qui ose s'adresser à nous avec aussi peu de classe et de suite dans les idées, je parle bien sûr à l'ostrogoth-policeman : sache que je n'ai rien contre la police, bien au contraire. Je trouve qu'il n'y en a pas assez ! Mais, pour ta gouverne, avant de désigner un corps de métier, c'est également un nom féminin. Je te laisse le soin d'aller dans le dictionnaire (si tu en as un chez toi) te saisir de la définition. Tu es au moins aussi con que ce pôvre Robinson à qui l'on a botté le cul ces derniers jours, et qui est reparti tout aussi vite dans son île miteuse, compter les fautes d'orthographe qu'une re-lecture de ma part paresseuse m'oblige à laisser dans mes "billets". Cela dit, ça lui donne l'impression de comprendre quelque chose à ce que j'écris.

    Pour Montalte : je vois que tu sais me lire. Je faisais évidemment référence à mes idées en matière de blog et de cyberspace, même si une autre lecture de la blogosphère, plus pessimiste, voire extrêmement "critique" ne me laisse pas indifférent. Comment croire en effet, au génie spontané sur le web, lorsqu'on lit autant de commentaires, de billets de blogueurs d'une ineptie désarmante ?

    Je crois que la réponse à ta question, à propos de la littérature, de la musique, de l'art, de la poésie etc. se trouve dans ce parrallèle fort judicieux que tu fais entre "littérature" et "école". Hier, peu importait le niveau social dont provenaient parents et enfants : ils avaient une confiance et une admiration sans limites pour l'école qui, à leurs yeux, faisaient autorité. Cette autorité se retrouvait dans la fonction du maître qui était considéré comme le "dépositaire" du savoir, et le livre, que l'on sacralisait. L'ère postmoderne dans laquelle nous sommes entrées, a désacralisé toutes ces valeurs qui se posaient aux yeux de tous comme des "autorités" indiscutables. Aujourd'hui, les élèves vont à l'école comme on va au supermarché, et les parents font rater une journée de cours à leurs enfants pour ne pas partir trop tard en vacances. Les gens entrent à la Fnac comme à Carrefour et considèrent le livre soit comme un "pis-aller", ou comme un moyen de simple distraction. Je ne veux pas dire que la Culture doit être chiante. Mais la fonction de l'art n'est pas simplement de nous divertir. Tu comprends bien sûr, ce que je veux dire.
    C'est donc un problème d'époque, et de perception des choses. Quand la modernité posait l'intellectuel comme modèle et l'école comme lieu d'élévation, et posait le livre du côté du dogme ("je l'ai lu donc c'est vrai"), notre époque valorise les stars, la séduction, et le relativisme ("je l'ai vu donc c'est vrai"). Régis Debray éclaire bien ce problème dans son ouvrage Cours de médiologie générale, Folio.
    Voilà pourquoi pour moi, Bigard est à la fois un excellent exemple pour le dénoncer, et un très mauvais pour le comprendre.

  • Il n'y a pas encore de Prix Nobel de Philo ? Alors il faut en créer un de toutes urgences et l'attribuer now à Pozzo dit Al ! Ou bien a Bigard ... mais j'hésite encore car je n'ai pas pu déterminer qui était le plus fin de l'homme au slip ou de l'homme à la pensée à l'air !

    Il y a aussi un autre prof de philo dans son genre à la télé, celui qui fait la mouche dans les spots publicitaires et aussi le chinois aux yeux bridés mais je ne me souviens plus de son nom. Je crois qu'il imitait aussi très bien le cafard qui court par terre mais en cela Pozzo le surpasse.

  • Je crois que nous abordons une nouvelle étape dans cet historique de la perception du réel et des valeurs : il ne s'agit plus, depuis longtemps, d'une opposition entre ce qui est lu et ce qui est vu, mais de leur inter-annihilation à l'ère numérique. En fait, aujourd'hui, ce qui est vu, ce qui est lu, ce qui est vécu tendent à se confondre dans l'Internet et ses avatars. Schizophanie de l'époque. Si MacLuhan avait un peu trop fantasmé son Village global, il n'en avait pas moins eu la géniale intuition de ce qui est en train de se passer, d'un point de vue culturel tout du moins.
    Il faut voir en effet que si la littérature survivra sans doute aux autres arts, elle n'en est pas moins en passe de muter de manière irrémédiable, sinon au sein d'infimes poches de résistance. Le livre, dévoré par la Toile, ne changera pas seulement de support, comme l'imaginent certains : son ADN même en sera profondément altéré. Le Web est un rétrovirus médiologique.
    Avez-vous écouté "Kaléidosblog", hier soir sur France Culture ? Plusieurs fournisseurs et blogueurs étaient invités (Loïc Le Meur, Cyril Fiévet, Un Vrai parisien, Poézibao, etc.), qui nous donnaient l'image ambiguë d'une blogosphère extrêmement créative, mais aussi majoritairement égocentrée (le blog/le moi vécu comme centre). C'est ce que j'appelle BLOGOMPHALOS. Seuls échappent à cette autophagie, sans doute, les blogs inflexibles, portés par un feu inextinguible, et cependant ouverts à la parole d'autrui (je pense au Stalker par exemple).
    Il y avait eu une discussion par billets interposés entre Dominique Autié et Juan Asensio, où j'étais intervenu. Je ne copie pas le lien : Montalte m'accusera de faire ma pub !

  • Ah ! La pervenche, la perche est trop tentante : je vois que tu t'identifies judicieusement à LUCKY, le chien masochiste que ton Pozzo tient en laisse...

  • Pour le transhumain: Vous parlerez du blog de Juan Asensio comme ouvert à la parole d'autrui quand celui-ci ouvrira ses commentaires.

    Pour Marc A. : Si, en ce qui concerne l'école, je vous suis parfaitement, pour le reste, beaucoup moins. Au fond, que le dernier disque de Laurie côtoit le coffret du Ring ne me dérange pas le moins du monde, et je dirais même que ça me convient parfaitement. Que la culture soit à même portée de main que le plus vulgaire, que je puisse trouver "scène de la vie conjugal" au rayon DVD avec la même facilité que j'y trouve "American Pie", c'est un privilège que les générations qui m'ont précédées n'avaient pas, me semble-t-il. Que la culture soit traitée comme une quelconque marchandise, soit, dans la théorie, une horreur absolue, il me semble que dans la pratique, j'y trouve peut-être bien plus de vertus que l'on pourrait s'y attendre. Cette année, pour moins de 100 euros, on peut s'offrir le coffret de l'intégrale de Mozart - le graver couterait plus cher ; on trouve aujourd'hui en DVD les titres qui étaient introuvable en VHS. Jamais, sûrement, de l'histoire, la culture n'a été plus démocratique. Ma place au Cosi Fan Tutte en 1ère Série pour le prix d'une place de Cinéma, mes dimanches après-midi au musée en toute gratuité, toute la musique et les DVD qui me plaise disponible en quelques heures sur mon disque dur... Se plaindre de tout cela, ce n'est rien d'autre que préférer une époque où la culture n'était accessible qu'à une élite, c'est avouer son mépris du peuple. Car, un grand film, dans un digipack collector et numéroté distribué dans une grande surface, reste un grand film.

    Et pour le tranhumain encore: Et quant à voir dans les blogs l'avenir de l'écrit, là vous n'êtes pas dans l'anticipation, ni même dans la science-fiction, mais dans le conte pour enfant. Il faut vraiment s'accrocher dans ces illusions pour voir dans les blogs autre chose qu'une bonne grosse blague, un divertissement moderne, une façon désuette de ne pas trop mal perdre son temps. Tout cela n'est pas très sérieux et c'est être grotesque que de croire le contraire. Seul la publication papier - qui représente un investissement réel de l'éditeur - peut prétendre à rester à la postérité, vous le savez aussi bien que moi.

