Tout commence sur le blog de Guy Sorman où celui-ci vient de publier un texte bien dans sa manière intitulé "Ils ont tant aimé Mao" dans lequel il revient sur tous ces intellectuels français (dont, entre autres, Sartre, Barthes, Sollers et madame) qui non content de s'être fourvoyés dans l'apologie du pire état totalitaire que le monde ait connu n'ont jamais cru bon de se justifier. On se rappelle de la pirouette de Sollers (face à Revel !) au dernier numéro d'Apostrophes le 22 juin 1990. A la question de Pivot, "n'avez-vous pas eu le sentiment d'avoir été léger à cette époque ?", le vivant divin s'était mis à lever les bras en disant "léger, léger, ma foi..." avec l'air de celui qui pense "comme vous y allez Bernard !", ce qui provoqua le rire général et assassin de l'assemblée (car Pivot avait invité le tout Paris littéraire de l'époque). Le joueur déportraituré balbultia alors, complètement blême : "Léger sûrement pas, mais pesant plutôt."
Après le post de Sorman suivirent les habituels commentaires, chez lui souvent plus louangeurs que réprobateurs, rarement violents (encore que...). Et puis arriva celui d'un certain David L'Epée, 23 ans, étudiant de son état, sinologue apparemment averti, vivant d'ailleurs en Chine, blogueur lui-même, une belle écriture, et qui, avec une candeur proprement hallucinante, se lança dans une défense du maoïsme qu'un chnoke comme moi ne pouvait croire encore possible. Je crus d'ailleurs qu'il s'agissait d'un pastiche. Mais non ! David était sérieux comme un pape. Cédant alors à une coupable manie du pastiche, je commis alors mon propre commentaire sur le blog du vrai penseur libéral de notre temps. Puisque nous étions en pleine "disputatio" marxiste (et en attendant mon post sur Marx la semaine prochaine), il me semble que ces deux textes peuvent avoir leur place ici. David lui-même et ses amis marxistes révolutionnaires sont invités à participer s'ils le souhaitent.
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"Ce matin, le ciel est bleu – c’est assez rare par ici – et les rues sont balayées par un vent frais, presque automnal, chargé de sable du désert. Mais ce jour est un peu particulier : cela fait exactement trente ans que, le 9 septembre 1976, Mao nous a quittés. Trente ans pendant lesquels les changements se sont succédés en Chine mais où la ligne directrice est restée la même : la République populaire est une et indivisible sur son territoire, elle l’est également dans le temps, et c’est la garantie de sa stabilité.
Ayant acheté un petit bouquet de neuf fleurs rouges (pour symboliser le neuvième jour du neuvième mois), je pars à la recherche d’un monument à la mémoire de Mao que j’avais aperçu quelques jours auparavant, pour y déposer ce modeste hommage. J’irais bien à Tienanmen, mais c’est loin et je ne me souviens plus quelle ligne de bus je dois prendre. Après deux heures de marche dans Pékin, je dois me rendre à l’évidence : il m’est impossible de retrouver ce mémorial – bien que ce ne soient pas les statues à l’effigie de Mao qui manquent. Je vais devoir me résoudre à faire un autre usage de mon bouquet.
Dans les rues où je passe, dans un quartier un peu insalubre et ayant l’air d’être en démolition (à Pékin, ce qui n’est pas en construction est en démolition), je vois qu’on a sorti de nombreux portraits du Grand Timonier ainsi que des drapeaux rouges. Des femmes brûlent de l’encens ou allument des bougies sur le pas de leur porte, quelques hommes ont même ressorti leur vieux costume de toile verte, et je vois çà et là le touchant hommage que rend le petit peuple à l’homme qui l’a sorti de la féodalité. Le Parti, m’a dit Bo, s’est quant à lui réuni en privé avec quelques officiels pour célébrer cet anniversaire, et le public n’a malheureusement pas été convié à cette occasion. Qu’importe – la mémoire de Mao appartient à tous les Chinois, et je dirais même à tous les socialistes du monde, car il fut une icône pour les peuples exploités bien au-delà des frontières de l’Asie.
