Bonne nouvelle, Dieu n'est plus un tentateur.
Parce qu'il faut bien avouer que : "Ne nous soumets pas à la tentation", ça laissait dire que Dieu était à la fois déterministe et tentateur, donc sadique, ce qui était un peu fort de café. "Ne nous laisse pas entrer en tentation", ça innocente Dieu et ça induit l'idée très belle qu'au contraire Dieu pourrait nous aider à ne pas y entrer. "Ne nous laisse pas entrer" = "fais quelque chose pour nous". Non seulement, nous sommes plus libres, mais Dieu aussi est plus libre.
Le problème de la liberté de Dieu. C'est tout le sujet de Crainte et tremblements de Kierkegaard. On y reviendra dans les semaines à venir.
A ceux qui voient dans ce changement de parole une indulgence coupable faite à l'esprit moderne, il faut rappeler qu'au contraire, ce "ne nous laisse pas entrer en tentation" est un retour aux sources puisqu' avant l'on disait : "ne nous laissez pas succomber à la tentation." Par ailleurs, Benoît XVI souhaitait, lui aussi, et depuis longtemps, changer ce verset fondamental du credo. François l'a fait et c'est fort bien ainsi.
François, la Charité. Benoît, la Foi. Jean-Paul, l'Espérance. Tempérament différent, même ligne, même credo (au cas où on l'aurait oublié), trois papes exceptionnels.
Et maintenant, l'entretien.
Celui-ci a été conduit par le Père Antonio Spadaro, directeur de la revue jésuite italienne La Civiltà Cattolica, en trois rencontres échelonnées du 19 au 29 août derniers, et publié dans la revue Etudes le 19 septembre dernier et que l'on peut lire entièrement ici.
Ce post ne se veut qu'un débroussaillage d'un dialogue passionnant, chaleureux et ô combien profond avec le chef de la chrétienté. On applaudira (se signera plutôt) à son sens de la formule, sa pédagogie, son humour, sa façon tellement jésuite de mettre la parole moderne au service de l'éternité.
Déjà, sa façon de mettre à l'aise son interlocuteur : "À ma sortie, le pape est déjà là à m’attendre. J’ai l’agréable impression de n’avoir franchi aucun seuil."
Visage
"La spiritualité de Bergoglio n’est pas faite d’« énergies harmonisées », selon son expression, mais de visages humains : le Christ, saint François, saint Joseph, Marie."
On pense à Levinas, aux icônes, mais aussi à Bergman.
Individu
"« J’arrive à regarder les personnes individuellement, me dit-il, à entrer en contact de manière personnelle avec celles qui me font face. Je ne suis pas coutumier des masses. » Je lui dis qu’effectivement cela se voit et que cela frappe tout le monde. Lorsqu’il est au milieu des foules, ses yeux se posent sur les personnes."
Visage, regard, individu. Jésus aussi maudissait les masses, "ceux-là iront dans la géhenne" mais bénissait les individus. L'individu seul est sauvé - ou peut l'être.
Péché (identité)
" « Qui est Jorge Mario Bergoglio ? » Le pape me fixe en silence. Je lui demande si c’est une question que je suis en droit de lui poser… Il acquiesce et me dit : « Je ne sais pas quelle est la définition la plus juste… Je suis un pécheur. C’est la définition la plus juste… Ce n’est pas une manière de parler, un genre littéraire. Je suis un pécheur. » (...) Si, je peux peut-être dire que je suis un peu rusé (un po’ furbo), que je sais manœuvrer (muoversi), mais il est vrai que je suis aussi un peu ingénu. Oui, mais la meilleure synthèse, celle qui est la plus intérieure et que je ressens comme étant la plus vraie est bien celle-ci : Je suis un pécheur sur lequel le Seigneur a posé son regard. » Il poursuit : « Je suis un homme qui est regardé par le Seigneur. (...) « Ce doigt de Jésus… vers Matthieu. C’est comme cela que je suis, moi. C’est ainsi que je me sens, comme Matthieu ». Soudain, le pape semble avoir trouvé l’image de lui-même qu’il recherchait : « C’est le geste de Matthieu qui me frappe : il attrape son argent comme pour dire : “Non, pas moi ! Non, ces sous m’appartiennent !” Voilà, c’est cela que je suis : un pécheur sur lequel le Seigneur a posé les yeux. » "
Rappelons qu'être pécheur ne signifie pas être coupable. Bien au contraire, c'est en se définissant pécheur, c'est-à-dire personne qui a la chute en soi, qui a chuté comme Adam, que Dieu seul peut non seulement nous pardonner mais encore nous appréhender. Dieu, comme disait Rémi Brague, ne voit pas nos fautes mais nos péchés - et si l'on le veut, Il nous en délivre. Dieu est à notre service. Croire en Lui, c'est vouloir ce service qu'Il peut nous rendre, qu'Il nous rend.
