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CYMBELINE - Les merveilleux instincts ou L'amour défanatisé

A Mawitournelle

 

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Richard Johnson (Cymbeline), direction Elijah Moshinsky, BBC 1983

 

Tout va mal en ce premier siècle chrétien. Au royaume de Bretagne où règne Cymbeline, roi chagrin et saturnien, « on ne rencontre personne qui ne fronce les sourcils ». Dans cette pièce-monde, et qui comme Périclès, tient plus du roman que du théâtre, les soucis sont conjugaux, filiaux, politiques, géostratégiques – et l’enjeu moins psychologique que métaphysique. Au sommet de son art, Shakespeare préfère privilégier le cosmos plutôt que la psyché – et par l’archaïsme relationnel nous raconter le désordre, puis la miséricorde, du monde. Passer par le mythe pour arriver au salut. Pulvériser les vraisemblances au nom de la vérité. Substituer à la tragédie l'eschatologie. S’il y a une pièce qui fait la synthèse entre paganisme et christianisme, c’est bien celle-ci.

 

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Contre la volonté de son père, le roi, et de sa belle-mère qui voulaient lui faire épouser Cloten, l'atroce rejeton que cette dernière a eu d’un premier lit, Imogène a épousé Posthumus dont chacun s'accorde à dire qu'il est la perfection même, mais qui vient d’être banni. Sorte de Cordelia après la lettre, et sans doute la plus héroïque des héroïnes de Shakespeare, Imogène résiste autant à l’hypocrisie de la reine qui s’est jurée de faire de son fils l’unique héritier du trône qu’à la colère paternelle, voire à son désir inavouable – car enfin quel était le dessein de ce père de faire épouser à sa fille son beau-fils, sinon construire une sorte d’inceste symbolique sous couvert de forteresse familiale ? De Lear à Cymbeline, en passant par Périclès, l’inceste traîne dans le théâtre de Shakespeare.

 

CYMBELINE

 

O créature déloyale,

Toi qui devrais me rendre ma jeunesse, tu amasses

Sur moi une brassée d’années !

 

IMOGENE

 

Je vous en prie, Sire,

Ne vous faites point mal avec votre chagrin,

Je suis insensible à votre courroux ; une peine plus profonde

Supprime toutes douleurs, toutes craintes.

 

CYMBELINE

 

Et toute grâce aussi ? Toute obéissance ?

 

IMOGENE

 

Tout espoir, et puisque je suis désespérée, toute grâce.

 

CYMBELINE

 

Tu aurais pu épouser le fils unique de ma reine !

 

IMOGENE

 

Bénie je suis de ne pas l’avoir fait ! J’ai choisi l’aigle,

Et évité la buse.

 

(I-2)

 

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Cloten (Paul Jesson) exposant son fait, Cornelius (Hugh Thomas) constatant la méchante imbécilité du prince, et sa bêtise crasse.

 

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Mais le pire est venir. Dans ce monde de désordre et de corruption, même les purs sont les jouets des impurs. A Rome où il s’est réfugié, Posthumus rencontre le pervers Iachimo, mélange de Iago et de Don Alfonso (le cynique de Cosi Fan Tutte), qui lui fait le pari de coucher avec sa femme que celui-ci a présenté comme la plus vertueuse et la plus fidèle de l’humanité - et selon cette trame typique de de la Renaissance qui nous aura donné, entre autres, le célèbre récit dans le récit du Curieux malavisé dans Don Quichotte.

 

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Iachimo (Robert Lyndsay) face à Posthumus (Michael Pennington)

 

Arrivé en Bretagne, Iachimo n’a pas de mal à se faire introduire à Imogène mais échoue dans ses premières avances. Il s’arrange alors pour faire entrer dans sa chambre une malle dans laquelle il sera caché et dont il pourra sortir une fois que celle-ci sera endormie. Et en effet, lors d’une extraordinaire scène de voyeurisme, Iachimo peut observer tout son saoul la beauté de la jeune femme, remarquer le grain de beauté « à cinq tâches » qu’elle a sous son sein, lui voler son bracelet et même faire un plan de la chambre – autant de détails qui attesteront de son forfait et prouveront à Posthumus que son Imogène était une traînée.