  • Vous m'avez mal compris, pépé. Ne faites pas semblant de voir que le règne du papier touche (hélas ?) à sa fin. Ai-je écrit que les blogs seraient l'avenir de l'écrit ? Non. Ils ne sont en effet qu'un médium ludique, égocentré. Les seuls blogs vraiment intéressants sont d'ailleurs ceux qui n'en sont pas, tel celui du Stalker qui, que vous le vouliez ou non, ouvre ses pages à de nombreux auteurs.
    Nos médias traditionnels sont peu à peu remplacés par les médias numériques : ce n'est pas un conte, ni même de la science-fiction, mais une réalité ! Ainsi encyclopédies et journaux meurent peu à peu au profit de leurs équivalents en ligne, dont la consultation, la conception même sont différentes. La littérature scientifique, en premier lieu, n'existe déjà quasiment plus qu'en ligne, ce qu'on comprend fort bien : la recherche avait besoin de cette hypertextualité. En bibliothèques publiques, la part du budget accordée aux abonnements à des bases de données en ligne augmente chaque année en conséquence. Non, sauf votre respect, l'ancêtre, c'est vous qui êtes naïf en confondant le livre et la littérature : celle-ci résiste encore en effet, mais pour combien de temps ? Bien entendu, restera toujours une fraction de résistants du livre, mais nous parlons ici d'une évolution générale. Ne voyez-vous pas que justement le maillon pourtant essentiel de l'éditeur (ce que font ces blogueurs d'exception comme Juan, dont la Zone est une publication d'une qualité rare) est gravement menacé ? Tel était mon propos Papy, rien de moins.

  • Quand on aime la vie, on peut se passer d'art. Bien sûr. Mais combien faut-il être médiocre pour se contenter de la vie tout court... Ce qui différencie l'homme de l'animal, c'est qu'il n'est pas programmé pour la vie. La haïr, c'est s'élever.

  • Papy, sans vouloir vous paraître désobligeant, vous vous placez en dessous de ma pensée. Je n'ai jamais critiqué la "démocratisation" de la culture. Mais sa désacralisation", ce qui est toutefois quelque peu différent. Lorsque j'emploie le terme "supermarché" de la culture, c'est à prendre au sens métaphorique du terme. Que Wagner ou Mozart soient enfin accessibles à la bourse de tout un chacun, je salue cette prouesse technique une fois de plus , qui nous affranchit de notre nature. Mais voilà. Il suffit d'enseigner en Terminales, et même en Classes Prépa (d'où je tire mon exemple) pour comprendre qu'aujourd'hui on achète un CD de Mozart à 5 euros, un CD de Lorie à 19 euros, mais qu'on place sans même y réfléchir L'étranger de Camus et les mémoires de Patrick Dills sur le même plan. Cette désacralisation des valeurs, ce nivellement est induit dans la tête du plus grand nombre, très certainement par un effet pervers de la démocratie et de son principe sacré : "l'égalité" (sachant toutefois que cette égalité est défendue par la démocratie sur le plan du droit et non du fait, -mais c'est si mal compris !) et la fin de l'autorité (que Alain Renaut dénonce fort à propos dans un livre du même nom, mais Hannah Arendt dans un livre publié en France sous le titre La crise la culture l'annonçait déjà dans les années 60.)
    Je ne parle donc pas de mépris du peuple comme vous semblez le penser, mais d'incapacité du peuple à saisir la force d'une oeuvre, voire à être capable de la lire. George Steiner par exemple dénonce le fait que nous soyons plus capable aujourd'hui de lire correctement la tragédie gracque. Je le constate moi-même, que ce soit dans le secondaire ou le supérieur, il est difficile pour les jeunes élèves d'accéder aux textes. Il leur manque des outils. Et c'est précisément cela que je dénonçais.

    En revanche, je trouve votre façon de traiter la pensée du Transhumain un peu excessive (certains y verront sûrement là, un autre soutien abusif, mais laissons les imbéciles se scandaliser, ils sont là pour ça !). Ne partageant pas complètement les vues du Transhumain, notamment en ce qui concerne cette sorte de synthèse héglienne dans cette sorte de "inter-annihilation à l'ère numérique" entre ce qui est lu et vu. Cela dit, son approche est juste : le livre sera à terme dévoré par la Toile. L'exemple même du Stalker est un excellent exemple. J'ai lu ici même, un inepte intervenant venir dire au Stalker qu'être lu en accès libre, même par de nombreuses personnes, ne prouvait ren en ce qui concerne la qualité des textes. Fallait-il encore que l'on mette la main à la poche. Quelle pensée à courte vue. Nietzsche a infiniment moins vendu que Delly, et pourtant il est non seulement resté dans la postérité, mais il est infiniment plus pénétrant. Cette idée également de défendre que ce qui vaut quelque chose en matière de littérature ou philosophie doit être nécessairement adoubé par un éditeur sans quoi (je ne sais pas ! Il se transformerait en citrouille ?), car l'éditeur investit dans l'oeuvre, est inepte. D'abord parce que les éditeurs, pour des raisons de stratégies commerciales, et même de survie, investissent dans des "daubes" dont vous n'avez pas idée pour remplir les cartons, mais encore parce que le fait même qu'un éditeur investisse sur un auteur ne prouve rien. Ca ne sera pas un "écrivain" pour autant. Peut-être n'est-il qu'un écrivant", pour fair le distinction très Barthienne.
    Bref, je pense que le débat est ouvert... ne soyions pas trop pressés de le refermer. Les questions sont encore nombreuses, et le temps très certainement nous départagera. Mais la blogosphère, hormis quelques misérables pitres, est un laboratoire dont on risque de tirer peut-être ce qui comptera demain. Je n'affirme pas... je m'interroge... à savoir que le débat qui s'était engagé entre Dominique Autier Et Le Stalker prolongé par le Transhumain est digne d'intérêt pour saisir les enjeux actuels du problème qui est, je le pense sincèrement, de taille.

  • Tout de même Marc, il était ridicule ce débat entre Dumbledore Autier et Voldemor, pas nul, pas mal écrit, pas mal imaginé, mais complètement ridicule ! Que le blog ait une dimension sociale est indéniable, qu'il nous serve à tous de laboratoire est encore plus évident, que le plaisir qu'il y a à s'éditer soi-même, à se chamailler derrière nos écrans, à dire parfois certaines "choses", à roder son écriture, et même à trouver des complices, des amis et des ennemis qui nous font croire que nous existons est patent, qu'il intervienne même et de plus en plus dans le débat public (comme Kassovitz s'en prenant à Sarkozy dans un post et celui-ci répondant dans un commentaire ou Nabe et Dantec me prenant à partie, moi petit Cormontalte, comme si j'étais leur adversaire, COMME SI JE COMPTAIS (!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!) est prouvé, mais que l'on croit qu'il s'agisse là d'autre chose que d'un média révolutionnaire - un média, c'est-à-dire ce qui transmet, ce qui informe, ce qui fait communiquer, ce qui enseigne même, ce qui permet la recherche (et le Transhumain a raison de faire remarquer que la littérature scientifique est aujourd'hui plus sur la toile que dans les publications) mais ce qui ne CREE pas -, que l'on estime qu'à longue échéance non seulement le livre va disparaître à son contact mais que de vrais poètes, de vrais romanciers, de vrais philosophes ne s'exprimeront que par blog, post ou émail, et que s'impose une mission à tous les stalkers du monde de trouver qui seront les premiers Dante ou Dostoïevski de la toile, me semble en effet délirant, peu raisonnable, et surtout sans fondement.
    Au fond, la toile n'est qu'une salle d'attente à la véritable édition. Qui parmi nous ne cherche sincèrement pas à se faire éditer et préfère pour de bon écrire sur son blog ? Qui n'a pas plus de considération pour ses livres ou pour ses articles publiés dans des revues que pour ses posts chiés sur son blog ? Rappelez-vous Juan et ses misérables tentatives d'intimidation quand il me sortait toutes ses médailles éditoriales à moi qui n'ai jamais rien édité ? Le but de toute personne qui écrit - qui fait dans la création littéraire, grande ou petite, géniale ou médiocre - est la page imprimée bien sûr, du journal ou du livre. C'est pourquoi mon cher Marc, la désacralisation dont tu parles ne touche pas tant le livre qui reste le graal de tout apprenti écrivain, que la culture dans sa perception démocratique.
    Car là aussi, il faut préciser. Dans notre monde démocratique, relativiste et médiocre, Lorie vaut Mozart, certes, mais pas pour tout le monde - pas pour nous par exemple, pas pour les vrais amateurs ou les professionnels. Et au fond, je reste persuadé que la masse, aussi peu éclairée soit-elle, aussi consommatrice de soupe soit-elle, rêve de caviar et de Mozart, rêve d'être éduquée, d'aller à l'opéra et pas du tout pour "se faire voir", non, pour pleurer au duo de Tristan : "O sink hernieder, Nacht der Liebe". Et on doit la mettre à niveau, on doit lui donner les moyens d'être, si j'ose dire, aussi aristocratique que "nous". Quel plus grand bonheur d'ailleurs pour un être humain que de partager ? un opéra de Wagner, un film de Fellini, un extrait de La Prisonnière ? Et un Pater Noster ? Je m'égare..... Ce n'est ni le peuple pour le coup ni la classe dominante qui sont coupables mais bien une certaine engeance intello-politique, démocratissisite et puante (incarnée par Jack Lang et le mitterrandisme), bien prévue par Tocqueville - en voilà un qui a tout vu, tout prévu et tout compris de l'avènement de nos sociétés.
    Bien sûr, dans ce genre de débat, personne n'a raison. Comme on dit bêtement, "l'avenir le dira". Mais le méta-langage du méta-univers du méta-cloné....