Mais pourquoi aurions-nous "chutés", demande l'esprit fort. Pourquoi devrions-nous nous définir selon un "péché originel" ? Mais parce que l'Histoire le prouve. Le péché originel n'est que l'autre nom de la tragédie du monde ou du drame de l'existence. En ce sens, le péché originel est bien le dogme le plus vérifiable, c'est-à-dire le plus infaillible, qui soit.
Quelqu'un qui dirait qu'il ne croit pas à cette "fadaise" du péché originel serait comme quelqu'un qui dirait qu'il ne croit pas à cette fadaise du nazisme, ou à cette fadaise de l'Histoire qu'on appelle aussi "vallée de larmes", ou encore à cette fadaise du mal. Car que Dieu existe ou non, le mal, lui, existe bel et bien. Et que nous y participons tous, de loin ou de près. Autant donc l'assumer, l'intégrer à notre être et espérer que l'on puisse alors le réguler. Et c'est dans cette espérance que Dieu intervient. Se dire "pécheur" n'est rien d'autre que se dire conscient du péché, du mal, de la douleur ontologique et de se donner la possibilité d'en être délivré.
Le péché, c'est la faute spiritualisée, la faute visible pour Dieu. Quelqu'un qui a tué et qui reconnaît que son acte était péché a plus de chance d'être repris par Dieu, et pardonné, que quelqu'un qui a volé mais qui refuse de voir en son vol un péché. Le péché, ce n'est donc pas l'acte en soi, c'est l'acte transformé en une chose que Dieu peut reconnaître. Et dès que Dieu reconnaît cette chose, Il la pardonne.
- Trop facile !
- Trop facile de quoi ? De reconnaître qu'on est pécheur.
- Ben oui... Alors, je fais tout le mal que je veux, et après je dis que je suis pécheur, et comme ça, Dieu me pardonne ?
- Pourquoi pas ?
- L'arnaque !
- Vous exhorter à être vrai avec vous, c'est de l'arnaque ?
- Quoi, vrai avec moi ?Vla autre chose !
- C'est la même chose à vrai dire.
- De quoi ?
- Dieu en effet peut vous pardonner, mais à une seule condition...
- J'en étais sûr... Le calcul !
- Ah non, pas de calcul.
- Alors, quoi ?
- Dieu vous pardonne, mais vous, vous pardonnerez-vous ?
- Pas vos oignons.
- Justement, ce sont les vôtres.
- Les miens ?
- Oui. Dieu vous pardonne mais si seulement vous, vous vous pardonnez. Et ça, croyez-moi, ce n'est pas facile. C'est même impossible. Et c'est quand vous reconnaissez cette impossibilité, et qui n'est rien d'autre que votre désespoir, que Dieu peut venir à vous, et vous aider à vous pardonner.
- Pas évident !!!
- Mais si.
- Messie ????
Discernement I
"Quel point de la spiritualité ignatienne vous aide le mieux à vivre votre ministère ? « Le discernement », me répond le pape François. « C’est l’une des choses qui a le plus travaillé intérieurement Saint Ignace. Pour lui c’est une arme (instrumento di lotta) pour mieux connaître le Seigneur et le suivre de plus près. J’ai toujours été frappé par la maxime décrivant la vision d’Ignace : Non coerceri a maximo, sed contineri a minimo divinum est (ne pas être enfermé par le plus grand, mais être contenu par le plus petit, c’est cela qui est divin). J’ai beaucoup réfléchi sur cette phrase pour l’exercice du gouvernement en tant que supérieur : ne pas être limité par l’espace le plus grand, mais être en mesure de demeurer dans l’espace le plus limité. Cette vertu du grand et du petit, c’est ce que j’appelle la magnanimité. C’est faire les petites choses de tous les jours avec un cœur grand ouvert à Dieu et aux autres. C’est valoriser les petites choses à l’intérieur de grands horizons.»"
Chesterton n'aurait pas dit mieux.
Maxi / mini
"Jean XXIII, à sa manière, gouvernait avec une telle disposition intérieure, répétant la maxime Omnia videre, multa dissimulare, pauca corrigere (tout voir, passer sur beaucoup des choses, en corriger quelques unes) parce que, tout en voyant omnia (tout), l’horizon le plus grand, il choisissait d’agir sur pauca, sur les choses les plus petites. On peut avoir de grands projets et les réaliser en agissant sur des choses minimes"
TOUT VOIR, PASSER SUR BEAUCOUP DE CHOSES, EN CORRIGER QUELQUES UNES. Non pas surveiller et punir, comme dit l'autre, mais voir et corriger.