 

IACHIMO

 (…)


Comme tu pares magnifiquement ta couche ! Tendre lys !

Plus blanc que les draps ! Je voudrais te toucher !

Rien qu’un baiser, un seul baiser ! Ces rubis incomparables,

Comme ils s’embrassent amoureusement ; c’est son souffle

Qui parfume la chambre ainsi ; la flamme du flambeau

S’incline vers elle, et voudrait regarder sous ses paupières,

Pour voir ces lumières encloses, ombragées maintenant

Par ces volets d’un blanc azuré que veine

Un bleu de la teinte même du ciel. Mais mon projet.

Prendre note de la chambre : je veux tout noter ;

Tel et tel tableau ; là, la fenêtre,

La décoration de son lit ; les tapisseries, les personnages,

Tel et tel ; et le sujet de l’histoire.

(…)

………………..Je loge dans la peur ;

Malgré cet ange céleste, l’enfer est dans mon cœur.

 

(II-2)

 

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Convaincu presque trop vite par les mensonges d’Iachimo, Posthumus ordonne à son écuyer, Pisanio de retourner en Bretagne et d’assassiner Imogène – ce que celui-ci se refuse lorsqu’il se retrouve avec elle. Au contraire, ayant préparé la fuite de celle-ci, il lui fournit des habits d’hommes, ainsi qu’un breuvage qu’il tient de la reine et qui, croit-il, est censée redonner des forces alors qu'il s'agit un poison !

« Virilisée » en un instant, et comme seules savent le faire les héroïnes shakespeariennes,

 

« Allons, sois bref.

Je vois ton dessein et suis déjà presque

Un homme »

 

(III-4),

 

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Imogène (Helen Mirren, fabuleuse comme toujours).

 

Imogène s’enfuit dans les bois et trouve refuge dans une cabane de montagnards, là où vivent le vieux Morgan et ses deux fils Polydor et Cadwal et qui adoptent immédiatement ce jeune page prénommé Fidèle. Bien sûr, on pense à Blanche-Neige, aux sept nains, à la méchante reine empoisonneuse. Mais la vérité est que ce Morgan s’appelle Bélarius, est un ancien sujet de Cymbeline, et qui fut banni par ce dernier pour de mauvaises raisons. Pour se venger de lui, il lui enleva ses deux fils, Guidérius et Arviragus, alors en bas âge, et les éleva comme ses propres fils. Mais le sang ne saurait mentir : en ses garçons, le père adoptif retrouve l’instinct royal de ces derniers :

 

« Comme il est difficile d’étouffer les étincelles de la Nature !

Ces garçons ne savent pas plus qu’ils sont les fils du roi,

Que Cymbeline ne rêve qu’ils sont en vie.

Ils se croient mes enfants, et bien qu’élevés humblement,

Dans cette caverne où ils se courbent, leurs pensées touchent

Le toit des palais, et la Nature leur inspire

Dans les choses simples et banales je ne sais quoi de princier

Qui surclasse le comportement des autres. Ce Polydore,

Héritier de Cymbeline et de la Bretagne, que

Le roi son père appelait Guidérius… Par Jupiter !

