
Auguste Rodin (1840-1917), Le Baiser, réduction no 2, épreuve en bronze à patine brune de Barbedienne, entre 1899 et 1917, fonte au sable signée «Rodin», cachet «Réduction Mécanique A Collas», marquée «Barbedienne Fondeur Paris», «AA», no 798, 25,7 x 15,7 x 15,4 cm.
Quand on ne l’a jamais fait, cela fait peur d’embrasser. Et si l’on n’était pas doué ? Ce geste que l’on croyait si naturel se révèle en fait une performance sociale. Après avoir vu un jour un reportage sur les Esquimaux qui lui apprend qu’ils ne s’embrassent pas sur la bouche, la narratrice se demande si elle sera à la hauteur. « Si le baiser n’était donc pas universel, il devenait fragile, affaire de convention, d’habileté, de talent et je pouvais en être dénuée. » Alors, elle en fera autre chose. Dans ses lèvres, le baiser ne sera plus simplement la parenthèse plus ou moins enchantée du discours amoureux, encore moins un atout de la Carte du Tendre, non, il sera un acte révolutionnaire qui ouvre l’humanité à elle-même, qui subvertit l’ordre des choses (et notamment celui du beau et du laid), qui relève de la miséricorde et de la grâce plus que de l’érotique. Ce « roman du baiser » ne sera donc pas le roman de l’amour – du moins pas celui des amoureux des bancs publics – mais bien le roman de l’être contre le néant.