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Ingrid Betancourt et les commères

Ingrid Betancourt.jpg

Tout le monde se foutra de ma gueule : je suis sans doute une victime de la société du spectacle, un lacrymal de l'idéologie médiacratique, un corrompu de la manipulation capitalo-démocratichiante, un rigolo dont Philippe Muray se serait inévitablement foutu, mais je suis très ému, ce soir, par la libération d'Ingrid Betancourt. On a remercié Sarko ? Carla ? Chirac ? Villepin ? La femme à Villepin ? La France ? Le mont Blanc ? Tant pis. Les conneries passent, mais les enfants sont heureux. Ils vont devoir passer leur bac dare dare, les petits (car pas facile, la mère Ingrid !) Mais quoi ? Tant pis, pour une fois, pour les inévitables récupérations. Tant pis pour les conneries. Et moi, je trouve émouvants, et tellement significatifs, car sincères ceux-là, ses remerciements à Dieu, à la Vierge Marie, et magnifiques, ses prières, avec sa mère retrouvée. Ridicule, dites-vous ? Tant pis pour vous.

Voilà. Rien à rajouter, les guy debordiens n'ont qu'à m'envoyer des tomates. Mais entre nous, admettons quand même que les méthodes des FARC - je veux dire : des derniers révolutionnaires communistes....

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[Contre les salopes qui trouvaient à redire sur sa libération, qu' elle était moins grande qu'à la télé, ou qu'elle n'avait pas assez souffert, ou qu'elle aurait dû prendre ses responsabilités, ou que c'est encore le contribuable qui va payer, et contre les commères "pour qui il n'y a pas d'exploit", lire le bel éditorial de Claude Imbert du Point du dix juillet 2007 - et reproduit dans les commentaires.]

 


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Commentaires

  • Oui, réjouissons-nous de cette libération. L'inquisition communiste a été vaincue par la force et le droit.

    "Cette opération qui s'est déroulée à la lumière du Saint Esprit et a été placée sous la protection de notre Seigneur et de la Vierge est une opération d'intelligence comparable aux plus grandes épopées épiques de l'histoire de l'humanité. Sans qu'une goutte de sang ait été versée, sans qu'une seule balle ait été tirée, il y a 15 otages libérés, Ingrid Betancourt, les trois citoyens nord-américains et onze autres compatriotes [J'ai agi avec] toute la prudence nécessaire (...) pour obtenir un succès. Jamais nous n'avons improvisé", a déclaré le président Uribe.

    On n'a pas l'habitude d'entendre des discours de ce genre dans notre pays.

  • Le Saint Esprit ferait bien d'expliquer à Uribe pourquoi les Farc existent.

  • M. Cormary,
    je dois être bien idiot moi-même à croire naïvement tout ce qu'on me raconte mais je me contre-fous totalement des opinions de ceux à qui-on-ne-la-fait-pas-non-mais... qui préfèrent hurler avec les loups, comme il est d'usage et qui trouvent ridicules de s'émouvoir, au fin fond même des salles obscures où nul ne les entendrait pleurer. Ce bon peuple de crétins qui ne se rend même plus compte du vilain usage qu'il fait d'une liberté d'expression qu'il croit universelle... même s'il s'en défend.
    Un lien sur lexpress.fr, d'un intérêt limité mais significatif.
    http://www.lexpress.fr/diaporama/diapo-photo/actualite/monde/amerique/ingrid-betancourt-enfin-libre_521803.html