Je laisse les intellectuels occidentaux se moquer ou s’offusquer de cette ferveur presque religieuse chez le peuple chinois ; quand on se trouve face à ces témoignages simples et émouvants de communion populaire, on ne peut que ressentir un profond respect. Voir cela me remet du baume au cœur ; j’en avais bien besoin car j’ai eu l’occasion de m’attrister, toute la semaine, en lisant sur le sujet les éditoriaux et les articles édifiants de nos petits soldats de la pensée unique dans la presse occidentale. La mauvaise foi, la malhonnêteté intellectuelle, voire parfois le révisionnisme historique, s’affichent sans le moindre scrupule dans les pages de nos grands quotidiens, et je me sens à chaque fois blessé personnellement quand la vieille rancœur anti-communiste de mon Europe natale fait reparaître son visage grimaçant aux tribunes. J’en éprouve à chaque fois une grande honte et un sentiment de révolte, dans mon impuissance à ramener toute cette clique aboyeuse à un peu plus d’objectivité.
Comprenez-moi bien : il ne s’agit pas de nier les erreurs de Mao ni même de les relativiser ; elles furent souvent sanglantes (et ce bien malgré lui), mais doit-on vraiment les imputer à un seul personnage et doit-on vraiment appeler criminel un homme qui s’est quelquefois, comme tous, trompé dans ses visions ? Et comment pouvons-nous évaluer honnêtement le bilan de son travail titanesque ?
La Chine était féodale ; elle est maintenant une république.
La Chine était une colonie ; elle est maintenant indépendante.
La Chine était pauvre et affamée ; elle marche maintenant vers la prospérité.
Mao, c’est avant tout cela : la résistance contre l’envahisseur japonais, la libération nationale, la réunification d’un immense territoire, l’émancipation de la femme, la scolarisation des masses, l’autonomie, et le retour si longtemps désiré à une Chine fière d’elle et pouvant compter sur ses propres forces.
Comme il est facile de rouer de coups un cadavre ! Comme il est grossier de flétrir la mémoire d’un homme le jour de son anniversaire ! Et quel affront pour le peuple que cet homme a guidé pendant tant d’années ! Mais les gens, ici aussi, savent bien que la supériorité d’une meute de chiens vivants sur un lion mort n’est qu’apparente. Mao n’est plus de ce monde, mais la construction qu’il a patiemment édifiée est devenue plus forte encore que de son temps et elle est prête à résister à toutes les attaques les plus félonnes de ceux qui vont jusqu’à draper leur haine viscérale du socialisme dans de beaux motifs humanitaires – suivez mon regard… Diffamez, diffamez, tout cela finira dans l’oubli plus tôt que vous ne le pensez. Mais la mémoire des grands, elle, perdurera.
« Je méprise la poussière qui me compose et vous parle ; on pourra persécuter et faire mourir cette poussière ! Mais je défie qu'on m'arrache cette vie indépendante que je me suis donnée dans les siècles et dans les cieux. Dispersez mes membres aux quatre vents ; il en surgira des républiques. Arrachez-moi le cœur, mangez-le, vous deviendrez ce que vous n’êtes pas : grands. »
(Saint-Just)
DAVID L'EPEE.
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"Cet après-midi, le vent s'est levé - c'est assez rare par ici - et les rues sont baignées par un ciel bleu encore estival, chargé des effluves des rizières. Aujourd'hui est un jour un peu spécial : c'est l'anniversaire de l'homme qui nous a débarrassé des soixante millions de criminels antirévolutionnaires qui faisaient de ce pays un état féodal sans culture ni grandeur, capable seulement de misérables calligraphies, et encore aliéné à ces régressions mentales que furent le taoïsme ou le confucianisme.