    Avec tout ça, j'en oublie de saluer le superbe texte de Se7th. Magnifique ! Voilà exactement le genre de réponse "littéraire" que j'attendais. Rien de tel que les portraits ou les autoportraits masochistes ! Car ma chère, qui parmi nous ne s'y retrouverait pas dans ce Bartleby plein de haine et de ressentiment. Attention, se retrouver dans un personnage atroce ne signifie pas qu'on l'est bien sûr. Il faut savoir jouer avec les configurations, les pires comme les meilleurs, de son être. Je vous embrasse ma chère.

    (Vous êtes bien une fille je crois ? auquel cas je vous serre la main.)

  • Bravo coucougnette ! Depuis quand tu serres la main aux filles ?

  • > Nos médias traditionnels sont peu à peu remplacés par les médias numériques :
    > ce n'est pas un conte, ni même de la science-fiction, mais une réalité ! Ainsi
    > encyclopédies et journaux meurent peu à peu au profit de leurs équivalents en
    > ligne, dont la consultation, la conception même sont différentes.

    Il me semble bien au contraire, que jamais dictionnaires et encyclopédies papier ne se soient aussi bien vendu que cette année. Je vois à cela deux raisons, d'une part la concurence des encyclopédies sur CD-ROM et en ligne ont forcé les éditeurs à revoir le contenant - voyez le Larousse de cette année qui donne envie d'être acheté ou offert - Internet a offert une cure de jouvance au livre papier. Il y a le fait, également, que les gens en reviennent , justement d'Internet, où l'on trouve tout, mais surtout n'importe quoi. L'information sur Internet, parce qu'elle n'est pas filtrée, trié, est au final moins précise que celle d'un bon dictionnaire que l'on ouvre en un clin d'oeuil au bon mot.

    Quant au déclin de la presse écrite - ou plus précisément des quotidiens, les hebdos, n'allant, me semble-t-il pas si mal - elle tient plus d'un décalage général avec notre mode de vie, i.e. , surinformation et manque de temps , que du fait du seul internet. Mais bon, effectivement, cela est discutable.

    > La littérature scientifique, en premier lieu, n'existe déjà quasiment plus qu'en
    > ligne, ce qu'on comprend fort bien : la recherche avait besoin de cette
    > hypertextualité.

    Alors là, vous tombez très mal pour tenir ce genre de propos. La littérature scientifique, si elle a trouvé en l'internet un excellent moyen de distribution de masse, cela je vous l'accorde, n'a justement pas coupé ce lien d'avec l'impression papier. Une conférence scientifique, un congrès, un journal, dont les actes ne sont pas publiés chez Elsevier, chez ACM press, ou chez Springer Verlag en version papier n'ont strictement aucune valeur ni renommée. Pour me ramener dans votre petit monde, entre publier dans un journal electronique et chez springer, il y a à peu près la même différence qu'entre publier dans un Fanzine et chez Gallimard. Dommage, pour vous, c'était bien tenté.

    > du Stalker qui, que vous le vouliez ou non, ouvre ses pages à de nombreux
    > auteurs.

    Le reproche justement que je ferais à ce sujet, c'est de ne pas commencer par s'appliquer à lui-même les leçons qu'il donne à la presse classique. Le jour où, sur sa zone, sera publié, dans une ouverture toute Voltairienne, un article allant à l'encontre de ces idées, le jour où il acceptera la contreverse et que l'on chahute un peu sa zone, eh bien, je le lirai peut-être avec un peu plus d'interêt. Pour l'instant, ce que je vois, c'est l'affaire Alina Reyes.

    Pour Marc A. cette fois.

    Eh bien, si l'on est d'accord sur la démocratisation de la culture, et s'il on est au fond assez d'accord sur sa désacralisation, tout va pour le mieux et l'on pourrait prendre un verre ensemble - dans le cas contraire d'ailleurs. Le fait que l'on aille à la fnac comme au supermarché tient cependant pour moi plus de la démocratisation que de la sacralisation, mais passons. Sur l'école, sur l'enseignement, on se suit également, nous enseignons tous deux, à des niveaux différents, nous avons les mêmes conclusions.

    En ce qui concerne le soutien abusif, je vais répété cette phrase qui plait tant à notre hôte "avec toutes ces conneries, je me retrouve encore à être d'accord avec ce connard de *Montalte".

    "le livre sera à terme dévoré par la Toile", effectivement, j'ai des doutes profonds la dessus. Le livre devait être dévoré par la radio, la télévision, le jeu video, le E-book (le dernier flop absolu de cette fin de siècle), cette fois Internet. Ce problème du progrès a été très bien analysé par Debray - n'ayant plus la référence en tête, et n'ayant ni le temps, ni l'envie de la rechercher - qui disait en substance ceci: chaque avancée technologique fait naître, chez une partie de la population, une surestimation de ce qu'elle apportera, et fait naître des espoirs qui seront forcément déçu. Il n'y a (cette fois, c'est moi qui parle) pas de révolution numérique, le numérique ce n'est que le prolongement de ce qui existait déjà. Il n'apporte strictement et fondamentalement rien de nouveau.

    En ce qui concerne la valeur d'une oeuvre, le temps seul la jugera. Là dessus, il n'y a pas de discussion, c'est un fait. Ce que je stigmatisait, c'est cette propension à prendre un blog au sérieux, et pire encore, d'en indexer la qualité sur le nombre de visites - avec des critères pareils, on ne saurait mettre en doute la qualité littéraire de Clara Morgan.

    Si l'investissement littéraire n'implique pas forcément une qualité littéraire (cela va de soi, les contre-exemple sont évidents), la réciproque, c'est-à-dire que le Proust ou le Céline d'aujourd'hui ne puisse pas trouver d'éditeur me semble tenir encore plus de l'exception qu'il y a vingt ans, tant la facilité avec laquelle les manuscrits circulent leur donne une grande visibilité. Un talentueux qui ne trouve pas d'éditeur aujourd'hui, j'y crois fort peu.

    Quant aux "daubes", justement, qui ne passerons pas l'hiver, et qui ne se liront déjà plus l'année prochaine, hé bien, j'affirme qu'elles sont écrites par des gens qui, dans leur domaine, e.g. , le thriller biblo-artistique, le roman d'espionnage, la bluette de gare, le drame historico-douteux, sont infinimentplus doué que d'autre dans le leur. Et entre être un surdoué du vulgaire ou un médiocre de l'excellence, je serai tenter de dire cyniquement que le premier, au moins, aura eut des lecteurs et se sera fait du fric.

