21 - Paris
"Deux tunnels en en sens contraires. Deux voûtes, deux indications vers deux directions opposées :
MONTPARNASSE <-------------------------> MONTMARTRE
MONTPARNASSE : le mont d'Apollon. Le Mont des Muses, le Mont des Harmonies et des Sagesses. L'Ascension vers les dieux païens par l'Ordre et par la Beauté.
MONTMARTRE : Le Mont des Martyrs, le Mont de Foi, le Mont mystique et rayonnant des têtes coupées. L'Ascension vers le Dieu Chrétien par le Sacrifice et par la Croix.
Sur le quai, il faut choisir. Vous ne pouvez vous embarquer à la foi pour les deux cimes.
ET MOI JE VOUDRAIS MONTER SUR LES DEUX MONTAGNES A LA FOIS." (p 115)
Toujours prendre les deux. Si Dieu est partout, il doit y être aussi.
Dieu est partout même dans le poison, le microbe, le bacille - et tout ce qui nous paraît a priori mauvais pour nous (mais qui est aussi une bonne nouvelle, car si même le mal est divin, alors il sera sauvé lui aussi.)
"Je songe au Bacille De Koch et à ses congénères, autant créatures de Dieu, autant merveilles de Dieu que l'Homme et l'Ange.
Le Bacille ronge le sein d'une jeune mère, la gorge d'un apôtre et dit : Dieu est bon. (...)
Le Bacille récite ses grâces.
Les mêmes grâces que nous récitons à la fin du repas après avoir mangé la poule ou l'agneau." (p 116)
Dieu est bon même dans le mal.
Je vous aime, Marie Noël, vous savez.
Le Génie du Mal (appelé officieusement "Lucifer") dans la cathédrale Saint-Paul de Liège, par Guillaume Geefs
22 - La lumière de Lucifer
"Les sept péchés ne sont qu'Un : ETRE.
ETRE. Et AVOIR qui n'est que l'élargissement d'ETRE.
(...)
Les péchés d'Etre : orgueil, envie, colère, sont les trois racines de la guerre, mais aussi les trois gardes de la vie.
Si je les détruis totalement, je détruis l'Etre, je supprime l'instinct de conservation, j'abandonne toute défense.
Celui qui choisit l'humilité, choisit sa mort.
Il s'oppose à son Etre à et son Avoir. Il prend le chemin de grande défaite, la route de perdition qui, de Soi, mène à Rien." (page 119)
Pas de vie sans péché, pas de péché sans vie. Pas même de survie sans péché. Celui qui déciderait de ne plus pécher et qui y arriverait périrait sur le champ. C'est le péché qui garde en vie (cette Marie Noël ! Parfois on a l'impression que c'est Aphrodite ou la Juliette de Sade qui parle en elle.)
Ce n'est pas le Christ qui a créé le monde. C'est le Père. Et le Père n'est pas christique. Le Père crée la vie, donc la mort, le meurtre, la violence - toutes choses nécessaires à la vie. Le Christ, Lui, nous dit de nous aimer. Mais le moyen de l'amour dans la vie ? Amour et vie peuvent se contredire, voyez Roméo et Juliette. Même si la vraie contradiction, la contradiction totale, absolue, est celle de l'amour et de la loi. Rien de moins aimable que la loi, rien de moins légal (ni même juste) que l'amour - mon mantra à moi.
Le mantra de Marie Noël, c'est Dieu en contradiction avec Lui-même, encore et toujours.
"Si seulement le Christ avait créé le monde !
Si l'Esprit du Christ avait crée le monde !
Mais la création n'est pas chrétienne. Toute construite sur la nécessité pour chaque créature de détruire l'autre.
O Christ ! J'accepte doucement de ne pas comprendre. Je baisse la tête devant cette ombre terrible du commencement. Que serait Dieu pour nous s'Il n'était pas ombre ? Mais voyez que nous sommes le champ meurtri, les inguérissables blessés de ce combat de Dieu entre Vous qui dites "Aimez" et votre Père qui dit "Tuez".
Réconciliez-Vous, O Fils, O Père ! Tant que vous ne serez pas réconciliés, où sera ma Paix ?" (page 120)
Notre Père dit "tuez !".
