Genèse 26 – Rebelote.
Entre temps, la famine est revenue au pays d’Isaac.
De nouveau l'exil, la promesse, l'élection.
Yahvé ordonne à Isaac de partir.
« Demeure au pays que je te dirai. Séjourne dans ce pays-ci, je serai avec toi et te bénirai. Car c'est à toi et à ta race que je donnerai tous ces pays-ci et je tiendrai le serment que j'ai fait à ton père Abraham »
clame Dieu à Isaac. A toi, et pas aux autres, donc. On est élu du peuple élu ou pas.
Isaac s’en va donc en vadrouille chez les Philistins. Et comme Abraham naguère avec Sarah, fait passer sa femme Rebecca pour sa sœur.
De nouveau, les fâcheux malentendus.
« Isaac était là depuis longtemps quand Abimélek, le roi des Philistins, regardant une fois par la fenêtre, vit Isaac qui caressait Rebecca, sa femme. Abimélek appela Isaac et dit : pour sûr, c'est ta femme ! Comment as-tu pu dire "c'est ma soeur" ? Isaac lui répondit : “je me disais : je risque de mourir à cause d'elle.“ Abimélek reprit : “Qu'est-ce que tu nous a fait là ? Un peu plus, quelqu'un du peuple couchait avec ta femme et tu nous chargeais d'une faute !"
(Si l'on faisait une histoire de l'humour juif, je crois que c'est à partir de cette histoire qu'on la ferait commencer.)
En tous cas, Isaac prospère.
Tellement qu'on lui demande de partir à propos d'une querelle de puits.
Mais comprenant qu'Isaac est avec Dieu, ou que Dieu est avec Isaac, Abimélek se ravise et lui propose de faire alliance.
De toute éternité, la sagesse fut de reconnaître l'élu (les contestataires, les égalitaires, les anti-sélection, les étudiants de l'UNEF, les voilà, les vrais cons.)
Pendant ce temps, Esaü prend femmes. Mauvais choix apparemment puisque les épouses sont tout de suite « un sujet d'amertume pour Isaac et Rebecca ».
Là aussi, répétition des conflits.
De toute éternité, l'on a toujours choisi l'épouse ou l'époux qui ne convenait pas aux parents.
Abimélec observant Isaac et Rebecca, par Raphaël.
Genèse 27 - Histoire d'Esaü et de Jacob, suite.
S'il y avait un chapitre au monde à lire pour comprendre ce qu'est la famille, la fratrie et le rapport paternel/maternel, ce serait sans conteste ce 27 de la Genèse.
Le vieil Isaac est devenu aveugle et va mourir.
Pour la dernière fois, il exhorte Esaü, son fils préféré, à aller chasser pour lui.
Après quoi, il lui donnera sa bénédiction - qui n'est pas qu'une simple parole paternelle bienveillante mais un legs politique, économique et théologique.
Esaü, toujours courageux, humble et au service de son père, prend son arc et ses flèches et court accomplir sa mission.
Rebecca, la femme d'Isaac, qui a surpris cette entrevue, et qui craint que son fils préféré à elle (et qui est aussi, on s’en souvient, celui de Yhavé), Jacob, qui ne fout rien de sa vie, soit sous le joug éternel de son grand frère quand celui-ci reviendra de sa chasse, va trouver ce dernier et lui ordonne d'aller voir son père en se faisant passer pour son frère et de lui offrir le repas de chevreau qu'elle lui aura préparé.
Jacob hésite : Esaü a la peau velue et lui la peau lisse - et leur père, tout aveugle qu'il soit, risque de s'en rendre compte s'il le touche.
Et dans ce cas, il ne sera pas béni mais maudit.
« Je prends sur moi ta malédiction, mon fils ! »,
dit la maman manipulatrice et avant d'habiller Jacob des vêtements de son frère.
LA MERE CONTRE LA LOI DU PERE -
d'Eve à Marie, en passant par Rebecca, une topique de la Bible et de l’histoire des familles.
Portrait d'Eléonore de Tolède avec son fils, par Agnolo Bronzino
Et c'est toujours le mauvais fils qui l'emporte contre le bon. Sacré Père Très Haut !
Jacob se présente donc à son père sous l'apparence d'Esaü.
Le père le tâte, sent ses vêtements et croit reconnaître l'odeur de son fils... Esaü.
Que n'a-t-il fait confiance à son ouïe qui lui révélait que ce n'était pas la voix de celui-ci !
Tant pis, il le bénit, lui donne tout, lui transmet son pouvoir.
Les peuples devront servir Jacob, les nations se prosterner devant lui, et il sera le maître de ses frères.
Maudit sera celui qui le maudira. Béni sera celui qui le bénira.
Comme dans Harry Potter, cette promesse est inviolable. Jacob repart donc chez sa mère tout content.
Revient Esaü.
Son père lui demande qui il est. « Ben, Esaü », dit Esaü déjà un peu vexé.
« Alors Isaac fut secoué d'un très grand frisson » - et comprend tout.
Son épouse et son autre fils l'ont roulé dans la farine.
Et il ne peut plus revenir en arrière.
Esaü a beau le supplier de le bénir à son tour, Isaac est obligé de le donner à son frère et de lui prévoir une vie de violence et de servitude :
« Loin des gras terroirs sera ta demeure, loin de la rosée qui tombe du ciel. Tu vivras de ton épée, tu serviras ton frère. »
Esaü est effondré. Son seul espoir est qu’un jour, peut-être, il se délivrera de son joug.
En attendant, il est baisé.
Furax, il jure de tuer son frangin.
Rebecca qui a encore tout entendu de l’entrevue du père et de son fils se précipite chez Jacob et lui dit qu'il doit fuir fissa chez son oncle Laban afin d'échapper à la colère d'Esaü.
Merci maman, bravo papa ! On peut dire que vous nous avez élevés dans la confiance et la paix.
La famille est tout amour, la fratrie est sacrée, qu’ils disaient. Tu parles ! La vie est d'une injustice divine imparable. Maintenant, laissez-nous nous entretuer sur dix générations, s'il vous plaît.
Isaac bénissant Jacob, par Ribera.