  • Edifiant, en tous cas, ce lien, cher Petrus et je vous en remercie. Ce qui est frappant dans cette histoire de libération est qu'à la "majorité" apparente de ceux qui ont pleuré les malheurs, puis le sauvetage, de la belle Ingrid répond de plus en plus, sur les blogs, les forums, les critiques grincheuses et à la fin assez abjectes d'une minorité si agressive qu'elle en devient presque majoritaire. Si dans les campagnes, on se réjouit de la libération de la plus célèbre otage de France, dans les colonnes germano-pratines, on s'indigne de la médiatisation de celle-ci. Au défaut de sens critique des manants répond l'excès de sens critique des intello - chaque communauté d'esprit, si j'ose dire, étant une minorité dans l'autre.
    Abjectes, en effet, certaines de ses critiques, que la Betancourt ait l'air finalement plus en forme que sur la photo, pas assez auschwitzienne au goût de certains ; ou que sa médiatisation sans doute extrême ait fait oublier les autres otages - alors que c'est juste le contraire qui est vrai, un otage célèbre contient tous les autres otages, alors qu'un otage anonyme ne sert à rien. Il est obscène d'avoir choisi celle-ci contre ceux-là, éructent les tristes sires, mais on choisit toujours quelqu'un pour se rappeler le bon souvenir de tous. Ce qui serait obscène à mon goût, ce serait de ne pas choisir - et de rester dans une sorte d'égalitarisme anonyme qui ne sert à rien sauf à préserver son ressentiment. Car il y a aussi de ça dans les réactions des gens qui font la fine bouche à la libération d'Ingrid. Pourquoi elle (cette catho plein de fric et au réseau social développé qui plus est ?) plutôt que d'autres ? Pourquoi pas son chauffeur ? Eh bien parce que les chauffeurs sont moins stimulants pour défendre une cause que ceux qu'ils conduisent... Le roi, la reine en l'occurrence, est plus intéressante que le manant pour émouvoir... les manants justement. Il faut être un intellectuel de gauche pour s'indigner de ça.

  • Ayant laissé mes affinités guy debordiennes loin derrière moi, je ne vous lancerai pas des tomates mais des fleurs.
    A l’exception des la beauté des prières auxquelles je suis moins sensible (toujours pas touché par la grâce, mais ne désespérons pas) je suis parfaitement d’accord avec ces lignes et j’avoue avoir été ému moi-même devant les images de retrouvaille (mais c’est vrai qu’on a la larme facile par ici).
    De même, j’ai trouvé également irritant et ridicule les hectolitres de lignes pissées ici ou là nous rabâchant la lassitude devant l’omniprésence d’Ingrid Betancourt. Qu’ils sont énervants ces mouvements de meutes de ceux qui ne se veulent pas du troupeau.
    D’accord également avec cette idée qu’un "otage célèbre contient tous les autres otages".
    D’accord, sur beaucoup choses donc (mais ce n’est pas si rare).

  • Non, le plus tordant dans cette affaire, ce sont les tee-shirt à l'effigie de Che Guevara que les militaires portaient et qui ont rassuré les FARC. Ou comment l'image d'une ordure sert à piéger d'autres ordures...

  • Cher Montalte, tu devrais t'en tenir à ton émotion et à ta joie bien compréhensibles et que nous partageons, et ne pas te positionner ni même mentionner les réactions hyper-prévisibles de cette frange de la population qui s'appelle "la gauche" : chez eux, tout est haine, ressentiment, goût incessant pour les polémiques vulgaires et médiocres. La meilleure preuve en est que quand ils n'ont pas d'adversaire ou de cause immédiate à se mettre sous la dent, ils s'empressent de se bouffer entre eux, c'est pourquoi il vaut mieux les ignorer et les laisser faire, ils finissent toujours par s'auto-anihiller !

    Rien que d'évoquer cet imposteur inutile de "Guy Debord" qu'on avait tous oubliés et dont tu nous as rappelé la dérisoire existence s'apparente à un gros mot selon moi !

    Bien amicalement

  • Le mépris pour Debord (qu'on croit avoir lu après avoir acheté en poche son plus célèbre opuscule) semble aussi être devenu un sport intellectuel de plus en plus prisé, et assez crasse. En même temps, le vieil ivrogne l'ayant cherché, cela devrait secouer un peu son cadavre.
    Quant à moi, Betancourt m'indiffère, ni plus, ni moins. Mais Uribe m'exalte.

  • Voyons, Pierre... Il faut bien que les gauchistes râlent, puisque cette libération va faire remonter la cote de popularité de Nicolas Bruni... Il ne manquerait plus qu'on apprenne que Domenech a participé de quelque façon que ce soit à cette libération, et il y aurait un ennemi public n°1 de plus de réhabilité ! (Les Français sont cons : ils reprochent la défaite de leur équipe au seul qui n'a pas joué - enfin, passons...)

    La gauche aime LUTTER POUR la liberté. La liberté en elle-même ne l'intéresse pas. C'est bien le principe du communisme, non ? Un grand idéal, noble et tout et tout, l'homme se libérant des chaînes infâmantes du Kapital, t'as vu, mais lorsqu'on passe à la réalisation du projet, on prend bien soin de s'arrêter en cours de route, à l'étape "dictature" - ce qui nous laisse encore de magnifiques combats à mener...