Notre Fils dit "aimez !"
Notre Saint Esprit dit "réconciliez ça en vous."
Avec ça, débrouille-toi bonhomme.
"Si Adam a commis le Mal du Monde, il est presque autant créateur que Dieu.
(....)
.... le mystère du Mal, le seul où Dieu ne nous donne pas à croire mais à penser !" (p 120)
Le Salut - ce qui donne à croire.
La Chute - ce qui donne à penser.
C'est grâce à la Chute que nous pensons.
C'est grâce au mal que nous sommes conscient et (re)connaissant.
Lucifer se nomme bien Lumière.
L'Arbre du Bien et du Mal, de la Vie et de la Mort, se nomme bien Science - qui veut dire aussi Lumière.
Si Dieu nous a faits, c'est le diable qui nous a allaités, élevés et peut-être encore plus aimés que le précédent.
Comment ? Il y aurait une bonté du diable ? Et donc une haine de Dieu ? Mhmmmmmmmmmm !
Après tout, c'est Dieu qui punit. C'est Dieu qui damne (ou qui laisse se damner), c'est Dieu qui est responsable de l'enfer - alors que Satan n'en est que l'intendant. Et qui nous dit que celui-ci ne procède pas comme ces bonnes d'enfants qui font semblant de châtier les enfants que les parents leur envoie - en claquant dans leurs mains derrière la porte pour faire croire qu'elles les giflent ou fessent (je me rappelle avoir lu ça dans L'Enfant de Jules Vallès) ? Qui nous dit que le diable ne bichonne pas ses damnés tout en faisant croire au Très-Haut qu'il les torture ? Qui nous dit que l'enfer n'est pas un film que Satan et les siens envoient à Dieu chaque mercredi pour le rassurer sur sa Loi et ses Jugements ? Qui nous dit que Dieu n'est pas le dindon de la farce - et que s'il n'y a qu'une seule créature de toute éternité qui mérite vraiment l'enfer, c'est Lui ?
Mmmmmmmmh !!
Lucifer, Paradis Perdu, par Gustave Doré
23 - Fatigue noire
"Tout le charme que j'avais, toute ma grâce de Dieu, je l'ai donnée dans mes chansons.
Ici, dans ces notes, je jette tout ce que j'ai de mauvais comme dans un coin secret de derrière la maison...
Ce que j'ai de dur, de sec, de trop lucide, les cailloux aigus de ma pensée qu'il me faut casser un à un pour me délivrer de leur pointe." (p 124)
On peut célébrer Dieu, mais on peut aussi s'en inquiéter.
On peut faire l'apologie des siens, les aimer sincèrement, et les blâmer en secret.
"Je fais l'apologie de la vie dans mes livres, disait Nietzsche un jour, mais au fond je la méprise."
Quel moi, donc, dit la vérité ? Celui de la parole publique ou celui du secret ? Mais les deux, évidemment ! On est toujours double, ou triple, ou quadruple. On est unique et multiple.
Dieu reconnaîtra en moi le bon et chassera le mauvais - ou Dieu m'expliquera comment ce mauvais était une autre forme de bon (et que j'ai peut-être mal compris et mal exploité.)
Dieu me purgera à ma place. Il est fait pour ça.
"Je ne t'ai pas frappé, dit le Christ, j'ai frappé en toi la Bête qui te mange. Le Loup et l'Agneau étaient enfermés ensemble dans la même âme. Je suis le Berger, j'ai chassé le Loup." (page 125)
Mais ce pauvre loup, qu'est-il devenu ? On aime le berger mais on aime aussi le loup.On aime l'animal.
"Ces jours où je suis lourde, épaisse, basse, terrestre, incapable d'appréhender l'invisible... Alors, je puis aimer un chat ou un chien, mais pas aimer Dieu, la Vierge, les Saints, les Anges. Je n'ai plus de quoi les imaginer.
Car c'est un grand et dur travail que de penser Dieu et tout ce qui n'existe pas pour les sens, de regarder fidèlement ce qu'on ne voit pas ; d'écouter ce qu'on n'entend pas, d'aimer ce qui n'est nulle part qu'en cette âme où rien n'est plus.
