Persécutions à venir. Exclusions. Sang. Couteau. Lapidation. Bûchers. Et avec cette idée très forte que le fanatisme relève toujours d'un culte de Dieu.
« ... ceux qui vous tueront
penseront rendre un culte à Dieu ! »
Tuer au nom de Dieu, ou au nom du bien ou du juste ou du soi-disant vrai.
Je me suis toujours demandé si ce n'était pas ça le péché irrémissible.
Communiste. Islamiste.
Religieux par excellence – alors que, comme l'on dit dans mon Oratoire bien-aimé, mieux vaut l'hérésie que le bûcher.
Celui qui brûle au nom de la vérité la perd immédiatement et c'est lui qui sera brûlé.
Si l'enfer existe, c'est pour les droits dans leurs bottes, les purs et durs, les fanatiques, les inquisiteurs. Et aussi les révolutionnaires (et non les réformés), les assoifés de justice (et non les justes).
De même, aimer Dieu pour Dieu, pas bon du tout.
L'autre tentation chrétienne, d'ailleurs idolâtre.
Alors que Dieu, il ne faut jamais l'oublier, ne nous demande pas de l'aimer.
Ou une seule fois, la première, histoire qu'on le reconnaisse. Après quoi, on passe à autre chose – à savoir nous aimer les uns les autres et ça c'est une autre paire de manches.
Et pourtant la seule chose que Dieu que nous demande vraiment.
Ieschoua ne cesse de le dire. Si l'on veut L'aimer, Lui, alors il faut aimer son prochain.
Mais le croyant moyen répugne à cette idée.
Aimer les autres, que c’est chiant ! Dégueu, même.
Le croyant moyen tient trop à l'objet divin de sa foi pour s'intéresser à autrui.
Et subséquemment, fait de Dieu son objet. Son idole. Son truc pour se faire mousser. Son orgueil. Son diable !
Twixt (Francis Ford Coppola, 2019)
Pour l'heure, les temps sont sombres.
Ieschoua annonce qu'il va partir.
Il a cette parole terriblement triste – et qui est au coeur même du christianisme, sinon de la vie tout court.
« IL VAUT MIEUX POUR VOUS QUE JE M'EN AILLE. »
Pour notre paix, notre rétablissement, notre souveraineté, nos devenirs, il faut que l'on se retrouve seuls.
La séparation comme épreuve nécessaire à la vie. Coupure, circoncision, etc. Et donc, sacré, car le sacré, c'est la coupure, c'est le TWIXT (coppolien), l'entre-deux (eaux, modes, mondes, visible / invisible, matériel / spirituel, dehors / dedans.)
Pour autant, et l'espoir est là, le spirituel, c'est ce qui revient toujours, c'est l'éternel retour, c'est la (future) résurrection permanente.
Et c'est la bonne nouvelle du truc. Le Fils quitte physiquement le monde mais pour revenir, sinon y rester sous une autre forme, celle d'un super héros invisible qu'on appellera Défenseur, Consolateur, Communicateur. Paraclet.
Paraclet – c'est-à-dire Saint-Esprit.
Le Paraclet change la donne.
Le Paraclet va remplacer le Fils et agir aussi puissamment, sinon plus que Lui.
Le Saint-Esprit, soit celui qui va résoudre les problèmes – comme Harvey Keitel dans Pulp fiction.
Et c'est pour cela que le Fils doit lui céder la place.
« Si je ne m'en vais pas,
le Défenseur ne viendra pas,
mais si je pars
je vous l'enverrai. »
On aurait envie de dire que le Fils envoie le Saint-Esprit comme le Père a envoyé le Fils.
« Quand Il viendra,
Il dévoilera ce qu'est le monde,
et montrera qu'il y a péché,
qu'il y a justice
qu'il y a jugement. »
Et de définir exactement ce que sont réellement péché, justice et jugement. Et là, ça pique... ou ça soulage.
« Péché : parce qu'ils n'ont pas cru en moi » -----------> Le péché, ce n'est pas faire le mal ou ne pas faire le bien, c'est ne pas croire (et ne pas aimer, serait-on tenté de rajouter). Kierkegaard ne dit pas autre chose à la fin de son Traité du désespoir. Mais cela pose un vrai problème : et si je ne crois pas ? Et si je suis incapable de croire ? Et si je n'ai pas été appelé à croire ? Par ailleurs, croire, croire... Êtes-vous si sûr que ça d'être croyant ? N'est-ce pas quelque chose qui vous berce, vous arrange, vous sécurise ? Perso, j'ai l'impression que plus je dis que je suis croyant, moins j'ai l'impression de l'être. C'est que la vérité nous échappe dès qu'on la revendique un peu trop. La vérité se dissout dès qu'on la veut trop transparente. Pas de foi du charbonnier qui tienne.
