« L’argent ne fait pas le bonheur, mais le bonheur non plus ne fait pas le bonheur » disait malicieusement Sacha Guitry. En vérité, rien en soi ne fait le bonheur, pas même l’amour, la paix, le savoir ou la santé. On peut être très amoureux, très cultivé, péter la forme, ne se disputer avec personne et être sans cesse au bord du suicide. L’adorée ne vous aime pas, les livres vous désespèrent, votre partenaire de tennis vous met six-zéro toutes les semaines, tout le monde vous évite car votre air sinistre non merci et vous vous retrouvez seul tous les soirs devant Arte. Dans ce cas-là mieux vaut avoir de l’argent qui facilite les amours, favorise les amitiés (et vous fera gagner au tennis), permet toutes les frasques culturelles (tiens, Robert Alagna chante au Met de New York ce soir, si j’y allais ?), et autorise à s’inscrire aux établissements thermaux les plus huppés. Donc, l’argent fait le bonheur. Question suivante ?
Non, ce que l’on voulait dire, c’est que le bonheur n’est pas gai, le bonheur est une chose sérieuse, le bonheur demande beaucoup d’efforts et d’énergie, le bonheur appartient à ceux qui se lèvent tôt, le bonheur est une construction sociale. La preuve ? Si je dis que mon bonheur consiste à aller lire Matzneff au Luxembourg, voir un film du cycle Romy Schneider au Champo, m’envoyer la côte de bœuf à la sauce béarnaise et au sel de Guérande du Saint André, descendre une bouteille de Saint Emilion avec un ami et dire du mal de tous nos amis communs, déguster un Cohiba robustos avec un verre de Bowmore, et finir la soirée chez une masseuse professionnelle (150 euros avec fellation), vous ne manquerez pas de me rétorquer avec un peu de tristesse, car je vous connais, que ces plaisirs-là ne sont que des fuites cultureuses ou vénales qui n’ont rien à voir avec le bonheur, que d’ailleurs le plaisir n’est pas le bonheur, et que se saouler, même avec le meilleur vin du monde, est un signe de détresse affective comme aller voir une pute en est un de misère sexuelle. Bref, vous verrez en moi un être immature et dépressif qui à trente-sept ans vit comme un étudiant sur le retour, incapable de faire quelque chose de sa vie et bon seulement à polluer la belle notion de bonheur dans l’article qu’il lui consacre. Car l’homme vraiment heureux ne lit pas l’infâme Matzneff et ne va pas casser du sucre sur ses amis avec un complice aussi malheureux que lui. L’homme vraiment heureux est avant tout un être moral qui rentre le soir chez lui fier du travail accompli, qui retrouve sa femme, ses enfants, qui décide d’envoyer son aîné en pension car celui-ci n’en fout pas une à l’école malgré les corrections régulières qu’il lui inflige (mais qui aime bien fait bien mal), qui appelle la police pour qu’on vienne chercher le SDF qui dort dans sa rue (car faire respecter la loi c’est faire le bien de tous donc de chacun), qui envoie son obole chaque mois à une association de protection de l’enfance dont il fait partie, mais qui ne déteste pas se regarder le porno de Canal pendant qu’il prouve à sa femme qu’il est un homme et qui se dit que si elle pleure c’est qu’elle aime ça. Le bonheur, c’est travail, famille, patrie. Bouge pas, salope.