Peu à peu avec le repos, une lueur se rallume et ranime l'Esprit. Se rallumera-t-elle toujours ? N'y aura-t-il pas, pour finir, cette fatigue noire de laquelle on ne revient pas ?" (page 129)
L'acédie chrétienne.
La fatigue noire devant Dieu.
Le marxisme chrétien vient de là.
"Pourquoi ces chrétiens ont-ils placé tout leur espérance sociale dans le parti qui décrète, selon Marx, l'abolition de l'idée de Dieu ?
Je ne comprends pas.
(.... Et pourtant si, elle comprend...)
Beaucoup sont las de gravir le chemin étroit des éternelles Béatitudes. La pauvreté fatigue, la pureté fatigue, la douceur et la soumission fatiguent, les larmes et la sueur fatiguent, l'injustice fatigue. A force d'espérer, l'espérance fatigue." (page 131)
Alors on se tourne vers autre chose de plus tangible.
On substitue l'espoir à l'espérance.
La Révolution au Salut.
Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour, dit-on. Remplacez "amour" par "Dieu" et comprenez le chrétien de gauche.
Le vrai lait n'est pas celui de la tendresse divine mais de l'écrémeuse.
La Ligne générale, Eisenstein
24 - Dieu contre Dieu, toujours et encore.
"Toute ma vie n'aura été qu'un combat entre la Lucidité et l'Amour.
Chaque fois que l'Amour l'emporte, il se fait en moi une lumineuse joie, chaque fois que l'Intelligence l'emporte, un calme désespéré.
Et chacune de ces victoires est victoire de Dieu.
L'Amour est Dieu, l'Intelligence est Dieu. Non pas deux Dieu. Un seul.
Mais chacun de nous a sa voie, sa vérité, sa vie, son Dieu dominant, son Seigneur à lui. Mon tourment a été d'en avoir plusieurs.
Ils se sont livrés en mon âme, une guerre, parce que je n'étais qu'une étroite créature, incapable de les concilier et de les réduire à l'Unité. Je n'ai pas été les combattants - les combattants étaient DIEU CONTRE DIEU. J'ai été les champs de bataille, les blessés et les morts."
Etre le carnage de Dieu.
Pourquoi pas puisqu'on peut être le carnage de l'amour ? Mais il faut avoir "l'instinct". Quel instinct domine le plus en moi ? L'intelligence tordue ? La sensibilité déréglée ? La foi faible ? L'instinct créateur débile ? La joie infantile ? L'acédie orgueilleuse ? La rage impuissante ?
Un jour, peut-être, "Dieu sera mon instinct" (p 137).
Onze fioretti de Saint-François d'Assise, de Roberto Rossellini
25 - Anna de Noailles
"Ah ! crie Marie à Dieu, si vous aimiez tant les morts, pourquoi donc avez-vous créé les Vivants ?" (p 143)
C'est en effet tout le problème. "L'oeuvre de Dieu est une oeuvre de mort et non pas de vie", disait déjà Fénelon.
Encore ces problèmes de salut et de damnation, de vie et de mort, de vérité mortifère et d'illusion vitale. On n'en sortira jamais. Notre manière de croire, de nous inquiéter, de nous creuser. Et de creuser Dieu aussi, car enfin, Dieu est un tourment. C'est la millième fois qu'on le dit car c'est la millième fois qu'on le sent.
Et Marie Noël de célébrer Anna de Noailles, comme elle avait célébré Montherlant. Une femme trop grande pour vouloir Dieu. Une femme qui cherchait ailleurs. Une femme de génie mais dont le génie était comme le supplice du feu. Et Marie de prier Dieu pour que celui-ci l'accueille quand même en Lui et lui donne à boire. "Elle a eu si soif" (p 145).
L'humble qui prie pour l'orgueilleuse.
L'humble qui n'accuse pas l'orgueil - telle est la véritable humilité qui est insouciance et innocence.
Alors que l'humble qui accuse l'orgueil prouve qu'il est bien pire que l'orgueil - qu'il est un orgueil sournois, toxique, pervers.
La comtesse Anna-Élisabeth de Noailles, née Bibesco Bassaraba de Brancovan, poétesse et romancière française, d'origine roumaine, née à Paris le 15 novembre 1876 et morte à Paris le 30 avril 1933.
