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De quelle droite suis-je le nom ?

 Sur Causeur

 

 

On ne s’arrache ni à l’histoire ni à son sexe

 

 

 

droite gauche baudelaire

 

 

Je suis de droite car je crois à l’unité, à la clarté et au préjugé. L’esprit critique me hérisse, le constructivisme me débecte, la prétention à être un adulte face à Dieu me donne des envies de bûcher. Par tempérament (et quand on est de droite, on est plus sensible au tempérament qu’à la raison), je préfère la table ronde à la table rase, l’abnégation à la révolte, l’ordre injuste au désordre encore plus injuste. J’accepte volontiers le devenir des choses et des êtres mais à la condition sine qua non que l’on n’abolisse jamais l’être. Je suis de droite parce que je pars de l’être et non du devoir ou du vouloir-être. Le seul vouloir qui vaille est le vouloir-vivre. Dieu nous l’a donné en même temps qu’il nous a donné la possibilité de le maîtriser. Dans l’Ancien Testament, Dieu nous donne la vie (avec la cruauté et le plaisir qui vont avec), dans le Nouveau, il nous donne l’amour (avec le pardon, la consolation et le salut qui vont avec). Je suis de droite parce que je préfère le moi à la collectivité mais que je ne prends pas la collectivité pour  moi.

Je suis de droite parce rien ne me paraît plus abjecte que l’ipséité, cette volonté prométhéenne de se construire de soi-même par soi-même– c’est-à-dire à partir de rien. Je suis de droite parce que je raisonne toujours à partir du déjà-là, du passé, de l’inné. Je suis de droite parce que je suis empiriste plus qu’idéaliste. Je peux adhérer au progrès, quoique de manière conjoncturelle, mais je refuse cette croyance contemporaine qui consiste à vouloir liquider le négatif. Le négatif, c’est ce qui permet de vivre et de penser – et accessoirement d’être heureux. Le bonheur consiste à accepter les limites du réel. Et si l’imagination est, comme l’orgasme, un don de Dieu, il ne faut pas prendre son slip pour une tasse à café comme aurait dit Pierre Dac. Dans mon système de valeurs, Prométhée mérite qu’on lui arrache son foie tous les jours et Ulysse est admirable de vouloir rentrer chez lui (et d’y massacrer tous les prétendants étrangers.) Et cela n’est en rien incompatible avec la réconciliation goethéenne de Dieu et du diable – sous condition évidemment que le diable fasse allégeance à Dieu comme la gauche devrait faire allégeance à la droite.

Car, encore une fois, la pensée de droite (ou « réactionnaire », ou « classique », ou « orthodoxe », comme on voudra) ne consiste pas à opposer les dogmes de la vraie religion à la raison, comme s’acharne à le faire la pensée de gauche, mais bien à les accorder. Je suis de droite bonaldienne parce ce que je crois qu’il y a un accord de toute éternité entre les dogmes de la religion et ceux de la raison – et une analogie en toutes choses, intelligibles, sensibles et organiques. Je suis de droite cratylienne car je ne crois pas au métalangage : les mots sont les choses, signifient les choses et non pas ce qu’on veut qu’elles signifient, comme le dit Humpty Dumpty dans Alice, et cité par ce sophiste classieux de Deleuze. Je suis de droite maistrienne parce que la révolution, autre que chrétienne, me semble le mal absolu. Je suis de droite libérale mais libéral modéré et ordonné, façon Pompidou, avec un bon frein colbertiste. Je suis de droite parce que je préfère la lumière des siècles au Siècle des Lumières. Je suis de droite parce que je considère que vont ensemble les Riches heures du duc de Berry, L’Angélus de Millet et L’Origine du monde de Courbet -  soient le soleil, le clocher et ces « moiteurs éternelles » dont parlait Muray. Je suis de droite solaire parce que la photosynthèse me semble être le premier et le dernier mot de la politique réelle, sinon de la vie. La seule politique qui vaille est celle qui entérine la coutume, coupe les branches mortes s’il y en a, nourrit et éclaire les vivantes.

