On commence à le poursuivre, à vouloir le tuer. Il est en cavale permanente. Pas sûr qu'on l'ait suivi à l'époque si on en avait été. Personnage sulfureux, dangereux, corrupteur, « déconstructeur », infréquentable, pas forcément sympathique qui plus est – qui éprouve chacun. Rappelez-vous la parole à Philippe au chapitre précédent (VI – 6) et qui fera qu’on l'acceptera ou qu'on le détestera :
« Il disait cela pour l'éprouver ».
Qui plus est, un personnage qui divise tout le monde.
« Les uns disaient : c'est un homme de bien. Les autres : il trompe le peuple. »
En même temps, d'aucuns l'exhortent à faire une carrière politique.
« Puisque tu fais de belles oeuvres, manifeste-toi au monde ».
Ce sera là la tentation de Satan au désert.
Ne jamais oublier que les tentations* (dixit Benoît XVI dans son Jésus de Nazareth) sont de nature sociale, sinon humanitaire (transformer les pierres en pains) ; gnostique, sinon paranormal (se jeter dans les airs et faire son Néo) ; enfin politique et stratégique (se prosterner devant le diable et obtenir le pouvoir sur tous les royaumes du monde).
[*Notons que Jean ne parle pas de ces tentations au désert – et que son Christ a un petit côté thaumaturgique tout comme lui, Jean, a un petit côté gnostique.]
En attendant, Ieschoua vit comme un clandestin. Un agent secret même, dirait Sollers.
« Mais lorsque ses frères furent montés à la fête,
il y monta lui aussi
en secret
sans se faire voir. »
Il enseigne. On le lui reproche. « Comment peut-il connaître tout cela lui qui n'a pas fait d'études ? », s'interroge un prof. Ieschoua clairement contre les clercs. Et qui dit et redit qu'il est Celui qui est.
« Vous savez qui Je Suis.
Vous savez d'où Je Suis. »
Qui prononce la parole scandaleuse par excellence :
« Moi, je le [Dieu le Père] connais. » (VII - 29)
On le soupçonne un moment d'être « grec ».
« Va-t-il rejoindre ceux qui sont
dispersés parmi les Grecs ?
Va-t-il enseigner les Grecs ? »
Bref, division, confusion, corruption pour les uns, élévation pour les autres – même si à la fin, « chacun s'en retourne chez soi. »
Mais la parole la plus belle de ce chapitre est celle adressée à ses disciples :
« MON HEURE N'EST PAS ENCORE VENUE,
POUR VOUS LE MOMENT EST TOUJOURS BON. »
En vérité, le Christ est un Kairos.
Un Kairos qui revient toujours.
À SUIVRE – JEAN VIII La femme adultère ou le jugement dernier
À REPRENDRE – JEAN VI Ieschoua terre et ciel