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La reprise I

 
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« Chaque matin, je dépouille toute l'impatience de mon âme et son effort infini ; peine perdue : à l'instant suivant, ils sont là de nouveau. Chaque matin je rase la barbe de tous mes ridicules ; peine perdue : le matin suivant la barbe est aussi longue. Je me révoque moi-même comme une banque annule un billet pour en mettre un nouveau en circulation ; l'opération ne réussit pas ! »

Kierkegaard, La reprise.

Le jeune homme attend l'orage. Il attend que quelque chose se passe en lui. Un appel. Un signe. Une métamorphose. N'importe quoi pourvu que ça change.  Qu'il se réveille un beau matin différent de ce qu'il était. Pas si différent que ça d’ailleurs mais mieux. Oui, voilà : qu’il soit mieux. Lui en mieux. Lui sans ses démons, ses misères, son éternelle acédie. Lui sans peines et sans efforts. Car que d'efforts il faut pour être ! Il a beau serrer les dents, se perdre en prière ou compter jusqu'à trente-six quatre fois par jour, il reste toujours le même - un esthète dépressif et plein de TOC qui passe sa vie à attendre que celle-ci le prenne en main alors que c’est lui qui devrait le faire. Mais il a beau se lever tôt, l'avenir ne lui appartient jamais. Autant dormir jusqu'à midi ! Ce qu'il fait d'ailleurs de plus en plus. Au moins ses journées sont plus courtes, donc moins souffreteuses. Comme tout est long, compliqué, et difficile pour lui ! L’on dit que l’on accouche dans la douleur mais même dans la douleur l'on n’est jamais sûr d’accoucher. L'on avorte en permanence. Alors, on retourne aux endroits où l’on a cru être heureux. Berlin. Nice. Copenhague. Hélas ! Cela ne marche pas non plus. Les souvenirs sont là mais c’est nous qui n’y sommes plus. La porte de Brandebourg ne s’ouvre plus. La baie des Anges est splendide mais ennuyeuse. La petite sirène a l’air de se foutre de nous. Qu’est-ce qu’on fait là d'abord à vouloir refaire tout comme avant ? Les mêmes gestes, les mêmes promenades, le même café. Ca reste beau et bon mais désenchanté. Contre tous nos espoirs, ça ne revient pas.

C’est que la reprise n’est pas plus une remémoration qu’un retour en arrière. La reprise n’a rien à voir avec la nostalgie. La reprise n’est pas un rêve éveillé - c'est-à-dire un rêve qui "marcherait". A moins que l'on s'enivre pour de bon au café. Alors là, oui, ça marche. Blanches, blondes, brunes, poires et prunes. Toute une vie dans un verre ! Toutes les vies que j’ai cru revivre  dans ces états ! Le passé devient le présent, le présent devient l’avenir, l’avenir devient le passé et tout recommence et recontinue. "Mes" trois années de khâgne. "Mon" lycée Massena. Emile Llorcca, le prof d’histoire charismatique qui nous faisait autant rire que peur - "la chronologie, Cormary, la chronologie, et non pas l'astrologie !". Monsieur Caro, le prof de français ultra doué et ultra sensible qui semblait plus malheureux que nous quand il nous mettait une mauvaise note. Et Reboul, l'affreux Reboul, le prof de géo qui faillit ne pas me faire cuber – sale jésuite, pire que moi ! Il y avait aussi madame Dauphiné, la spécialiste de Rachilde et de Gide et qui avait fait de moi une sorte de chouchou - "tout à fait, Pierre-Antoine, contrairement à vos camarades, vous avez bien vu que dans ce passage des Faux-monnayeurs, le pervers n'est pas du tout celui qu'on croit...." Elle était belle, grande, ample, rousse, et avait tout de la rassurante bourgeoise qui prend sous son aile les élèves de sa caste et exaspère les autres. Evidemment, je l'adorais.

Certains sont morts, les autres continuent de dispenser leurs cours, toujours dans les mêmes salles, toujours avec les mêmes gestes. Comme je les envie ! Moi aussi, j’aurais voulu rester toute ma vie à Masséna, jouer indéfiniment au jeu des perles de verre comme Tégularius à Castalie. Avec le cher Emmanuel Harter, mon grand camarade de ces années-là mais qui hélas ne dépassa pas la première année d’hypokhâgne (Reboul l’avait eu, lui !). Comme moi, il venait du lycée de Saint-Exupéry de Saint-Raphaël mais là-bas, nous nous snobions cordialement. Son look de Robert Smith avec sa mèche pendante sur le visage, ses airs de poète-musicien-qui-confie-tout-à-sa-gratte me le rendaient fort antipathique. Ce n’est qu’à Nice que je découvris qu’il était un garçon intelligent et sensible, fin lecteur de La Fontaine comme de Lou Reed. Et puis il quitta Nice quelque temps, le temps que je passe mes licence et maîtrise, et n’y revint qu’après que j’y sois parti. Depuis, nous ne nous sommes vus qu’une seule fois avec sa copine dans son agréable studio blanc du vieux Nice. Avec plaisir mais sans renouvellement amical. Aucun de nous n'avait réellement changé mais nous n'avions plus grand-chose à nous dire. Ces amitiés que je laisse mourir quand mes amis n’habitent pas près de chez moi. Didier qui me disait un jour que lui ferait « des kilomètres pour un copain » et que je pris plaisir à consterner en lui répondant, un peu ridicule, que pour moi, « comme pour Proust », l’amitié n’était qu’une perte de temps. Juste retour des choses - c'est moi qui pour l'amour suis une perte de temps. Pour autant, on ne peut pas dire que je ne fus pas obsédé par le beau sexe. Mais une timidité maladive mêlée à des désirs inavouables, et l'absence totale d'aventures amoureuses en ce temps-là, firent souvent croire à mon entourage que je pouvais être homosexuel. Encore aujourd'hui, je traîne cette réputation auprès de celles et ceux qui, comme ma mère, croient que lorsqu'on pèse deux tonnes et que l'on n'a pas de petite amie, c'est parce que l'on cache soigneusement sa chevalière à manchette. Quelle ironie !

Toutes ces filles dont je me suis fait l’ami parce que j’étais amoureux d’elles : Carine F…, la brune hitchcockienne qui sentait toujours bon. Suzanne Ficci, la grande blonde brutale et magnifique qui faisait un peu épouse de Viking et qui avait tout l’air d’avoir les mêmes goûts honteux que moi - un jour elle apporta en classe un album de Stanton et qu'elle ouvrit sur son pupitre avec une certaine ostentation. Assis à côté d'elle, je vis tout, elle vit que je vis tout, mais je fis tout pour me détourner de son regard, imbécile tuméfié que j’étais, et ne laissa rien paraître de ce qui aurait peut-être pu changer notre vie si nous "en" avions parlé.  Enfin et par dessus-tout, Marie F… (que de F !), la première et avant-dernière grande passion platonique de ma vie. Elle aussi avait fait ses « années lycée » à Saint-Raphaël et je la lorgnais depuis la Seconde, sans évidemment oser lui adresser une seule fois la parole dans l’année et sans, comme on s’en doute, que la contemplation passionnée de sa silhouette suffise à mon bonheur. Il faudra un jour écrire un Golgotha des timides. Chère Marie-Carmen, il n'y a pas un jour où je ne pense à vous et aux vies surhumaines que nous aurions pu vivre.  Votre visage à la fois plein et diaphane, quelque chose de Taureau dans la poitrine et de Scorpion dans le regard - mais un bassin de Bélier à coup sûr ! Votre présence (espagnole) que je humais dix lieues à la ronde, votre voix de harpe,  votre intelligence merveilleuse et moqueuse des êtres et de la vie - à vrai dire, vous étiez bien trop belle et bien trop « adulte » pour moi. Savez-vous que j'ai encore dans mes cartons une dissertation de géographie de vous (et corrigée par Reboul !) ? Vous me l'aviez prêtée afin que je lui en rende une moi aussi... Je ne sais d'ailleurs si je me suis jamais acquitté de ce devoir (blanc) mais ce qui est sûr, c'est que je n'ai jamais eu l'occasion de vous rendre cette copie - dont l'encre et le papier ont encore votre odeur. Enfin, je me l'imagine. Mais avoir quelque chose de vous, quelque chose de votre main.... Nous étions si proches l'un de l'autre à l'époque, et moi si distant de vous !

Il n’empêche. En tant qu’anciens de « Saint-Ex », c’est tout naturellement qu’Emmanuel, elle et moi nous nous retrouvâmes à Masséna, et pour constituer bientôt, à ma grande joie, le trio de choc de la classe. Le punk, l’andalouse et le Mort à Venise plein de secrets – tous les trois apparemment plus mûrs en expérience, en existence et en littérature que les autres et dont  on recherchait la compagnie. Bien sûr, ceux qui nous ont connu à cette époque ne seront pas forcément d’accord s’ils me lisent et diront que j’enjolive à notre avantage, sinon au mien, un groupe comme il y en avait beaucoup dans la classe. D’autant qu’ils risqueraient de me faire remarquer qu’il n’est pas sûr du tout que Marie et Emmanuel aient vécu cette époque sous un mode aussi romanesque que le mien - et qu’en outre, Marie, comme Suzanne et Carine, trouveraient indécent, sinon salissant, que j’ai pu oser, même de loin, les « aimer ». Non seulement le souvenir n’est pas une reprise mais celui que je suis en train de forger serait bel et bien une méprise fantasmatique - et diffamatoire, car quelle mouche à merde m’a piqué d’évoquer mes pseudo « copaindavant » ? En suis-je encore à espérer, quinze ans plus tard, les faveurs d’anciennes condisciples idéalisées ? Décidément, même en m’engageant sur Kierkegaard, je ne sais parler que de ma bite en jachère et de mon gros cul frustré.