Jésuite
"Le jésuite est un homme décentré (...) le jésuite doit « manifester sa conscience », c’est-à-dire la situation intérieure qu’il est en train de vivre, de telle manière que le supérieur puisse être plus conscient et plus prudent dans son envoi en mission."
Le moi est peut-être haïssable, mais il compte. On ne peut en faire fi, comme on ne peut faire fi de l'individu, de son statut, de son intériorité (et c'est pour cette seule raison que le marxisme, qui nie l'individu et le moi, est à rejeter). Le moi, l'unique et sa propriété, est sacré. Ce que Marx, dans sa folie, a voulu dénier. La transindividualité conduit au goulag. Mais je m'égare...
Récit et narration VS philosophie et théologie
"La Compagnie peut se dire seulement sous une forme narrative. Nous pouvons discerner seulement dans la trame d’un récit et pas dans une explication philosophique ou théologique, lesquelles, en revanche, peuvent être discutées."
L'Evangile comme récit. La Création comme narration. Le Christ comme Personne.
Incomplétude & féminité
" Le jésuite doit être une personne à la pensée incomplète, à la pensée ouverte."
Et je crois que dans la haine qu'ont suscité les Jésuites il y a cette résistance à l'incomplétude, cette haine de la fêlure, ce dégoût de ce qui peut permet les liens entre les uns et les autres. L'hérésie véritable des religieux, et d'ailleurs des intellectuels, se situe dans la certitude absolue (qui n'est pas la foi), le dogmatique pur (qui n'est pas le dogme), la radicalité (qui n'est pas l'infaillibilité), en vérité, l'impossibilité de reconnaître la féminité des idées, celles-ci sachant s'adapter à toutes les situations. La vérité est variation mais la variation est répétition du même sur tous les modes - ce que ne comprennent pas toujours les esprits trop mâles. C'est d'ailleurs ce que le judaïsme et l'islam reprochent au christianisme - d'être trop féminin.
Bonapartisme
"Ma manière autoritaire et rapide de prendre des décisions m’a conduit à avoir de sérieux problèmes et à être accusé d’ultra-conservatisme. (...) mais je n’ai jamais été conservateur. C’est ma manière autoritaire de prendre les décisions qui a créé des problèmes."
"Je n'ai jamais été droite", avait traduit à tort Le Figaro. Evidemment, pour les progressistes, il le sera. Ne confondons pas la gauche sociale (et qui s'est appeler il y a bien longtemps "gauche chrétienne") et la gauche marxiste pour qui la religion est l'opium du peuple. Social mais... bonapartiste. Il est formidable, ce François.
- Pourtant, vous êtes de droite, Cormary ?
- Heu... oui. Souvent.
- Alors comment vous vous arrangez avec la gauche chrétienne, la charité, tout ça ?
- Je ne sais pas trop. Disons que je me laisse influencer par mon pape. Et s'il me gauchise un peu, c'est bon signe.
- En fait, on fait de vous ce que l'on veut.
- Mais ce n'est pas mal, non, de suivre un modèle ? Surtout celui-là. S'il peut infirmer un peu mes petits calculs, mes petits intérêts, mes petites hypocrisies qui constituent ma petite et très faillible vision du monde, je ne vois pas pourquoi je résisterais. Un peu d'infaillibilité, ça fait toujours du bien.
- En gros, aucun socialiste ne vous convaincra mais si le pape est socialiste, alors là, vous suivez comme un mouton ??
- On peut dire ça.
- Et vous ne rougissez pas de l'énormité que vous venez d'énoncer ?
- Non, pourquoi rougirais-je ?
- Et l'esprit critique là-dedans ?
- Oh l'esprit critique, je déteste ça. Je suis catholique, vous savez.
- La vie est belle, quoi ? C'est son credo, donc c'est le vôtre. Et quand il y en aura un autre, de credo, et ben pousse mamie dans les orties, cela sera encore le vôtre ? Parce que voilà, le pape l'a dit !!!
- Oui.
Identité
"Il n’y a pas d’identité pleine et entière sans appartenance à un peuple. Personne ne se sauve tout seul, en individu isolé..."
PERSONNE NE SE SAUVE TOUT SEUL -------> Nous irons tous au paradis.
Marie
"C’est comme avec Marie : si nous voulons savoir qui elle est, nous nous adressons aux théologiens ; si nous voulons savoir comment l’aimer, il faut le demander au peuple. Marie elle-même aima Jésus avec le cœur du peuple, comme nous le lisons dans le Magnificat. Il ne faut donc pas penser que la compréhension du sentir avec l’Église ne soit référée qu’à sa dimension hiérarchique."
