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Contre l'enfer IV - L'enfer, c'est pour les autres

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La Barque de Charon, par Jacob Isaacsz van Swanenburgh, 1611.

 

 

L'enfer, oui, mais pour les autres. Pour les méchants. Pour mes ennemis (comme si je n'étais pas aussi le leur, ou que je n'avais pas non plus les miens - qui me dit que pour beaucoup je n'ai pas été méchant ?)

Mais non, la belle âme ne se pose pas toutes ces questions. C'est pourquoi elle parle de l'enfer avec autant de légèreté pour ne pas dire de jouissance. La belle âme se tient à la droite du rectorat, certaine d'en devenir présidente un jour et tient à ce dogme d'autant plus révoltant qu'elle le pense toujours pour les autres –  alors que la moindre des choses serait de le considérer d'abord et uniquement pour elle et les siens. Mon grand-père Maurice Vidal, suicidé à son retour de la guerre, abandonnant femme et enfants (ma mère et mon oncle) est-il en enfer ? Mon oncle paternel, gay timide et coincé, mort il y a deux ans, n'en serait-il pas aussi ? Ma mère qui a fait tant de mal autour d'elle, et sans se repentir (mais c'est impossible de se repentir en fait), n'y tombera-t-elle pas non plus ? Et moi qui passe mon temps à me torturer comme un ado attardé, refusant de fait cet enculé d'Esprit Saint, n'y retrouverai-je pas toute ma famille ? Car je suis libre, libre, libre, dit-on (tu parles !).

Ce qui est sûr, c'est que je préfère aller en enfer avec les miens plutôt qu'au paradis sans. 

En vérité, le catéchisme catholique pue l'enfer des autres. Le catéchisme catholique objective l'enfer. Alors que l'on ne devrait se poser cette question (insoutenable) de la damnation que par rapport à soi, voilà qu'on se la pose par rapport aux autres (et quels autres ! Lénine, Hitler, Staline, Mao, Pol Pot, Ce Guevara, Khomeini, Abou Bakr al-Baghdadi, Fourniret, Dutroux, et tous les assassins islamistes de ces derniers temps... Autant de salauds objectifs au côté duquel l'on ne peut que se sentir bon). Même moi, je trouve là mes contradictions : je n'aime pas l'enfer mais je ne vais pas non plus fouiller celui-ci pour savoir si les intéressantes personnalités citées ci-dessus y sont ou pas. Mon souci n'est pas tant moral (même si...) qu'eschatologique. Qu'aurais-je à faire que ces gens-là brûlent de toute éternité ? Pour dire, la vérité, ça dérangerait ma belle âme. Le châtiment éternel me scandalise plus que le crime mortel. Je suis comme ça. 

Et c'est pourquoi j'ai beaucoup de mal avec ces versets de la Bible qui s'abreuvent de leur soif de justice - et comme le fait remarquer avec une douce ironie Hans Urs von Balthasar :

« "Les lâches, les renégats, les dépravés, les assassins, les impurs, les sorciers, les idolâtres et tous les hommes de mensonge, tous auront leur lot dans l'étang brûlant de feu et de souffre"  (Apocalypse 21,8), "Ne vous y trompez point : les impudiques, les adultères, les dépravés, les gens de moeurs infâmes, les violeurs, les cupides, les ivrognes, les insulteurs, les rapaces n'hériteront pas du royaume de Dieu" (1 Corinthiens 6, 9-10). Or, L'EXCELLENCE QUI SE PIQUE DE THÉOLOGIE se dit : je ne fais partie, semble-t-il, d'aucune de ces catégories. Et d'emblée monte à ses lèvres la prière : Mon Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, les voleurs, les menteurs, les adultères - ou encore comme ce publicain de Cormary (Luc, 18, 11) ».

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Triomphe de la guillotine en enfer, peinture par Nicolas- Antoine Taunay 1795

 

Et saint Augustin, main sur le coeur, de vouer à l'enfer la majeure partie de l'humanité - la fameuse « massa damnata ».

Puis de préparer son dogme secret, inhérent à la croyance que l'enfer, c'est pour les autres, celui de la prédestination. On le cherchait, on l'a trouvé, l'intérêt calviniste par excellence ! Croire en la prédestination, c'est croire nécessairement qu'on sera sauvé. En voilà une idée qu'elle est bonne - et générée par l'enfer, notez-le bien.

La foi devient alors affaire de certitude – l'autre mot pour dire prédestination, c'est-à-dire salut pour soi et enfer pour les autres. Et il n'y a que la certitude qui rend fou. Charles Manson devait être calviniste.

À la fin, Karl Barth lui-même (un autre adolescent attardé, comme dirait l’amie Fricka) condamna définitivement le calvinisme, rappelant que Jésus était mort pour tous et qu'il n'y aurait peut-être aucune exception aux élus, se rapprochant alors dangereusement, comme toute théologie de l'amour véritable, de l'apocatastase. On n'en sort pas de ce truc et c'est peut-être cela la vraie bonne nouvelle.

 

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Karl Barth

 

Froh - Pierre Cormary : Votre "post" remue l'âme et le coeur. Vous livrez, à bâtons rompus, une forme de chagrin existentiel. Ce qui est tout à votre honneur. Personnellement, j'ai peine à vous voir aussi chagrin. J'ai moi-même eu à enterrer mon petit frère - homosexuel-, décédé du sida. 15 jours avant mon mariage. La noce fut belle et remarquable. Mais je dois avouer, avoir serré les dents pendant pas mal d'heures...Le temps défilait à toute vitesse. Je me triturais le crâne sur les fins dernières. Et, en pleine expectative, mon Seigneur, mon Roi, mon Ieschoua de Nazareth, ma susurré :" Fils : point d'interrogation, ni d'inquiétude : je suis là."

Bien à vous, cher Pierre Cormary.

Cormary - Cher Froh, je commence aussi à L'appeler Ieschoua <3

 

A suivre

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