Au moins comprendra-t-on que la reprise, la vraie, n’a rien à voir avec ces répétitions de piteux Peter Pan. La reprise ne relève en effet pas plus d'un pays imaginaire que du retour au bercail. Ce n’est pas parce que l’on reprend le petit chemin des bois qui amène au château d’Yvonne de Galais que l’on revivra le bonheur de cette nuit magique où on a rencontré celle qui a cristallisé notre existence. C’est le drame du Grand Meaulnes, le grand spécialiste des reprises ratées, le rêveur qui croit dur comme fer que refaire les mêmes pas, revoir les mêmes gens, respirer le même air suffit à revivre le même passé. Pauvre frère d’impuissance ! Pas plus qu’une madeleine, une reprise ne se suscite « techniquement ». L'orage n'arrive jamais dans ces conditions et même quand il arrive, ce n’est pas celui-là  - et l’on se retrouve gros-jean comme devant. Au lieu de s’acharner à revivre ce qu’il avait déjà vécu, Augustin aurait dû tenter de vivre sa nouvelle vie. Aimer maritalement Yvonne plutôt que d’aller à la recherche désespérante de son imbécile de beau-frère. Mais non, il est reparti dans son passé enchanté et n'a réussi qu'à en a détruire l’enchantement. La vérité est que la reprise de l’homme se fait par la femme. La femme sauve l’homme de lui-même et l’homme sauve la femme d’elle-même. Que serait-ce d’ailleurs qu’une femme qui ne reprendrait pas l’homme dans l’amour? « Une hommasse » bien entendu. La féminité est sacrifice ou n’est pas, écrit Kierkegaard contre toutes les suffragettes de son époque. Chacun se reprend dans l’autre. Moi haïssable. Altérité rédemptrice. L’auteur de ses lignes doit bien reconnaître qu’il ne l’a pas réussi pour l’instant – et que s’il y a des hommasses, il y a aussi et comme lui des femmelettes.

L’instant - le temps du célibataire par excellence. Comme le dit cet autre K. avec une terrifiante lucidité introspective, « le célibataire n’a que l’instant ». Il vit en dehors de sa famille, de son clan, du monde. Il est comme un trapéziste au dessous du vide, seul avec sa barre et risquant de tomber à tout instant – sans filet, sans vagin, sans rien. Encore ne l’admire-t-on pas comme on admire un trapéziste. Au contraire, on a beau s’en défendre, on le méprise un peu. Ce type qui ne baise jamais ou que vénalement – et même quand il a l’occasion de faire l’amour gratuitement, il ne fait rien d’autre que de se branler dans l’autre. Il a mauvaise mine, un air déplaisant, tant mieux s’il en crève ! Il n’avait qu’à se reprendre

-Et pourtant, il a aimé.

-Oui, mais il ne l’a pas épousée.

-Il ne se sentait pas assez mûr.

-Il aurait dû. Le mariage, c’est la reprise de l’amour.

Sexe, seins, yeux (âme). Femme, enfants, Dieu. Esthétique, éthique, religieux. Misérable esthète qui ne décolle pas de l'éros (avec ses variantes, le vin et la musique) et sombre dans la dépression qui n’est rien d’autre que la forme psychologique de la damnation. Suit l’homme de l’éthique qui s’arrête au mariage, aux enfants, et aux visites chez les beaux parents. C’est le plouc, le beauf à qui l’espèce suffit mais qui au moins a rempli ses devoirs d’hommes. Pour Kierkegaard, seul l’homme religieux qui dépasse les attachements humains, filiaux et s’ouvre à l’amour de Dieu, est l’homme accompli - l’homme repris par le Christ. Encore que… L’on peut s’arrêter à l’enfant – quoi de plus religieux que l’enfant ?

Augustin a bien eu une fille avec Yvonne – mais c’est pour la voler à son ami qui était pour elle le seul père convenable. Le grand Meaulnes ne reprend sa fille que pour répéter avec elle ses aventures – et en faire au mieux une Ligéia, pauvre enfant ! Constantin ne fait pas mieux. En s'abîmant dans la répétition des choses passées, il rate la reprise – c’est-à-dire le renouvellement de son existence. Dès lors, il doit se faire sournois s’il veut survivre dans son entourage. Ne pas mourir mais faire comme s'il était mort. Parents et amis l'enterreront bien un jour - c'est-à-dire ne l'ennuieront plus avec leurs exigences vitales, éthiques et sexuelles. Qu’attend-on d’un fils ? Qu’il réussisse socialement et sexuellement sa vie. Qu’il ramène des bonnes notes du lycée autant que des petites amies. S’il est vraiment trop nul en classe, on lui donnera des cours particuliers. S’il n’a pas l’air non plus plus de briller dans l’altérité, on… on sera bien embêté. Surtout aujourd'hui où les bordels ne sont plus subventionnés par les familles,  où les voisines ne dépucellent plus les jeunes gens à la discrétion des parents, et où le mariage n’est plus de saison - sauf pour les invertis. Quand même, on le regardera d’un drôle d’œil ce jeune homme qui n’est plus si jeune mais qui semble inapte au mariage. Il ne peut devenir un Epoux ? Il deviendra célibataire – statut qui a l’air d’en être un, mais qui profondément est la condition de toutes les misères. Kafka a tout dit là-dessus. Le célibataire, c’est celui qui va avoir le monde contre lui, et même lui contre lui. Le célibataire, c’est celui qui ne cesse de mourir à lui-même.

« Pour celui-ci, il est déjà bien content s’il parvient à maintenir sa personne physique, d’ailleurs pitoyable, à défendre les quelques repas qu’il prend, à éviter l’influence des autres, bref, s’il conserve tout ce qu’il est possible de conserver dans ce monde dissolvant. Mais ce qu’il perd, il essaie de le regagner par force, fût-ce transformé, fût-ce amoindri, ne fût-ce même son ancien bien qu’en apparence (et c’est le cas la plupart du temps). Sa nature relève donc du suicide, il n’a de dents que pour sa propre chair, et de chair que pour ses propres dents. Car sans un centre, une profession, un amour, une famille, des rentes, c’est-à-dire sans se maintenir en gros face au monde – à titre d’essai seulement bien sûr,- sans décontenancer en quelque sorte le monde grâce à un grand complexe de possessions, il est impossible de se protéger contre les pertes momentanément destructrices. Ce célibataire avec ses vêtements minces, son art des prières, ses jambes endurantes, son logement dont il a peur, et avec tout ce qui fait d’autre son existence morcelée, appelée à ressortir cette fois encore après longtemps, ce célibataire tient tout cela rassemblé dans ses deux bras, et s’il attrape au petit bonheur quelque infime bibelot, ce ne peut être qu’en en perdant deux qui lui appartiennent. » (…)

La solution, c’est Job.

A SUIVRE.

 

PS : Tout cela ne choquera que le législateur féministe, "hégélien" s'il en est, c’est-à-dire celui ou celle qui n'a des rapports homme-femme qu’une vision sociale, historique, morale, égalitariste, c’est-à-dire qui ne considère ces rapports que comme purement extérieurs. Or, ceux-ci sont précisément intérieurs et relèvent d'une réalité singulière, asymétrique et amorale par excellence. La relation homme-femme dépasse en effet largement le cadre féministe ou antiféministe dans lequel notre hégélien veut l’enfermer. En fait, celui-ci a le tort de prendre souvent trop au sérieux les discours des uns et des autres et de confondre ce qui est légal avec ce qui est réel. Piégé lui-même par la catégorie de l’intéressant, il ne comprend pas que l’intéressant n’est pas tout dans ce monde. Notre féministe manque en ce sens de féminité, car la féminité, c’est précisément la suspension de l’intéressant, soit du discours masculin. Comme le dit si bien Kierkegaard lui-même : « Si un homme s’est égaré du côté de l’intéressant, qui pourra le sauver, sinon précisément une jeune fille ? Mais ne pêche-t-elle pas, elle aussi, en le poussant de ce côté-là ? (…) Une jeune fille devrait précisément être assez prudente pour ne jamais jouer avec l’intéressant. La jeune fille qui le fait perd toujours, du point de vue de l’idée : car l’intéressant ne se laisse jamais re-prendre. Mais celle qui ne le fait pas, celle-là gagne toujours. » et un peu plus loin : « Une jeune fille qui veut l’intéressant devient le piège, où elle se prend elle-même. Une jeune fille qui ne veut pas l’intéressant, croit, elle à la reprise. » Sauver l’homme de lui-même, pour la femme, c’est d’abord ne pas prendre au sérieux les élucubrations de la dialectique masculine. Pour ce faire, elle comprendra vite qu'il faut lui laisser non le pouvoir, grands dieux, mais la croyance au pouvoir. Il suffit de voir comment fonctionnent les familles pour se rendre compte que la « loi du père », le « pouvoir patriarcal » sont des fadaises auxquelles n’ont jamais cru que les niais et les huissiers. Certes, c’est le roi qui légifère sur la peine de mort mais c’est la reine qui fait couper les têtes – comme dans Alice au Pays des Merveilles. Royauté officielle des pères, fascisme officieux des mères - et qui risque de devenir efficient avec Ségolène. Mais je m'égare.