Diable ! Encore un paragraphe qui part en vrille. J’ai décidément bien du mal avec cette notion. Qu’en disent les philosophes au fait ? Pour Platon, le bonheur, c’est la justice, pour Aristote, c’est l’acte propre de chaque être, pour Epicure, c’est l’ataraxie (l’absence de trouble), pour les Stoïciens, c’est l’apathie (l’absence d’affects), pour les chrétiens, c’est le sacrifice et l’amour (beaucoup d’affects et pas mal de troubles), pour Spinoza, c’est la joie difficile (mais tout ce qui est beau est difficile), pour Kant, c’est le devoir, pour Rousseau, c’est l’innocence (et la fessée), pour Schopenhauer, c’est le renoncement (et la bouffe à laquelle il est impossible de renoncer), pour Nietzsche, c’est le surhomme (qui conduit à la folie), pour Marx, c’est le goulag, pour Heidegger, c’est le chemin de campagne, pour Michel Onfray, c’est dire du mal de Dieu. Lui-même a beau prôner la gastronomie, la libération des sens, le dionysisme à tout crin, il se révèle un type sévère, rigoureux, donneur de leçon à ses heures et d’une tempestivité qui ferait rougir Luc Ferry et André Compte-Sponville eux-mêmes. On a tort de les opposer. Même si André et Luc ne jouent pas dans le même préau que Michel, tous les trois ont su faire de la philosophie pour tous et vendre beaucoup de livres qui sont autant de manuels de bien-vivre que les cent façons d’être heureux. André est le plus direct : Le bonheur désespérément, La plus belle histoire du bonheur ; Luc s’intéresse d’abord à la vie : Qu’est-ce qu’une vie réussie ?, Apprendre à vivre, puis à la vie de famille : Famille, je vous aime, et ne déteste pas Vaincre les peurs ; Michel a l’air de s’éclater plus : Journal hédoniste, Théorie du corps amoureux, Féeries anatomiques et même Le christianisme hédoniste. Sans préjuger systématiquement de la qualité de ces ouvrages, sans même tomber dans le procès d’intention des « philosophes médiatiques », et encore moins dans celui du public qui les lit, force est de reconnaître que l’amalgame qu’ils ont fait entre philosophie et bonheur risque de dérouter nombre de lecteurs quand ces derniers ouvriront un vrai livre de philosophie. C’est que la philosophie donne moins de bonheur qu’elle ne crée de l’inquiétude ou qu’elle n’effraie. Comme le dit plaisamment Clément Rosset dans son livre sur Schopenhauer, « il ne faut pas compter sur le philosophe pour trouver des raisons de vivre ». Et contrairement à ce qu’ont l’air de démontrer le succès des livres de ses confrères et leurs multiples apparitions télévisuelles, le philosophe n’est traditionnellement jamais le bienvenu dans la cité. Le philosophe désespère, scandalise, blasphème, agresse, terrorise, décourage. Il détruit les idoles, suspend les jugements, torpille les opinions. Il se masturbe en public, détourne les esprits les plus jeunes et provoque la haine des parents d’élèves. Le philosophe, c’est le danger public par excellence que les autorités décident un jour de neutraliser. Et pour commencer, le premier d’entre eux, Socrate, accusé de corrompre la jeunesse et condamné à boire la ciguë par les juges d’Athènes. Plus tard, ce seront Giordano Bruno jugé et brûlé comme hérétique, Spinoza banni par les siens, obligé de s’exiler et échappant même à une tentative d’assassinat, son nom devenant synonyme d’infamie ! Kierkegaard, traîné dans la boue par la presse de Copenhague et pourchassé à coup de pierres par la populace. C’est que la populace, dont on dit qu’elle ne comprend rien à la philosophie, la comprend en fait bien mieux que l’universitaire, car elle y pressent à l’état pur son amoralisme fondamental, son ironie antisociale, ses capacité de destruction contre ce qu’elle a de plus cher – la croyance en la morale, la certitude de ses espérances, toute une série d’illusions vitales dont on ne peut sans dommage lui révéler qu’elles le sont. Vous ne me croyez pas ? Vous pensez que j’exagère ? Lisez donc sérieusement (c’est-à-dire non universitairement) la Généalogie de la morale de Nietzsche ou le Traité du désespoir de Kierkegaard et vous comprendrez pourquoi l’honnête père de famille ne peut qu’haïr la philosophie… et pourquoi la haine de la philosophie n’est au fond que la meilleure garante de celle-ci.