Quand assis sur mon tabouret à trois pieds, je raconte

Les exploits guerriers que j’ai accomplis, sa fougue prend son vol

Et rejoint mon histoire. Si je dis : “Ainsi tomba mon ennemi,

Et ainsi je mis mon pied sur sa nuque“, aussitôt

Son sang de prince afflue à ses joues, il est en sueur,

Raidit ses jeunes nerfs, et prend la pose

Qui mime mes paroles. Son jeune frère, Cadwal,

Jadis Arvigarus, par des gestes semblables

Prête vie à mes récits, tout en montrant davantage

Ce qu’il ressent. Ah ! le gibier est levé ! » [« Ark ! the game is rous’d »]

 

(III-3)

 

Gibier, filiation, transmission, nature, instinct ! A l’acte suivant, Bélarius entérine son credo :

 

« O toi déesse,

Nature divine, comme tu arbores ton blason

Dans ces deux jeunes princes ! ils sont aussi doux

Que les zéphyrs soufflant sur la violette,

Sans même agiter sa corolle parfumée, et pourtant aussi violents

(Si leur sang royal s’échauffe) que l’ouragan le plus furieux

Qui saisit par la cime le pin des montagnes

Et le fait s’incliner jusqu’au vallon. C’est merveilleux,

UN INSTINCT INVISIBLE LES FACONNE

A une grandeur non apprise, un honneur non inculqué,

Une courtoisie qu’ils n’ont point vue chez d’autres, une bravoure

Qui grandit en eux comme une pousse sauvage, mais produit une récolte

Comme si elle avait été semée. »

 

(IV-2)

 

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Mais alors ! Si Guidérius et Arvigarus sont les enfants de Cymbeline, Imogène est leur sœur –  et c’est bien fraternellement que ces trois-là, même sans se reconnaitre tels,  se tombent dans les bras. 

Las, le destin entend encore compliquer les choses : tandis que le vilain Cloten parti à la recherche d’Imogène dans l’intention de la violer, et habillé dans les vêtements de Posthumus que lui a fourni Pisanio, tombe sur Guidérius et se fait tranquillement couper la tête par celui-ci, Imogène, épuisée, boit le breuvage que lui a confié son écuyer. La retrouvant morte, père et fils  vont la déposer dans un caveau « chrétien », là où repose déjà le corps décapité de Cloten, car « les humbles et les puissants, pourrissant ensemble, font la même poussière », et « Le corps de Thersite vaut celui d’Ajax » (IV-2).

Bien entendu, Imogène n’était pas morte – le poison ingurgité n’étant qu’un somnifère puissant que le médecin Cornélius, tel un nouveau « Frère Laurent » de Roméo et Juliette, avait fourni à la reine en lui faisant croire qu'il était mortel. Dans un monde désordonné et criminel, il est permis de tromper au nom d’une fidélité plus grande, de mentir pour sauver, de trahir... le mal.

 

« Elle sera dupée

Par un effet trompeur ; et moi, de la tromper ainsi,

Je n’en suis que plus loyal »,

prévenait Cornélius (I-6),

avant que Pisanio ne se range, à propos de Cloten, au même credo (IV – 4) :

« Ma tromperie est probité ; je suis loyal de ne pas l’être »

 

Certes, tout cela n’est guère kantien. Mais comment être kantien dans le monde shakespearien - qui est le vrai monde, complexe, dangereux, retord  ? Comment survivre avec Kant ? Quel fou a jamais renoncé à la métis pour l'impératif catégorique ?

 

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Le réveil d’Imogène n’en est pas moins rude puisque celle-ci croit reconnaître Posthumus dans le cadavre sans tête de Cloten – une des scènes sans doutes les plus cruelles que Shakespeare n'ait jamais écrites. Mais l'une aussi des plus héroïques. Hurlant sa peine, Imogène ne se suicide pas pour autant comme Juliette l’avait fait sur le corps de Roméo dans la même situation – et c’est là la différence insigne entre les deux pièces, comme le fait remarquer Daniel Sibony dans son Avec Shakespeare.

Dans Cymbeline, l’amour doit passer par l’épreuve et non y succomber.  L’amour doit assumer la perte de l’autre qui, à cette condition, lui sera rendu. L'amour est essentiellement résurrection de l'autre – et c'est ce  que vont faire Imogène et Posthumus, ressusciter, au contraire des amants de Vérone, bien trop pressés dans leur amour à mort, et qu’un contretemps aura suffi à faire périr. Plus que tout autre chose, l’amour est une question de patience et la patience une question de fidélité pré-érotique s’il en est.