  • Quelle que soit la qualité du blog d'Asensio, son livre n'est pas un livre mais un fatras d'articles plein de redites.
    Quelle que soit la qualité d'un livre, il demande une toute autre capacité de travail que celle d'un blog.
    Le livre et le blog ne s'écrivent pas dans le même temps. Le temps du livre est long et secret.
    Le blog c'est du fast food. Rien à voir. Que des gens qui prétendent aimer la littérature puissent se bercer d'une quelconque équivalence entre le blog, si intéressant soit-il, et le livre, n'est que l'effet d'un ressentiment caché, d'une volonté inavouée de détruire le livre, d'une haine de l'écrivain qu'ils ne sont pas.
    Le blog ne tuera certainement pas le livre. En tout cas il ne le remplacera jamais.

  • Salut Soeur Sourire ! Et on tape dans les mains tous en choeur ... moi j'aime la béatitude des certitudes, c'est mon côté Schpountz !

  • Ce qui m'interpelle, c'est la question de savoir comment un puceau de trente-six ans qui vit encore chez ses parents peut comprendre quelque chose à Houellebecq.

    Il me semble indispensable d'avoir un minimum éprouvé la vie de couple pour saisir toute l'essence de son travail.

  • Oui, mais Newbie, tu oublies qu'il faut aussi avoir un cerveau.

    Pépé, que dire de plus ? Je n'ai pas dit que dans dix ans le livre n'existera plus, mais, quoi, ne voyez-vous pas qu'il est réellement menacé à long terme ? Le prestige de la publication écrite ne tient qu'à une tradition, pas à une valeur intrinsèque. Pour l'heure vous avez raison, le papier résiste encore, mais je demandais dans mon commentaire précédent : pour combien de temps ? La musique est déjà en train de céder, la littérature suivra.
    Remarquez combien certains ont ici un regard biaisé, refusant même jusqu'à concéder que la Toile recèle des textes de grande qualité. Et s'ils n'ont aucune valeur à leurs yeux, pourquoi donc s'y intéressent-ils ?... Le blog n'est le royaume de l'immédiateté que parce que vous le faites tel. Entre un billet du Stalker ou n'importe quelle page de n'importe quel hebdomadaire, mon choix est arrêté. Et je peux vous jurer que j'apporte autant de soin à ce que je publie sur mon blog, qu'à n'importe quel article publié en revue.
    Je finirai en notant que la littérature d'anticipation a rarement prévu un avenir radieux au livre... Et, en tant que grand lecteur de SF, je lui fais confiance pour deviner de quoi demain sera fait...

  • Que le livre disparaisse, cela vous ravirait-il, Transhumain ? Ainsi les borgnes pourront-ils être définitivement rois au royaume des aveugles !

  • Certes Transhumain, mais un cerveau sans une bite c'est comme un mari sans corps (l'idéal féminin).

  • Le transit d'un TransU ça se présente comment ?

  • Mon débat ne concernait pas : le blog contre le livre. On est d'accord Pierre que le blog est un lieu d'expérimentations. Que d'ailleurs tout un chacun traîte avec le sérieux qu'il souhaite lui accorder. Certains ont compris que le blog était une vraie "vitrine" pour leurs textes, d'autres le considèrent comme un pis-aller. C'est à l'appréciation de celui qui dirige son blog. Mais lorsque je prédit derrière Transhumain que le livre sera avalé par la matrice, je parle d'abord sur plusieurs décennies, et je ne dis surtout pas qu'il sera remplacé par le blog. Où donc Sourire est allé cherché cela ?
    Ce qui est sûr, c'est que mon analyse de la désacralisation du livre ne touchait que l'attitude du grand public envers le livre, et encore, est-il fort judicieux de considérer cette analyse comme shématique. Car ce n'est pas si simple. En revanche, je n'irais pas dire, en effet, que les jeunes auteurs/écrivains dédaignent l'objet-livre encore pis, dédaignent l'édition papier. Ce qu'il faut surtout voir dans cette relation que nous avons au papier, c'est 1) une relation culturelle 2) une reconnaissance (ou supposée telle) d'un éditeur.
    Cette question est importante. Car ce n'est pas tant le problème du blog qu'il faut questionner, mais ce que dénonçait Transhumain dans son commentaire : le problème du blog auto-centré. Je le cite : "blogosphère extrêmement créative, mais aussi majoritairement égocentrée (le blog/le moi vécu comme centre)."
    La question qu'il est utile de poser, c'est : peut-on se passer du regard et du professionalisme de l'éditeur en tant qu'auteur ?
    Pour le reste, je suis d'accord avec toi, en 2006, la toile est une salle d'attente pour une véritable édition, ou une vitrine pour ceux qui éditent et veulent communiquer autrement, de manière plus indépendante, plus rapide.
    Je suis également d'accord avec les analyses de Papy, et je suis surtout d'accord avec lui sur ce point crucial : (point que j'ai déjà développé dans une intervention sur text-e.org ) : le livre numérique n'est pas une révolution au même titre que l'imprimerie. Ce sera un prolongement du texte papier qui lui conférera une souplesse plus importante et qui, à terme, libérera les éditeurs de nombreux coûts, ce qui permettra peut-être, des prises de risque "créatives" plus importantes. Cela reste à vérifier, en tous cas. (Pour le reste, nous pourrons boire une mousse ensemble un jour Papy, et discuter autour d'une table, je pense que nous sommes sur la même longueur d'onde !).

    En tous cas, pour l'instant je campe mes positions en ce qui concerne le blog : c'est une sorte de culture alternative, une vitrine postmoderne pour "enfants du virtuel".

  • Ressentez-vous ici comme un mauvais signe le fait pour un lecteur / écrivain de ne pas renoncer à la progéniture? Cette question m'intéresse. Depuis mon adolescence, il m'obsède que je devrais renoncer à l'un pour vivre pleinement l'autre. Comme si les vicissitudes de la prêtrise (chez Bernanos par ex.) s'étaient aujourd'hui décalées au "sacerdoce du lecteur".
    Car le but est-il seulement de désapprendre à vivre & promouvoir la dépression? N'est-il pas question de transcender ce masochisme par la création? Cette affirmation de la vie (autrement dit ce refus de nihilisme) vous semble-t-elle (intrinsèquement et/ou pragmatiquement) inconciliable avec la fondation d'une famille? S'agit-il là d'une concurrence?

  • > Je n'ai pas dit que dans dix ans le livre n'existera plus, mais, quoi, ne voyez-vous
    > pas qu'il est réellement menacé à long terme ? Le prestige de la publication écrite
    > ne tient qu'à une tradition, pas à une valeur intrinsèque.

    et quand bien même se serait le cas (en effet, on pourrait aisément soutenir le fait que l'existence d'un support solide donne une valeur supplémentaire aux choses, leur donne une existence), si au fond, l'édition papier ne tient qu'à une tradition, cela ne prouve en aucun cas que cette tradition sera amené à disparaître - il y a des traditions qui perdurent, et qui ne cesseront pas de perdurer.
    Le livre object, voyez-vous, à un charme que le froid écran d'ordinateur n'a pas. Et je crois les gens très attaché au support en soi. Une collection de CD, de Vynils, de DVD, une bibliothèque, c'est aussi le plaisir de la regarder, de la ranger, de retourner les pochettes dans tous les sens, plus que ça, il y a un aspect social, ces amis qui parcourent vos rayonages, se découvrent des goûts commun avec vous. Une bibliothèque, ce n'est pas un disque dur, c'est plus que cela .Au passage, le déclin de la musique, c'est avant tout le choix de major de privilégier des artistes kleenex, la facilité offerte à la copie grâce aux graveurs et surtout la concurrence des DVD qui marque le glas des maisons de disque plus que cette soi-disant révolution numérique. L'artiste qui se passe de maison de disque, s'autoproduit sur Internet et rempli des stades, pardonnez-moi, mais je ne l'ai pas encore apperçu.

    Alors effectivement, il y a, chez moi, le côté nostalgique de celui pour qui le vynil valait mieux que le CD, et le CD bien mieux que le mp3, qui fausse peut-être ma vision des choses, mais c'est une faiblesse bien légère lorsque l'on argumente en face par le fait que la science-fiction - j'englobe, dans cette phrase, science fiction et anticipation, que l'on se comprenne - a prévu la fin du livre, comme si la science fiction parlait de l'avenir, comme si la science fiction était de la prophétie, comme si elle parlait d'une époque particulière. L'année 1984 est passé, l'ami, l'année 2001 aussi.