Encore une fois, il faut tenir les deux bouts. Le savant comme le populaire. Le hiérarchique comme le terrien. L'Arché comme le bon sens. Je pense donc je suis mais je sens donc j'aime.
Patience & sainteté
"J’associe souvent la sainteté à la patience : pas seulement la patience comme hypomonè (supporter le poids des événements et des circonstances de la vie), mais aussi comme constance dans le fait d’aller de l’avant, jour après jour. C’est cela la sainteté de l’Iglesia militante (Église militante) dont parle aussi Saint Ignace. Cela a été celle de mes parents : de mon père, de ma mère, de ma grand-mère Rosa qui a beaucoup compté pour moi. Dans mon bréviaire j’ai son testament et je le lis souvent : pour moi c’est comme une prière. C’est une sainte qui a tant souffert, moralement aussi, et elle est toujours allée de l’avant avec courage."
Aller lentement et sûrement.
Et parfois, attendre et espérer (Monte-Cristo).
Vieille fille & vieux garçon
"Quand je me rends compte de comportements négatifs des ministres de l’Église, de personnes consacrées, hommes ou femmes, la première chose qui me vient à l’esprit c’est : “voici un célibataire endurci” ou “voici une vieille fille”. Ils ne sont ni père, ni mère. Ils n’ont pas été capables de donner la vie."
Non, mais allo quoi ? C'est le pape.
"... les journalistes ont beaucoup parlé du coup de téléphone que j’ai donné à un jeune homme qui m’avait écrit une lettre. Je l’ai fait parce que sa lettre était si belle, si simple. Lui téléphoner a été pour moi un acte de fécondité. Je me suis rendu compte que c’est un jeune qui est en train de grandir, qui a reconnu un père, et alors je lui ai dit quelque chose de sa vie. Le père ne peut pas dire “je m’en moque”. Cette fécondité me fait tellement de bien !"
Blessures
"Je vois l’Église comme un hôpital de campagne après une bataille. Il est inutile de demander à un blessé grave s’il a du cholestérol ou si son taux de sucre est trop haut ! Nous devons soigner les blessures. Ensuite nous pourrons aborder le reste. Soigner les blessures, soigner les blessures… Il faut commencer par le bas."
Et c'est là que les problèmes vont commencer. Car qu'est-ce qu'une blessure pour notre monde qui ne croit plus au péché ni à la castration, qui a aboli le négatif dans sa définition de l'homme ? Comment ? L'avortement serait une blessure ? Le divorce, aussi ? L'homosexualité, aussi ? Le fait même d'être en vie puisque nous naissons tous avec votre putain de péché originel ? Vous voyez bien que votre François est comme Benoît XVI - un ennemi de la liberté humaine et du progrès.... A part qu'il est plus souriant, plus jésuite, autrement dit plus hypocrite, plus dangereux, plus salaud, que son sinistre prédécesseur. Ces chrétiens, ils disent qu'ils veulent soigner, alors qu'ils ne font jamais que crucifier, crucifier ! Vous nous avez pourri la vie, les chrétiens !
Là est le malentendu métaphysique fondamental. Pour l'antireligieux, la religion sert et provoque la guerre. Pour le religieux, elle fait en sorte qu'il y en ait moins. Il semble que l'on puisse objectivement donner raison au second, vu l'Histoire du XX ème siècle - premier siècle sans Dieu.
Retour (reprise)
"Parfois celui qui s’en est allé l’a fait pour des raisons qui, bien comprises et évaluées, peuvent le conduire à revenir."
Homosexualité
".... le fait qu’il y a des chrétiens qui vivent dans des situations irrégulières pour l’Église ou tout au moins des situations complexes, des chrétiens qui d’une manière ou d’une autre, vivent des blessures ouvertes. Je pense aux divorcés remariés, aux couples homosexuels, aux autres situations difficiles. Comment faire alors une pastorale missionnaire ? Le pape me fait signe qu’il a compris ce que j’essaye de dire et répond :
« Nous devons annoncer l’Évangile sur chaque route, prêchant la bonne nouvelle du Règne et soignant, aussi par notre prédication, tous types de maladies et de blessures. À Buenos Aires j’ai reçu des lettres de personnes homosexuelles, qui sont des “blessés sociaux” parce qu’elles se ressentent depuis toujours condamnées par l’Église. Mais ce n’est pas ce que veut l’Église. Lors de mon vol de retour de Rio de Janeiro, j’ai dit que, si une personne homosexuelle est de bonne volonté et qu’elle est en recherche de Dieu, je ne suis personne pour la juger. Disant cela, j’ai dit ce que dit le Catéchisme [de l’Église catholique]. La religion a le droit d’exprimer son opinion au service des personnes mais Dieu dans la création nous a rendu libres : l’ingérence spirituelle dans la vie des personnes n’est pas possible. Un jour quelqu’un m’a demandé d’une manière provocatrice si j’approuvais l’homosexualité. Je lui ai alors répondu avec une autre question : “Dis-moi : Dieu, quand il regarde une personne homosexuelle, en approuve-t-il l’existence avec affection ou la repousse-t-il en la condamnant ?” Il faut toujours considérer la personne. Nous entrons ici dans le mystère de l’homme."
