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  • La conjuration des imbéciles

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    Salauds de pauvres ! Ordures d'humbles ! Misérables souverainistes ! Révolutionnaires tarés ! Ah ils sont contents ce matin ceux pour qui l'Europe vient d'être évacuée de France - et tant pis pour le risque que l'Europe nous évacue à son tour. Tant pis si nous apparaissons comme des enfants gâtés qui ne veulent surtout pas se confronter au monde, des surprotégés qui paniquent de sortir des jambes de leur Marianne, des handicapés de l'énergie nationale pour qui tout doit venir d'une certaine idée de l'état : "travailler moins, gagner plus - et surtout, rester entre nous". Rien à faire, les français resteront ces indécrottables pétainistes, peureux, lâches, veaux, protectionnistes à en crever et en même temps, arrogants, coqs, donneurs de leçon. Oh comme l'Allemagne aurait raison de nous lâcher dans notre bouse et de se tourner vers un partenaire moins inconséquent !

    Ce sont les américains qui doivent rigoler. On verra si on a un "plan B", mais ce qui est sûr est que ce Non à l'Europe, c'était le "plan A" de l'administration Bush - un Bush que l'on feint de haïr alors qu'on lui donne raison sur tout. En attendant qu'on accomplisse sa suprême volonté : l'adhésion de la Turquie à l'Europe. Car si Bush est contre l'Europe, il est aussi pour une Europe turque, ce qui d'ailleurs est la même chose.
    Comment ? De Villiers et ses sbires ne seraient pas d'accord ? Sans doute, mais Besancenot et ses boys, si. C'est ça aussi qui donne envie de se casser la tête contre les murs. Cette surdité des gens du non entre eux. Après la gauche plurielle, le non pluriel. Dans leur haine de l'Europe, ils ont oublié qu'ils se haïssaient. Ils ont rejeté ensemble ce traité-ci en ne se rendant pas compte que le prochain allait encore moins leur convenir. Tu parles d'une intelligence de la cité ! Car qu'est-ce que l'on va renégocier ? Un traité plus social ? plus libéral ? plus moral ? moins moral ? plus nationaliste ? plus internationaliste ? plus fédéraliste ? plus transindividuel ? Depuis hier, on s'est débarrassé du seul texte qui pouvait à peu près faire consensus. Depuis hier, on fait dans l'idéalisme en France - l'idéalisme populaire, la seule chose vraiment haïssable. Et le peuple idéalisé !

    Incroyable et gerbant de voir que ceux qui la plupart du temps n'ont jamais de mot assez dur contre la démocratie se mettent aujourd'hui à l'honorer sous prétexte que pour une fois le peuple est d'accord avec eux. Ils se sont trouvés une veine populiste les dandys ! Contrairement à Serge Rivron, cité dans la Zone, qui pour la première fois de sa vie se "sent heureux d'être de France", rarement je ne me serais senti, moi, aussi honteux d'appartenir à ce peuple de glands toujours mécontents, hargneux, à côté de la plaque, capable seulement d'un "destin" régional pour ne pas dire communal. En vérité, nous ne sommes que des Corses, de sales Corses, des assistés terroristes doublés de fonctionnaires révolutionnaires ! La prochaine fois, on fera un référendum pour savoir si l'on veut payer des impôts ou non, s'il faut travailler trente-cinq ou quinze heures, si la retraite à quarante ans c'est souhaitable et si l'on gagnera la prochaine coupe du monde, et le lendemain, l'on lira des choses comme ceci : "Un PEUPLE existait qu'on imaginait tellement avachi, qu'on décrivait depuis tellement de temps comme tellement abruti qu'il avait fini lui-même par ne plus se savoir Histoire. Malgré les mensonges dont on pensait l'avoir éparpillé, malgré le gouffre du doute ouvert devant celui à qui l'on répète qu'il a tort, et qui s'avance quand même au châtiment promis, le peuple de France a rejoint son destin. Il attendait seulement que l'Histoire à nouveau le sollicite."

    Ben voyons ! A part nous refaire un 21 avril, Elle ne fait pas grand'chose, l'Histoire, ces derniers temps. Et l'ami du Stalker (qui me pardonnera, j'espère, cet impardonnable abîme politique entre nous) d'oser citer Bernanos qui précisément écrivait que si c'est la colère des imbéciles qui menace le monde, les imbéciles sont moins les élites que les manants. Car justement, "ce sont les classes moyennes [qui] sont presque seules à fournir le véritable imbécile, la supérieure s'arrogeant le monopole d'un genre de sottise parfaitement inutilisable, d'une sottise de luxe, et l'inférieure ne réunissant que de grossières et parfois admirables ébauches d'animalité." L'imbécile, c'est le petit bourgeois qui donne son avis de matamore frileux, c'est le pauvre devenu riche, qui comme le dit encore Bernanos, "garde au sein de la richesse les vices de la pauvreté" , qui voit tout de son petit oeil torve, et à qui on a donné le pouvoir de courcircuiter "démocratiquement" le seul projet qui aurait pu lui rendre la vue, c'est le plouc qui sue à grosses gouttes dès qu'il sort de sa campagne et qui ne cesse de geindre contre un système qui le protège de ses voisins plus que ses derniers de lui. Ah la concurrence, il en a horreur, le pauvre chéri. Son mauvais vin doit être le meilleur du monde sans concurrence ! Alors, au lieu de l'améliorer, il vote pour qu'il soit bon !!!

    Car oui, bien sûr, on a voté ! Et avec quelle rage, quel ressentiment ! Et c'est le ressentiment qui a gagné ! Ok, rien à dire. Vox populi, vox merdi. Quel pays maso tout de même ! Maso et nihiliste. Le pire, c'est que ceux qui ne cessent de clamer haut et fort leur rejet de la décadence sont les mêmes à aller franchement vers ce qui peut nous ridiculiser et nous avilir encore plus. Garder à tous prix notre "francéité", leur truc. Alors que ce qu'il fallait, et ce qu'il faudra un jour ou l'autre, c'est précisément nous "défrancéiser", nous purger de nos tares nationales (dont la paresse et la peur en premier lieu), nous anglo-saxonniser un peu, rien qu'un peu, nous débarrasser par dessus-tout de Marx et de Maurras qui continuent, à gauche et à droite, de pourrir le débat. Saloperie absolue des idéologies françaises anti-libérales, antisémites, anti-réformistes, anti-pragmatiques. Ignominie de cette France du Non bloquée entre Robespierre et Drumont !

    Non, en France, c'est l'infâme idéologique qu'il faut écraser - et c’est le peuple qu'il faut dissoudre !


    (Iconographie : Edouard DRUMONT, ici porté en triomphe, dans le cadre d'élection, au niveau du 55 rue Rovigo, en 1898.)
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