  • > Et je peux vous jurer que j'apporte autant de soin à ce que je publie sur mon
    > blog, qu'à n'importe quel article publié en revue.

    Que répondre à cela que dire que c'est tout à votre honneur.

    > Remarquez combien certains ont ici un regard biaisé, refusant même jusqu'à
    > concéder que la Toile recèle des textes de grande qualité.

    Avons nous di que la toile n'a pas de texte de qualité ? Le propos était

    > Et s'ils n'ont aucune
    > valeur à leurs yeux, pourquoi donc s'y intéressent-ils ?...

    Je vous renvois la question, si la matrice gobera le monde réel, à quoi rime donc toutes ces publications papier auxquels vous participez et que votre ami le stalker n'a pas manqué d'énumerer sur ces lignes. Si vous croyez vraiment à la mort du livre, pourquoi n'appliquez-vous pas à la lettre votre dogme, si vous etes si sûr de vous, pourquoi perdez-vous votre temps à ce média agonisant. Publié donc uniquement sur Internet, devenez donc le pionnier du nouveau roman toilaire, devenez pour l'histoire et la postérité le premier à avoir vu et compris cela !


    Pour Marc A. Et bien, cette pinte, ce sera avec plaisir, mais la première tournée sera pour moi.

    Je met une certaine nuance, je vois plus l'édition electronique comme un média à côté de l'édition classique que contre l'édition classique. La VHS n'a pas enterré le cinéma, la télévision non plus, cette dernière n'a pas sonné le glas de la radio, les chaînes herztienne ont résisté au cable....
    En fait, ne percera qu'en version electronique ce qui constituera une alternative, ce qui n'est pas réalisable dans l'édition classique, ce qui sera vraiment nouveau.

  • Papy : moi aussi je préfère l'objet-livre au livre-écran, et tout le monde me prend pour un fou lorsque je prédis l'inexorable déclin du support. Je vais parler de l'exemple que je connais le mieux. Sachez que la nouvelle édition de l'encyclopédie de science-fiction la plus importante, aux Etats-Unis, ne sera désormais plus éditée qu'en ligne. En France, nous en sommes loin, mais nous y viendrons inéluctablement. De même, la revue à laquelle je collabore, Galaxies, publie de plus en plus de textes anglosaxons initialement publiés sur des sites Internet américains. Pour l'heure, Marc a raison de rappeler que la Toile reste encore l'antichambre de la véritable édition, mais la transfusion a déjà commencé... Il a encore raison, et vous aussi Papy d'une certaine manière, en suggérant que ce n'est pas seulement à un changement de support que nous assisterons, mais à un changement plus profond. Les modes d'écriture, d'expression, de lecture et de pensée sont modifiées par les médias dominants (cf. MacLuhan). L'ennui, Papy, c'est que vous me prêtez des idées qui ne sont pas miennes : par exemple, je n'ai jamais fait l'éloge de cette "révolution numérique", pas plus que je ne fais l'éloge de la fin du livre : je constate seulement que nous achetons de moins en moins de CD, et de plus en plus de fichiers audio, et que notre manière d'écouter la musique se transforme elle aussi. La notion d'album, par exemple, disparaîtra rapidement.

    Pourquoi ne publié-je pas seulement sur la Toile ? Mais enfin, justement parce que les deux co-existent encore, et que je suis moi aussi, en dépit de mes idées transhumanistes, attaché au papier et au "prestige" d'une publication. Et surtout, il n'existe pas encore d'équivalent en ligne pour tous les projets éditoriaux : ainsi l'encyclopédie SF à laquelle je contribue, et qui fera autorité justement pour les raisons que vous évoquiez (travail éditorial) sera imprimée.

    Cordialement.

  • Pour le transhumain:

    Les nouveaux modes d'expression apparaissent pour des raisons structurelles, c'est à dire que la technique nouvelle offre des moyens d'expression nouveaux. Le cinema, en tant qu'art, ne peut exister que si la technologie du cinema existe. Ceci est trivial. Par contre, un support d'expression ne disparait pas pour des raisons structurelles, mais pour des raisons conjecturels. Ce n'est pas l'apparition du mp3 en soi- les achats de mp3 sont anecdotique, c'est le téléchargement gratuit qui ne l'est pas - qui tue le CD, mais une somme de facteurs conjecturels complexes, e.g. l'incapacité à produire des artistes sur le long terme.

    Les notions d'album et de deux titres, sont apparus avec le vynil, est ont perduré a l'époque du CD alors le deux titres n'a structurellement plus de sens - il y avait une face B parce que le 45 tours avait deux faces, raison technique). Que de nouvelles choses apparaissent avec le mp3 - facilité de proposer des albums fleuves - cela n'aurait rien d'étonnant - qu la notion d'album disparaisse, cela est beaucoup moins sûr.

    Quant au problème plus général de l'édition en ligne, il faudrait discerner ce qui tient d'un effet de mode - parce qu'il y a aussi cela; ce qui tient de raison économique - on peut être tenté de se limiter à une édition en ligne pour des raisons simplement financières; ou d'un changement plus profond. Cela, on pourra en parler pendant des heures mais seul l'avenir en aura le dernier mot.

  • Papy, par cette propre phrase écrite de votre main, vous mettez bien l'accent sur le problème qui réduit votre vision des choses à propos de l'édition de demain : "Alors effectivement, il y a, chez moi, le côté nostalgique de celui pour qui le vynil valait mieux que le CD, et le CD bien mieux que le mp3, qui fausse peut-être ma vision des choses". Que vous regrettiez le vinyle, que vous préfériez le papier au numérique, tout cela est respectable et ne mérite aucun commentaire. Après tout, votre approche de la question en ce qui concerne le livre numérique, si je ne m'abuse, est celle du plus grand nombre, à l'heure actuelle.
    Ce qui est toutefois sûr, c'est que le papier sera d'ici moins de cent ans avalé par le numérique. C'est aussi sûr que 2 x 2 font 4 !
    Si nous sommes bien isolés avec le Transhumain sur la question, c'est parce que nous sommes tout bonnement des "visionnaires". Je sais combien je m'expose aux sarcasmes, à la calomnie, voire à l'incompréhension en osant avancer ce genre d'argument. Mais c'est ainsi. La "révolution numérique" même si nous sommes tous d'accords sur le terme même de cette révolution, est déjà en marche, et tel que le cite fort à propos le Transhumain, déjà quelques revues scientifiques et techniques de pointe sont passées à une diffusion exclusivement numérique.
    Il faudra toutefois mettre un terme aux réticences des éditeurs, des lecteurs ; attendre une plus grande flexibilité de la technique, quelques avancées majeures, une transformation des mentalités (déjà en cours : la désacralisation du livre dont je parlais déjà une étape ; le téléchargement sur Internet, les pockets pc, les jeux vidéos, les journaux en ligne, les programmes informatiques, les logiciels, etc. en seront d'autres).
    Certes la question de la tradition et de l'aspect social telle que vous la soulevez est loin d'être inepte. Il y aura encore beaucoup de réticences à franchir, tel que ce fut le cas entre le passage du rouleau au codex, du manuscrit à l'imprimerie. Mais n'oubliez pas que les coûts, les problèmes de rapidité, et d'appuis techniques de plus en plus efficaces auront raison à terme du papier et des réticences culturelles et sociales.
    Toutes ces questions et bien d'autres furent abordées en 2001 durant la conférence en ligne de text-e.org. Mais les "pro-e-book", si je puis dire, étaient bien trop en avance sur leur temps pour être compris.
    Il faut se dégager de la familiarité, des habitudes, des schémas classiques pour saisir les avancées technologiques et culturelles qui seront liées au livre et à l'écrit demain.

    La question donc de la publication papier que nous affectionnons tous, nous auteurs, aujourd'hui, n'est donc qu'un faux problème auquel Transhumain vous a répondu clairement. J'adhère à ses arguments.