Ayant acheté un petit bouquet de neuf fleurs rouges (pour symboliser la lutte contre les "neuf catégories de nuisibles" que le grand timonier dans sa sagesse éternelle avait établi : propriétaires fonciers, paysans riches, contre-révolutionnaires, mauvais éléments, droitistes ou droitiers, militaires et agents du Guomindang, agents ennemis capitalistes et tous les intellectuels qui persistèrent dans leurs erreurs), je pars à la recherche d'un monument à la mémoire de Mao que j’avais aperçu quelques jours auparavant, pour y déposer ce modeste hommage. J’irais bien à Tienanmen, histoire de rendre mon hommage hebdomadaire aux chars qui en 1989 avaient maté la tentative d'attentat antirévolutionnaire fomentée par d'ignobles étudiants lobotomisés par la chute du mur de Berlin et croyant tout de bon causer la chute de notre muraille communiste, et comme d'habitude cracher sur ce traitre d'étudiant qui tint outrageusement tête aux forces de progrès de l'ordre du grand bon en avant (il est vrai qu'il fut aidé par le pilote du char, indigne collabo de ce geste infantile, et qui, s'il avait vraiment été révolutionnaire, n'aurait pas freiné son engin) mais c’est loin et je ne me souviens plus quelle ligne de bus je dois prendre. Tant pis, j'irai visiter les prisons de la ville et tenter de convaincre les quelques innommables anticulturels à la solde de l'Occident qui n'ont pas encore compris, même après trente ans de rééducation, le sens historique sublime que leur pays a pris depuis la Révolution culturelle. Ils crient, ils crient... Bon, ok, du volt dans les gencives, ça fait mal mais moins qu'étudier le Petit Livre Rouge. A chaque fois, c'est la même chose, zut !
Dans les rues où je passe, dans un quartier un peu insalubre et ayant l’air d’être en démolition (à Pékin, bâtiments et population qui ne sont pas en construction sont en démolition), je vois qu’on a sorti de nombreux portraits du Grand Timonier ainsi que des drapeaux rouges.Comme il est touchant cet hommage que le petit peuple rend à l'homme qui l'a délivré des salopards du Lotus Bleu ! Cela me rappelle mon émotion quand je séjournais en Russie et que j'allais m'agenouiller aux pieds des statues de Lénine et de Staline (car eux aussi délivrèrent les russes de l'aliénation dosto-tolstoïenne), presqu'autant que celle qui me prit lors de mon passage en Allemagne où avec des amis qui m'avaient enfin expliqué l'humanisme paradoxal de l'auteur de Mein kampf, j'allais me recueillir dans la maison natale de celui-ci. Qu'importe ce que l'on pense en Occident ! La mémoire de Mao, de Staline et des autres appartient à tous les socialistes du monde entier, car ils furent des icônes pour tous les peuples exploités - même si je ne m'expliquerai jamais pourquoi les peuples d'Europe de l'ouest n'ont jamais donné le pouvoir au parti du grand bon communiste en avant. Sans doute ne les a-t-on pas bien éduqués et les a-t-on laissés à leurs caprices individualistes...
Oh comme je les plains ces intellectuels d'Occident toujours à rechercher la petite bête, à voir le mal partout et notamment dans les causes les plus nobles. Que sont soixante misérables millions de morts (et de morts criminels je le répète) par rapport à un milliard et demi de personnes libérées et heureuses ? Comme il est hideux cet anticommunisme primaire! (pourquoi pas non plus un antinazisme primaire tant que vous y êtes messieurs les éditorialistes parisiens de la pensée unique ?) Comme ils devraient rougir, ces messieurs Revel, Furet, Simon Leys, Aron et vous aussi monsieur Sorman ! Et ne croyez pas que je ne critique que vos sbires. En Chine aussi, hélas, les ennemis du peuple tentent de faire leurs ravages, tel l'abject Harry Wu, auteur de "Laogai, le goulag chinois" interdit chez nous mais évidemment en vente libre chez vous, et sur internet encore : http://www.agora-international.com/cgi-bin/librairie/reference/DAG026, putain de liberté libéral !