A sa manière, Posthumus était pressé d’être convaincu par les infamies de Iachimo comme si cela l’arrangeait, au fond, de ne plus croire en Imogène –  et d’être libre ! Une liberté d’homme, qui a bien plus à voir avec la mort qu’avec la vie. Voyez sa conversation avec son geôlier (V-4), son désir de mort, sa joie de néant. Grâce à Dieu (à Jupiter !), il sera pardonné par Cymbeline comme lui-même pardonnera à Iachimo – et comme déjà Vincentio pardonnait à Lucio en le mariant de force à sa promise, dans Mesure pour mesure.

 

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Pardonner et laisser vivre, telles se terminent les dernières pièces de Shakespeare – chrétiennes ou pas.  Comme le dit encore Sibony, l'enjeu est de défanatiser l’amour. Posthumus et Iachimo étaient des fanatiques (l’un de la vertu, l’autre, du vice) et c'est pour cela qu'ils s'entendaient si bien. De même pour Othello et Iago, fanatiques de la vérité et DONC du mensonge - et de la mort qui s'ensuit. Quant à Roméo et Juliette, Antoine et Cléopâtre, n’en parlons même pas ! Ce qu’ils aimaient dans l’amour, tous ces gens, c’était la mort. Car vivre – quel ennui !

 

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Jupiter (Michael Horden - qui fut Lear, Prospero...)

 

C’est la raison pour laquelle il faut l’intervention d’un dieu pour redonner le goût de la vie - à l'amour. Il faut refaire de l'amour une force de vie et non plus une force de mort. Peu importe qu’il s’agisse de Diane, comme dans Périclès, de Jupiter, comme ici, ou du dieu chrétien derrière les précédents, du moment que l'homme comprenne qu'il doit vivre s'il veut aimer. Pour le poète, le chrétien se mélange au païen, le tragique au comique, l'hallucination au réel, mais à la fin, tout rentre dans l'ordre, tout le monde est pardonné, tout le monde (ou presque) va au paradis. 

 

JUPITER

Je tourmente ceux que j’aime le mieux, afin que mes bienfaits,

Différés, en soient plus délicieux. Soyez rassurés,

Votre fils abaissé, notre divinité le relèvera :

Sa joie renaitra, ses épreuves sont terminées (…)

Et ses malheurs passés le rendront plus heureux. »

 

(V-4)

 

Notons que cette scène d'hallucination est bien plus faite pour être vue par le spectateur que par le personnage. C'est nous que le poète veut édifier (et comme le disait déjà Gower dans Périclès.) En vérité, Cymbeline frôle le mystère chrétien.

En route vers l'apocatastase finale.

Même s’il faut traverser l’enfer pour cela – en l’occurrence, la guerre. Celle-ci ayant en effet commencé entre Romains et Bretons, à cause du refus de Cymbeline, manipulé par la reine et son beau-fils, de payer l’impôt à César comme autrefois (on notera en passant que ce sont les méchants qui sont autonomistes !!!)

 

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La reine (Claire Bloom)

 

Contre toute-attente, ce sont les Bretons qui l’emportent – notamment grâce à la bravoure de Bélarius, Guidérius et Arviragus qui sauvent Cymbeline d’une embuscade, ainsi qu’à celle de Posthumus qui a changé deux fois de camp afin de trouver une mort plus sûre mais qui n’arrive jamais. Quant à Imogène, elle est entrée au service du général Lucius qui, lui dit-il, la traitera comme son fils. L'amour nécessite la vie, on vous dit !