    (Merde alors ! Ils ont libéré Betancourt, ces cons-là ! Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir trouver, maintenant, pour nous indigner ? La Chine, c'est fait... Les chaînes du service public menacées, c'est fait... L'album de Sarkoza, c'est fait... Bon, y'a pas un pédophile antisémite dans Secret Story ?)

  • Raphaël, enfin !
    Quand je disais qu'Ingrid Betancourt allait servir la cause de tous les otages !

  • Ben oui, mais comme on dit sur les forums, c'te vacherie, c'est banané pour ce s. de Sarko, vu que sa côte ben elle a baissé encore de 3,487 points. Ouah la tasse, ce c.
    Finalement Ségo elle aurais mieux fait de rien dire ou alors nous annoncé ses fianssailles avec Montebourg en l'apelant du Kébec lol !

  • D’accord (décidément, c’est une manie) avec Slothorp ; Guy Debord n’est pas réductible à sa satiété du spectral (mais, c’est Vermot qui parle par ma bouche !).
    Panégyrique (le premier) est un bon bouquin et, même, assez chié ! (Et puis ça cause aux soiffards.)

  • Pas de souci
    il faut savoir exprimer sa joie...
    Debord n'est plus là pour voir cela
    L'aurait-il seulement regardé?

    Comment Ingrid est sortie du pétrin
    C'est devenue une incroyable histoire d'espionnage
    et elle risque de devenir une marionette politique...

    Les t-shirt du Che, c'est là sans doute le plus drôle...

    Manu chao risque d'en faire une chanson...
    Gare aux oreilles...

  • D’accord (décidément, c'est une manie) avec Slothorp : Guy Debord ne mérite pas d’être réduit à sa Satiété du Spectral (Mais ! C’est Vermot qui parle par ma bouche !).

    Panégyrique (le premier) est un bon bouquin et, même, assez chié ! (Et puis, ce Debord là sait causer aux soiffards ; l’autre… Les années passant il n’intimide plus beaucoup.)

  • En réponse à mon ami Slothorp qui s'interrogeait sur les différences qui existent entre un cerveau de droite et un cerveau de gauche, je copie-colle celle-ci laissée chez lui, car il n'y a pas de raison que je ne fasse mon connard que chez les autres :

    En fait, je finis par me demander si la différence entre un cerveau de droite et un cerveau de gauche ne consiste pas dans la compassion particulière ou collective que celui-ci ou que celui-là a en premier lieu. Je m'explique : un cerveau de droite est très sensible à ce qu'un individu réussisse dans la vie, ou soit sauvé d'une mort certaine, ou mange un éclair au chocolat alors que des tas d'autres meurent de faim ; alors qu'un cerveau de gauche sera plus sensible au bienfait général d'une situation, ou à la loi qui profite au plus grand nombre, ou au fait qu'une population ait enfin droit aux éclairs au chocolat. Un cerveau de droite se réjouit du bonheur d'une personne, un cerveau de gauche se réjouit du bonheur d'un peuple. Un cerveau de droite adore la sanctification d'un ou d'une seul(e) (Ingrid en l'occurrence) ; un cerveau de gauche adore la sanctification de tout le monde. Aussi déteste-t-il qu'on mette le paquet sur quelqu'un en particulier (car les autres hein bordel ?). Un cerveau de gauche applaudit à la révolution qui va enfin donner du pain et des droits au peuple - alors qu'un cerveau de droite va pleurer le sacrifice du roi ou de la reine, même si celui-si sert le bien collectif. Dans la célèbre chanson "Le petit navire", un cerveau de droite sera indigné qu'on mange ce pauvre moussaillon, alors qu'un cerveau de gauche trouvera très bien que l'on sacrifie celui-ci à la survie de tout le bateau. Un cerveau de gauche est sensible à l'anonymat et au bien général, un cerveau de droite préfère célébrer le miracle qui touche un nommé identifiable - et se fout, il faut l'avouer, du bien général. Bref, un cerveau de droite fonctionne selon l'élection ou la sélection d'une monade alors qu'un cerveau de gauche fonctionne selon le principe transindividuel qui ne nomme personne et privilégie tout le monde. Et c'est pourquoi j'ai un cerveau de droite et que mon cher Slothorp, et ceux qui partagent son avis, ont un cerveau de gauche...