  • Il me semble évident que la question du support d'édition est largement d'ordre économique.
    L'édition en ligne deviendra la norme quand il sera possible de vendre un contenu numérique. C'est aujourd'hui techniquement possible, mais pas dans les habitudes du consommateur. Pour beaucoup l'Internet équivaut à la gratuité du contenu : pour trivial que soit ce soucis, il n'est pas anecdotique.

  • Cher Montalte,

    Il me semble que votre note eût mérité des commentaires plus directs et plus centrés, à la substance de votre thèse.

    Trois fois hélas, je suis bien incapable, moi, de me diriger vers une telle ambition.

    Je dirais seulement – dans l'espoir qu'un autre, plus grand que moi, viendra après moi – que je ne crois pas à votre dialectique ou à votre déchirement:
    1. Les gens sont plus malheureux, plus beaux et plus intelligents que vous ne le pensez.
    2. La «littérature» est plus heureuse que vous ne le dites.

    Il faudrait des arguments, un corps et un soutien.
    Une tenue de la contradiction.

    Votre question est belle et capitale, elle mériterait une réponse.

    Je ne suis qu'un très faible doigt qui se lève, dans le sable.

    Mais vous devinez l'eau claire, à côté?
    Et le feu qui s'annonce?

    (De peur de vous paraître obscur une fois de plus, vous aurez deviné la parodie du Baptiste, n'est-ce pas?)

  • Cher Gaspar, votre délicatesse ne trouve pas sa place dans ce monde de brutes... Encore que si.
    La réponse "digne" à ma question anté-littéraire, c'est Se7th qui l'a faite et que j'ai adoré.
    Pour autant, le débat entre Marc, Le Transhumain et Papy ne laisse pas d'être intéressant - même si, séduit par l'optimisme blogoien de Marc A. et plutôt perplexe quant au pessimisme du Transhumain, je dois bien avouer que c'est de Papy (c'est l'ami qui a toujours raison, ils devraient se méfier) dont je me sens le plus proche. Je ne crois pas du tout à la fin du livre en tant que livre ne serait-ce que pour des raisons de commodité. Je crois que nos cybersavants oublient celle-ci comme moteur fondamental du progrès. Or, le texte numérique n'est pas commode - à moins bien sûr que l'on nous donne la possibilité un jour d'un branchement neuronal qui nous ferait lire un texte à l'intérieur de nous et en cinq secondes... Mais je n'y crois pas non plus. En fait, je ne crois pas à la SF, c'est ça mon problème. En revanche, je crois aux contes de fée. Dingue non ?

  • En fait, je crois que tout le monde est un peu comme toi, plus grand monde ne croit à la SF aujourd'hui. Ce à quoi notre époque croit, c'est le le fantastique, le merveilleux, le conte, bref, le rêve, l'irrationnel. Et les succès d'Harry Potter, du Seigneur des Anneaux sont l'émanation de cette société qui ne croit plus à la science ni au progrès technique. Mais cela, j'essayerai d'y revenir. Pour l'heure, il y a un foie gras à préparer.

  • Le papier ne disparaîtra pas à cause d'une pseudo révolution numérique (tes visions alpozziennes sont viciées car tu ne peux dissocier la technique de son utilisation) mais pour une raison profanement humaine : la disparition progressive des lecteurs. Et là, que tu le veuilles ou non, pas besoin de prédictions, la réalité est implacable. Un métier d'avenir : déchiffreur de livres (quand il faudra traduire en langage paupérisé avancé la littérature - déjà bien pauvre - du début du vingt-et-unième siècle).

  • Eugène 77 Amberson : Cesse de te poser des questions. Tu veux des gosses ? Tu fais des gosses ! Si tu te sens prêt à assumer concrétement (beaucoup de temps et d'énergie) la paternité pourquoi t'en priver ? La liberté c'est d'abord un état d'esprit, une capacité à vivre pleinement ton désir (avec les limites que tu peux te fixer). Les livres ne sont pas des reliques sacrées, il faut les piétiner pour leurs faire rendre le jus nerveux qu'ils contiennent bien trop rarement.

  • Il y a seulement dans la belle réponse de Se7th (en effet), un point qui me chagrine. Pas personnellement (j'ai d'autres chagrins!), mais parce qu'il me rappelle le chagrin d'un ami:
    C'est la présence du «génie».
    Les «génies» deviennent des vampires.
    Sans doute les vrais «génies» n'en sont-ils pas, des vampires:
    Faisons-leur l'amitié de les appeler des hommes, des femmes, des écrivains, des présences, des voix, des volumes, des devenirs?

    Mais surtout, n'allez pas imaginer que par là je «démocratise» la présence dans les lettres... Vous auriez tort. Mais peut-être moi aussi?

    Cordialement,

  • Papy, j'aimerais bien que vous précisiez pourquoi plus grand monde ne croit à la SF. Est-ce parce qu'à l'instar de la science elle désenchante le monde, ou parce qu'elle s'est toujours trompé ? Vous écrivez : "Ce à quoi notre époque croit, c'est le le fantastique, le merveilleux, le conte, bref, le rêve, l'irrationnel." Savez-vous pourquoi ? Parce que à l'instar de la boutade de Montalte, nous aimons tous les contes de fées. Mais la science l'emporte toujours. C'est triste, mais c'est comme ça. Le monde d'aujourd'hui est déjà pris d'en l'étau de trois réalités incontournables : l'économie, la technologie, et la science. Croyez-vous vraiment au conte de fée lorsque vous observez le monde comme il tourne ?

    N.O. : la question de la disparition des lecteurs est une possibilité en effet. Mais cette allégation est-elle seulement sous-tendue par quelque chose de concret. Détiens-tu des statistiques ? Des preuves irréfutables de cette disparition totale que tu annonces avec arrogance ? En revanche, je peux te dire qu'il y a de plus en plus de gens qui ont accès aujourd'hui au livre et qui en achète, et qu'il ne faut pas s'en tenir aux chiffres seulement français, des adolescents comme toi, qui ne lisent plus. D'abord, les pré-ados lisent énormément, et ce n'est pas pour demain, la disparition, comme tu le pressents, du livre. Peut-être même que le livre, celui dont tu parles, celui qui demandera des "déchiffreurs" car les textes seront devenus complètement indigents, en effet disparaîtra à terme, selon les mots mêmes de Transhumain, qui me semblent quand même plus rigoureux et plus pénétrants que tes quelques réflexions, car le livre se sera confondu avec les autres médiums.
    En attendant, le seul "langage paupérisé avancé (de) la littérature - déjà bien pauvre - du début du vingt-et-unième siècle" c'est le tiens, sur ton blog et dans tes commentaires. Tes arguments manquent de force, désolé.

  • En tout cas ce qui est sûr c'est que ce n'est pas demain la veille que les infatués de leur sottise comme Pozzo di Gonzo vont disparaître !

  • Rapidement :

    Les gens lisent beaucoup en vérité, ils ne font plus que ça, lire, lire, lire encore. De plus en plus de magazines, et de sites Internet, et, sans doute, de moins en moins de livres (je vous renvoie aux différentes études des "Pratiques culturelles des français" et aux travaux, entre autres, de Christophe Evans, sociologue à la BPI). L'évolution que Marc et moi annonçons (en quoi serais-je plus pessimiste que Marc Alpozzo, Montalte ?...) est déjà sensible. Quant aux adolescents qui, selon certains, "ne lisent plus", laissez-les donc en paix : moi-même, adolescent, j'avais autre chose à faire que dévorer les classiques...