O indigne engeance d'écrivailleurs bourgeois ! O faux amis de l'humanité ! O antilaogaïstes demeurés ! En Chine, vous nous auriez déjà rendu des comptes, croyez-moi ! Et comment pouvez-vous portez l'ignominie jusqu'à vous en prendre aux seuls d'entre vous qui sauvent votre caste, à savoir ces héros de la lucidité mandarine, ces samouraïs de la pensée culturelle, j'ai nommé Philippe Sollers, Julia Kristeva, Roland Barthes, et la sublime Maria-Antonietta Macchiocchi (atrocement violée un jour sur le plateau d'Apostrophes par un Simon Leys pétri de haine sordide) que je ne me lasse jamais de relire.
Alors oui, Mao a fait quelques erreurs, mais qui n'en a pas fait dans sa vie ? Voldemor et Dark Vador aussi y z'en ont fait des erreurs ! Et Hidargos aussi il en fait ! Alors putain merde, qu'est-ce que vous avez tous à dire dire du mal de mon doudou ? C'est pas juste à la fin, pas juste, pas juste...
La Chine était féodale, elle est devenue le premier état totalitaire du monde.
La Chine était une colonie, elle a compensée en en faisant une du Tibet.
La Chine mourrait de faim. Depuis cinquante ans, on meurt dans ses camps, ses prisons, ses charniers, mais plus jamais de faim.
Mao a donné une force indéniable à la Chine et a redonné confiance à son peuple, comme Franco en Espagne, Pinochet au Chili, les Colonels en Grèce, et comme tous les dictateurs du monde dans tous les pays du monde. Alors, diffamez, diffamez... La mémoire d'un grand homme résiste toujours à la bave carnassière de ceux qui font croire que six fois dix millions de mort peuvent remettre en question le génie et la vérité d'un homme. Ah Mao !"
"On les forcera à être libre". Jean-Jacques Rousseau.
"Si vous désirez la sympathie des masses, vous devez lui dire les choses les plus stupides et les plus crues." Adolph Hitler repris par Staline et copié par Mao.
"Ca bouge dans ma tête".David L'Epée.
MONTALTE
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(Tiens, c'est ma centième note !
A ce propos, vous aurez tous remarqué que des liens ont été rajoutés. A gauche, la "presse" qui regroupera des articles de journaux qui ont retenu mon attention mais pas mon enthousiasme, les "notables" (Guy Sorman, Pierre Assouline... et Philippe Sollers que je n'arriverai jamais à détester) qui flattent mon côté mondain, plus un spécial "in memoriam Philippe Muray" ; Didier Super est désormais le voisin du Stallquère et du transalpin, "le gauchiste repenti" et "Mithqal" (qui serait plutôt un gauchiste accusant) sont entrés chez les "improbables". Et A droite, on trouve un nouveau thème intitulé "Socialisme et barbarie" (copyright Jalons) et qui risque de se développer copieusement.)
Commentaires
Contribution -intégrale- de René Vienet sur les Français et Mao dans le Figaro
http://www.lefigaro.fr/debats/20060907.WWW000000420_mao_arrets_sur_images.html
Ceux qui veulent l'écouter raconter sa jeunesse et la découverte de S. Leys :
http://confrontations.free.fr/articles.php?lng=fr&pg=65
Ce que nous a appris la modernité et son mouvement, c'est qu'il fallait suivre. Ils avaient raison d'avoir tord, et aujourd'hui ils n'arrivent pas à penser qu'il était possible d'avoir raison. Ceux qui avaient raison à l'époque, c'était soit par hasard, soit pour des mauvaises raisons. N'oublions pas que le moderne est pétri de la théorie de l'évolution. Il fallait avoir tort à cette époque. C'est là que réside la plus grande injustice de la modernité et son plus grand terrorisme. Alors qu'elle exige repentance à ceux qui ont eu tort à d'autres époques, contre elle, elle revendique la nécessité d'avoir eu tort en même temps qu'elle et ne formulera aucun regret. Alors on pourrait croire que ce fan de mao à 23 ans est contre moderne, ne suivant pas le courant de l'évolution des engagements nécessaires d'aujourd'hui... mais non. Ce serai trop simple. L'existence aujourd'hui de cette erreur du passé, c'est la nostalgie, le mythe, la trace de l'évolution, une filiation. Le moderne aime à comprendre son évolution et il est capable de créer lui-même ses fossiles en des personnes nouvelles converties aux erreurs passées. Dire qu'en France on fête le 14 juillet ! Quand le moderne se trompe, il ne revient pas en arrière avouer, il fuit un peu plus loin.