  • Brillant ! (c'est mon cerveau de droite qui fait que je ne crains pas d'applaudir, d'admirer, d'aimer, et de le dire, alors qu'un cerveau de gauche a la critique facile, mais est réticent à distribuer des compliments)

    "un cerveau de gauche se réjouit du bonheur d'un peuple" : Eh bien ils ne doivent pas se réjouir souvent ! C'est sans doute pour ça qu'un cerveau de gauche est éternellement insatisfait, râle tout le temps, et geint sans cesse que c'est vraiment trop inzuste !

    Tu as bien fait d'ajouter "Un cerveau de gauche applaudit à la révolution qui VA enfin donner du pain et des droits au peuple " : tout est dans le "VA", les lendemains qui chantent, quoi :-) Et quand ils ne chantent pas, eh bien on dira que c'est de la faute aux forces réactionnaires.

  • Frédéric Mitterrand a donc un cerveau de Droite ? Putain, je le crois pas, Montalte tu viens de faire la découverte du siècle, les Mitterrand de souche sont de Droite !

    Oignez vilain, il vous poindra
    Poignez vilain, il vous oindra !

  • Comme ton commentaire a fait buguer mon blog qui ne publie plus les commentaires suivants , je copie-colle ici ma réponse, en priant pour que ne se prolonge pas trop le printemps médiatique de la Juanita d'Arc colombienne.

    Ta description du cerveau de droite montre avant tout les découpes d'un cerveau libéral, cher Montalte. Un autre cerveau de droite nettement identifié, comme celui du vieux borgne breton éructant ses mauvais jeux de mots, te dira que sa compassion va d'abord à son frère et sa mère, ensuite à ses cousins, puis à ses amis... Et qu'Ingrid Betancourt ne fait pas parti de sa liste d'invités. Je lui laisse cette interprétation littérale du "prochain", puisque il est vrai que ma compassion ne recoupe qu'épisodiquement le cadre familial et intime. J'ajoute qu' "Ingrid Betancourt", cette femme vue à la télé, n'est d'ailleurs pas une monade, une singularité, un individu, mais une synthèse collective incarnée dans une identité. Synthèse, non pas de la nation (hé, mec, c'est pas la reine de France!), non pas de la communauté, mais d'un paquet de dysfonctionnements collectifs qui trouvent leur compensation dans des amours abstraits, suivant le modèle du fan hystérique adressant des lettres d'amour à l'idole pop.

  • " Tout le monde se foutra de ma gueule : " Tsss...mais non ! 72 % seulement...

  • Trouvé cet article édifiant sur le site de L'express :

    http://www.lexpress.fr/actualite/monde/les-internautes-en-colere-contre-betancourt_525457.html

    La libération d'Ingrid Betancourt est-elle seulement une bonne nouvelle? A en croire les commentaires sur le Web, très majoritairement négatifs, parfois d'une déconcertante violence, y compris à l'encontre de l'ex-otage, rien n'est moins sûr.

    DR

    17 commentaires pour cet article sur le retour en politique d'Ingrid Betancourt. Pour certains autres, on a frôlé les 300.
    A croire qu'ils l'auraient préférée exsangue. Appelés sur les sites d'information à commenter la libération d'Ingrid Betancourt, nombre d'internautes se réjouissent sans réserve, d'autres marquent leur scepticisme, leur exaspération, voire une franche hostilité. Sur le Web, ces réactions négatives sont devenues majoritaires au fil des jours et des directs à la télévision.

    Premier objet de cette colère, ce qu'un lecteur de LEXPRESS.fr appelle le "matraquage médiatique" ne passe pas. On soupçonne une "manipulation". On dénonce le "show hollywoodien". On se demande pourquoi les autorités et les journalistes accordent à l'ex-otage une telle attention alors que des
    "centaines de Français" (!) seraient également retenus à l'étranger. La réponse, en forme de point d'interrogation: "Si elle n'était pas fille de diplomate, ex-femme de diplomate, amie de Chirac et de Villepin, l'Etat se serait-il donné autant de mal?" Pendant ce temps-là, personne n'aide le Français moyen à "mettre de l'essence dans sa voiture". Pis, le "contribuable" va devoir "régler la note" des différentes opérations diplomatiques et militaires, des agapes et, ce qui choque le plus, de l'Airbus diligenté par Nicolas Sarkozy à Bogota pour rapatrier Betancourt.17

