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Montalte aux Editions des Femmes - Page 9

  • Entretien avec Jean-Joseph Goux : "Depuis Manet le peintre ne se contente pas de représenter le monde, il veut aussi faire voir comment se fait une peinture."

    jean-joseph goux,accrochages,conflits du visuel,esthétique,art contemporainD'abord, une question "difficile" : au vu des connaissances et du mode de penser d'aujourd'hui, quelle est selon vous la meilleure définition de l'oeuvre d'art ?

    Question difficile, car c’est cette définition que l’art moderne et contemporain ont fait exploser. Notre situation pourrait même se résumer à ceci : il n’y a plus de définition tenable de « l’œuvre d’art ». Alors que s’est-il passé ? Comment en est-on arrivé là ? Tout se passe comme si l’art moderne et contemporain avaient, peu à peu, mis en cause, détruit, démonté toutes les caractéristiques qui pouvaient faire d’un objet une œuvre d’art. Tout se passe comme si son mouvement même, depuis plus d’un siècle, consistait à cela, à se défaire presque méthodiquement de tout ce qui pouvait être compté comme un trait essentiel de l’objet esthétique. Très vite, avec Picasso puis Duchamp, le défi était lancé. Et il ne cessera pas depuis d’être relancé. La référence à la beauté, qui était une dimension essentielle de ce que l’art (c’est à dire « les beaux-arts »), promettait au spectateur, vole en éclats avec Les Demoiselles d’Avignon de Picasso. Le laid, le grimaçant, le difforme (puis bientôt le « trash » et le « destroy ») remplacent la quête du beau. Il n’y a plus d’idéal esthétique. L’humour, le sarcasme, s’introduisent dans la galerie ou le musée, se moquant des « beaux-arts » et de toutes ses idéalisations : la pissotière de Duchamp détruit toute définition de l’art, mieux qu’aucun manifeste dadaïste. A la limite on ne peut plus rien dire de l’art a priori. L’art c’est ce qu’on expose. L’art c’est ce qu’on montre. L’art c’est ce qu’un groupe de personnes ayant un pouvoir institutionnel s’accorde à reconnaître comme de l’art, etc… Toutes ces façons décevantes, déroutantes, de dire ce qu’est l’art, témoignent d’une incertitude ou d’une crise qui est au cœur de l’entreprise artistique de notre temps, et qui devient sa caractéristique même et aussi sa force, en tant qu’expression exacte d’un monde qui est autoproducteur de sa propre réalité, et non pas image d’une réalité déjà existante, ou reflet d’idéaux esthétiques inscrits au ciel.

     

     

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