Ras-le-cul du mystère de l'homme !!! Nous, tout ce qu'on veut, c'est être heureux, comme dit la chanson !!! Dans l'égalité des droits !! Dans la reconnaissance de tous par tous pour tous !!! Rien à foutre du credo médiéval du père François et de tout cet existentialisme à la con !
Avortement & divorce
"Le confessionnal n’est pas une salle de torture, mais le lieu de la miséricorde dans lequel le Seigneur nous stimule à faire du mieux que nous pouvons. Je pense à cette femme qui avait subi l’échec de son mariage durant lequel elle avait avorté ; elle s’est ensuite remariée et elle vit à présent sereine avec cinq enfants. L’avortement lui pèse énormément et elle est sincèrement repentie. Elle aimerait aller plus loin dans la vie chrétienne : que fait le confesseur ?
Nous ne pouvons pas insister seulement sur les questions liées à l’avortement, au mariage homosexuel et à l’utilisation de méthodes contraceptives. Ce n’est pas possible. Je n’ai pas beaucoup parlé de ces choses, et on me l’a reproché. Mais lorsqu’on en parle, il faut le faire dans un contexte précis. La pensée de l’Église, nous la connaissons, et je suis fils de l’Église, mais il n’est pas nécessaire d’en parler en permanence."
IL N'EST PAS NECESSAIRE D'EN PARLER EN PERMANENCE - Bon Dieu ! Le pape prônerait-il... l'indulgence ? Mais les modernes ne veulent pas d'indulgence, ils veulent du légal. L'indulgence est encore une manière de garder la blessure, de conserver le péché, d'admettre l'inégalité entre les uns et les autres. L'indulgence, c'est dire "tu es coupable mais on t'aime". Le moderne n'en a rien à foutre d'être aimé. Ce qu'il veut, c'est qu'on légalise ce qu'il affirme être son innocence absolue.
Je ne veux être ni aimé ni pardonné ni toléré, je veux être légalisé. Je ne veux plus être défini comme un pécheur mais comme un innocent - ce serait là son credo indépassable, au moderne. Au cathare.
Génie féminin
"Je demande alors : « Quel doit être le rôle des femmes dans l’Église ? Comment faire pour le rendre aujourd’hui plus visible ? »« Il est nécessaire d’agrandir les espaces pour une présence féminine plus incisive dans l’Église. Je crains la solution du “machisme en jupe” car LA FEMME A UNE STRUCTURE DIFFERENTE DE L'HOMME. Les discours que j’entends sur le rôle des femmes sont souvent inspirés par une idéologie machiste. Les femmes soulèvent des questions que l’on doit affronter. L’Église ne peut pas être elle-même sans les femmes et le rôle qu’elles jouent. Les femmes lui sont indispensables. Marie, une femme, est plus importante que les évêques. Je dis cela parce qu’il ne faut pas confondre la fonction avec la dignité. Il faut travailler davantage pour élaborer une théologie approfondie du féminin. C’est seulement lorsqu’on aura accompli ce passage qu’il sera possible de mieux réfléchir sur le fonctionnement interne de l’Église. Le génie féminin est nécessaire là où se prennent les décisions importantes. Aujourd’hui le défi est celui-ci : réfléchir sur la place précise des femmes, aussi là où s’exerce l’autorité dans les différents domaines de l’Église. »
Mathieu Almaric avait tout dit là-dessus.
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Contre les pleureuses I
"Chercher Dieu dans le passé ou dans le futur est une tentation. Dieu est certainement dans le passé, parce qu’il est dans les traces qu’il a laissées. Et il est aussi dans le futur comme promesse. Mais le Dieu “concret”, pour ainsi dire, est aujourd’hui. C’est pourquoi les lamentations ne nous aideront jamais à trouver Dieu. Les lamentations qui dénoncent un monde “barbare” finissent par faire naître à l’intérieur de l’Église des désirs d’ordre entendu comme pure conservation ou réaction de défense. Non : Dieu se rencontre dans l' aujourd’hui."