    Soupçonné de récupération, le chef de l'Etat n'est pas épargné. Dans l'ombre du "grandiose spectacle", n'en profitera-t-il pas ensuite pour "faire passer ses lois"? Plus étonnantes, souvent blessantes, les attaques contre Ingrid Betancourt elle-même: trop bavarde, trop en forme après six ans et demi de captivité, pas tout à fait française, divorcée mais évoquant Dieu, elle a "cherché et trouvé les ennuis" en se jetant dans la "gueule du loup des Farc". Certains de ces commentaires sont odieux. Ils reflètent une réalité que les "élites", unanimes à célébrer le happy end, ne peuvent ignorer.

  • Bonjour,
    Je suis affligé, ahuri, éberlué par le niveau critique de nos compatriotes...
    Sous couvert de liberté d'expression, les propos les plus ignominieux s'étalent sans honte dans les salons où l'on éructe. Tout en restant fondamentalement attaché aux valeurs de la République, force m'est de constater que nous assistons à une sorte d'emballement logorrhéeux et postillonant qui me rappelle curieusement les années pre-mitterrandiennes en nettement pires.
    Le consensus est en place. Ce renard de Besancenot le sent bien...

    Et comme un article en vaut un autre, voici celui de Philippe Bilger :
    http://www.philippebilger.com/blog/2008/07/libertégénique.html

    Bonne journée !

  • Tout à fait d'accord avec ce que dit ce Bilger, cher Pétrus, surtout en ce qui concerne "le sadisme de la bonne conscience" - le sadisme des avis profanes, oserais-je ajouter, c'est-à-dire des avis infâmes, le sadisme des avis de ceux qui ne s'en laissent pas compter par les élites, le sadisme de ceux qui sont plein de ressentiment contre les élites, le sadisme, enfin, de ceux qui se sentent agressés dans leur lâcheté par le courage de cette femme ("elle n'avait qu'à pas se rendre dans la jungle", "elle savait qu'elle prenait des risques", "pourquoi serait-ce aux contribuables de payer sa mésaventure ?"), ainsi qu'humiliés dans leur inaptitude à se réjouir par sa capacité de réjouissance à elle - qui est la forme la plus mystique des résistances. J'exagère à peine.

    Qu'on me comprenne bien : je ne crois pas qu'Ingrid Betancourt mérite le prix Nobel (encore qu'on le donne à n'importe qui ces derniers temps : Al Gore...), je ne crois pas non plus que sa libération change la face politique du monde, et je pense déjà que sa pièce de théâtre sera le plus fallacieux des triomphes. Je dois même avouer que pendant ces six années de réclusion dans la jungle, j'ai été plutôt indifférent au sort de cette malheureuse - et trouvais assez ridicule les comités de soutien. Ce sont sa soeur Astrid et ses deux enfants qui me semblaient plus élégants dans leur démarche, et sans doute obligés de se compromettre avec les défenseurs bébêtes de leur mère - à combien de jets de ballon ont-ils dû assister les pauvres ! En revanche, sa libération, comme je le disais, m'a ému comme un con. Il est vrai qu'elle a indéniablement réussi son retour sur scène.

    Comme le dit Philippe Bilger, Ingrid Betancourt est libertégénique. Son intelligence de la situation (remercier Uribe, remercier la France à travers Sarko, remercier Sarko et Chirac - c'est-à-dire remercier à la fois ceux qui ont réussi à la libérer, l'armée colombienne, comme ceux qui n'ont pas réussi, la France, mais qui ont "tout" fait pour ; remercier, en gros, les actes et les intentions, ce qui a marché et ce qui n'a pas marché - si ce n'est pas professionnel, ça ?), la saisissante beauté, quasi littéraire, de son langage ("mes enfants, je les regarde, et je les regarde encore, et j'aime les regarder"), sa sensibilité sans sensiblerie, avec ce qu'il faut de sourires et de larmes (mais sans pleurnicheries), et tout cela, teinté de mysticisme marial, lui donnent en effet un statut de sainte immaculée - et qui, par contrecoup, défait celui de Ségolène, si tenté que cette dernière en bénéficiait encore auprès de ses fans. Tu parles qu'elle a voulu gâcher la fête, la Charentaise ! Elle a bien vu que question aura mystique, Ingrid lui avait pris le rôle - et lui avait laissé ses hardes de mère Thénardier.

