Rédacteur régulier au Bondy blog et à Radicaux heureux, ancien de Nuit debout et de "Commune libre à Tolbiac", spécialiste de la pensée d'Eric Fassin et de Greta Thunberg, titulaire d'un master de littérature sociale intitulé "La question de l'intersectionnalité dans Bérénice de Jean Racine", Jean-Kevin Le Baptiste, 26 ans, a lu L'Homme surnuméraire de Patrice Jean et nous fait part de son étonnement citoyen.
« Tout est réversible. »
Etienne Weil, pages 331 et 372
Livre infâme ou plutôt inhôme, infect, toxique, misogyne, raciste et sournoisement pédophile (ou mettant en scène des personnages tels, ce qui est tout comme), L’Homme surnuméraire de Patrice Jean est un de ces romans soi-disant « bien écrits » qui salissent l’âme, corrompent le goût, pervertissent le monde, et tout cela au nom d’une des pires illusions de notre temps, romantiques s’il en est – LA LITTERATURE, idole des décadents, divertissement des nantis, paradis des fétichistes, refuge des complotistes, contrebande des fascistes. Là-dessus, il ne faut pas mâcher ses mots : ce que par lâcheté et peur de très justes représailles, le facho, le réac, l’homophobe, le raciste, le violeur n’ose faire dans la vraie vie, il le fait dans la fausse, la symbolique, la littéraire - ce qui à un certain moment revient au même. Sous prétexte qu’une vraie lecture ne saurait être « littérale » et que c'est « l'interprétation » qui prime sur la lettre, tarte à la crème de tous les littérateurs (et qui d'ailleurs reste à prouver), on se permet toutes les horreurs à l'écrit. On empoisonne le sens par le « style ». On dévalorise un présent que l’on ne comprend pas par un passé survalorisé et tout bonnement fantasmé. On ridiculise les bonnes volontés de notre temps par un mauvais bon mot ou un abject roman comique. On écrit L’Homme surnuméraire.
Dès son titre qu’il faut évidemment comprendre comme antiphrase, celui-ci annonce la couleur - car cet « homme de trop », que l’auteur se plaît à présenter comme un perdant de la modernité, un réprouvé du progressisme, se révèle très vite un héros de l’antimodernité, voire un modèle « dépressif » - celui, en tous cas, qu'il faut sauver. Pire que ce qui se passe chez Houellebecq, le beauf est élevé ici à la dignité de martyr, sinon de « résistant ».
Sous la double égide de Shakespeare et de Gombrowicz (pratique courante chez les lettreux que de se protéger derrière les « grands classiques », ce qui leur permet de légitimer n’importe lequel de leurs délires d’arrière-garde et comme si ces derniers pouvaient donner du sens à des contextes qui ne sont plus les leurs depuis belle lurette - car enfin qu’est-ce qu’un dramaturge anglais du XVI ème siècle et un polonais pornographe des années cinquante peuvent dire d’intéressant sur la France d’aujourd’hui ? La littérature comme argument d’autorité, ça va cinq minutes), Patrice Jean met en scène son dispositif romanesque tellement caricatural qu’il en est ridicule.