Montalte, cher esthète de la nuance, sur ce coup tu manques un peu de touché. Pour commencer laissons l’insignifiant épisode Mao de notre petite élite française qui pèse que peu face au destin d’un milliard d’habitants. Il y a un siècle la Chine agonisait, pauvre, soumise, incapable de muer d’une culture trois fois millénaire. Quelques tentatives modernes (dont la courte République de SunYatsen) qui ne firent cependant guère illusion face au chaos généralisé (les fameux seigneurs de la guerre) et à l’oppression des grandes puissances étrangères (Angleterre, EU, France, Allemagne, Italie et Japon). S’en suit une guerre civile + une guerre contre le Japon dans l’arrière bruit d’une guerre mondiale. En 1949 les communistes l’emportent. Une Chine nouvelle naît : jeune, fière, indépendante, libre de son destin. Ce que l’occident obsédé par son nouvel ennemi rouge voit uniquement comme une révolution communiste (Mao en nouveau Lénine), les chinois le voient avant tout comme le héros d’une unité et indépendance retrouvées. D’où toujours son portrait et son mausolée sur la place Tiananmen. D’où cette impressionnante file de Chinois lui rendant hommage. D’où l’incompréhension de nos intellectuels dont la dérisoire petite histoire du maoïsme français cache l’essentiel d’une date.
1949. Malheureusement les grands révolutionnaires sont rarement de bons gestionnaires. Pire ils se laissent souvent abuser dans une mégalomanie qu’entretient un entourage forcément courtisan (« La fête au Bouc » de Vargas Llossa). Mégalomanie, folle volonté de puissance, délirant sentiment d’immortalité de celui qui a survécu au miracle de la longue marche, aux 12 années cachées dans les provinces les plus reculées de Chine, aux terribles guerres contre l’envahisseur japonais puis le faux-frère nationaliste. Le grand bon en avant est la désastreuse erreur d’un homme qui se pensait aussi bon économiste que théoricien de la guérilla : erreur qui coûta 30 millions de morts à la Chine entre 1958 et 1962. Nuance : la Chine considère aujourd'hui ce terrible drame davantage comme la fatalité d’une famine que la conséquence des erreurs d’un seul homme. Question politiquement très incorrecte (j’en appelle au Montalte voltairien): dans une Chine alors coutumière des famines, combien seraient morts de faim si Mao avait tout simplement mal géré (ou pas géré, mais pas révolutionné) la question agricole sur cette même période ? Ignoble question mais qui a le mérite d'induire une nuance qui ne peut autoriser à comparer la responsabilité de Mao à celle d’un Hitler on d’un Staline.
Avançons dans l'histoire... Peu sanglante mais autrement plus traumatisante, la révolution culturelle qui débuta en 1966 pour une dizaine d'années. C’est de toute évidence la face sombre de Mao; l’épisode où sa responsabilité est la plus évidente. Simon Leys le décrit avec la minutie d’un grand chirurgien. Les chinois (dont le parti) reconnaissent depuis déjà un bon moment cette grave erreur du grand homme. Deng Xiaoping, le père de la Chine moderne (véritable héros en Chine, mais bourreau de Tiananmen en Occident – encore une incompréhension mais c'est là un autre débat...) fut au même titre que des centaines de millions d’autres, la victime de cette révolution délirante - maudit, conspué, rejeté, il fut exilé dans la lointaine province musulmane du Xinjiang alors que son fils était jeté du 5ième étage de l’université de Beida par des gardes rouges (il devint tétraplégique). Cette fameuse révolution culturelle à laquelle nos élites se rallièrent alors même que la Chine commençait à se détourner de Mao...