La seule science qui vaille, d’ailleurs plus vitaliste que mécaniste, plus biologique que moléculaire, est celle qui s’agenouille d’abord et avant tout devant la rose sans pourquoi. La seule attitude morale qui vaille est celle qui consiste à ne pas  s’arracher de son histoire par volontarisme dégénéré.  On ne s’arrache pas à l’histoire pas plus que l’on ne s’arrache à son sexe. L’enracinement et la différence sexuelle sont les deux mamelles de la vraie humanité, car contrairement à ce que dit la théorie du genre, ma bête noire, autant que les handicapés qui prétendent qu’elle n’existe pas, on est homme et femme avant d’être être humain. On est de la terre, et de sa terre, avant d’être du monde ou de la planète mars.

Même si évidemment, les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus, contrairement aux schtroumpfs anorexiques qui viennent de Pandora. « Ciel et terre », « Soleil et lune », « or et argent », « jour et nuit », « yang et ying », « air et terre », « feu et eau », « divinités célestes ou lumineuses et divinités chtoniennes ou nocturnes », « cru et cuit », « chasse et cueillette », « viande et végétal », « droite et gauche », « carré et rond »,  « ligne droite et ligne courbe », « saillant et creux », « dur et souple »,  « intensité et durée », «forme et matière », « transmission et incarnation », « abstrait et concret », « conceptuel et charnel », « activité et passivité », « public et privé », « politique et économie »,  « orientation spatiale et orientation temporelle », « présent comme rappel du passé et présent comme promesse du futur », « culture et nature », « objectivité et subjectivité », « raison et émotion », « pouvoir et puissance », « théorie et pratique », « domination et médiation »,  « conflit et dialogue », « autorité et conciliation », « classicisme et romantisme », « dispersion et sélection », « institution et coutume », « action et parole », « relation aux objets et relation aux êtres », extérieur et intérieur », « extension et concentration », «  transcendance et immanence », « faire devenir et laisser être », « lois et mœurs », « maîtrise et communication », « continu et discontinu », « unité et multiplicité », etc, etc,  sont autant de façons, et comme le rappelle Alain de Benoist, de dire « HOMME ET FEMME » (sinon « mort et vie », ça, c’est de moi.)

Les complications et les inversions existent et elles sont (presque) toutes bandantes. Il faut les reconnaître, les assumer,  les aimer, les vivre, mais ne surtout pas les institutionnaliser. Si la théorie du genre n’était qu’une esthétique, j’en serais avec joie. Le problème est qu’elle se veut une éthique – donc, lance-flammes. On peut dire d’un homme qu’il est féminin et d’une femme qu’elle est masculine à la condition qu’on reconnaisse que « féminin » vient de femme et que « masculin » vient d’homme. Parce que le corps est notre destin, le sol notre salut, la liberté la possibilité accordée par Dieu de comprendre notre nécessité. On ne dit pas « je pense » comme Descartes mais « ça pense en moi » comme Schopenhauer, Nietzsche, Lacan ou Deleuze. Quoiqu’il faut bien se garder de penser avec ce dernier, esprit aussi brillant que boiteux, cette aberration totale que fut « le corps sans organes ». Le corps sans organes, ça n’existe pas. C’est une contradiction comme une roue carrée ou deux plus deux qui feraient cinq. Sur ce point, Deleuze trahit odieusement Nietzsche et son sens de la terre, et en a pour quelques siècles de purgatoire. Je suis de droite parce que je suis plein d’indulgence pour les boiteux mais plein de férocité pour les esprits boiteux. Je suis de droite enfin parce que je ne suis pas idéologique et parce qu’il n’y a pas d’idéologie de droite.

Celui qui ne like pas ce statut est désormais mon ennemi.