Ce que l'on peut dire de plus juste contre les réactionnaires, les déclinistes, les nostalgiques du bon vieux temps.
Et que Dieu se rencontre aujourd'hui, soit notre contemporain est un propos kierkegaardien. Notre foi en Christ est plus solide aujourd'hui qu'à son époque. Celui qui a connu, vu et touché le Christ à son époque croyait moins en lui que les croyants qui l'ont suivi. Heureux ceux qui croient sans voir, etc.
Espace-temps et empirisme
"Dieu se manifeste dans une révélation historique, dans le temps. Le temps initie les processus, l’espace les cristallise. Dieu se trouve dans le temps, dans les processus en cours. Nous devons engager des processus, parfois longs, plutôt qu’occuper des espaces de pouvoir. Dieu se manifeste dans le temps et il est présent dans les processus de l’histoire. Cela conduit à privilégier les actions qui génèrent des dynamiques nouvelles. Cela requiert patience et attente.
Rencontrer Dieu en toutes choses n’est pas un eurêka empirique. Dans le fond, nous désirons constater tout de suite notre rencontre avec Dieu à l’aide d’une méthode empirique. Ce n’est pas ainsi que l’on rencontre Dieu. On le rencontre dans la brise légère ressentie par Élie. Les sens qui perçoivent Dieu sont ceux que saint Ignace appelle les “sens spirituels”.
Ce que l'incroyant qui voudrait croire ne comprend pas chez le croyant est que celui-ci a un rapport qui n'est pas intellectuel, ou pas seulement, avec Dieu. Personnellement, je ne sais pas du tout si Dieu existe, je n'en suis pas convaincu, et il y aurait plus de raisons de croire qu'il n'existe pas. Et pourtant non. Quelque chose s'est passé en moi en mars 96 et il y a eu un avant et un après. Ca ne m'a rendu ni meilleur ni plus mieux (encore que je mens : cela m'a rendu meilleur avec moi, ce qui est déjà énorme). Et si on me dit que c'est une défense psychique que je me suis trouvé en fonction de mon milieu socioculturel, je réponds : et alors ? L'un va avec l'Autre.
Bienheureuse incertitude
"Bien sûr, dans ce chercher et trouver Dieu en toutes choses, il reste toujours une zone d’incertitude. Elle doit exister. Si quelqu’un dit qu’il a rencontré Dieu avec une totale certitude et qu’il n’y a aucune marge d’incertitude, c’est que quelque chose ne va pas. C’est pour moi une clé importante. Si quelqu’un a la réponse à toutes les questions, c’est la preuve que Dieu n’est pas avec lui, que c'est un faux prophète (...) L’incertitude se rencontre dans tout vrai discernement qui est ouvert à la confirmation de la consolation spirituelle. Le risque de chercher et trouver Dieu en toutes choses est donc la volonté de trop expliciter, de dire avec certitude humaine et arrogance : “Dieu est ici”. Nous trouverons seulement un dieu à notre mesure. L’attitude correcte est celle de saint Augustin : chercher Dieu pour le trouver et le trouver pour le chercher toujours."
Contre les pleureuses II
"Si le chrétien est légaliste ou cherche la restauration, s’il veut que tout soit clair et sûr, alors il ne trouvera rien. La tradition et la mémoire du passé doivent nous aider à avoir le courage d’ouvrir de nouveaux espaces à Dieu. Celui qui aujourd’hui ne cherche que des solutions disciplinaires, qui tend de manière exagérée à la “sûreté” doctrinale, qui cherche obstinément à récupérer le passé perdu, celui-là a une vision statique et non évolutive. De cette manière, la foi devient une idéologie parmi d’autres. Pour ma part, j’ai une certitude : Dieu est dans la vie de chaque personne. Dieu est dans la vie de chacun. Même si la vie d’une personne a été un désastre, détruite par les vices, la drogue ou autre chose, Dieu est dans sa vie. On peut et on doit Le chercher dans toute vie humaine."
Au diable, les chrétiens cultureux ! Au purgatoire, plutôt.
Avant d'être une religion du livre, le christianisme est une religion de la personne. Dieu est ce qui en vous peut consoler, soigner, guérir. Pourquoi s'en priver ? "Nier Dieu, c'est se priver du seul intérêt que peut présenter la mort", disait Sacha. Et pourquoi ne feriez-vous pas exister Dieu en vous ? Il ne demande que ça.
Dieu est en vous mais n'est pas vous.
