« Un de mes amis, homme plutôt paisible, me dit – après m’avoir entendu raconter toutes ces choses – que lui n’avait aucun mal à rejeter Iago, mais qu’Othello lui inspirait l’envie physique de le piétiner, de l’écraser. Comme quoi ces grands naïfs sont dangereux, ils évoquent des pulsions sadiques… »
(Daniel Sibony, Othello – « Le couple total », Avec Shakespeare, Essais Seuil, p 328)
Quelque chose se passe au XVIème siècle : l’idéal chevaleresque n’est plus. La noblesse d’âme est devenue une illusion sinon une vanité. Les vertus se sont révélées des vices déguisés et la naïveté apparaît comme une perversion. Don Quichotte est un dangereux fou, Othello est un assassin, Alceste (qui est certes du XVII ème mais un survivant de ces gens-là), un merdeux. Philosophiquement, l’heure est au scepticisme (Montaigne) ; politiquement, à la chute de la transcendance (Machiavel). Dieu commence à être une affaire individuelle (Réforme) et dans tous les domaines, l’artifice semble remplacer la nature (Hobbes, Gracian). La pureté onto-théologique a bel et bien disparu. La crise morale est totale