 

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Commentaires

  • Mon cher Montalte, il manque à votre profession de foi un mot sur Baudelaire, sous les auspices duquel elle est pourtant placée. Vous auriez pu ajouter que vous étiez de droite parce que vous êtes antimoderne comme Baudelaire, lui qui voyait dans le Progrès "la domination progressive de la matière". Mais vous pourriez me répondre que l'illustration était par elle-même suffisamment explicite. Je vous souhaite d'avoir ici des exégètes un peu plus subtils que sur le site de Causeur. Bien à vous, GS.

  • Pourquoi ne pas remplacer "je suis de droite" par "je ne suis pas de gauche" ?
    Cela accroitrait la diversité des points de vue combattants, et surtout lèverait le contradictoire de la conclusion qui nie avec mauvaise foi le caractère pourtant parfaitement idéologique de ce qui est exposé.

    Au fait l'idéologique caractérise une chose ou une idée, il me semble; on dirait plutôt "idéologue" pour une personne.

    Quand à l'idéologie elle est originellement et fondamentalement de droite (pour Marx et Engels). C'est par un admirable retournement qu'elle est aujourd'hui négativement connotée. Au point d'être reniée, et ce la veille de Pâques.

  • "Je suis de droite cratylienne car je ne crois pas au métalangage : les mots sont les choses, signifient les choses et non pas ce qu’on veut qu’elles signifient"

    1. Entre les mots et les choses s'insèrent les concepts ; et les mots, toujours collés aux concepts (et non pas aux choses), signifient, effectivement, ce qu'on veut qu'elles signifient, par le simple acte de leur attachement aux concepts.
    2. Les mots ne sont donc pas les choses, puisqu'ils ont autant, et même davantage, d'interprétations qu'il y a de représentations (propres à une personne, une culture, une époque). La chose est objective, le mot est subjectif.
    3. Vous avez beau ne pas "croire" au métalangage, celui-ci existe bien pour tous les cogniticiens. Le métalangage est le mécanisme, propre à tous les humains, pour représenter la réalité (les choses et les relations entre les choses), avant d'envelopper ces représentations par une couche langagière. La représentation conceptuelle est exactement ce métalangage, commun à toutes les familles linguistiques. Platon est misérable dans ses exposé sur les couples : l'idée - la chose ou le mot - la chose.

    "Je suis de droite parce que je préfère la lumière des siècles au Siècle des Lumières"

    Ces chiasmes trop faciles cachent l'opposition la plus intéressante : l'homme de droite se réjouit davantage du jeu des ombres. Les lumières sont collectives ; on ne prouve son originalité que par la qualité de ses ombres.

    "La seule politique qui vaille est celle qui entérine la coutume, coupe les branches mortes s’il y en a, nourrit et éclaire les vivantes"

    Quel boucher, comptable, apothicaire ne s'y souscrirait pas ! Qui est ce scélérat, voulant éradiquer les coutumes, préserver les branches mortes, affamer et assombrir les vivantes ? La famine et les ténèbres surgissent, lorsque le politique, au lieu du laboureur ou du lampiste, se mêle de notre pain ou de nos éclairages.

    "Quoiqu’il faut bien se garder"

    Quoiqu'il faille se donner ...

  • Scythe a raison, Montalte.

    Le métalangage n'est pas plus de gauche que de droite. Il y a autant de métalangage ou de niveaux de langage chez Barrès ou Proust que chez Barthes ou le second Blanchot. Disons seulement et grossièrement que le culte du métalangage est aujourd'hui plus répandu à gauche qu'à droite - mais est-ce si sûr ?

    La lumière des siècles par opposition au Siècle des Lumières, certes. Mais à l'ombre du Siècle des Lumières est né l'illuminisme, puis le romantisme. La lumière a besoin de l'ombre comme l'ombre de la lumière. Le Siècle des Lumières a contribué à la lumière des siècles jusque dans le renouvellement de la pensée de l'ombre.

    Les branches mortes ne sont à couper que pour les esprits épris de netteté et d'efficacité, pour ne point parler des têtes totalitaires. Le poète aime la branche morte comme la jeune pousse. Et ainsi que l'a démontré Cioran dans son texte sur Maistre, la poésie est fondamentalement réactionnaire.

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