Tout cela nous éloigne encore un peu plus du bonheur. Et pourtant, ce n’est pas faute de l’avoir cherché. Comme le disait Pascal, « tous les hommes recherchent le bonheur, même ceux qui vont se pendre. » Voilà au moins une vérité incontestable. Que l’on soit le plus grand dépressif ou le pire masochiste, le bonheur est notre obsession à tous. Sauf que nous ne savons pas toujours nous y prendre. Quand nous ne sommes pas heureux, nous préférons nous rendre malheureux, histoire de passer le temps. Nous préférons la souffrance à l’ennui. Qu’il nous arrive quelque chose de pénible plutôt que rien. Au moins pourrons-nous nous plaindre et nous rendre intéressants à nos propres yeux, sinon à ceux des autres. Il y a un tel bonheur à être malheureux. Tant de gens qui dramatisent leur existence qui s’ils savaient si prendre serait une thébaïde. L’on connaît tous ces êtres plein de ressentiment qui disent souffrir alors qu’ils ne font que voir souffrir les autres, et qui vous rapportent avec un tremolo dans la voix tout ce qui leur fait de la peine et qui en réalité les fait secrètement jubiler. Geindre, pour le dépressif, c’est jouir. Et celui qui veut geindre jusqu’au bout, c’est le damné. Dans son cours sur Leibniz , Deleuze excellait à imiter celui-ci. Ah le feu ! Ah la punition ! Ah non je n’ai pas mérité ça ! Ah ça n’arrive qu’à moi ! Ah c’est trop injuste ! Mais ses plaintes sont de fausses plaintes. Au fond, le damné rigole. Car dans ses souffrances, il jouit de la plus grande et la plus innommable jouissance– la jouissance de la haine de Dieu. C’est cette haine qui le damne et qui d’une certaine manière l’emplit d’une joie mauvaise et éternelle. Le damnation n’est donc pas un malheur que Dieu inflige au damné (car si c’était le cas, Dieu serait un bourreau), elle est une sorte de bonheur dans lequel le damné fait ou croit faire le malheur de Dieu en refusant de se laisser à Lui. Autrement dit, et comme l’écrit Leibniz, « Le damné n’est pas éternellement damné mais il est toujours damnable et se damne à chaque instant » Le damné tient trop à sa damnation pour y renoncer et sa haine de Dieu vaut bien qu’il supporte les petits inconvénients du feu. Je brûle de ma haine contre toi, ma haine qui a été plus grande que ton amour, ma haine qui a vaincu ton amour et qui prouve à toutes les âmes que l’on peut être plus fort que toi. Si je gémis en enfer, tu pleures au paradis, et c’est pourquoi je préfère y rester car ma douleur est désormais garante de la tienne. En enfer, je te tiens.
Finalement, il est très difficile de parler du bonheur sans parler d’autre chose – dépression, suicide, damnation. Peut-être parce que, comme le disait Jean-Louis Bory à propos d’un film de Lelouch, le bonheur est quelque chose de vulgaire. Voyez Hairspray, le film de Adam Shankman avec John Travolta en femme, la comédie musicale la plus grotesque de l’année et qui est pourtant un moment de bonheur immense – que j’ai goûté personnellement deux fois. Mon article peut-il encore être pris au sérieux après cet aveu ? Le bonheur ne peut-il être traité qu’entre son impossibilité douloureuse et sa superficialité répugnante ? Pourtant, même dans des rangs plus nobles, on ne pardonne pas aux artistes et aux écrivains de ne se contenter de donner que du bonheur. Rembrandt sera toujours préféré à Rubens. Beethoven paraîtra toujours plus profond que Mozart – et Offenbach sera toujours snobé par les mélomanes (malgré les efforts de Clément Rosset pour le réhabiliter dans La force majeure). Enfin, que dire d’un Sacha Guitry dont on fête le cinquantenaire cette année et qui passe encore pour un affreux snobinard, superficiel et misogyne, alors qu’il fut l’un des plus grands artistes du bonheur ? Relisez ses étonnantes « lettres à mon fils » et dites-vous de toute chose qui vous arrive :« faut-il que cela soit bon pour que cela me soit arrivé ! » Aimer sa vie et non la vie, voilà le secret du bonheur.
(Cet article est paru dans le premier numéro des Carnets de la philosophie d’octobre 2007 et mis en ligne une première fois sur ce blog le 14 janvier 2008.)
Commentaires
"Il paraît qu'il ne faut pas avoir peur du bonheur. C'est seulement un bon moment à passer."
Romain Gary dans Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable
"L'ennui est le fond même du deuil. Le désespoir baîlle." disait Hugo.
Il est intéressant de voir discuter du bonheur comme d'un état, alors qu'il s'agit plutôt d'une action. Toute personne que agit, qui se construit, murit son projet est en fait heureux. Le malheureux est fait celui qui ne fout pas une rame et râle parceque personne ne s'occupe de lui. Tudieu! pourquoi j'irai me casser les pieds à te faire ton bonheur quand toi même tu ne veux pas te remuer d'un poil.