A SUIVRE

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Commentaires

  • " Monsieur, voulez-vous me permettre ? ...
    C'est tout à fait très bien, et je crois m' y connaître ;
    J' ai du reste exprimé ma joie en trépignant ! ..."

    Patrice, en avant, calme et droit.

    PS quand même - avant qu'un psy de bazar ne crie au lapsus, un participe à corriger :

    -Et pourtant, il a aimé.

    -Oui, mais il ne l’a pas épouséE.

  • Bonne idée cette note sur Kierkegaard, j'aime bien. Je m'interroge : une reprise est-elle possible en cette vie ? Ne sommes-nous pas condamnés à la répétition et au rabâchage ? La vraie reprise se situe dans l'éternité, selon K. Autrement dit, elle est un don libre de Dieu, une grâce. Elle ne se commande pas. Dans la mesure où la reprise est une résurrection, nous ne pouvons qu'en avoir un avant-goût en ce monde, si Dieu le veut. Il faut passer par la mort pour en connaître la jouissance totale.

  • La reprise comme renaissance, voire comme résurrection "immanente", ce sera le problème, ou plutôt la solution de Job - et le sujet de la prochaine note. Comment reprendre la souffrance, sinon la vie dans son entier, comme lien de proximité avec Dieu, comme contact privilégié avec Lui. Le scandale de Job n'est pas sa misère mais le fait qu'il ne se sert pas de celle-ci pour s'accuser (c'est ma faute, c'est ma faute !) et encore moins pour accuser Dieu (c'est Ta faute, c'est Ta faute !). La reprise devient alors grâce.
    Sans aller jusqu'au tas de fumier de Job, on pourra néanmoins voir que l'on peut tout à fait vivre une vraie et belle reprise de sa vie dans sa vie - celle-ci prenant alors une dimension nietzschéenne d'Eternel Retour....
    Même si évidemment tout cela est fugace ou pire, seulement conceptuel. A la fin de La reprise, il n'est pas sûr que Constantin se "reprenne" (même s'il a compris ce thème mieux que personne), comme il n'est pas sûr que Kierkegaard lui-même ait transfiguré son desespoir à la fin du Traité du même nom. Si la reprise est un saut d'une catégorie à une autre, le désespoir est une "retombée" de l'une dans l'autre. Mais ne disons pas tout....

  • Le coup du "pouvoir officieux des femmes" et ses nombreuses variantes (à base de "c'est la femme qui dirige le foyer/la maison/la queue du mec") est le dernier argument à la mode du système patriarcal (fichtre ! me voilà niais ou huissier !) pour faire croire que tout va pour le mieux et que nous sommes "différents mais égaux". Il est toutefois fascinant de noter que, dès que tu abordes cette thématique, c'est pour nous dire que l'homme agit sur lui et sur le monde, et que la femme agit sur l'homme, PAR RAPPORT à l'homme, alors que le lien entre l'homme et le monde serait beaucoup plus direct (ici encore, la dialectique masculine que tu décris ne se positionne pas par rapport à la femme, tandis que ta "féminité" serait "suspension du discours MASCULIN") .

    Bref, comme dirait Simone, tu te places dans cette cosmologie selon laquelle l'homme "saisit son corps comme une relation directe et normale avec le monde qu'il croit appréhender dans son objectivité" et selon laquelle la femme "ne se pense pas sans l'homme. Et elle n'est rien d'autre que ce que l'homme en décide." Tu veux en faire une sauveuse, une sacrificielle, mais au final c'est toujours le mec qui est le sujet et la femme qui se positionne par rapport avec lui (tes quelques tentatives de symétries ne trompent personne, et tu ne les avances que pour mieux t'en écarter tout de suite après en reprenant ton refrain "la femme sauve l'homme/la femme lui laisse croire qu'il est important/la femme lui laisse le pouvoir officiel et gère l'officieux" (que tu appelles tendrement "fascisme", quel mot positif !)... Et donc, le jour où elle veut légiférer à son tour, elle lui taille une bonne pipe pour qu'il fasse passer la loi, c'est ça ?

    *Celeborn, un homme inverti en vaut deux :)

  • Eh, mon cher *Cele, c'est que, comme le dit justement une Secrétaire (hum) du PS :
    "Il n'y a pas de féminin à tribun... Il y a bien tribune, mais une tribune, on monte dessus."
    Bref, pour pouvoir ériger un piédestal à des donzelles ( les "jeunes filles" chères à Kierkegaard, Proust et Montherlant ), encore faut-il que des femmes, voire des mères, vous aient servi de marchepied (merci Huston et Maupassant).

    Patrice Bel-Ami, " qu'y a-t-il de plus réel que les mots ? "

    PS pour sous-rire un peu : la plus jolie phrase de Ségo, quoi qu'il en soit, restera "Bécassine est moins bête qu'Iznogoud". mais je Mégara en politique, là.

  • Cher Celeborn,

    laisse de côté mon "fascisme maternel", oublie un peu ton "fascisme féministe" et dis-moi où je nie le rapport de la femme au monde dans ce texte. Car pour moi, je ne le nie pas, je n'en parle pas. Le sujet de la note n'est pas la femme par rapport aux monde mais, entre autres, les deux sexes l'un par rapport à l'autre. Est-ce déjà défendu de considérer les relations homme/femme sous l'angle sexué ? Pour autant, tout ce que je dis du "jeune homme qui attend l'orage, que quelque chose se passe en lui, etc" pourrait tout à fait s'appliquer à une femme.
    Ce qui est curieux dans ce genre de discours féministe (et de la vieille école me semble-t-il), c'est la propension à isoler les hommes et les femmes. Si elles avaient un rapport au monde, dit-on, ce rappport que les hommes lui ont interdit durant des siècles les salauds, il serait bien différent de celui des hommes ! Ah bon ? Cette utopie féministe d'un monde, ou plutôt de deux mondes, deux planètes même, celle des femmes et celle des hommes, ne laisse pas de me laisser pantois. Que serait donc un monde où les femmes n'auraient aucun rapport avec les hommes et les hommes aucun rapport avec les femmes ? Au moins le monde "classique" réunissait les deux sexes et partageait équitablement (et non égalitairement) les rôles. Il est vrai que l'ancien monde était soucieux de différence ontologique et vitale, qu'il croyait à l'amour sexuel (deux êtres qui en font un), et qu'il n'avait pas l'impression que Philémon et Baucis, Tristan et Isolde, Roméo et Juliette étaient des insultes à la femme...

  • "dis-moi où je nie le rapport de la femme au monde dans ce texte. "

    Ici : "car la féminité, c’est précisément la suspension de l’intéressant, soit du discours masculin."

    Tu définit la féminité comme "suspension du discours masculin", c'est-à-dire comme quelque chose qui passe par le masculin (quand bien même ce serait pour le suspendre). J'attends toujours une définition de la masculinité comme "suspension du discours féminin" :-)

    "Si elles avaient un rapport au monde, dit-on, ce rappport que les hommes lui ont interdit durant des siècles les salauds, il serait bien différent de celui des hommes !"

    STOP ! Procès d'intention ! Je plaide non coupable, votre honneur, et je rappelle à la cour que selon moi la notion de genre n'existe pas cosmologiquement et n'est qu'une construction sociale modulable, changeante et peut-être même destinée à disparaître (en considérant l'homme comme un devenir, blabla Simone de Beauvoir et Merleau-Ponty). Le coup des deux planètes, Mars et Vénus, l'incapacité à lire les cartes routières et tout le tintouin, c'est pour moi une vision de la chose débile et justement complètement anti-féministe.


    En revanche, le partage "équitable" des rôles dans le monde "classique", je pouffe doucement : c'est un partage purement idéologique, dans lequel la femme n'a pas eu son mot à dire. Pratique ensuite de la sublimer, de la déifier, de lui dresser des statues, de la peindre et de la chanter quand elle est à la place que l'homme lui a confiée. Quand Molière nous présente des personnages féminins entreprenants, libres d'esprit, actifs, qui aboutissent à ce qu'elles veulent (un mariage d'amour où les deux êtres, effectivement, n'en font qu'un, et en cela je ne puis qu'applaudir), c'est une critique vis-à-vis de la société qui fait tout pour empêcher la femme d'être comme cela, sujet de ses actes, en rapport direct avec le monde, libre de ses choix. L'amour courtois est un mythe, les femmes de Molière des héroïnes, mais pendant ce temps, les femmes, elles, ont été placées en-deça et au-delà du monde dans lequel les hommes vivent.

  • "Tu définis la féminité comme "suspension du discours masculin", c'est-à-dire comme quelque chose qui passe par le masculin (quand bien même ce serait pour le suspendre). J'attends toujours une définition de la masculinité comme "suspension du discours féminin"

    Oui, la féminité passe par le masculin, tout comme la masculinité passe le féminin - tout comme les sexes passent l'un dans l'autre pour exister pleinement. Et tous deux ont un rapport au monde que l'on peut penser comme sexuellement, donc ontologiquement différent. Et là, en effet, grand débat, quelle ontologie ? Quelle différence ? - Phallocrate ! - Puceau ! - Toi-même ! - Esclavagiste ! - Peine à jouir ! Etc, etc. Sur un autre post peut-être...

