Même si nos mères n'ont pas été La mère, même si Joscaste et Médée, même si Lucie Ceccaldi, Vitalie Cuif, Folcoche et Génitrix, même si la maltraitance, l'abandon et la cruauté, même si le dégoût de la vie, le goût du néant et la haine de Dieu, même si la privation de la chair, l'impossibilité du contact et l'abjection sexuelle, même si en chaque bébé un Richard III potentiel, même si tous les enfants que je n'aurais pas ne savent pas le bonheur qu'ils me doivent, personne ne pourra ne pas se sentir fondre, au moins un instant, devant cette image idéale de la plénitude maternelle. Personne ne pourra nier qu'il a en lui une idée absolue de l'amour et du désir - même s'il n'aime pas l'amour et ne désire rien. Personne ne pourra renier le fait que la vie aura eu quelque chose de bon, de beau et de vrai - même par le biais du fantasme ou celui de la croyance. Personne ne pourra regretter que cette relation idéale existe même s'il ne l'a pas vécu lui-même. Nous pourrons nous suicider un autre jour, mais aujourd'hui, nous trouverons que cet enfant allaitant cette femme nous redonne l'idée de la joie et de la vie. Car nous sommes tous platoniciens - nous avons tous en nous des modèles absolus, des formes idéales, des Idées en un mot, que la vie réelle ne cesse de contrarier, mais qui nous retiennent de la quitter.