Et c’est la longue scène finale de retrouvailles, de révélations, de repentirs, de pardons accordés à tous (même à Iachimo), et de triomphe total du bien qui avait tant fait ironiser ce con inimaginable de George Bernard Shaw et l'avait poussé à écrire un finale différent plus « réaliste » sans voir que celui de Shakespeare constituait la catharsis absolue : les deux méchants morts (Cloten et sa mère), et leur mal élucidé, chacun retrouve sa place, son cœur, son esprit, et son impôt puisque Cymbeline, bien que vainqueur des Romains, décide tout de même de leur verser celui-ci à nouveau, accomplissant ainsi son destin saturnien jusqu’au bout – soit passer du père dévoreur et tyrannique qu’il était au début au fondateur d’un nouvel âge d’or, où tout ne sera désormais plus qu’abondance et égalité, et où sera faite la démonstration que « jamais guerre ne s’acheva par une telle paix. »

 

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On partait de loin en effet – de l’égoïsme, de l’inceste, du viol, qui sont comme autant de mauvais instincts, et du reste n’en sont pas. Car l’instinct, tel que nous l'expose Shakespeare à la fin de sa carrière, c’est ce qui au contraire recherche la vie, et la vie ne relève pas jusqu'au bout de la volonté paternelle, encore moins du respect filial quand celui-ci devient tyrannique. C’est au contraire le devoir de la jeunesse que de savoir rompre avec la vieillesse et c’est la noblesse de la vieillesse que de le reconnaitre et même de l'encourager.

Ainsi, à l’acte IV, lorsqu’ Imogène, habillé en garçon, est recueillie par Bélarius et ses deux fils, ces derniers n’hésitent pas clamer qu’ils aiment « celui-ci » autant, sinon plus que son père - et à la grande fierté de ce dernier :

 

GUIDERIUS

 

Je l’aime, je l’ai dit,

Mon amour est aussi grand, il est d’un poids égal

A celui que j’ai pour mon père.

 

BELARIUS

 

Quoi ? Comment ? Comment ?

 

ARVIGARUS

 

Si c’est pécher de parler ainsi, monsieur, qu’un même joug

M’associe à la faute de mon cher frère. Je ne sais pas pourquoi

J’aime ce jeune homme, et je vous ai entendu dire

Que raison d’amour n’est pas raison. Un cercueil à la porte,

On me demande qui doit mourir, je répondrais :

“Mon père, pas ce jeune homme.“

 

BELARIUS, à part

 

O noble lignée !

O dignité de nature, grandeur de race !

Les couards ont pour père des couards, et vilenie engendre vilenie ;

Tout est dans la nature : farine et son, bassesse et grâce.

Je ne suis pas leur père, mais qui peut-être celui-ci,

O miracle, qu’ils aiment plus que moi ?

 

(IV-2)

 

Fuir le sang qui nous noie (celui du père incestueux), retrouver le sang qui nous manque (ceux des frères enlevés), et laver le sang qui nous aime (Posthumus) – telle sera le destin d’Imogène, rédemptrice de l’humanité et qui, tel un Christ au féminin, sera passée par une mort symbolique afin de l'accomplir.

Et si l’on est débarrassé de la mère abusive et de son indigne rejeton, la maternité en revanche s’impose comme ce qui remet les choses en ordre, y compris auprès des hommes C’est bien à une mère délivrée que se compare à la fin Cymbeline, apprenant que ses anciens fils lui sont revenus :

 

« Oh ! Que suis-je ?

Une mère donnant naissance à trois enfants ? Jamais une mère

Ne s’est réjouie davantage de sa délivrance. »

 

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Etonnante profession de foi qui jure avec celle, ultra-misogyne de Posthumus à la scène V de l’acte II quand celui-ci, croyant avoir été trompé par Imogène, maudissait en lui « cette part de femme »  que chacun homme possède et d’où, arguait-il, provient tout le mal du monde. Dans le débat éternel traitant de la différence des points de vue entre auteur et personnage, on avancera ici que celui de Shakespeare n’est certes pas celui du misogyne mais bien celui de l’homme féminin, matriciel et réconciliateur – celui non plus des instincts contre nature mais des « instincts merveilleux » (« o rare instinct ! » V-5)

 

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LE CONTE D'HIVER - "le branle-scène" de Shakespeare, le 1er octobre 2016

 

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