    Sur la question "tout n'est-il que genre ou essence ?" là aussi, une autre fois (quoique si tu veux développer ici, ne te gène surtout pas....)

    Sur Molière et les autres, absolument d'accord avec toi. Mais c'est une chose que de constater que la femme a pu être légalement inférieure à l'homme au cours des siècles passés (et se réjouir qu'elle se soit socialement émancipée) et une autre que de nier la différence sexuelle (et ce que me semble faire la théorie Queer et les genres interchangeables). Si le féminisme consiste à établir une égalité légale et morale totale entre l'homme et la femme, je signe ce que tu veux, mais s'il s'agit de dire qu'homme et femme au fond n'existent pas, alors là, je ne signe pas...

    Quant à l'amour courtois, il me semble que ce fut une tentative de l'église d'édifier les hommes vis-à-vis des femmes, les rendre honteux de leur brutalité, et les inciter au respect et à la délicatesse. Mythe si tu veux, morale à coup sûr. Demander au preux chevalier qu'il n'y a pas que son épée et sa bite dans la vie et que les femmes méritent considération, et qu'au lit ou sur un banc, mieux vaut séduire que violer,
    c'était déjà un sacré progrès féministe tu ne trouves pas ?

    Maintenant, on fait aussi avec ce que l'on a - soit deux mille ans de culture judéo-chrétienne, c'est-à-dire que cela n'est pas parce que la relation homme/femme est fondée sur une culture bi-millénaire qu'il faut éradiquer celle-ci sous prétexte qu'elle est une culture. Car au fond, l'argument se retourne. Tu dis que tout cela n'est que culturel et que donc l'on peut changer de culture, je te réponds que c'est bien parce que tout cela est culturel que l'on ne peut pas en changer ou que l'on peut en changer qu'en fonction de ce qu'il y a déjà - car la culture n'est pas que culture, la culture ou la coutume est une seconde nature.
    Le problème avec les féministes, c'est qu'ils partent bille en tête CONTRE le rapport traditionnel hommes/femmes sans se rendre compte que ce rapport, tout réac qu'il soit, est aussi un rapport amoureux, érotique, et absolument sublime. Mais eux ne veulent voir dans l'homme qu'un dominant et dans la femme qu'une dominée. Ils oublient aussi cette réalité primordiale que, quelles que soient les loi du père, de la bite ou de la charria, l'homme et la femme sont biologiquement et spirituellement (et je n'ose dire métaphysiquement) attirés l'un par l'autre. Même le pire patriarcat n'a jamais empêché les uns et les unes de s'aimer au-delà de ce patriarcat. Mais eux, les féministes, jettent le bébé de l'amour (c'est le cas de le dire) avec l'eau du bain patriarcal....

  • Je pense qu'on se comprend au final assez bien (après des années de débats sur le sujet, c'est bien la moindre des choses). Je crois que tu peux comprendre que des phrases telles que "l'homme et la femme sont biologiquement et spirituellement (et je n'ose dire métaphysiquement) attirés l'un par l'autre." ne peuvent et ne pourront jamais être acceptées de mon côté, et que, par conséquent, tout système de pensée, toute cosmologie qui s'appuie là-dessus ou qui vise à justifier/expliquer/défendre une telle conception du monde me sera toujours étrangère (ontologiquement étrangère, pour reprendre un mot que tu aimes bien. L'avantage (pour moi et beaucoup d'autres) des théories qui ne différencient pas les genres (tout en continuant à différencier les sexes, je rappelle), c'est qu'elle pose une égalité de principe entre l'homme et la femme, égalité inattaquable par le fait qu'il n'y aurait pas d'autres différences que physiques (et vaguement physiologiques, avec 2/3 hormones qui se balladent). Ensuite il y a des différences de vécu qui viennent de cela (la grossesse, pour citer l'exemple le + évident, mais pas pour autant universel) et qui vont donc créer des tendances, mais finalement rien de vraiment tranché entre l'homme et la femme, pas de "cerveau masculin" ni de "cerveau féminin", pas de goûts prédéterminés pour l'un comme pour l'autre, pas même d'instinct maternel (contrairement à ce que chante ma très chère Diam's, non, une femme n'est pas une mère... elle peut le devenir, en revanche). L'autre avantage évident de cette vision du monde est que la notion d'amour n'est pas construite sur l'opposition et la complémentarité des sexes. Déjà, cela permet de parler d'amour plutôt que de perversion quand on évoque l'homosexualité (je dois dire que je préfère ;o) ). Cela évite aussi d'avoir à coller chaque sexe dans un ensemble de cases qui lui serait reservé dans le cadre de cette complémentarité, car, dès quil s'agit de différencier, l'être humain ne peut s'empêcher de hiérarchiser : jusqu'à présent, le rôle du mec était mis en avant et tout tournait autour de lui, mais il serait tout aussi aberrant de placer la femme en tête de gondole. Au final, on n'est pas si éloigné d'une vision du monde et de l'amour largement antérieure à la culture Queer, à savoir celle proposée par Aristophane dans Le Banquet. Comme quoi, pas besoin de changer de culture : on a déjà largement ce qu'il faut dans la nôtre !

  • Cher Celeborn,
    Après des années de débats sur le sujet, il y a encore des choses que j'ai du mal à comprendre. En premier lieu, il faudra que tu m'expliques en quoi "différencier c'est hiérarchiser", car ce genre de phrases ne peuvent et ne pourront jamais être acceptées de mon côté (parce qu'elle sont simplement mathématiquement et logiquement une bêtise). Que l'on me dise qu'effectivement, la différentiation des sexes a historiquement, abouti à une hiérarchisation des sexes (quoique si j'étais de mauvaise foi, je te demanderais en quoi et pour quelles raisons tu considères que s'occuper du foyer et de l'éducation des enfants sont des tâches hiérarchiquelent plus méprisable que descendre chercher la houille dans les mines), mais conclure, comme tu le fais, que différentiation implique hiérarchisation, c'est une faute de pensée.

    Ensuite, ton opposition amour/perversion, là j'ai vraiment du mal. J'ai beau relire ta phrase dans tous les sens, je n'arrive pas à voir en quoi la perversion empêche de parler d'amour ou l'amour empêche de parler de perversion. Là, il faut vraiment que tu m'expliques en quoi des pratiques sexuelles aussi diverses et variées que la pipe, le cunnilingus, la sodomie, le fétichisme de pieds, le sado masochisme, l'homosexualité, la sodomie, la masturbation, la pédophilie, le baiser, la scatophilie, la pluralité sexuelle, le voyeurisme, l'exhibitionisme, sont incompatible avec l'amour.


    "C'est qu'elle pose une égalité de principe entre l'homme et la femme, égalité inattaquable par le fait qu'il n'y aurait pas d'autres différences que physiques (et vaguement physiologiques, avec 2/3 hormones qui se balladent)."

    Justement si une telle vision pose une égalité (c'est-à-dire une égalité en droit, devoirs, conditions...) entre homme et femme, elle pose plus que cela Et c'est bien là qu'est le noeud du problème. Ta vision pose une équivalence, une indifférentiation, une interchangeabilité, donc bien plus qu'une égalité. Hors, nous croyons que l'indifférentiation, est justement, une notion qui n'est pas nécessaire à l'égalité. L'égalité est un état de condition égale au delà des différences.

    Et pourquoi l'existence d'une différence des genres, car justement, avant toute chose et en dernie recours, il y a une différence des sexes, c'est-à-dire, "physiques et vaguement physiologiques, avec 2/3 hormones qui se balladent", et à moins d'être assez tordu pour ne pas croire à l'influence du corps sur l'esprit, cela suffit à justifier l'existence du genre.

  • Ouais, moi aussi...

  • "Là, il faut vraiment que tu m'expliques en quoi des pratiques sexuelles aussi diverses et variées que la pipe, le cunnilingus, la sodomie, le fétichisme de pieds, le sado masochisme, l'homosexualité, la sodomie, la masturbation, la pédophilie, le baiser, la scatophilie, la pluralité sexuelle, le voyeurisme, l'exhibitionisme, sont incompatible avec l'amour. "

    1) Une pratique perverse n'est pas incompatible avec l'amour. Je me demande bien où j'aurais écrit ça...

    2) L'homosexualité n'est pas une pratique.

    3) Ce n'est pas moi qui dis que l'homosexualité est incompatible avec l'amour. Pour ce type d'affirmations, demande plutôt au monsieur qui écrit que "l'homme et la femme sont biologiquement et spirituellement (et je n'ose dire métaphysiquement) attirés l'un par l'autre" de te répondre :o)

    *Celeborn

    NB : je sais bien que différencier et hiérarchiser sont choses différentes. je m'appuie simplement sur des millénaires d'Histoire pour affirmer que lorsque l'homme a socialement différencié des groupes humains, il les a hiérarchisés. La encore, le bureau des réclamations est à côté, section "Histoire de l'humanité" :o)

  • Hé hé, père-vert Papy, sur les perversions in/compatibles avec l'amour, faut voir.
    Pour ma part, je reste de l'avis de m'Amie et de Mimi (Scheider) : les perversions sont de deux sortes, et seules celles qui se "pratiquent" (pardon Cele) entre adultes consentants sont acceptables (de dissection), moralement parlant (quoi, j'ai dit une obscénité?)
    Par exemple, sans reprendre toute ta liste et en l'enrichissant, je propose un petit exercice basique : soit la gérontophilie d'une part, d'autre part l'érotomanie. Laquelle... ? Oui, t'as tout compris.