26 - Les bonnes questions
La terreur que suscite Dieu. Le Père mais aussi le Fils. Et peut-être encore plus le Fils. Car le Fils est Homme. Et cette proximité humaine est insoutenable. Le Père est loin, vaguement abstrait, personne ne l'a vu. Alors que le Fils, on L'a vu, et pire que ça, on L'a touché. Je ne crois pas que j'aurais osé le faire. Marie Noël non plus.
"En ces temps-là, j'aurais suivi le Christ de loin, cachée dans la foule, sans l'approcher jamais - Il ne m'aurait pas vu. Et s'Il avait regardé de mon côté, j'aurais baissé la tête.
Et maintenant, c'est une grâce merveilleuse pour moi, entre tous les chrétiens, qu'Il ait voulu se cacher, Lui aussi, dans le mystère de l'hostie. Ainsi, je puis aller à Lui. J'aurais eu peur de l'Homme. Je n'ai pas peur du Pain." (page 148)
Marie Noël pose les vraies questions. Celles qui font que l'on rejette toujours Dieu - tout en Lui demandant de descendre jusqu'à nous et de nous emporter avec Lui malgré nous. C'est une foi faible, passive, paresseuse, mais qui est tellement plus vraie que la foi hallucinée, affectée et puante d'un Léon Bloy.
Car la foi... Ne la perdrait-on pas volontairement au nom d'un instant de vie ?
"Quelquefois, si libre de coeur, si détachée, si légère, je n'ai plus il me semble qu'à rendre un souffle pour m'aller perdre dans l'infini de Dieu.
Mais au moment que la mort me l'arrachera, je sais bien que de toute la force dernière de mon corps, de toute l'horreur de mes mains, de mes yeux, de ma bouche grande ouverte, je repousserai la grande Espérance, l'Eternité, l'Amour.
Je Vous repousserai, mon Dieu, je Vous donnerai comme rien, pour une seule petite gorgée d'air encore...
Mais faites vite ce que vous avez à faire.
Faites." (p 159)
"Ce que tu as à faire, fais le vite" - Marie Noël parle à Dieu comme Jésus parlait à Judas.
En fait, il y a deux sortes de chrétiens.
Les chrétiens qui pensent que les bons vont au paradis et les méchants en enfer (parce que justice, liberté, mérite, blabla) et les chrétiens qui veulent que les méchants aillent aussi au paradis - que les méchants se repentent et soient sauvés comme les autres, que tout le monde soit sauvé.
Que le mal soit vraiment vaincu. Qu'il ne reste plus un seul cas tragique. Même pas Judas. Même pas Satan.
Aboutissement de l'Amour et liquidation de la Loi.
Mais est-ce encore chrétien ? Non, disent les docteurs de la Loi. Ben si, disent les autres. Car si Dieu ne l'emporte pas complètement sur le négatif, alors à quoi sert-Il ? S'il y a encore du négatif, comment ne pas penser que Dieu se confond avec lui ?
A cela, l'on répond souvent que "l'enfer n'est qu'un moyen" - pour faire peur, édifier, moraliser, etc. Je l'entends bien et même je l'admets volontiers. L'enfer est un moyen. Non pas donc une fin. Alleluia ! La vie n'est pas si moche. Et les serpents sont des faux méchants.
27 - Dieu n'est pas un saint
"Comme je suis contente que Dieu ne soit pas un Saint !
Si un Saint avait créé le monde, il aurait créé la colombe, il n'aurait pas créé le serpent.
Il aurait créé la colombe ?... Il ne l'aurait pas créée mâle et femelle, il n'aurait pas osé créer l'Amour, il n'aurait pas osé créer le Printemps qui trouble toute chair au monde.
Et toutes les fleurs auraient été blanches.
Dieu soit loué ! Dieu en a fait de toutes les couleurs. Dieu n'est pas un Saint. Dans son oeuvre hardie, Il ne s'est pas soucié des disciplines et de l'édification des Saints et s'Il était homme au lieu d'être Dieu, Il aurait encouru la censure des Saints.... J'entends Bossuet : ôtez ce parfum qui damne, ôtez cette fleur...