    Sur la SF, vous feriez bien rire les abonnés (souvent très cultivés, souvent scientifiques eux-mêmes) des listes de discussion... Il n'y a pas à "croire" à la SF : celle-ci est un genre littéraire, ou une attitude, selon les définitions qu'en donnent les auteurs (quoique celle que je préfère soit celle-ci, donnée par l'auteur de Jack Barron et l'éternité, Norman Spinrad : un livre de SF, c'est un livre où l'éditeur a écrit SF sur la couverture, point barre), à laquelle ceux qui n'en lisent jamais attribuent des fonctions totalement délirantes. Il se trouve seulement que la SF, à qui sait chercher - et j'inclus dans la SF les oeuvres d'Huxley, Wells, Orwell, etc., et pourquoi pas La Fosse de Babel d'Abellio, au même titre que celles de Dick, Ballard, Simmons, Silverberg, etc. -, donne des pistes non négligeables sur l'évolution de la société. Elle donne un regard nouveau sur notre réel, ce que seuls les ignorants de l'histoire du genre contesteront.
    La SF philosophe à coups de marteau, et de ses spéculations, parfois fantaisistes, émerge souvent le visage que prendra effectivement l'avenir. La SF n'est pas responsable du désenchantement du monde. En revanche le défi pour la SF de demain est de le réenchanter, car, pour corroborer le commentaire de Marc, je crois que nous vivons dans un monde de science-fiction, c'est-à-dire où l'économie, la technologie, la science, se sont alliées contre l'homme, contre le monde. Montalte, toi qui admires tant, à juste titre, Houellebecq, pourquoi ne t'intéresses-tu pas à ce sans quoi son oeuvre n'existerait pas ? Sans Lovecraft (qui écrivait de la SF, pas du fantastique comme le veut la croyance populaire), sans Dick, sans Silverberg, pas de Houellebecq. C'est amusant : depuis Werber, Houellebecq, Dantec ou l'inénarrable Ruffin avec son pitoyable Globalia, les gens normaux découvrent la science-fiction (tout en niant que ces thèmes ont tous déjà été abordés, souvent mieux, dans le passé)...

  • En tout cas ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas demain la veille que les trolls décérébrés vont se démasquer et dire quelque chose d'intelligent. Pour reprendre la formule de l'excellent Stalker à propos du crétin anonyme qui vient d'éructer : "sur la Toile, l'anonymat est bien souvent l'épithète de nature du crétinisme." Que dire de plus ?

  • Transhumain : en effet, je n'ai pas l'impression que tu es plus pessimiste que moi. Nous allons tous deux dans le même sens. Le vrai souci aujourd'hui, que ce soit avec l'écrit (tu fais bien de distinguer l'écrit et le livre ) comme avec la SF, c'est que les gens l'abordent sans se poser les bons problèmes. Qui plus est, la SF comme l'informatique, rebutent. Mais là encore, personne ne saurait bien dire pourquoi. La SF, comme tu le dis, ne nous parle déjà plus de "demain", mais de notre monde actuel. Quant au "réenchantement" du monde, finalement, tu offres à Montalte, une réponse qu'attendait Gaspar, à la question que pose son excellent papier sur l'anté-littérature. La question de la fonction de la littérature étant encore une question bien compliquée.

  • De qui est-ce ?

    " Il est vrai qu’il est difficile dans une époque comme la nôtre, dans un monde où le règne absolu de la communication unilatérale n’est plus apte à se saisir de concepts, hormis peut-être de concepts qui ne sont guère plus que des outils "marketing", de se saisir de l’activité philosophique qui ne doit [pas] être confondue avec la contemplation, la réflexion ou encore la communication. Cette idée devra être mûrement réfléchie par le lecteur avant même que ce dernier s’engage sur les chemins aujourd’hui bien escarpés de la réflexion philosophique.
    « La philosophie ne contemple pas, ne réfléchit pas, ne communique pas, bien qu’elle ait à créer des concepts pour ces actions ou passions. »

  • Non Alpozzo (l'arrogance n'est pas tant ans l'expression que dans les mots employés, s'auto-qualifier de visionnaire par exemple), la littérature n'intéresse plus personne, c'est un fait que même un adolescent comme toi devrait pouvoir envisager. Si tu as besoin de chiffres pour saisir son déclin, je ne peux pas te les fournir. Je vis, je vois, je dis.

  • Je dirais plutôt que la littérature ne possède plus le statut social qui était le sien jusque mettons dans les années 50 du XXème siècle.
    On ne reverra plus la panthéonisation de Voltaire, les funérailles de Victor Hugo ou même les 50000 personnes qui ont accompagné Sartre au cimetière.

    Aujourd'hui un académicien n'est plus même un monsieur que les gendarmes saluent bien bas ... un académicien face à Vanessa Paradis c'est rien ou presque, un vieux monsieur qui lui demande un autographe.

    Bon ! ceci dit en France on avait poussé très loin le culte des lettres, à part dans la Chine ancienne je ne vois pas où l'on avait fait mieux.

    Enfin il nous reste les écrivains publics avec leur petite tablette au coin des rues qui font le courrier du coeur et les lettres de réclamation officielles, les Juldé, les Asensio, les Assouline, les Cormary, les Newbie, les Al dit Pozzo ...

    Le blogueur a remplacé le troubadour défunt et le conteur arabe des mille et une nuits ... bonne chance à lui !

  • Psittacisme : se dit de gens qui répètent trois fois la même chose.

  • Chez Assouline on s'inquiète de la traçabilité de l'écrivain français, belle bête à lettres au bon goût canin, bien nourrie et bien soignée de a à z.

    On songe à rebaptiser le Ministère de la Culture en "Ministère-Amer" et ses employés aux Beaux-Arts en "Racaille-Arts" ... tout un programme, y-aura-t-il assez de sous, déjà une grève des Intermittents-Blogueurs pourrait, dit-on de source bien informée, bloquer ce projet révolutionnaire ...

    Les lecteurs des maisons d'édition seront-ils rémunérés au forfait ou au peer-to-peer : un livre reçu, un livre lu ? Graves énigmes à débattre à la rentrée qui va être chaude.

    On annonce aussi le prochain roman d'Half : "Quelque éternité sans importance ". Le bon Joseph voudra-t-il enfin comprendre notre génie de la Mayenne absoluty fabulous ?

  • " Les journalistes seront les philosophes du 20ème siècle " Fr Nietzsche - Les attachés de presse - j'en sais lourdement quelque chose - sont d'ores et déjà ceux du 21ème.
    Il est vrai que selon l'Education Nationale, le poète est un concepteur-rédacteur comme un autre - un peu comme le pubeux Beigbeider est le poète du moment (un moment rare en poésie...).
    L'Etat culturel - car enfin, c'est sur fond de cette chiasseuse latrine que se détrame primordialement la calligraphie mystique des Belles-Lettres, et que s'est nouée votre soucieuse polémique - n'est que l'alibi, à grands lâchers de gaz musicaux, de la démission de l'Etat Educatif. Il me semble, un Etat qui demande aux "Lycéens" (humainement, késako, un "lycéen" ?) ce qu'ils veulent apprendre (en République de France tout particulièrement : ô satanique projet contre-révolutionnaire - la révolution, par la philosophie, étant théoriquement l'eucharistie même des générations et le pain quotidien des âmes, rappelons-le...), un tel Etat dis-je est sans contredit possible un Etat qui renonce à gouverner des citoyens rationnels pour flatter des egos consuméristes ; qui renonce aux âpretés temporelles voies et voix de l'Eternel, à la faveur des ivresses nomades de l'espace - comme lieu géométrique de ce quadrillage sociétal, seule utopie du monde global, et dont le communautarisme naissant dans la France d'en-bas (sur le modèle de cette microéconomie si chère à nos "zélites") me paraît le plus effroyable indice.
    La littérature ? J'y viens. Ce n'est pas vrai de dire que les gens ne lisent plus, comme il est excessif de croire qu'ils ne lisent plus que des magazines (un mag n'est pas fait pour être lu, juste feuilleté : ça aussi, j'en sais lourdement quelque chose, éphémère journaleux des années 2000, par ex-nietzschéisme conséquent, donc inentamable dédain des intermédiaires, devenu attaché de presse...)
    Les gens lisent, et sans doute plus que jamais depuis que l'illetrisme est de nouveau à l'ordre du jour : car ils lisent ce qu'ils sont, point barre. Un pédé lit homo, un arabe lit musulman, un consultant lit consulting, un corse lit corse (et même basque, par affinité sélective), je suis même à peu près certain qu'un militant du lobby des couche-tôt lit tard le soir de savants traités sur le décompte des moutons, et tout est comme ça, confiné dans sa lettre qui tue, sur le cadavre de l'universel esprit.
    Le problème du Livre, ce n'est pas le Web, à peine le commerce - qui certes n'ennoblit personne, mais intéresse tout le monde, jusqu'aux auteurs. Le problème, c'est l'Ecole - Vierge Marie mise au tapin sociétal.
    Sur ce, chute abrupte, j'y reviendrai, il est vingt heures : l'heure du vin, des mots et des belles, et on m'attend...