    Par ailleurs, comme j'allais répétant tes considérations sur la noblesse supposée et comparative entre torcher bébé et aller au charbon (un trésor, cette expression) j'ai récolté exactement la même réaction de mes deux mâles (féministes?) les plus opposés qui soient dans leur orientation sexuelle : " Mais, les femmes aussi, elles descendaient chercher la houille ! " (ouille ! non, ça c'est moi, je résiste pas) - et ce n'est pas que dans Germinal. Pour ma part, la réponse qui me venait d'abord était plutôt que bosser dans les mines, ça rapporte trois fois rien, mais que "trois fois rien c'est déjà quelque chose" (merci Devos), alors que femme au foyer, ce n'est toujours pas payé, tu peux vérifier. Quant à bosser dedans-dehors (sans allusion à Burgess), c'est travailler plus pour gagner moins.

    Patrice, on va pas se "géner" (ouah, le lapsus clavieri)

    PS qui passe par-dessus les commentateurs : l'amour courtois, inventé par l'Eglise ? Faut arrêter, dirait la Belle. D'autant que comme dirait Le Goff, c'est "l'adultère, l'adultère et encore l'adultère".
    PS du PS : bien sûr on peut préférer Duby, pour qui c'est un lien homosexuel vassal-suzerain qui utilise la femme... mais là, je cours à la censure je le crains.

  • "1) Une pratique perverse n'est pas incompatible avec l'amour. Je me demande bien où j'aurais écrit ça..."

    La perversion est une tendance malheureuse du désir. Le désir n'est pas toujours compatible avec l'amour. Et l'amour est bien plus qu'un attachement amical ou érotique.

    "2) L'homosexualité n'est pas une pratique."

    Non, c'est un désordre mental (tendance Adam-Platon-Freud)

    "3) Ce n'est pas moi qui dis que l'homosexualité est incompatible avec l'amour. Pour ce type d'affirmations, demande plutôt au monsieur qui écrit que "l'homme et la femme sont biologiquement et spirituellement (et je n'ose dire métaphysiquement) attirés l'un par l'autre" de te répondre :o)"

    Oui, l'ordre du vivant est hétérosexuel et tu vas avoir du mal à prouver le contraire. Et il se trouve que ces salauds d'humains ont organisé le monde autour de la vie.

    "NB : je sais bien que différencier et hiérarchiser sont choses différentes. je m'appuie simplement sur des millénaires d'Histoire pour affirmer que lorsque l'homme a socialement différencié des groupes humains, il les a hiérarchisés. La encore, le bureau des réclamations est à côté, section "Histoire de l'humanité" :o)"

    Je ne crois pas que la grille féministe ou antiféministe soit suffisante pour lire l'histoire de l'humanité. En revanche, je pense comme Chesterton que si la femme de tout temps s'est occupée des tâches ménagères, c'est parce qu'elle a dit à l'homme de balayer et de faire la lessive, qu'il ne l'a pas fait, et qu'elle l'a fait à sa place.

    L'amour courtois inventé par l'Eglise ? En tous cas par les institutions "familiales" de l'époque qui tenaient à ce que les "chevaliers" aient de l'amour une autre idée que le viol. Et que face à ces fiers abrutis, il fallut inventer la délicatesse, la séduction, le grand sentiment, tout ce que l'on appelle aujourd'hui le discours amoureux....

  • Sur votre conseil, j'ai lu ce débat fort intéressant, qui prolonge en effet celui que nous tenons de vive voix...

    En vieux classique, je voudrais juste dire que l'exemple d'Aristophane dans le Banquet est particulièrement malheureux venant de la part de Celeborn. En effet le personnage d'Aristophane est particulièrement intéressant, puisque, seule dans tout le texte, sa définition de l'amour est fondée précisémént sur la notion de compléméntarité. C'est à lui que Platon attribue l'allégorie de androgynes, scindés en deux par des dieux jaloux en hommes et femmes. La vie n'est autre chose qu'une recherche de l'âme soeur . L'aristophazne de platon est le seul à considérer le caractère hétérogène de ces âmes soeur - et le fondement hétérosexuel de l'amour. Or l'argument de Celeborn veut que la notion de l'amour ne soit pas construite sur l'opposition et la complémentarité des sexes.

    Est-ce un lapsus ou de l'ignorance, je ne sais, Mais toujours est-il que l'exemple sape la position de Celeborn. C'est domage; il aurait cité le Banquet de Platon en général, qu'il n'aurait pas eu tort. L'idée maitresse de Platon est la necessité d'une égalité fondementale (qui n'est pas identité, CF Hugo, Quatrevingt Treize). Or l'état des lieu sociologique de l'Athènes classique rendait cette égalité impossible entre les sexes, et l'Amour dans Platon est, disons le, une affaire d'hommes.

    Mais je reconnais que j'arrive, comme toujours, après la bataille...

    FSM

  • Rendre hommage à Molière, c'est la moindre des choses, mais censurer Aristophane (ou d'autres), c'est une des pires...

    Version minimaliste donc, garantie pur jus helléniste :

    "Jadis, notre nature n'était pas ce qu'elle est à présent, elle était bien différente. D'abord il y avait trois espèces d'hommes, et non deux, comme aujourd'hui : le mâle, la femelle et, outre ces deux-là, une troisième composée des deux autres ; le nom seul en reste aujourd'hui, l'espèce a disparu. C'était l'espèce androgyne qui avait la forme et le nom des deux autres, mâle et femelle, dont elle était formée ; aujourd'hui elle n'existe plus, ce n'est plus qu'un nom décrié. De plus, chaque homme était dans son ensemble de forme ronde, avec un dos et des flancs arrondis, quatre mains, autant de jambes, deux visages tout à fait pareils sur un cou rond, et sur ces deux visages opposés une seule tête, quatre oreilles, deux organes de la génération et tout le reste à l'avenant..."
    [ Pour rabattre l'hybris de ces hommes bien supérieurs à ceux d'aujourd'hui et dangereux pour les dieux, Zeus les coupe en deux. ]
    "Aussi chacun cherche sa moitié. Tous les hommes qui sont une moitié de ce composé des deux sexes qu'on appelait alors androgyne aiment les femmes, et c'est de là que viennent la plupart des hommes adultères ; de même toutes les femmes qui aiment les hommes et pratiquent l'adultère appartiennent aussi à cette espèce. Mais toutes celles qui sont une moitié de femme ne prêtent aucune attention aux hommes, elles préfèrent s'adresser aux femmes, et c'est de cette espèce que viennent les tribades. Ceux qui sont une moitié de mâle s'attachent aux mâles, et tant qu'ils sont enfants, comme ils sont de petites tranches de mâle, ils aiment les hommes et prennent plaisir à coucher avec eux et à être dans leurs bras, et ils sont parmi les enfants et les jeunes garçons les meilleurs, parce qu'ils sont plus mâles de nature [...] Quand ils sont devenus des hommes, ils aiment les garçons, et, s'ils se marient et ont des enfants, ce n'est point qu'ils suivent un penchant naturel, c'est qu'ils y sont contraints par la loi."

    Patrice, qui est dérangé par la vérité ?

  • Ah Platon, quand tu nous tiens !!! Outre que je ne pense pas que les homosexuels apprécient qu'on les qualifie de "moitié d'homme" ou de "moitié de femme" (ce qu'il ressort de l'extrait que vous avez cité), au moins citons-le entièrement et notamment le passage que vous avez sauté...

    "Quand donc l'être primitif eut été dédoublé par cette coupure, chacun, regrettant sa moitié, tentait de la rejoindre. S'embrassant, s'enlaçant l'un à l'autre, désirant ne former qu'un seul être, ils mouraient de faim, et d'inaction aussi, parce qu'ils ne voulaient rien faire l'un sans l'autre. Et quand une des moitiés était morte et que l'autre survivait, la moitié survivante en cherchait une autre et s'enlaçait à elle - qu'elle rencontrât la moitié d'une femme entière, c'est-à-dire ce qu'aujourd'hui nous appelons une femme, ou la moitié d'un homme. Ainsi l'espèce s'éteignait. Mais Zeus, pris de pitié, s'avise d'un autre expédient : il transporte sur le devant leurs organes de la génération. Jusqu'alors en effet ils les avaient sur leur face extérieure, et ils engendraient et enfantaient non point en s'unissant mais dans la tere comme les cigales. Il transporta donc ces organes à la place ou nous les voyons, sur le devant, et fit que par ce moyen les hommes engendrèrent les une dans les autres, c'est-à-dire par l'organe mâle, dans la femelle. Son but était le suivant : DANS L'ACCOUPLEMENT, SI UN HOMME RENCONTRAIT UNE FEMME, ILS AURAIENT UN ENFANT ET L'ESPECE SE REPRODUIRAIT ; MAIS SI UN MALE RENCONTRAIT UN MALE, ILS TROUVERAIENT AU MOINS UNE SATIETE DANS LEURS RAPPORTS, ILS SE CALMERAIENT ET ILS RETOURNERAIENT VERS L'ACTION ET POURVOIERAIENT AUX AUTRES BESOINS DE LEUR EXISTENCE. C'est évidemment de ce temps lointain que date l'amour inné des hommes les uns pour les autres, celui qui rassemble des parties de notre nature ancienne, qui de deux êtres essaie d'en faire un seul, et de guérir la nature humaine."............. Je coupe.

