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  • Osons l'amour ! (à propos de La Terreur jusque sous nos draps, de Noémie Halioua)

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    Cet article est d'abord paru dans le numéro de mars 2024 de La Revue des deux mondes.

     

    « Quand on généralise la souffrance, on a le communisme, quand on particularise la souffrance, on a la littérature ».

    Philip Roth

     

    C’est un livre inadmissible, impensable, indéfendable, véritable « infraction morale » faite à l’époque – et rien que pour cela hautement recommandable, nécessaire, subversif, qui va en défriser plus d’une et venger toutes les autres. Car un essai osant défendre la chair et le sentiment dans la France de Mona Chollet, imaginez ! Une autrice trentenaire qui ose le romantisme comme d’autres le BDSM ! Qui flirte avec ce qu’il peut y avoir de plus trouble, limite, et donc sacré, dans ce concept élaboré depuis Platon jusqu’à Alain Badiou et aujourd’hui si mal aimé – nous avons nommé l’amour. Qui réhabilite sans crier gare des notions aussi problématiques que « l’emprise » ou la « passion », qu’on croyait définitivement confisquées par le clinique et le judiciaire. Qui fait fi de toutes les injonctions du siècle, son extrême bigoterie, son inquisition permanente, ses passions tristes à l’œuvre – et avec quelle belle humeur ! Quelle formidable affirmation nietzschéenne d’elle-même et de toutes celles qui aiment l’amour avec les hommes ! Insensé, on vous dit !

    Mais quoi ? Noémie Halioua est une guerrière, une rebelle, une femme libre bien plus que « libérée », une femme « non annulée » allions-nous dire, à mille lieux des grandes consciences sinistres, asexuelles et pour tout dire nihilistes de notre temps. Reporter de guerre en Israël le jour, avocate de l’amour la nuit, Noémie est sur tous les fronts. Il faut l’avoir vu sur X témoigner en direct au milieu des sirènes d’alarmes et des tirs de roquettes pour se rendre compte de la trempe donquichottesque dont cette femme est faite, son courage, son authenticité, son engagement. Car il en faut du courage aujourd’hui pour défendre Israël comme pour défendre l’amour (la même chose, au fond…).  

    C’est que, comme le dit une citation d’Annie Le Brun (en voilà, une autre vraie femme libre, souveraine, sadienne, impériale et un vrai modèle de pensée féminine, elle !), mise en exergue de ce livre, « tout se passe aujourd’hui comme si l’idée de l’amour tendait à disparaître de l’horizon », et avec elle, « la plus exacte mesure de notre de notre liberté ». Car l’amour, c’est la liberté. C’est le lieu de l’altérité, de la singularité, de la dissymétrie, de la tension (parfois violente) entre les êtres, de la transgression, de l’anarchie, de l’interdit, de tout qui fait le sel de la vie depuis la naissance de Vénus. Inégalitaire par nature mais moins pour des raisons « patriarcales » qu’individuelles (une étude a même prouvé que les hommes étaient plus nombreux à souffrir des ruptures que les femmes, tu parles d’une domination masculine !). Mais non ! Pour celles qu’Annie Le Bun appelait les « staliniennes en jupon », il faut absolument que cela soit la femme qui apparaisse encore et toujours comme une créature aliénée, dominée, victime permanente de l’ « hétéropatriarcat », de la « culture du viol », du mâle gaze et autres fadaises misandres et d’ailleurs misogynes. Son salut ne se situera que dans sa désexualisation (ou « déconstruction ») programmée, l’adieu au désir, le refus mortifère de sa féminité, celle-ci constituant la « norme de soumission » par excellence comme l’assène Manon Garcia et le péché irrémissible de toutes ces néo-féministes pour qui « une femme qui jouit est une femme qui collabore ».

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