Mosaïque "Prospero's books", de Peter Greenaway (1991), et dont j'attends la sortie en Blu-ray... un jour.
Il y a dans La tempête quelque chose qui me plaît infiniment et qui en même temps pose un problème théologique insurmontable : à la fin, Prospéro pardonne à tous ses ennemis, y compris aux non-repentis (Antonio et Sébastien) et à Caliban qui avait pourtant comploté pour le tuer et auquel il abandonnera son île. Comme si dans sa dernière pièce (dans laquelle on est obligé de voir un « testament », quelles que soient les objections des érudits), Shakespeare renonçait autant à la poésie qu’à la morale et qu’il remplaçait celle-ci par le silence et celle-là par la suspension. Il y a eu trop de sang et de mort sur sa scène. La tragédie du monde semble sans fin, la providence divine impuissante, et le jugement dernier déprimant. Le vrai salut viendra d’un renoncement à juger et à punir. Démission de celui qui ne fut qu’un homme de théâtre (le plus grand de tous les temps, certes, mais qui du point de vue « éthico-religieux », comme dirait Kierkegaard, ne fut qu’un amuseur) ? Faiblesse de vieillard ? Ou bien, au contraire, sagesse supérieure, pré-goethéenne, d’un artiste philosophe qui choisit la réconciliation cosmique plutôt que la parousie ? On ne saura jamais.