    Les dieux se soucient donc de la reproduction de l'espèce et ont l'outrecuidance de penser que celle-ci ne peut passer que par l'homme et la femme - un couple étant précisément l'union de l'un et de l'une. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il n'y a pas de couple homosexuel mais seulement des duos. Et qu'à la lettre, les homosexuels peuvent s'aimer mais non faire l'amour.
    Pour Platon, l'homosexualité relève donc bien de la jouissance, du désir, mais n'a qu'une configuration esthétique. On se rencontre, on s'aime, on croit faire l'amour (j'aime bcp le "au moins") et puis une fois les sens calmés, on repart à l'action civile, militaire, philosophique... Aucune discrimination pour le pédé donc ni en politique, en science, en art, en éducation sauf pour les questions de vie.

    Je reprends :
    "Chacun d'entre nous est donc une fraction d'être humain dont il existe le complément, puisque cet être a été coupé comme on coupe les soles, et s'est dédoublé. Chacun, bien entendu, est en quête perpétuelle de son complément. Dans ces conditions, ceux des hommes qui sont une part de ce composé des deux sexes qu'on appelait alors androgyne, sont amoureux des femmes, et c'est de là que viennent la plupart des hommes adultères; de la même façon les femmes qui aiment les hommes et qui sont adultères, proviennent de cette espèce; quant à celles de femmes qui sont une part de femme, elles ne prêtent aucune attention aux hommes, leur inclination les porte plutôt vers les femmes, et c'est de cette espèce que viennent les petites amies des dames. Ceux qui sont une part de mâle recherchent les mâles et, tant qu'ils sont enfants, comme ils sont de petites tranches du mâle primitif, ils aiment les hommes, prennent plaisir à coucher avec eux, à être dans leurs bras. Ce sont les meilleurs des enfants et des jeunes gens, parce qu'ils sont les plus virils de nature. Certains disent, bien sur, qu'ils sont impudiques, mais c'est faux. car ils n'agissent pas ainsi par impudicité : non, c'est leur hardiesse, leur virilité, leur air mâle, qui les fait chérir ce qui leur ressemble. En voici une bonne preuve : quand ils sont complètement formés, les garçons de cette espèce sont les seuls à se montrer des hommes, en s'occupant de politique. Devenus des hommes, ils aiment les garçons; LE MARIAGE ET LA PATERNITE LE LES INTERESSE GUERE - C'EST LEUR NATURE ; LA LOI SEULEMENT LES Y CONTRAINT, MAIS IL LEUR SUFFIT DE PASSER LEUR VIE VOTE A COTE, EN CELIBATAIRES. En un mot l'homme ainsi fait aime les garçons et chérit les amants, car il s'attache toujours à l'espèce dont il fait partie......."

    Diable ! Comme l'Eglise catholique, Platon croit à cette notion dépassée de "nature", le salaud ! Et quand il évoque la loi qui empêche les gay de se marier, c'est avec le respect propre que l'on a pour elle. Pour lui comme pour les Grecs de son époque, la loi est plus importante que les désirs. Toute la philosophie platonicenne allant précisément vers une maîtrise de ceux-ci et se présentant comme une correction de toute démesure de l'être. Car l'ennemi absolu des Grecs, c'est l'hybris, l'excès qui dans la pensée et dans la vie mettent en péril la pensée et la vie.

    Même si l'amour entre mâles et d'ailleurs entre adultes et enfants existe pour Platon (ce qui poserait de nos jours de petits problèmes de morale et provoquerait la rage de nos gays qui ne veulent surtout pas qu'on établisse un lien entre homosexualité et pédophilie !), il n'existe, comme l'illustre l'émouvant passage qui suit que je ne vous recopie pas mais que vous pouvez trouver partout, que comme identification, désir d'être même, et vu l'impossibilité ontologique à l'être, on se console en faisant de belles choses ensemble. Mais à aucun moment, il n'est question chez Platon, comme d'ailleurs chez quiconque pense les choses dans leur orthodoxie, que les homosexuels exigent des attributs que précisément leur nature nie.

    Non, décidément, ce n'est donc pas Platon qui pourra être le gourou des gays - contrairement à tous les mensonges qu'on lui fait dire.

  • Sourire - on m'y reprendra à vouloir faire court (car bien entendu, comme Celeborn et contrairement à mon prédécesseur en ces lieux, j'avais lu tout le Banquet, pas un "digest"...) Mais aussi, si je n'avais pas été à mon tour, hum, tronqué, mon texte en eût peut-être paru plus clair ?
    Je ne vois rien, dans les passages que vous rétablissez ou dont vous donnez une autre traduction qui contredise un instant mon propos concernant les conceptions (le cas de le dire) que Platon prête à Aristophane. Savoir dans quelle mesure il en partage les implications est une autre paire... de sexes.
    Quoi qu'il en soit, et en attendant que j'extirpe d'une pile d'ouvrages la V.O. - avec quelque surprise à la clef, qui sait - je me contenterai aujourd'hui de relever
    - une distorsion par omission : les hétérosexuels aussi, dans la cosmogonie aristophanesque, ne sont que des "moitiés" (d'androgyne primitif). Sauf à penser que vous plaisantiez, il n'y a donc rien de péjoratif ici dans l'appellation "moitié d'homme"... Sans compter que "ma moitié" est abondamment employé dans le vocabulaire du mariage (mais toujours de façon sexuellement orientée, et vit d'amant).
    - une ignorance ou une confusion : à aucune période de leur histoire, les anciens Grecs n'ont admis les rapports sexuels avec un enfant n'ayant pas atteint la majorité sexuelle. Mutatis mutantis, appliquer notre classification des âges à ce lointain passé revient à faire de Roméo un pédophile, Juliette ayant treize ans elle est donc "nubile", d'où, d'ailleurs, le mariage forcé qu'on s'apprête à lui infliger).
    - une extrapolation par... ce que vous voudrez : on lit ici que les couples homosexuels ne peuvent pas faire d'enfants, non qu'ils ne peuvent pas faire l'amour.

    Patrice-HAL, "définissez : amour?"

    PS : il ne me semble pas que Celeborn ait, plus que moi, cherché dans ce texte un argument pour l'homoparentalité...?

  • On ne saura jamais ce que pensaient "personnellement" Platon ou Aristophane mais au moins peut-on lire leur texte intégralement et voir dans celui qui nous occupe la différence que l'un et l'autre, ou l'un ou l'autre, ou l'un à travers l'autre, ou l'autre à travers l'un, établisse entre le couple hétérosexuel dont dépend la survie de l'espèce et le "couple" homosexuel qui a le droit de jouir, de s'aimer, de vivre même ensemble, mais qui après tout ça vaque aux affaires de la cité, sans se soucier des nécessités familiales. Dans tous les cas, ce n'est pas dans Le Banquet que les gays pourront trouver de quoi légitimer le statut qu'ils veulent aujourd'hui donner à l'homosexualité. Et c'est de cela dont nous parlions.

    Car, l'homoparentalité, expression bâtarde qui tient autant du contresens que du jargon (excusez-moi si je suis un lecteur de Muray), est ce par quoi l'on veut aujourd'hui définir l'homosexualité - non plus comme une sexualité troublée mais comme une hétérosexualité bis qui réclame les mêmes droits, ou plutôt les mêmes attributs que l'hétérosexualité heu "originelle".

    Par ailleurs, est-ce que s'embrasser, se caresser, ou même s'aimer signifie la même chose que "faire l'amour" ? Si oui, alors tout n'est plus que métaphore et les mots ne veulent plus dire ce qu'on veut qu'ils disent. Logique Humpty Dumpty si prisée par la post-modernité qui dissout la réalité et liquide le langage. Tant pis.

    Quant à la distinction entre pédophilie et homosexualité, elle n'est chez les Grecs peut-être pas aussi claire que vous l'entendez. Strico sensu, en effet, est pédophile celui qui désire sexuellement un être qui n'est pas pas encore formé sexuellement. Et donc un homme de quarante ans qui couche avec un adolescent capable d'avoir des rapports sexuels n'est pas un pédophile. Pourtant, Maurice Sartre dans "Amour et sexualité en Occident" (cité par Jean-Claude Guillebaud dans La tyrannie du plaisir) parle bien de pédérastie comme initiation de l'ado pubère par l'adulte. Quoiqu'il en soit, ce n'est pas cela qui nous provoque, mais bien la question de savoir si l'homosexualité vaut socialement, structurellement et mentalement l'hétérosexualité. Pour moi, la conception athénienne, différencialiste et esthétique, est la meilleure.

  • Allons bon !

    Voilà que prétendant en revenir au texte (celui précisément que le contradicteur de Celeborn n'avait pas lu - nous, si...) vous nous balancez la question de l'opinion "personnelle" de Platon - où, par Zeus, en aurais-je stupidement fait mention ? Je ne faisais qu'une allusion au fait que dans le Banquet retentissent plusieurs sons de cloche, ou plutot cordes de lyre... Ainsi, selon Diotime, qui y a le dernier mot dans plus d'un sens du terme, c'est bien l'amour entre hommes (plutôt : entre homme et jeune homme) qui est supérieur, car il engendre des oeuvres de l'esprit et non de la chair. Comme vous l'aviez vous-même fait remarquer, il est d'autres propos de Platon qui vont dans le même sens ( et je tombe là d'accord avec celui à qui je répondais : en cas d'égalité entre hommes et femmes, la question ne se pose plus du tout dans les mêmes termes.)