Pourtant, vous êtes Saint, ô mon Dieu, Saint qui sanctifiez le Saint, mais vous êtes aussi Créateur qui fécondez l'Artiste. Autre est la grâce de l'Artiste, autre est la grâce du Saint et pourtant elles sont la même : le don de Vous, ô mon Dieu, de Vous si grand que partent de Vous et mènent à Vous ces voies de sainteté et de beauté qui, semble-t-il, s'opposent." (p 160)
Le bien aime mettre le beau en cage. Mais le beau est plus libre que le bien. Le beau peut complaire au bien mais à condition que le bien lui fasse allégeance. Et le bien accepte. Car le bien sans le beau risque de ne séduire personne. Le bien doit se prostituer au beau s'il veut plaire.
Par ailleurs, ne jamais oublier cet "avis de l'abbé Mugnier" :
"Surtout ne tombez pas dans les bonnes oeuvres. Vous n'avez qu'une bonne oeuvre à faire, la vôtre."
(p 163)
28 - Dieu n'est pas un lieu tranquille
Ils croient tous trouver la paix en Dieu.
"Mais Dieu n'est pas un lieu tranquille.
Dieu est un lieu de tourmente.
J'aurai enduré plus de mal pour Lui que toutes les filles et femmes pour tous les amants et maris du monde."
Dieu peut être aussi jaloux et brutal qu'un con de mari et aussi manipulateur et pervers qu'un amant narcissique qui vous veut tout à Lui.
Dieu n'est pas toujours sûr.
"L'heure terrible où Dieu n'est pas vrai et où je continue à l'aimer quand même" (page 164).
Et c'est pourquoi le seul espoir est que Dieu nous aime malgré nous. Quand nous l'ignorons ou quand nous nous endormons.
Gethsémani pour tous.
"Pendant la nuit, Seigneur, Tu me seras fidèle" (page 172).
La seule espérance, comme toujours, c'est l'apocatastase - et qui peut passer par le purgatoire (qui rime avec provisoire et espoir). Mais l'enfer éternel, au nom de la liberté absolue, non !
Car la liberté absolue n'existe pas et même est le pire des leurres. En plus d'être une roue de douleurs.
(Je me contredis comme Sade, je pense à la fois l'illusion de l'enfer et la douleur éternelle réelle. Je suis un grand dingue.)
"Mais je ne pense pas grand-chose de clair [autrement dit, elle pense vraiment, elle comprend la complexité insoutenable des choses], Je pense en gros que nous sommes tous EN MARCHE vers une perfection quelque part....que certains, les gens de bien, ont marché plus vite, plus droit et sont plus en avance que les autres. Les canailles sont des gens de bien en retard et le Purgatoire (vies successives ou autres routes) est justement le temps qu'ils mettent - au-delà de ce monde - pour rattraper les justes. A LA FIN, TOUT LE MONDE ARRIVERA AU BUT. ET TOUS SERONT BONS. VOILA !" (p 166)
29 - La danse de Dieu
"Prends garde, moucheron, prends garde ! Le petit oiseau a besoin de manger et le Bon Dieu t'a fait pour sa nourriture.
Prends garde, petit oiseau, prends garde ! Le faucon a besoin de manger et le Bon Dieu t'a préparé pour son repas.
Prends garde alentour, prends garde à la ronde : un ventre t'attend, une faim te guette.
Prends garde à la terre, prends garde... et n'approche pas trop du ciel.
Là est la bonté de Dieu qui créa la faim et la proie.
La bonté de Dieu, profonde et noire comme un abîme qui fait peur.
Et pourtant moi, le moucheron, moi, l'alouette, moi, l'homme, moi, la créature guettée, traquée, chassée, tuée, mangée,
En Lui seul, je me confie,
De Lui seul je n'ai pas peur.
Grand, grand, grand est le mystère de Dieu : sa Bonté = Bien et Mal ensemble.
Grand le mystère de moi, presque aussi grand : l'Espérance.
(Dieu ne doit comprendre qu'à peine l'espérance de l'homme.)
Et les deux ne sont qu'un : AMOUR." (page 191)
Pousser l'absurdité de l'amour divin jusqu'à son terme.
Et faire de la foi une approbation du réel (coucou Clément Rosset !), un Amor Fati comme un autre - où la notion de justice disparaît - et qui paradoxalement est plus apaisant que tout.