D'ailleurs, les auteurs de la Déclaration d'Indépendance américaine l'ont bien pigé: le droit inaliénable de l'homme n'est pas le bonheur, mais la poursuite du bonheur. Là, il y a une sacré différence.
Le bonheur est une action ? Mais mon cher Hawkeye, le malheur aussi. Les brigands sont des gens plein d'énergie, les criminels des actifs au plus haut degré. Alors, certes, on ne peut rien faire et souffrir comme les pierres, mais au moins ne fait-on de mal à personne en ne faisant rien. Et la béatitude, chez le moine comme chez le poète, est une paresse accordée par la grâce.
A votre citation de Gary, Tonton Macoute, j'ajoute celle de ce poète américain citée par Cioran, dont le nom m'échappe, qui parle de "la souffrance d'être heureux" et à laquelle le roumain joyeusement désespéré ajoute que lorsqu'il la sort à quelqu'un et que celui-ci ne comprend pas, il est inutile de continuer, car l'incompatibilité d'humeur ou de sensibilité est totale.
Si, on se fait du mal à soi-même en ne faisant rien. Je veux dire un "rien" qui mène à l'ennui, à la sensation d'inutilité, à la vacuité existentielle. Il va de soi que celui qui médite est dans l'action, celle-ci peut très bien se dérouler sur différents niveaux dont celui de l'esprit, on brûle autant de calories en réfléchissant qu'en bougeant son corps.
"[..]Aimer sa vie et non la vie, voilà le secret du bonheur."
Arf.
Vous êtes pire que Ferry dans l'art de tirer tout espoir de vision plus haute à l'individu, et de le ramener brutalement à sa petite vie.
Moi qui me disait que l'esprit supérieur est celui qui a réussi à sortir de sa petite personne...
Mais l'esprit supérieur n'a rien à voir avec le bonheur....
Qui dit que le criminel est malheureux? Il passe son temps à essayer de déjouer les règles de société, et s'il se fait prendre, c'est la vie! Et entre temps il aura pris son pied.
Celui qui s'assied sur son cul à longeur de journée en râlant sur son sort est le pire des espèces. Nous sommes bien placés pour connaître ce genre d'energumène, à considérer certains de nos collègues de salle: ils s'ennuient et veulent non seulement que tout le monde le sache, mais que tout le monde partage leur ennui. Et si on ne le partage pas, ils nous feront chier juqu'à ce que mort s'en suive.
Enfin le poëte écrit et le moine prie. Contempler Dieu ou les choses est une action, une construction de soi.
Pour ce qui est des "esprits supérieurs", je pense à la question du Bon Brahmin de Voltaire: vaut-il mieux être bête et heureux qu'intelligent et malheureux? Il y a là de quoi parler longtemps! L'intelligence et la supériorité ne font pas le bonheur...
à fond ! le petit Jésus en personne n'a-t-il pas dit Bienheureux les samples d'esprit, le royaume des cieux leur est ouvert ?
Justement mes amis: Le bonheur n'est selon moi pas un but, c'est la capacité à sortir de son individualité pour atteindre des réalités plus hautes, atteindre une vision plus profonde de l'Univers.
"Théorie de la vraie civilisation. Elle n'est pas dans le gaz, ni dans la vapeur, ni dans les tables tournantes. Elle est dans la diminution des traces du péché originel."
disait déjà Baudelaire en son temps. Le bonheur, c'est la drogue qui permet aux masses de résister au présent et de vivre néanmoins, c'est le but recherché par tout les êtres médiocres.
Imbéciles et heureux? N'est-ce pas, selon Mr Cormary lui-même, la caractéristique de notre temps?
Le bonheur est un état, une action... Moi, je crois surtout que le bonheur est une raeté, et le malheur aussi (mais moins). On n'a pas la force d'être heureux ou malheureux longtemps, et on ne l'est pas de manière égale et étale. Ces moments où tout va bien, où le monde tourne dans le bon sens, en harmonie, et soudain votre pied rencontre lecoin de la table, le téléphone sonne, un souvenir à la con vous revient, et hop ! terminé ! On peut créer les conditions du bonheur, qui ne sont d'ailleurs pas les mêmes pour tous (un tel voudra de l'amour, un autre surtout de l'argent, un autre surtout qu'on ne vienne pas le faire chier, un autre encore être sans cesse entouré et jamais seul...), mais le bonheur, lui, relève de l'alchimie, du "moment d'être" woolfien, éphémère, mais qui aura compté. On peut être longtemps content, satisfait, dans un certain état de bien-être, tranquille, joyeux même. Je ne suis pas sûr qu'on puisse être longtemps heureux.