    Voilà aussi, ô surprise, que "nous parlions" des revendications homosexuelles et de l'homoparentalité ? Ce doit être un pluriel de majesté, ou c'est que j'ai désappris à lire, ce qui vu l'entraînement m'étonnerait grandement... (Quant au fait que ce terme soit un contresens ou du jargon, j'en demande pardon aux mânes de Muray, mais au moins quand je l'emploie, on me comprend - quoi que j'en pense, et vous savez ce que j'en pense ou dois-je le rappeler...?)

    Pour le reste, je commence, je l'avoue, à me décourager de voir qualifier et requalifier l'homosexualité comme une déviation, un dérèglement, un trouble, as you like it, dans un échange où je me contentais de rappeler le gros contresens historique sur un "mythe de l'androgyne" commodément déformé. Soyez sûr(s) que si la question avait été bibliquement, freudiennement, sartriennement ou lepéniennement posée, je n'aurais pas songé une seconde à m'en mêler, ne parlant que de ce que je connais : par exemple, la pédérastie antique, que vous avez deux fois essayé de situer par rapport à une pédophilie dont la définition est absolument moderne (ça me rappelle l'heureux - ? - temps où un thème grec croquignolet mais très officiel nous posait l'insoluble problème de traduire "philosophie des lumières", "progrès" et révolution" dans la langue d'Héraclite et d'Epicure...), et sur laquelle il me semble bien hasardeux de définir une "conception athénienne", la loi elle-même se contentant alors d'exiger mariage et procréation, nullement amour, de tous les mâles disponibles quand elle manquait de bras, armés ou non.

    Patrice, o mentula ! o patres !

    PS en forme d'erratum : "mutatis mutanDis", oeuf primordial. Mea maxima culpa...
    PS2 : sur le sens exact de "faire l'amour", développez... c'est le thème, comme dit Roxane. Je me demande comment vous vous en... tireriez ? Baiser ? Foutre ? Coïter ? Pour ma part j'en resterai à "c'est l'amour qui nous fait".

  • Cette mauvaise foi extraordinaire qui consiste à ne jamais vouloir parler de ce qu'on parle....
    D'abord, on ne parlait pas d'homosexualité mais de Kierkegaard, de reprise, d'amour et d'identité (enfin moi). Puis Celeborn est arrivé et a mis le doigt sur ce qui le provoquait, la dimension "anti-féministe" du post. Nous avons alors discuté des hommes, des femmes, de leur différence ou de leur indifférence et est apparue évidemment la question des homosexuels. Interventions de Papy, réponse de Celeborn sur Platon et affirmation d'un idéal queer "pas si éloigné" de l'androgynie aristophanesque, puis réaction certes confuse de Francis mais qui signifiait surtout que l'on ne pouvait pas se servir d'homosexualité sur le Platon. Certes, il sera aussi difficile de faire de Platon un chrétien avant la lettre (bien que philosophiquement... c'est un autre débat !) mais ce qui est sûr, c'est que ni Platon ni le fameux idéal athénien ne serviront la définition moderne de l'homosexualité - celle-ci passant aujourd'hui systématiquement la revendication maritale et filiale. Car si en effet le problème ne se posait pas en ces termes, il n'y aurait pas eu tous ces commentaires.

    "C'est l'amour qui nous fait" - sans aucun doute, sauf que "l'amour ne suffit pas" comme disait l'autre. Alors ? "Faire l'amour" veut dire "foutre" ? Mais l'on peut foutre sans aimer. "Faire l'amour veut dire aimer" ? Mais l'on peut aimer sans foutre. Le premier n'est rien, le second peu de chose comme vous le savez mieux que moi.

    Prenons un cas d'école : un homme et une femme sont tombés amoureux l'un de l'autre, ils ne pensent qu'à se retrouver, ils souffrent dès qu'ils sont séparés. Les voilà sur un banc, seuls pendant quelques minutes. Ils s'embrassent fougeusement, s'étreignent à se faire mal, l'homme dévore la gorge de la femme, la femme griffe le dos de l'homme. Le tout en se disant des "je t'aime", "je t'aimerai toujours" à faire fondre. L'histoire va jusqu'à des contacts manuels, buccaux. Ils meurent de plaisir. Et les voilà qui devront changer de dessous. Mais à aucun moment, ils n'ont mis en contact pénis et vagin. Question : ces amants ont-ils fait l'amour ?

  • Je vous baise les mains, mais je parlais de ce dont on venait immédiatement de parler... et pas dans les termes que vous avancez.
    Votre version :
    " Réponse de Celeborn sur Platon et affirmation d'un idéal queer "pas si éloigné" de l'androgynie aristophanesque, puis réaction certes confuse de Francis mais qui signifiait surtout que l'on ne pouvait pas se servir d'homosexualité sur le Platon. "
    La mienne peut ne sembler que légèrement différente, mais c'est lourd de conséquence :
    Celeborn se référait au discours d'Aristophane dans le Banquet PRECISEMENT parce que les couples y sont de toutes "orientations sexuelles" (je me servirai désormais de ces guillemets de précaution chaque fois qu'un terme anachronique s'avère le plus pratique) ; quelle surprise alors de lui voir opposer un mythe "de l'androgyne" qui n'en est qu'une version tronquée au point d'en inverser le sens, lequel est et reste : chaque être humain cherche son âme soeur, son corps frère, qu'il soit du même sexe ou de l'autre (autrement dit : on peut, accessoirement, se servir du discours en question sur l'homosexualité).
    Voilà comment et pourquoi, Celeborn n'étant pas disponible pour répondre, j'ai joué l'helléniste de service.
    Les échanges qui précédaient ne me motivaient pas assez pour que j'entre jusque là dans le débat, où je trouvais de part et d'autre matière à réflexion... et à contestation ; cela ne remet pas en cause l'intérêt de ces interventions.

    Patrice, les (re)lecteurs apprécieront.

    PS : personnellement je n'ai que foutre... oh pardon ! de définir "faire l'amour" ; comme Platon, je m'intéresse plutôt à la définition de l'amour tout court, si j'ose dire.
    Mais puisque c'est, semble-t-il, une pierre de touche pour vous permettant de distinguer les bienheureux hétéros qui le font de ces pauvres égarés d'homos qui ne sauraient le faire, je ne me défilerai pas - d'autant plus que votre "cas d'école" (parmi les meilleures lignes que vous ayez écrites sur l'amour, je sais de quoi je parle) ne me pose aucun problème.
    Ces deux-là, donc (que vous appelez "amants", autre problème lexical délicat) ont selon moi bel et bien fait l'amour et l'amour les a faits, au même titre que deux hommes ou deux femmes dans le même cas.

  • Autre problème :
    Jeannot, seize ans, vit depuis un mois un flirt avec Suzanne Ficci, sa belle cousine du même âge. Tous les deux sont très amoureux et ils s'embrassent jusqu'à s'étouffer. Parfois une main glisse et les voilà qui jouent au docteur à moins que cela ne soit elle l'infirmière. Quoiqu'il en soit, ils s'aiment éperduement et se disent qu'ils se marieront dès leur majorité atteinte.
    Mais ce matin, Jeannot est avec ses copains. Ces derniers étant très jaloux de son idylle avec la belle Suzanne qu'il ne peut s'empêcher de se vanter quelque peu et de leur déclarer que depuis cette nuit, il n'est plus puceau !
    -Comment ? Vous l'avez fait pour de vrai ? demande excité l'un de ces camarades.
    -Mais oui mon vieux ! Et plutôt deux fois qu'une, c'est moi qui te le dis !
    -Mais c'est comment ?
    -Très doux, plein d'eau chaude salée, quand on la suce avec la langue.
    -Ouah....
    -Y a les seins qui se gonflent, elle crie, toi aussi, quoique moins fort, et après on se rhabille.
    -Mais quand tu la mets dans elle, ça fait quoi ?
    -Ah ça, on n'a pas fait. Elle dit qu'elle ne veut pas être enceinte tout de suite.
    -Vous ne l'avez pas fait ? Mais vous n'avez pas fait l'amour alors ?
    -Mais bien sûr qu'on a fait l'amour ! Mais pas comme ça !
    -Et l'autre eh !
    -Mais je t'assure que...
    -Jeannot, c'est un sacré menteur ! Pas vrai les gars ?
    -OUAIIIIIS ! C'est un sacré menteur !
    -Laissons-le !
    -Mais les amis, je...
    -PUCEAU !!!

    Question : qui a raison ? Jeannot ou ses petits camarades ? Et dans tous les cas, Jeannot est-il encore puceau ?

  • Il fut un temps où l'expression "masturbation intellectuelle" faisait florès.
    Avec tout le respect que j'ai pour les jouissances de toute sorte, le touche-pipi mental ne me tente pas, encore moins dans sa version "la mienne (de casuistique) est plus grosse que la tienne".
    Il est trop évident que ce cas est similaire au précédent. Vous en avez encore beaucoup en réserve ? Vous espérez de nombresues réponses ou n'est-ce que la mienne qui vous intéresse ?

    Patrice, les pieds jaloux je m'en passe.