Car la cruauté du réel est finalement bien plus acceptable que le jugement sur cette cruauté.
La mort sans punition ni récompense - ou pire, la mort comme apaisement des souffrances, liquidation des punitions et prise de conscience que la liberté n'a jamais été qu'un leurre, voilà l'espérance réelle.
Et c'est là que l'on peut admettre la danse de Dieu. Car Dieu danse.
"Au commencement était le Chaos. La terre informe et vide (qui avait créé le chaos ?)
Et l'Esprit de Dieu se mouvait sur l'abîme.
.... se mouvait....
Dieu se mouvait.
Dieu dansait.
Dieu, dans sa joie de Dieu, dansait.
Au commencement fut cette joie de Dieu, cet Amour, cette Danse, ce Rythme.
Et ce rythme était si fort que le Chaos s'ébranla, l'informe chercha figure, les atomes se prirent à danser aussi.
Entrez dans la danse,
Voyez comme on danse.
(...)
Ainsi Dieu créa le ciel et la terre.
Dieu danse." (page 192)
La danse d'Audrey, dans Twin Peaks, saison 3, extrait youtube ici (à voir absolument)
30 - CONTRE MARIE NOEL.
"L'Enfer qui ne finira point, l'Enfer a-t-il commencé ? S'il y a eu un commencement, s'il n'est éternel que d'un seul bout, que veut dire éternel ?
SI L'ENFER - LE MAL - EST ETERNEL, IL TOURMENTERA ETERNELLEMENT LE PARADIS.
Eternellement, le Paradis sera inquiet comme une bonne famille qui, par malheur, a un fils au bagne ou un frère “aux fous“ et qui jamais tout à fait ne s'en console.
Je connais des Saints qui n'en dorment pas. “Allons ! dit Dieu, allons, allons ! Saint Vincent de Paul, il faut te faire une raison. La porte d’ici est grande ouverte. Si ces gens de là-bas ont la haine de Moi – c’est leur haine et non Moi qui les empêche d’entrer – libres, ils furent, libres ils restent, et personne, même Moi, ne peut les forcer à m’aimer et à vouloir être des nôtres.“
MAIS SAINT VINCENT DE PAUL NE PEUT SE FAIRE UNE RAISON. Il a aimé son prochain. Il en a eu très grand souci. Il continue.
Et tous les Saints auxiliateurs ont envie d’aller tirer d’affaire ce prochain du dehors ténébreux qui s’est mis dans un mauvais cas.
Et les Saint hospitaliers ont envie d’aller panser les brûlures éternelles.
Personne n’est tranquille là-haut. Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même a parfois envie de quitter les justes et de repartir avec sa croix pour LE SALUT DES INSAUVABLES.
Et peut-être Il repartira…. Ils repartiront tous, et, peut-être un jour de l’Eternité, l’Amour aura triomphé de l’Orgueil et de la Haine.
Alors Dieu aura vaincu l’Autre et demeurera Seul.
Alors, le Paradis reposera en paix.
Pas avant.
Je rêve….. » (p 229)
Ah non, mais Marie Noël, ça ne va plus à la fin. Vos blasphèmes font long feu mais l'enfer existe, que vous le vouliez ou non. Trop facile, trop facile de dénier la justice de Dieu. Car l'enfer, c'est la justice de Dieu, point barre. L'enfer n'est pas le mal comme vous voulez nous le faire croire avec votre épouvantable rhétorique mais le lieu où le bien punit le mal. Car oui, le bien punit le mal, c'est comme ça et ça ne pourrait l'être autrement, il faut l'admettre.
Il faut arrêter avec la sensiblerie et les fadaises. Vous n'êtes qu'une hugolienne, Marie Noël, une chrétienne dégénérée qui voudrait que Dieu soit un bisounours. Eh bien non, Dieu n'est pas un bisounours. Dieu est un justicier. Et si ça vous fait si mal que ça, c'est que vous avez quelque chose à vous reprocher.