Il est intéressant de constater les confusions qui planent autour du bonheur.
Le bonheur n'est pas le plaisir, comme l'a fait comprendre M. Cormary. Mais le bonheur n'est pas non plus le contentement, comme le décrit Céléborn. Il y a des moment d'extase où nous trouvons un bien être quasi divin, mais ce n'est pas le bonheur. Le bonheur -qui, comme je le répète, n'existe pas comme un état de fait- est un projet, une construction permanante. Curieusement, la contrariété participe à ce bonheur: elle rend l'effort valabe, ou si l'on préfère elle offre un point d'appui pour avancer.
On pourrait dire que le bonheur c'est le droit de faire des choix avec la sagesse de les faire en considérant les conséquences et en jouissant de ces conséquences lorsqu'elles arrivent. Le véritable sage heureux sait ce qu'il veut et fait ce qu'il doit pour l'obtenir. On peut très bien imaginer un bandit heureux.
Gnôti séauton...
La joie de l’Être, qui est le seul véritable bonheur, ne peut arriver à nous par une forme ou une autre, par une possession, un accomplissement, une personne ou un événement, par quelque chose qui se produit. Cette joie ne peut pas venir à nous, jamais. Pourquoi ? Parce qu’elle émane de la dimension sans forme en nous, de la conscience même et qu’elle fait par conséquent un avec ce que nous sommes.
Fin de citation, je retourne à la maison
Le bonheur dont tu parles, Hawkeye, est un peu le bonheur de Charles Ingalls dans La petite maison dans la prairie, travail, famille, efforts, épreuves à surmonter, action, construction, processus et même contrariété. Tout cela sent la morale méritocrate et si j'ose dire casse un peu les couilles. De plus, qui te permet de dire que le bonheur n'est pas un état ? Un instant de béatitude ? Une joie de l'être ? Certes, on peut tout à fait déprimer dans le désert ou dans la nef secteur 34, mais si l'on veut être juste, le bonheur relève autant de la vie contemplative que de la vie active. Il serait intéressant de savoir laquelle de ces vies il évoque en premier...
On peut aussi être en extase dans un désert que dans la Nef secteur 34...
Ce que je pense c'est que si la joie de l'être ne peut pas nous venir, c'est parceque c'est nous qui devons aller au devant d'elle. C'est moi l'athée qui te démontre la logique même de la grace! Tout le monde peut être sauvé, mais seuls ceux qui le demandent recevront le salut. Quand nous parlons du bonheur ne parlons nous pas en fait de la même chose? Le bonheur, comme le fait remarquer E.T. "émane de la dimension sans forme en nous..."
Le contemplateur, qu'il contemple Dieu ou un passée glorieux ou ses rêves inaccessibles est dans l'action: il focalise ses pensées et par là, atteint le bonheur.
Enfin, je ne crois pas qu'il existe quoi que ce soit dans un état statique éternel et immuable qui puisse être perçu par nous. Du coup, toute conception du bonheur statique, éternel et immuable est un non sens. Tout état que nous pouvons connaître, le bonheur, l'amour, mais même la richesse ou la santé est conditionné par le fait que nous sommes changeants et mortels. La perennisation de ces états est soumise à un travail d'entretien permanent.
Aussi suis-je d'avis que les Père Fondateurs des Etats-Unis ont vu juste lorsqu'ils déclaraient que la poursuite du bonheur -et non le bonheur en lui même- est un droit fondemental: a chacun de faire sa conception du bonheur et de la rendre réelle.
On pourrait aller très loin comme ça...
Il y a aussi les "grands" bonheurs et les "petits" bonheurs.
Un petit bonheur, c'est de NE PAS lire Amélie Nothomb :-) ( J'avais d'ailleurs bien compris que votre article allait dans le sens de Madame Chapeau... un peu moins, je vous l'accorde, quand vous dites que Dantec apprécie davantage l'écrivain chez elle).