  • Oui, le «réenchantement» me semble un mot des lueurs.
    Me chagrine seulement le préfixe, mais tous les mots à peu près me chagrinent et celui-ci moins que d'autres, pourvu qu'il ne dise pas une «fabrication» volontariste ou subjective, une folklorisation postmoderne (au sens journalistique), mais une vraie plongée réelle fabulatrice dans les entrailles du corps et de la parole.

    Pour ne pas me perdre dans les mots mal entendus des autres (ils sont sans doute meilleurs, mais mon oreille est faible), j'ai essayé maladroitement de dire notre (in)actualité en termes de «post-féerie»: il est temps de trouver dans nos vertèbres et nos réseaux, nos ordinateurs et nos déserts, des «fées» (in)actuelles, des filles de Dionysos, des sœurs de nos rêves et de nos agencements, des paroles qui soulèvent les deux malheurs: ceux de la vie et ceux de la «littérature».

    La vie et la «littérature» que j'aime y «travaillent» forcénement.
    (il y a des gravats et des monstres, on n'est pas là pour rigoler.)

    Oui, par le Transhumain, j'ai déjà une lueur de réponse.

    Je n'arrive plus à oublier, depuis quelques semaines, cette ritournelle:
    «Il y a tant d'aurores qui n'ont pas encore lui.»

    Il y a des aurores dans la «SF», au cinéma, au théâtre, dans les livres: partout et nulle part (une aurore: pour tous et pour personne...).
    J'ai même vu, pardonnez-moi, quelques éclats sombres ou brûlants, doux ou éblouis, dans vos «blogs», mesdames et messieurs.

    Suis-je complaisant? Ne vois-je ce que j'espère voir?
    À vous de me le dire. Mais c'est bien ce que vous cherchez, n'est-ce pas?
    Ou du moins: à montrer les éclats et les fulgurances qui nous arrivent, les livres et les films, les œuvres, les mots qui soulèvent nos néants?
    (combien de films et de livres ai-je découvert grâce à ces signes et ces transports, grâce à vous?)

    Cordialement, dans mon tunnel personnel, très noir en ce moment,

  • Réenchantement du monde :

    http://iaboc.hautetfort.com/archive/2005/12/21/narnia-ou-les-chroniques-d-une-theologie-anonyme.html

  • la litterature est aussi le temoignage d'existance des nations, leurs drapeau, leurs tatuage... la litterature n'est pas né avec nos enfants chaque fois à nouveau... elle est né avec des genies s'identifier et lesser des traces... existe des nations qui luttaient dans le fil d'histoire pour la sauver... sauver son identité... (appreciante beaucopup des impertinantes opinions ; je trouve discussion dérivée vers SF un peu anegdoditique).

  • Merci, cher Montalte, de poser le problème du bonheur…
    En lisant ce débat passionnant mais amusant… me revient l'histoire édifiante des dernières paroles de Paul Valéry.
    Autour du Maaaaître vénéré agonisant, les disciples se pressaient , émus,… attendant une révélation sublime, un aphorisme génial, une dernière phrase lapidaire du Poète national à inscrire au fronton du Trocadéro :
    alors, il les regarde, ironique ( ou réellement nostalgique ?…) et leur dit ces derniers mots :
    "Mes pauvres amis ! Tout ça n'vaut pas une paire de fesse ! "
    Merci, cher Montalte, d'avoir fait l'éloge impertinente du REEL,…
    face à l'idolatrie de l'art et de la littérature…
    cette religion de remplacement, inventée ( comme il se doit ) à la Renaissance
    et autostatufiée ( bien sur ) au XIXe siècle.

    Comme le dit si bien Arthur, en décidant de ne plus écrire…
    "Moi qui me suis dit mage ou ange, … je me retrouve avec la REALITE rugueuse à étreindre… PAYSAN !"

    Merci, cher Montalte. Et merci à ses commentateurs et contradicteurs qui font de ce blog un haut lieu de la pensée française. A bientôt.
    Comme le dit St John Perse… un autre prétentieux hermétique ( mais si élégant !…)

    "Je recueillerai le fruit de ta sagesse ! Et nous deviserons des choses de l'Esprit,
    choses étranges et PEU SURES ! Et nous nous réjouirons des convoitises de l'ESPRIT ! "

  • LES NOUVEAUX COMMENTAIRES, S'IL EN VIENT, COMMENCENT ICI.

  • Mais n'est-ce pas un peu la même chose que dit Truffaut: "qui aime le cinéma n'aime pas la vie"?

  • Oui je reconnais bien là ton donquichottisme à défendre malgré tout les moulins à paroles de la littérature ... pour Rudolf Noureev dont on retraçait la vie hier soir, la vraie vie c'était la danse, il était seul au milieu du corps du ballet, c'est pourquoi il fut le plus grand ! Les autres avaient des amours, lui n'avait que des baises, c'est à dire des branlages à deux.
    Il disait : "c'est douloureux d'avoir envie de danser".

    Les grands obsédés sont les seuls profonds, les autres se dispersent, ils sèment leur semence à tous les vents. Il faut se concentrer et ne pas foutre partout comme disait Flaubert, car aller baiser les filles c'est perdre encore la substance des livres.

    Noureev est enterré au cimetière russe de Sainte-Geneviève des Bois aux côtés de Serge Lifar, sur son exil il disait "je suis né à l'Ouest" ! Comme le vent ...

  • Bonjour Montalte,

    Je me souviens en effet avoir lu ce délicieux billet...
    J'ai parfois du mal à comprendre certains de tes penchants (Nothomb, Reyes...), quand même : n'as-tu jamais songé à faire un volume de tes meilleurs papiers ? Non ? C'est vraiment dommage.
    D'ailleurs, je suis sûr que le Stalker, jamais en retard d'un recyclage en tête de gondole de ses propres pensums arachnéens et autres chefs-d'œuvre "glostiques", pourrait te tuyauter au Rocher par exemple.
    Cordialement, et au plaisir de te lire encore une année.

  • "A trente-six, je suis toujours chez mes parents, puceau, et je me branle tous les soirs. Un enfant qui lit beaucoup est un enfant qui se masturbe beaucoup .."

    Comme moi !! Sauf que moi, je ne lis pratiquement rien.

  • Voilà un propos fort intéressant, d'une hypocrisie totale bien entendu...on reste dans la logique du "faites ce que je dis pas ce que je fais"...Après tout Hitler était petit et brun...seul contre le reste du monde qu'il aimerait être le pépère n'est-ce pas ?! C'est le comble du snobisme que de se renier de la sorte mais c'est intellectuellement ou plutôt psychiatriquement intéressant. Est-ce bien d'être dans le peau d'un pervers narcissique ?
    Et puis puisqu'il faut bien un avocat du diable, je dirais qu'il est utile à la société d'avoir un petit garçon obèse qui lit tout seul dans son coin, on va le frapper et après on va mieux, c'est un défouloir universel qui canalise les pulsions et c'est très bien comme ça...Sans le rat, le lion ne serait pas vraiment un lion !

    Borderline

  • De même qu'un peu de philosophie conduit à l'athéisme et que beaucoup ramène à dieu, on peut dire des lectures que les mauvaises rendent mélancoliques tandis que les bonnes font la joie des hommes d'action.
    Votre vision est une charge pas très éloignée du cliché. On peut tout à fait perdre son temps en mauvaises lectures comme en mauvaises fréquentations. Salomon décréta jadis que trop de lecture est un remède à la chair; l'inverse est aussi vrai.
    Puceau à 36 ans, j'y crois pas une seconde, mais si vous attendez la femme qui respectera vos lectures, choisissez-là stérile et muette, et si en plus elle est belle et intelligente ça aura valu le coup d'attendre un peu, non?

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