    Thénardiesques, donc, les réactions anti-Betancourt que l'on lit à peu près partout, et que l'on peut classer en trois catégories :

    - d'abord, les remarques personnelles sur le fait qu'elle ne soit pas assez décharnée, assez maigre, assez auschwitzienne. C'est le côté "elle est moins grande qu'à la télé" de la critique populaire. Que le pékin moyen n'ait aucune idée des souffrances réelles et trouve toujours à redire de ce qu'a vécu un prisonnier de guerre, un otage, ou même un condamné à mort, est vieux comme le monde - et explique le goût pour les exécutions publiques d'antan. Les gens qui trouvent que la mère Ingrid se porte comme une fleur et que, donc, les six ans passés dans la jungle ont du être moins pires qu'on ne le dit, me rappellent le mot atroce de la Marquise de Sévigné parlant d'un condamné à mort qu'on allait rouer - "ce n'est pas si terrible que ça !".

    - ensuite, la bassesse toute plébéienne (quel autre mot ?) qui consiste à s'indigner qu'on n'ait fait cas pendant ces six ans que de Betancourt et non pas des autres otages. Outre le fait que, comme je le disais dans un commentaire plus haut, c'est précisément grâce à elle que l'on sait qu'il y a des otages en Colombie, on ne peut évidemment pas parler de tout le monde. Pour sensibiliser l'opinion à une cause, il faut choisir quelqu'un qui pourra servir d'icône. Et j'en suis désolé pour les républicains farouchement égalitaristes (j'allais dire les gueux), force est de constater que depuis Hélène de Troie on ne fait pas mieux que de choisir une belle femme riche pour mobiliser les peuples - que l'on soit d'ailleurs du point de vue des Farc comme du point de vue des libérateurs. Enfin, il faut être particulièrement crétin (ou républicain jusqu'à la dégénérescence) pour ignorer que l'effet social obéit toujours à une sorte de mystique. Quand le roi perd son fils, c'est tous les pères de France qui pleurent le leur - à travers le fils du roi. Quand la reine accouche, c'est toutes les mères de France qui accouchent avec elle - et réciproquement, c'est la reine qui accouche avec elles. Et c'est pourquoi la mort et la naissance des grands contiennent la mort et la naissance des petits. Les petits ne s'y trompent pas et mettent alors dans leur salon une image de la famille royale, qui est une image de la sainte famille, qui est une image de la leur - et les petits bourgeois ne comprennent pas ça.

    - enfin, il faut rendre la joie coupable. Car se réjouir de ceux qui sont revenus, c'est insulter ceux qui ne sont pas revenus. Célébrer une victoire, c'est s'acharner sur ceux qui n'ont pas gagné. Le bonheur est déjà une injure en général, alors le bonheur d'un(e) seul(e) - et de quelques amerloques, c'est vrai -, c'est une obscénité absolue. J'avoue être fasciné par le fonctionnement des passions tristes et qui dans l'affaire Betancourt se sont déchaînées. Le ressentiment que l'on veut faire passer pour un "sens critique", l'instinct de vengeance que l'on prend pour de la probité intellectuelle. Surtout la haine que l'on a à chaque fois face au phénomène d'élection (pour ne pas dire de sélection) qu'est manifestement l'existence. L'humanitaire déteste l'individu, il est vrai. Et le contribuable déteste l'humanitaire : "Elle, on l'a libérée parce qu'elle était l'amie de Villepin et de Chirac, mais moi on ne m'aurait pas libéré".
    Finalement, la libération d'Ingrid Betancourt, c'est comme Noël. Il y en a qui adorent ça - malgré sa dimension mercantile, d'autres qui ne peuvent pas supporter - malgré sa dimension mystique.