Votre idée que les âmes élues regrettent les âmes damnées, surtout quand elles sont de la famille, relève de cette psychologie de Prisunic destinée à salir la miséricorde qui n'est pas pour tous, ah ça non ! Car cela serait injuste pour les justes que les injustes soient aussi justifiés ! Il est là, le péché contre l'Esprit Saint, croire que tout le monde est sauvé au nom de l'Amour de Dieu. Mais l'Amour de Dieu ne sauve que ceux qui le méritent. Eh oui, le christianisme est une morale ! Vous pouvez chialer dans votre coin.
Je vais vous dire ce qui se passe au paradis et selon l'orthodoxie catholique.
Au paradis, les élus oublient les damnés ou même s'en réjouissent, y compris pour papa maman fiston frérot soeurette. Au paradis, on jouit de la justice de Dieu et on se réjouit que les méchants crament sous nous - surtout si ce sont nos parents et nos amis. C'est un Mystère que chacun doit admettre, même vous Marie Noël, au lieu de sombrer dans cette basse psychologie post-moderne à la Pierre Cormary, un damné lamentable, celui-là.
Et je passe sur votre description si humaine trop humaine que vous faites de Saint Vincent de Paul et des saints. Si ! Saint Vincent de Paul se fait une raison et les saints dorment très bien ! Pour la dix millième fois, vouloir sauver les damnés va à l'encontre du plan de Dieu. On vous crèvera le tympan s'il le faut mais Dieu est justice et la justice implique le châtiment des méchants sans état d'âme. En insinuant que les saints aient des velléités salvatrices qui outrepassent le plan de Dieu et que même Jésus-Christ aurait envie de quitter les siens pour aller sauver ceux qui n'ont pas voulu les suivre et qui se sont condamnés eux-mêmes, vous profanez le mystère de Dieu et saccagez le coeur des purs pour qui les peines éternelles ne sont pas un "scandale" mais le résultat de la liberté. Le scandale, c'est vous qui voulez l'apporter dans leur coeur. Comme toutes les âmes satanisées, vous haïssez la liberté, Marie Noël et c'est pourquoi je vous mets en garde. Vous pouvez faire toute la poésie que vous voulez, vous n'échapperez ni à la liberté ni au jugement dernier ! Et Dieu se fout de la poésie ! Dieu se fout des arts et des lettres ! Dieu est justice, lois et sanctions. C'est là sa grandeur.
Alors votre "salut des insauvables", vous pouvez le garder pour vous. C'est le suprême blasphème et le pire péché contre l'Esprit Saint qu'on puisse faire. Car "le salut des insauvables" sous-entend que Christ ait mal fait son boulot. Ce que la sataniste Marie Noël demande est que le Christ remonte sur la croix pour sauver ceux qui ne veulent pas être sauvés - et ce faisant montrer les limites de l'amour de Dieu, c'est-à-dire son impuissance. Toujours discréditer l'oeuvre de Dieu ! Toujours vouloir prouver que Dieu est responsable des hommes ! Mais non, ma bonne dame. Ce sont les hommes qui sont responsables, coupables - libres et qui seront éternellement écartelés s'ils ont fait les mauvais choix. Oui, croire en Dieu, c'est admettre un Damiens éternel. Damiens était libre, il mérite donc son sort pour toujours et à jamais !
Et ce que vous voulez, vous, c'est sauver Damiens et recrucifier Jésus à la place !
En vérité, je vous le dis, Marie Noël. L'Amour final qui triompherait de la Haine et de l'Orgueil constitue le fonds du satanisme des Lumières et du Romantisme, celui de Goethe, d'Hölderlin, de Victor Hugo et de tous les occultistes du XIXème siècle. L'idée que tout le monde est sauvé sans condition est une idée infantile et diabolique. Vous êtes infantile et diabolique, Marie Noël. Vous êtes une poétesse satanique, Marie Noël. Et croyez-moi, vous n'irez pas au paradis.
Non, la seule chose qui vous sauve est que vous admettez, en toute fin de votre texte obscène, que vous rêvez.
Oui, vous rêvez.
Un Dieu sans justice ne serait pas un Dieu digne de ce nom. Du moins, le nôtre.
Un salut sans enfer, sans réprouvés, sans hurlements éternels, serait un rêve.
Donc, pour la gloire de Dieu, l'enfer existe et le cri dans les ténèbres n'aura pas de fin.
Justice et Amen.