Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

le grand paysan

  • Iliade XI - Forces boréales

     

     

    rachel bespaloff,iliade,homère


     

    Chant XI - Hommes, dieux, Forces. Ou plus exactement, Forces, dieux, hommes.

    « Aurore, abandonnant le brillant Tithonos, se lève de son lit pour porter la lumière aux hommes comme aux dieux. »

    On l'a déjà dit mais on le redit : les dieux de l'Olympe sont dépendants des forces supérieures, lois de la nature plus ou moins incarnées qui commandent aux uns et aux autres. Alors, on se demande quel peut être le sort de ce Tithonos enlevé et aimé par une entité de cette sorte. Etre aimé par Arès ou Aphrodite, passe encore, mais être aimé... par l'Aurore ! Se faire draguer par le Crépuscule. Convoler en justes noces avec l'Eté ou l'Hiver. Faire l'Amour avec le Vent ou le Brouillard. Enfanter avec Minuit. Deviser avec Boréal.

    La bataille reprend. Zeus s'en mêle et envoie dans l'Hadès un nombre impressionnant de preux achéens. Discorde, autre force supérieure de la  "race" d'Aurore, fait des siennes :

    « Seule divinité présente à ce combat, Discorde les contemple avec ravissement, elle qui sans répit excite les sanglots. »

    A ce sadisme originel de la vie répondent les métaphores pastorales d'Homère pour exprimer la guerre -  parce que la lutte est aussi dans le langage, parce que le langage porteen lui les traces de la lutte, les blessures des hommes, mais aussi  leurs sillons, leurs fluides, leur sang, leur terre :

    « Comme l'on voit des moissonneurs qui se font face avancer à travers le champ d'un homme riche, en suivant les sillons, parmi l'orge ou le blé.... »,

    puis, dans le paragraphe suivant :

    « Quand vient l'heure où, dans les gorges des montagnes, le bûcheron s'apprête à prendre son repas - ses bras se sont lassés à couper de grands arbres ; son coeur, dans sa poitrine, épuisé de fatigue, éprouve le désir des douces nourritures-.... »


    rachel bespaloff,iliade,homère

    Jules Dalou, Le grand paysan, détail (Musée Door says)


    Comme il y aura un jour toute la société achéenne dans le bouclier d'Achille, il y a toute l'histoire des métiers, toute l'évocation des vies humbles dans les métaphores d'Homère. Dans Les Raisins de la colère de Steinbeck, un chapitre sur deux était consacré à la vie paysanne. Dans l'Iliade, un vers sur deux contient une chronique sociale. Vitesse des vers homériques, comme on disait. 

    Et encore un peu plus loin, les blessures d'Agamemnon sont comparées aux

    « amères douleurs quand une femme enfante. »

    J'aime ce monde analogique et traditionnel. J'aime ce monde où les mots étaient les choses, où saisons et châteaux allaient de pair, où les cycles étaient physiques et métaphysiques, cosmiques et sociaux, sexuels et mortuaires. J'aime ce monde d'avant la physique quantique où la terre et les dieux suffisaient pour être. J'aime ce monde de la guerre et de l'Angélus.

    Et j'aime aussi ce petit pervers de Pâris dont l'adresse à l'arc compense largement la supposée lâcheté (c'est quand même lui qui lui enverra une flèche dans le talon, à cette brutasse d'Achille !). Là, il a tenté d'en envoyer une dans le bas-ventre de Diomède qui n'apprécie pas :

    « Ah, l'archer ! l'insolent ! le beau garçon bouclé qui reluque les filles ! Si tu venais combattre en armes, face à face, à quoi te serviraient ton arc et tous ces traits ? Maintenant, pour m'avoir égratigné le pied, quel n'est pas ton orgueil ! Mais je m'en moque autant que j'étais frappé par une femme ou par un enfant sans raison. Impuissant est le trait d'un lâche, d'un vaurien. Il en est autrement de mon épieu pointu : si peu qu'il touche un homme, il en fait un cadavre, et la femme du mort se déchire les joues, ses fils sont orphelins, cependant que lui-même, il pourrit sur le sol qu'il rougit de son sang, et l'on voit près de lui plus d'oiseaux que de femmes. »

    Mais qu'on le fasse taire ce grand escogriffe ! Que Pâris lui décoche un trait dans la bouche et que la flèche lui sorte par la nuque !!

    Mais celle que je préfère, dans ce chant XI, c'est Hécamédé, la captive de Nestor,

    « aussi belle à voir que les déesses [et qui] mélange dans la coupe à du vin de Pramnos du fromage de chèvre, qu'elle-même a râpé sur une râpe en bronze, puis y répand la fleur d'une blanche farine. »

    C’est moi qui souligne.

    C'est également au chant XI qu'apparaît pour la première fois Patrocle et dont immédiatement on nous dit que « c'est alors pour lui le début du malheur. » Force du destinal. Force de l'Elément.

    rachel bespaloff,iliade,homère,jules dalou,le grand paysan

     George Dmitriev, peintre marin (quelques informations sur cet artiste, ici.)

     

    A suivre

    Lien permanent Catégories : Iliade Pin it! Imprimer