Un "grand" bonheur, c'est de me rendre compte que l'espèce humaine arrive bientôt comme une grande au bout de sa pénible maladie : son existence.
L'être humain n'a pas compris que le "Bonheur" résidait tout entier dans le paradoxe.
Il peut donc crever bê(a)tement.
Thierry
PS : Doit en tout cas vivre une bien triste (voire pénible) vie celui qui râle sur celui qui passe toute la journée à ne rien foutre, sinon à râler sur celui qui râle sur celui qui râle sur celui qui ne fait rien... Capice ?
Je suis tombée chez vous par hasard en jouant avec le moteur de recherche de blogs de Google - j'ai tapé Dostoïevski, pour la forme. Soit dit en passant j'ai balayé l'article des yeux et apprécie le début - surtout que le premier livre que j'ai lu, de cet auteur, c'est bel et bien L'Adolescent, et j'avais... 17 ou 18 ans. Je ne m'en suis toujours pas remise et je me retrouve toujours en Arkadi. Depuis évidemment je me prends aussi pour une Raskolnikova, et je me crois bien terrée dans un sous-sol, à l'aube de mes 21 ans... Enfin bref. Je digresse. Folle jeunesse. Insomniaque, surtout.
Non, c'est très convaincant tout ce que vous dites là - hormis la fin peut-être, bien sûr. Trop fatiguée, sûrement, d'une manière générale, enfin en ce moment quoi, pour bien saisir, attraper la balle au bond. Et puis oui, c'est vrai, l'esthétisme de la souffrance, comme j'aime bien appeler ça - enfin, la souffrance ça rend moche, donc beau, de nos jours, donc c'est assez funky, de se coller ça sur la peau, enfin, quitte à se sentir vide et niais, autant pleurer toutes les larmes de son corps et hurler à la terre entière en silence qu'on aime pas les gens histoire d'avoir quelque chose à... montrer. Histoire d'essayer de s'adresser à quelqu'un, et surtout de la pire des manières, parce que quitte à aller vers l'autre, autant y aller... mochement. Bref. Je vais briser là, ou quelque chose comme ça, il est temps d'aller me coucher. Merci pour la lecture, et au plaisir.
(Chez moi tout est toujours un peu brouillon, con-con, pardon.)
Bienvenue chez moi Elise ! Et merci pour le "convaincant". Oui, l'homme du sous-sol, nous avons tous voulu l'être à un moment donné - hurler sa haine amoureuse au monde entier - et puis nous nous sommes rendus compte que ça ne suffisait pas d'être funky. C'est comme dans les Karamazov, Ivan nous séduit plus qu'Aliocha et nous méprisons Dimitri. Et un jour, Ivan et son désespoir nous fait rire, Aliocha nous émeut et Dimitri, sensuel, brutal, inconséquent, mais bon, c'est un peu nous... A bientot.
Si j’aime vos « saloperies », c’est parce qu’elles deviennent vraies et belles sous votre plume...
emeraldias
LES COMMENTAIRES 2011 COMMENCENT ICI.
Aimer LA vie, pas la vôtre ! ... par la vôtre...
Votre conclusion me gêne, j'ai peur de ne pas comprendre (ou de ne pas le vouloir :)
Si l'on n'aime que sa vie, on ne voit que son petit périmètre très réduit, son image taillée et ses illusions humaines, matérielles, on ne peut voir au-delà. On ne peut être le Christ... on ne peut être sauvé.
L'Esprit et le Verbe viennent à chacun, seul, certes, mais ils n'occultent en rien les autres, sans non plus contraindre au mimétisme, à l'uniformisation. Si je n'aimais que ma vie, je voudrais la fin des autres il me semble, ou bien le pouvoir de dire le Bien (Mal). Et je ne parle pas non plus de comparer les bonheurs, les vies.
Etre eux, re... Seul...
Et l'art du bonheur de Powys,et le bonheur dans l'oeuvre de Powys,dans l'autobiographie,l'art de vieillir,les enchantements,oublier le déplaisir,et de l'oeuvre de Powys,le bonheur chez Pierre Cormary,n'est que joie?Si oui l'oeuvre de Powys n'a plus lieu d'être!Pourtant elle est!Et pour moi elle a lieu d'être du bonheur.pour vous Pierre,Powys est plein de sens et sans équivalent.
J'ai le bonheur de ne pas savoir... simplex et idiota