  • Pas royaliste pour un écu, monsieur Cormary, je déplore toujours l'exécution de la famille royale française sous la "révolution", mais plus que les Thénardier ce sont tous les Macquart de France qui sont maintenant à la curée... Ca nous rapproche un peu de notre époque.
    Cet état d'esprit est préoccupant. Un quelconque séisme social aurait des conséquences imprévisibles, calamiteuses et incontrôlables.
    Mais j'espère me tromper.
    C'est pourtant ce que nous avions prévu, ma femme et moi, lors des dernières présidentielles. Sarkozy élu, ça allait être pendant cinq ans la montée progressive des mécontentements les plus contradictoires... à laquelle nous assistons chaque jour.
    (... Royal élue, un pouvoir discrétionnaire se serait installé, dix fois plus régalien (je vous renvoie à l'ébahissement de Sarkozy devant l' affirmations ubuesque et anticonstitutionnelle de la donzelle : "Eh bien Moi je peux !") que celui que nous subirions actuellement à en croire les media qui n'ont jamais été aussi démuselés que depuis l'élection de Nicolas Sarkozy... Et cinq années plus tard, le pays était définitivement par terre.)

    La libération d'Ingrid Bétancourt n'est qu'un épisode...

  • Promis ! Après, on n'en parle plus, mais quelle plus belle conclusion que cette édito de Claude Imbert du Point ? "IL N'Y A PAS DE GRAND EXPLOIT POUR LES COMMERES". On retiendra ce proverbe.


    L'éditorial de Claude Imbert - Un peu de soleil dans l'eau froide !
    Claude Imbert


    Attendions-nous, sans y croire, que quelque paladin ranimât le culte d'un idéal oublié ? Par un étrange décret du destin, Ingrid Betancourt est devenue, pour une France maussade, une héroïne impromptue de la liberté.

    Mais par quel prodigieux faisceau de symboles ! Dans un monde qui libère la femme d'une séculaire sujétion, c'est une femme qui saisit l'oriflamme. Dans un monde que le cosmopolitisme secoue, c'est une citoyenne à la fois française et colombienne, éduquée ici dans la riche Europe, et militante là-bas dans une Colombie percluse de misère, de narcotrafics, mutilée par la plus ancienne, la plus étendue, la plus féroce des guérillas ! Enfin, pour nouer les fils de ce roman transatlantique, la captive, enterrée pendant six ans sous les ombres de la forêt tropicale, devient, sous les lumières de nos villes, pasionaria de la liberté enchaînée...

    Un sacré destin ! Encore fallait-il qu'Ingrid Betancourt égalât son destin. C'est le cas. Devant nous, enfin libre, elle apparaît, visage de madone, entre larmes et baisers, pour remercier son Dieu, sa Vierge, ses libérateurs et sa France... Tirée de sa nuit, jetée dans le tourbillon médiatique, elle impose la grâce d'une improbable sérénité. Et-rare alliage !-la douceur d'un rayonnement spirituel et la maîtrise d'une délicate posture politique. Convenez que la renommée de nos jours réserve son emphase à de plus médiocres aventures ! Ici, c'est une guirlande de beaux sentiments : courage, force d'âme, pardon... Les droits de l'Homme-et de la Femme-ont trouvé leur icône télévisuelle. Les esprits forts, chez nous, peuvent déprécier cette ferveur collective. Ils ont tort. Pour une fois, dans le grand cirque médiatique, la noblesse de coeur illuminait l'arène.

    Il est heureux que la norme civique ait, au dénouement, prévalu. Qu'en cette Colombie où la démocratie est vouée aux pires outrages ce soit l'armée régulière qui ait triomphé sous l'autorité d'un président élu, et bien élu, en défenseur de l'Etat de droit. Pour la libération d'une citoyenne d'exception, la France-sous Chirac, Villepin et Sarkozy-se sera beaucoup dépensée avec des fortunes diverses. Une expédition d'agents spéciaux dès 2003 essuie un échec. Même déconvenue de l'entregent diplomatique mené de concert avec les Suisses et les Espagnols. Sarkozy enfin, et selon sa manière, faite d'énergie infatigable et d'exposition hasardeuse, aura plus d'une fois mordu la ligne jaune des convenances diplomatiques. Dans les affaires d'otages, monnaie courante ! Mais ses adresses solennelles au chef de la guérilla, ses tractations avec Hugo Chavez, mirobolant aventurier castriste-le tout avec ou sans l'assentiment du président colombien-auront fait de la France le champion d'une stratégie de négociation avec la guérilla. Ni Uribe ni l'Amérique, son principal soutien, n'ont jamais cru ni approuvé ce procédé. Les Colombiens ont donc secrètement préparé le raid décisif avec l'aide satellitaire et locale des Américains, et celle d'une expertise israélienne. La France, sans surprise, en fut soigneusement écartée.