On dira que tout ça, c'est la faute au protestantisme qui conduit naturellement à l'athéisme (et ça peut en effet...). Du reste, BCM de l'Oratoire ne dit-elle pas qu'elle-même a du mal à se définir comme « croyante » ? Une pasteure qui douterait de sa foi ? Je comprends tout à fait ça. Je me demande même comment il pourrait en être autrement.
C'est bizarre, au fond, de se dire « croyant ».
C'est absurde.
Au sens littéral.
« Je crois parce que c'est absurde ».
Tertullien a tout dit.
La foi ne peut être absurde.
Un croyant qui n'intègre pas cette dimension d'absurdité dans sa croyance ne croit pas vraiment. Il croit croire. Pire, il s'y croit.
Bref...
« Justice : parce que je vais vers le Père et que vous ne me verrez plus. » ----------> La justice n'est donc pas de ce monde. La justice, c'est ne plus voir Dieu, du moins un temps, le nôtre. Peut-être plus tard. Pour l'heure, wait and see. La justice (que l'on préfère appeler salut) relève de la patience, soit de l'attente, de l'absence, de la souffrance provisoire (et que va confirmer la métaphore de la femme enceinte).
« La femme lorsqu'elle va enfanter,
elle est dans la peine,
son heure est venue,
mais lorsqu'est né l'enfant,
elle oublie les douleurs
dans la joie
qu'un homme soit venu au monde. »
Bref, il faut du temps.
Le Christ est dans le temps et crée un temps particulier. Départ, retour. Partir, revenir – toute une conscience du temps en action et en affect, car si partir est triste, revenir est joyeux, etc. Et c'est le rôle du Saint-Esprit que de nous redonner cette joie si particulière, cette joie d'attente, de présence, de demain dans l'aujourd'hui, attente de Dieu, Pentecôte, etc.
« Jugement : parce que le Prince de ce monde est condamné. » ------------> Autrement dit, tout est déjà fait, sinon « déjà là », comme aurait dit Heidegger, et pour ne pas dire prédestiné.
C'est d'ailleurs ce que m'avait dit un jour un prêtre catholique lors d'une confession mémorable et avant qu'il ne vienne exorciser mon studio (il faudra que je raconte un jour cette histoire de mars 2011) : « le diable a été vaincu et sa seule force est de vous faire croire que non, en jouant avec vos faiblesses, vos peurs, vos blessures. »
Autrement dit, la foi serait cette certitude que le mal est vaincu depuis longtemps, que Dieu a gagné et de fait nous aussi grâce à lui – sauf que nous ne le savons pas, imbéciles que nous sommes !
Notre seule marche de manoeuvre, alors, consisterait à accélérer ou freiner le processus salvateur, selon qu'on ait la foi ou non.
Le croyant serait donc un accélérateur alors que l'incroyant, un ralentisseur. Et la parousie une question de temps – ce dont les disciples prennent conscience tout de suite.
« Quelques-uns de ses disciples se dirent
entre eux :
Qu'est-ce qu'il nous dit là ?
"Sous peu vous ne me verrez plus,
et puis encore UN PEU et vous me verrez"
(...)
Ils disaient :
"Qu'est-ce que cela : UN PEU ?" »
Eh oui, c'est là tout le problème. Combien de temps va durer cette attente ? Peu importe au fond puisqu'on nous l'a certifiée. C'est aussi cela la bonne nouvelle : cela prendra le temps que cela prendra mais ce qui est sûr, c'est que nous ne sommes pas (plus ?) en enfer.
« Votre tristesse se changera en joie. »
Et votre « obscurité » en « clarté » – autre bonne (formidable) nouvelle !
« Tout cela, je vous le dis en images,
l'heure vient
où je ne vous parlerai plus en images,
je vous entretiendrai du Père dans la pure clarté. »
Et les disciples d'y voir aussitôt clair (ou de le croire – ce qui revient au même), comme si les temps se mélangeaient, celui de l'attente et celui de la révélation, celui de l'éternité et celui de l'instant. Le Paraclet agi déjà agi en eux. Pré-pentecôte.
« Ses disciples disaient :
Enfin, tu parles clair et sans images. »
Après quoi, ils retombent dans l'obscurité, l'éclaircie ne durant pas (tout comme pendant la résurrection, d'ailleurs). Il faudrait faire toute une étude – qui a déjà dû être faite – sur le fait que la foi est toujours fondamentalement sporadique, qu'elle surgit de temps en temps pour retomber, puis remonter. Grâce et pesanteur etc.
Ieschoua peut alors conclure :
« J'ai vaincu le monde. »
Et pourtant, il n'a pas encore été crucifié. Il n'a pas encore ressuscité. Lui aussi anticipe. Semble déjà ailleurs. Ou plus simplement, tente de se rassurer comme on le fait tous. Un mauvais moment à passer puis la gloire.
Le « déjà » vécu comme un « après ». Heidegger a écrit des choses là-dessus, non ?
À SUIVRE – JEAN XVII Ieschoua parle IV : cantique du Christ
À REPRENDRE – JEAN XV Ieschoua parle II : cep et serment