Classique
A propos de l'histoire de Don Quichotte : « “ les enfants l’ont entre les mains, les jeunes gens la lisent, les adultes la comprennent, les vieillards en font l’éloge.” Cela me semble une bonne définition des classiques. »
Borges / Bergolio / Zamor
" Je pense en particulier à Borges parce que Bergoglio, vingt-huit ans professeur de lettres au Collège de l’Immaculée Conception de Santa Fé, le connaissait personnellement."
Et en plus il a été prof de français, et ami de Borges. Tout pour lui, décidément, ce François. C'est ton pape, Pascal Z. !
Wagner
"Puis, à un autre niveau, pas aussi intime, j’aime Wagner. J’aime l’écouter de temps en temps. Le meilleur à mon sens est la Tétralogie dans l’interprétation de Furtwängler à la Scala en 1950. Et le Parsifal dirigé par Knappertsbuch en 1962."
C'en a pas l'air, mais c'est une critique extraordinaire du wagnérisme. Juste avant, il parlait de Bach, l'Erbame mich, musique évidemment fondamentale pour un croyant. Mais en effet, Wagner est "à un autre niveau" - autrement dit, et c'est très important, c'est capital même, il y a des NIVEAUX de sensibilité, de spiritualité, il y a des niveaux de monde. Wagner n'est pas "aussi intime" que Bach, c'est-à-dire théologiquement parlant, pas aussi sacré que Bach. Wagner, c'est la musique profane, avec son folklore excaliburo-graalien, à son plus haut niveau. Du divertissement de haute volée - alors que Bach (le Père) dit autre chose. Mozart (le Saint Esprit) aussi d'ailleurs. Quant à Beethoven (le Fils), François aime qu'on le joue "de manière prométhéenne" un terme assez peu catholique mais qui est ici judicieusement à sa place, car en effet, Beethoven n'est jamais mieux que dans la force et le sacrifice.
Cette intelligence des différents modes de perception, cette conscience que l'on doit appréhender les choses selon non pas un un mais plusieurs registres, ce génie de la polyphonie m'enchante. François ou la complexité sublime des choses - et la complexité, c'est la charité.
(A noter que Ratzinger, le boche, était un mozartien convaincu, et en jouait même régulièrement au piano, mais ne parlait jamais de Wagner. Et c'est l'Argentin qui arrive avec Le Crépuscule.... des dieux, celui-ci allant de pair avec l'aurore du Dieu vivant, bien sûr.)
Fellini
"Nous devons aussi parler cinéma. La strada de Fellini est le film que j’ai peut-être le plus aimé. . Je m’identifie volontiers à ce film qui contient une référence implicite à saint François."
Là aussi, bondissement de joie. Après mon compositeur préféré, mon cinéaste préféré (du moins l'un des trois). Mais là aussi, parce qu'il dit encore quelque chose de très important et de manière toute simple (il faut savoir lire les papes dont les dits et écrits contiennent des bombes derrière des mots tous simples) : "Nous DEVONS AUSSI parler de cinéma" - sous-entendu : comme la musique classique, comme la littérature canonique, le cinéma fait partie de l'art et de l'humanité. Banal ? Pas pour un pape - car ce qu'il sous-entend là, et de la manière la plus catholique du monde, si j'ose dire, est qu'il ne faut pas avoir peur des images, il ne faut pas être puritain. Et non seulement, il faut aimer les images mais encore il faut s'identifier à elles : Strada, Gelsomina, François d'Assise. Le cinéma, art de l'identification. C'est un pape qui le dit.
Insertion
"Ce mot d’“insertion” est dangereux parce que certains religieux l’ont pris comme un slogan et des catastrophes sont arrivées par manque de discernement. Mais il est vraiment important."
Flair (discernement II)
"Quand j’ai eu un problème au poumon à l’hôpital, le médecin m’a donné de la pénicilline et de la streptomycine à une certaine dose. La sœur qui se tenait dans la salle a triplé la dose parce qu’elle avait du flair (aveva fiuto), elle savait quoi faire parce qu’elle se tenait toute la journée auprès des malades. Le médecin, qui était certes compétent, vivait dans son laboratoire, la sœur vivait sur la frontière et dialoguait avec la frontière toute la journée."
Contre les pleureuses III
"[L'homme] croît et se consolide au fur et à mesure du temps qui passe. Ainsi, la compréhension de l’homme change avec le temps et sa conscience s’approfondit aussi. Pensons à l’époque où l’esclavage ou la peine de mort étaient admis sans aucun problème. Les exégètes et les théologiens aident l’Église à faire mûrir son propre jugement. Les autres sciences et leur évolution aident l’Église dans cette croissance en compréhension. Il y a des normes et des préceptes secondaires de l’Église qui ont été efficaces en leur temps, mais qui, aujourd’hui, ont perdu leur valeur ou leur signification. Il est erroné de voir la doctrine de l’Église comme un monolithe qu’il faudrait défendre sans nuance.