  • Que voulez-vous, j'ai du mal avec ceux qui prennent les mots pour leurs désirs comme leur slip pour une tasse de café... Et cette idée d'un faire l'amour purement métaphorique me rend kenneth starien, je l'avoue. Alors des autres cas, oui, j'en ai. Est-ce qu'un impuissant fait l'amour avec la femme qu'il aime ? Est-ce qu'une femme frigide idem ? Et quand on dit qu'on a fait "l'amour avec les yeux" (comme dans une scène de Barry Lyndon), la conséquence est-elle la même que si on l'avait vraiment fait ? Mais est-ce que cela un sens de vraiment faire l'amour ? Et si oui par rapport à quoi. En effet, je m'interroge et comme vous êtes le seul psychorigide de la bande, et bien c'est à vous que ce discours s'adresse...

  • Je suis là !

    Et moi qui ne voulait que parler d'amour, voilà qu'on en est à la pédophilie et à l'homoparentalité :). Alors je résume mon propos :

    J'ai évoqué l'Aristophane du Banquet car sa conception mythique, originelle de m'amour me touche. Cette conception dépasse le clivage des orientations sexuelles en faisant de l'amour quelque chose qui touche tout le monde, forcément (et même, dirais-je, impérativement), et peu importe que l'objet soit un homme ou une femme : c'est un être qui nous complète et avec lequel nous formons un tout qui se rapproche de la transcendance. Qu'ici l'ordre du monde, la cosmologie ne soient pas "hétérocentrés" mais beaucoup plus ouverts, me sied.

    C'est pourquoi ce "mythe des êtres doubles" (les appeler tous "androgynes" est un contresens, puisque seul un des trois "types" porte ce nom, pour d'évidentes raisons linguistiques) me semble un potentiel fondement cosmologique qui a de quoi lutter avec l'idée du " homme + femme = complet, le reste = pas bien".

    Qu'ensuite l'Aristophane de Platon adapte son mythe à la société de l'époque, quoi de plus normal ? Il n'avait pas la fécondation in-vitro, les mères porteuses et tout le tintouin, et même probablement pas l'idée du couple homosexuel comme cellule sociale (sinon familiale). Le monde évolue, la société itou ; mais le mythe originel, lui, peut rester : c'est l'idée des trois êtres doubles et la conception de l'amour qui en découle qui est importante, pas de savoir comment s'y prendre pour gérer et défendre la cité athétienne et construire une société à l'époque de Platon.

    *Celeborn

  • Bon, je reconnais que mes remarques sur le personnage d'Aristophane dans le Banquet de Platon étaient hatifs, partiels et même partial. Mais je partais sur l'impression vieille de 20 ans que j'avais retenue du texte (n'est-ce pas la définition même de la culture chez Oscar Wilde?).

    Ce qui m'intéressait dans le cas cité était la notion d'altérité entre les deux membres du couples. En relisant le texte (en anglais et en français -je n'ai pas le temps de me faire une nouvelle traduction et mon grec n'est pas au top, je l'avoue-, et bien avant que vous l'affichiez ici), j'ai remarqué mon erreur et suis désolé de n'avoir pas pris le temps de corriger le tir. Vous m'excuserez: j'ai 5 enfants, 3 films et 2 examens à boucler au même moment. Enfin, à la relecture, j'ai confirmé et la notion d'altérité et la notion d'égalité.

    Il est en revanche intéressant que personne n'ait lu le roman de Hugo auquel j'ai aussi fait allusion. Je situe et résume le passage de Quatrevingt Treize en question: Gauvain, jeune chef révolutionnaire, va, par un concours de circonstances, à l'échaffaud. Son mentor Cimourdain vient lui rendre visite dans sa cellule. Le chapitre est alors un débat sur la nature de la République et enfin sur les relations hommes/femmes. Gauvain prône l'égalité entre les sexes. L'objecton de Cimourdain est que la supériorité de l'homme est naturelle, puisque les hommes et les femmes sont différents. "J'ai dit égalité, lui répond Gauvain, je n'ai pas dit identité."

    (Je vous prête mon flanc: je cite encore de mémoire, et cela fait aussi un bail que je n'ai pas lu le roman de Hugo. Toutes mes excuses pour les raccourcis et les hésitations. Enfin, merde, Non, je les retire, mes excuses. Cela vous fera lire le roman qui est passionnant, sans aucun doute le melleur roman sur la Révolution et le seul qui soit un véritable drame républicain. But I digress...)

    Revenons à nos moutons: J'ai rapproché l'allégorie d'Aristophane Dans le Banquet de Platon au thèse de Gauvain dans le Quatrevingt Treize pour une raison qui reste valable malgré toute les objections que vous m'avez déjà faites.

    Dans votre débat, comme un peu partout, je trouve, on fait la confusion entre Egalité et Identité. ce sont en fait deux notions mutuellement exclusives. Assurer l'une en prônant l'autre n'aboutit qu'à la destruction des deux. "L'égalité des chances" telle qu'elle est promue dans l'Education National de nos jours est une leurre. Elle ne prend en compte ni la diversité des horizons ni les différences des objectifs de chaque élève.

    Or, c'est dans la différence que réside la richesse des possibilités. Platon, à travers Aristophane, souligne que la différence de nature apporte une différence de but dans la vie publique de chacun. C'est par la diversité que l'on assure tous les besoins de la cité.

    Il se fait tard.

    Bonne Soirée

    FSM

  • Vous VOUS interrogez, et c'est à MOI que vous vous adressez ?
    (C'est tout le comique d'une scène du "Molière", le bon : celui de Mnouchkine... Comme disait une de mes vieilles profs : "Qui s'interroge, qu'il se réponde".)

    Allons-y pour le petit jeu mondain :
    Je vous l'ai toujours dit et le redis : pour moi, faire l'amour n'a qu'un sens, c''est "le" faire avec amour, et cela résoud tous les cas que vous alignez - les prochains aussi je parie. Encore faut-il définir l'amour.

    Mais si vous tenez aux questions, ce pourrait être votre tour, car moi aussi j'en aurais plein...
    Laissons donc les métaphores puisque vous voulez du concret (mais là, faute d'inspiration je l'avoue je dois citer, et le tableau d'honneur à qui trouve toutes les sources ) :
    - Une putain doit-elle procurer autant de plaisir à un fouteur de vingt-quatre sous qu'à celui qui la paie généreusement ?
    - Un centilitre de sperme "craché comme un gros glaire dans un lavabo" vaut-il un centilitre de sève amoureusement savouré ?
    - Peut-on fouetter son partenaire s'il le demande ?
    - Cliquer, est-ce tromper ?

    ... si après tous ces fonds de slips vous préférez revenir au "métaphorique", pourquoi pas, et avec joie.

    Patrice, qui n'interroge personne qui ne l'interroge

    PS1 : Celeborn, je vous adore (allons bon, ça va se voir, lol) avec votre "conception mythique, originelle de M'amour " - une tristanite aiguë je suppose ? (au fait, l'homoparentalité et la pédophilie, c'était pas de moi - mais vous le savez).

    PS2 : Francis, j'ai, j'ai lu et j'ai relu tout Hugo... Digérer ces milliers de pages pour n'en tirer que la platitude égaux-mais-différents, c'est du gâchis vraiment. Quant à vos dérapages incontrôlés sur l'égalité des chances, ma foi, si on les avait suivis quand j'ai étudié, j'aurais fini à l'usine comme mes cousines.
    (Et au passage, vous demandez-vous parfois si vos interlocuteurs ont des enfants à "boucler", eux ?)

  • Cher Francis, tu ne connais pas la bête. Elle est redoutable, pousse la mauvaise foi jusqu'à l'absurde, et pratique une rhétorique qui finira par te prouver que tu n'es pas ce que tu es et que tu n'aimes pas les tiens. Mais la recherche de la vérité passe aussi par toutes les objections et abjections et c'est pourquoi j'ai la faiblesse d'ouvrir mon arène à tout le monde. Cela dit, si tu n'es ni crabe, ni serpent, ni scorpion, Je te conseille de prendre tes distances avec tout cela.

    Patrice, vous auriez dû vous faire interrogateur dans les pays de l'est. Le cours d'interrogation des suspects que donne Wiesler au début de La vie des autres, c'est (pour) vous ça...
    Faire l'amour n'est donc pour vous que ce que ce qui se fait avec amour ? Bien. Personnellement, mentalement, sexuellement, je réponds non. Et je sais de quoi je parle, je sais quelle est la blessure ontologique de celui qui peut aimer sans faire l'amour, je sais ce que c'est que faire tout ce que l'on peut faire en amour sans le faire, je sais ce que c'est que ce manque que ne comblent ni les preuves d'amour ni les expériences érotiques de toutes sortes, je le sais puisque je parle de moi. Et c'est pourquoi j'ai du mal à supporter des connards ou des connasses qui vous disent, la bouche en fleur, que l'on peut faire l'amour sans le faire, mais que du moment qu'on met du sentiment, de la volupté et même de l'amour (car on peut mettre de l'amour en tout et je le dis sans ironie), eh bien on le fait. Eh bien non désolé. Autant dire à un aveugle qu'il voit avec les yeux de l'âme, du coeur ou du nombril.

    Bon, maintenant pour conclure, rien à redire de ce qu'a dit Celeborn. Si "c'est l'idée des trois êtres doubles et la conception de l'amour qui en découle qui est importante, pas de savoir comment s'y prendre pour gérer et défendre la cité athénienne et construire une société à l'époque de Platon", non seulement je m'incline, mais je signe.

  • trop long c pas du tout bien vous éte con quoi attend c trop long n importe quoi ce mec ou cette meuf

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