Pour aimer Amélie Nothomb, il faut avoir su garder son esprit d’enfance ou d’adolescence – et la part de puérilité qui va avec. Quiconque de trop sérieux, de trop adulte, de trop mature passera à côté de ce vingt-quatrième opus qui, le moins que l’on puisse dire, explore comme jamais les voies de l'immaturité régressive, incestueuse et aristocratique – trois mots qui ici virent au pléonasme. Au nom d’une prédiction qui dit que le comte Neville assassinera un de ses invités lors de la dernière réception qu’il donnera dans son manoir, la fille de celui-ci, la bien nommée Sérieuse, lui demande de la tuer. Bien qu’évoluant dans un monde à la limite de l'absurde depuis toujours, le comte a un peu de mal avec cette exhortation filiale pour le moins paradoxale. Au moins était-ce Dieu qui demandait à Abraham de zigouiller Isaac et non le fiston lui-même ! Mais la rhétorique dogmatique de sa fille abusive, et dans laquelle on retrouve la meilleure Nothomb, finit par l’emporter et le voilà obligé d’accomplir son destin, même si on ne racontera pas ici les péripéties de ce noble belge, pris entre les exigences contraires du devoir, de l’étiquette et de l’amour afin de préserver le plaisir de lecture des intéressés que l’on espère nombreux.
Amélie Nothomb, Le crime du comte Neville, Albin Michel, 144 pages, 15 euros.