Du reste, à chaque époque, l’homme cherche à mieux se comprendre et à mieux s’exprimer. Avec le temps, l’homme change sa manière de se percevoir : une chose est l’homme qui s’exprime en sculptant la Nikè (Victoire) de Samothrace, une autre celui qui s’exprime dans l’œuvre du Caravage, une autre dans celle de Chagall, une autre encore dans celle de Dalí. Les formes dans lesquelles s’exprime la vérité peuvent être variées (multiformi), et cela, en effet, est nécessaire pour transmettre le message évangélique dans sa signification immuable.
L’homme est à la recherche de lui-même. Évidemment, dans cette recherche, il peut aussi se tromper. L’Église a vécu des époques de génie, comme par exemple celle du thomisme. Mais elle a vécu aussi des périodes de décadence de la pensée."
Jamais Dieu ne m'oublie
"Ce que je préfère vraiment, c’est l’Adoration du soir, même quand je suis distrait, que je pense à autre chose, voire quand je sommeille dans ma prière. Entre sept et huit heures du soir, je me tiens devant le saint sacrement pour une heure d'adoration. Mais je prie aussi mentalement quand j’attends chez le dentiste ou à d’autres moments de la journée. La prière est toujours pour moi une prière “mémorieuse” (memoriosa), pleine de mémoire, de souvenirs, la mémoire de mon histoire ou de ce que le Seigneur a fait dans son Église ou dans une paroisse particulière. C’est la mémoire dont saint Ignace parle dans la Première semaine des Exercices spirituels lors de la rencontre miséricordieuse du Christ crucifié. Je me demande : “Qu’ai-je fait pour le Christ ? Qu’est-ce que je fais pour le Christ ? Que dois-je faire pour le Christ ?” C’est la même mémoire dont il parle dans la Contemplatio ad amorem (Contemplation pour obtenir l’amour), lorsqu’il demande de faire revenir à la mémoire les biens reçus. Par-dessus tout, je sais que le Seigneur se souvient de moi. Je peux L’oublier, mais je sais que Lui, jamais. Jamais Il ne m’oublie. (...) C’est la mémoire qui me fait fils mais qui me fait aussi père. »
Limites
Voilà, j'arrête là. Comme le dit encore François : "il ne faut pas maltraiter les limites".
[Outre La Strada de Fellini et Rois et reine d' Arnaud Desplechin, tous les autres gifs sont ceux de films d'Ingmar Bergman : Persona, Le septième sceau, L'Attente des femmes, L'heure du loup.]
Post-scriptum, ici.
Commentaires
Moi, je ne peux pas dire trois, ce qui rapproche de la trinité quand même, car nombreux ils sont, ceux que j'aime au cinéma.
Et puis avec Guiletta Massina, ce film extraordinaire qu'est Le notti di Cabiria. Je ne sais si vous le connaissez.
Sur la Strada, j'ai retenu, outre son intransigeance imbécile à lui, quand il la laisse alors qu'elle dort dehors, près de ruines, comme un bébé.
Puis la fin, (mais est-ce à Naples qu'ils arrivent ?) où lui est creux comme un instrument où même le vent ne joue pas, elle est morte bien entendu, nous mourons beaucoup de chagrin nous les femmes, et où sa musique à elle est entre les lèvres d'une lavandière qui étend son linge au soleil, et au milieu de nos larmes, ce sentiment qu'elle vit encore à travers cette ritournelle et les femmes qui étendent le linge à Naples, à Palerme et partout.
Voilà, je n'ai pas encore tout lu, mais ce que j'ai lu de votre post est passionnant : pas de menace mais des portes ouvertes.
Je suis d'accord sur la difficulté intrinsèque à se pardonner à soi-même de sa propre imbécillité.
En lisant Le Mythe de Sisyphe de Camus, je suis tombé sur ce passage et j'aimerais avoir votre sentiment dessus bien que, ne sachant pas vraiment s'il colle parfaitement au propos de votre beau papier.
Le voici : "Rien de plus profond, par exemple, que la vue de Kierkegaard selon quoi le désespoir n'est pas un fait mais un état : l'état même du péché. Car le péché c'est ce qui éloigne de Dieu. L'absurde, qui est l'état métaphysique de l'homme conscient, ne mène pas à Dieu. Peut-être cette notion s'éclaircira-t-elle si je hasarde cette énormité :l'absurde c'est le péché sans Dieu."