    Il n'y a pas à s'en attrister. D'abord, on doit se réjouir que le dernier mot revienne au gouvernement légitime. Ensuite, Ingrid Betancourt, elle-même, a réparti les mérites des uns et des autres. Aux Colombiens, celui du succès exécutif. Aux Français, et à Sarkozy, celui d'avoir battu le tambour international. D'avoir dans un premier temps pressé Uribe d'éviter l'épreuve de force militaire qui eût mis les otages en péril. Enfin, d'avoir développé autour d'une famille exemplaire un soutien multiforme à la captive. La gratitude publique d'Ingrid Betancourt à Sarkozy est là-dessus sans équivoque. La France aura donné à cette aventure le relief d'un combat pour la liberté. Dans le monde, autour d'une Française d'exception, l'image de notre pays y aura gagné quelques couleurs.

    Il est chez nous constant que la malveillance déprécie la réussite et la grandeur. Il y a certes des milliers d'otages sur la planète et la paranoïa égalitaire déplore que seule la touchante Ingrid se trouve ainsi gratifiée. Dans les caniveaux d'Internet, on voit donc dériver des arguties insanes. Celle d'une mise en scène, une fois rançon versée, fut balayée par tous les acteurs et d'abord par Ingrid Betancourt. Même si tel geôlier, préposé à la garde des otages, avait pu être acheté, ce n'eût été que péripétie au service d'une opération brillamment menée. Il n'est pas, dit-on, de grand homme pour son valet de chambre. Ni de grand exploit pour les commères...

    Dommage que Ségolène Royal ait, elle-même, trébuché dans un dépit politicien. Mais que la gauche comme la droite aient, ensemble, évité toute aigre petitesse montre que l'opinion, très largement, savourait le dénouement. Ce fut, pour la France, un peu de soleil dans l'eau froide.

    http://www.lepoint.fr/actualites-chroniques/un-peu-de-soleil-dans-l-eau-froide/989/0/259450

  • Ce qu'on ne pardonnera pas à Ingrid Bétancourt, c'est d'avoir donné l'occasion à Renaud d'écrire une chanson...

    Et à propos de musique, c'est pas déjà un peu oublié, la libération de Bétancourt ? Celle qui fait l'actualité, avec son disque, maintenant, c'est Sarkoza ! Si les FARC en veulent, qu'ils ne se gênent pas...

  • Raphaël... ? Impayable affreux jojo !

  • En fait, j'attends avec impatiente une reprise de Cookie Dingler par Carla Bruni, pour fêter comme il se doit Ingrid Bétancourt... "Etre une femme libérée, tu sais c'est pas si facile..."

  • Surtout que c'est sa famille qui va la séquestrer maintenant !

    (Mais je voulais dire : à propos de Renaud, vu les déclarations "droitistes" d'IB, probable que le chanteur en colère pique une crise de dépit anti-marial et déchire sa dédicace...)

  • Moi aussi j'ai l'air d'être un bien_pensant en restant admiratif de sa personne, en écoutant affectueusement ses propos justes et doux, Et d'ailleurs je pense que la personne d'Ingrid Betancourt semble supérieure à la fabrication par le spectacle médiatique dont elle a fait l'objet .Telle qu'elle s'est exprimée jusque-là, elle ne me déçoit pas . J'ai l'impression que beaucoup lui reproche d'être revenue avec une telle force , celle de sa foi.

  • Bonjour,
    tout-à-fait hors de propos mais confirmant une intuition exposée plus haut, voici un article trouvé sur Marianne2 dont il semble par ailleurs que le niveau ait considérablement baissé... si tant est ...
    http://www.marianne2.fr/Apres-Drucker,-Besancenot-eblouit-les-sondeurs_a89307.html
    Bonnes vacances !

  • On est d'autant plus aliéné qu'aujourd'hui, à peine plus d'un an après sa libération, on s'en fout d'Ingrid Bétancourt comme de sa première chemise, et que tous les autres otages peuvent aller crever tous tant qu'il sont.

    Vive le sentiment de fraternité!

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