Belle histoire d’un quiproquo et d’une arrogance occidentale que de tout mélanger dans un pur esprit MacCarthiste. Belle ironie kundérienne de ceux qui croient toujours tout savoir, forts du sérieux de leur philosophie de l’histoire et dont les débats assommant les empêchent de voir dans la justesse et la nuance des choses. Montalte, grand impressionniste de la pensée, voltigeur culturel de haut vol, brillant blogger dillétante, essaie de mieux doser tes coups de pinceaux lorsque tu nous peinds la Chine. La peinture chinoise (mieux, sa calligraphie) pourrait d'ailleurs être un détour intéressant à ta formation de peintre; mais à l'unique condition d’écouter avant de tout barioler de tes beaux gros doigts.
Amicalement,
En somme, cher Paulo, ce que vous nous expliquez est que Mao est un Hitler qui serait resté vingt ou trente ans au pouvoir, avec qui on aurait été obligé de traiter, et qui aujourd'hui serait considéré comme un grand homme par tous les allemands et même par tous les européens - la Shoah n'apparaissant plus que comme une triste fatalité ou une erreur regrettable, un détail quoi.
Ce qui n'est pas d'ailleurs complèment faux : les dictateurs qui durent finissent toujours par devenir des dieux auprès de leur peuple ou de ce qui en reste. Et l'on pourra toujours dire que Castro a reconstruit Cuba, que sans Lénine et Staline, la Russie serait encore un état féodal, ou que l'ayatollah Khomeyni a redonné confiance aux iraniens et reste encore pour une largie partie d'entre eux un modèle politique. Alors, oui, en effet, des dizaines de millions de chinois célèbrent aujourd'hui le Grand Timonier. Et rester un rien perplexe devant ce phénomène de pure aliénation relèverait, selon nos sinologues auto-proclamés, d'une arrogance typiquement occidentale, voire colonialiste (comme disait David L'Epée). Pire, se sentir proche des dissidents chinois ou avoir une pensée pour les autres dizaines de morts du Laogaï ne serait rien d'autre que du révisionnisme. J'avoue qu'à ce niveau de la discussion, je n'ai plus d'éléments pour répondre. Et je vais de ce pas m'acheter un poster de Mao pour le scotcher au dessus de mon lit... Peut-être que sa noble physionomie et son col légendaire me feront réfléchir moi aussi.
Guy Sorman a tant aimé l'Arabie Saoudite !
Je suppose que les chinois capitalistes lui ont offert ce coup-ci un pont d'or pour démolir la figure de Mao ...
A moins que ce ne soit gratuit, qui sait une petite faiblesse passagère est toujours possible chez les grands intellectuels ?
Paulo, Vous paraissez particulièrement bien informé :
"dans une Chine alors coutumière des famines, combien seraient morts de faim si Mao avait tout simplement mal géré (ou pas géré, mais pas révolutionné) la question agricole sur cette même période ? "
la Chine considère aujourd'hui ce terrible drame (le grand bond en avant) davantage comme la fatalité d’une famine que la conséquence des erreurs d’un seul homme
Deng " véritable héros en Chine, mais bourreau de Tiananmen en Occident – encore une incompréhension mais c'est là un autre débat..."
D'où tenez-vous ces informations stimulantes ?
"Apology for Guy Sorman", à tout péché misericorde. Et je ne suis pas sûr que les capitalistes chinois soient des anti-maoistes (au sens de son culte), loin de là...
Pour info :
J'avais copié/collé l'article paru dans le Figaro.fr sur mon ancien blog
J'ai recu un mail de Viénet dans lequel il me donnait une version sans coquilles ( des problèmes liés au balises HTML) de son texte.
Cette version est maintenant disponible sur
http://www.u-blog.net/ruinescirculaires/note/293#repondre
Merci pour cet article cher Tlön même si je ne sais pas si David L'Epée sera convaincu...
Mongka soyons clairs. L’ampleur de la famine de 1960 (30 millions de morts) est la conséquence de la terrible politique économique menée durant le Grand Bon en Avant. La Chine était en effet coutumière des famines (comme d’ailleurs l’Algérie française – lire à ce titre les excellentes chroniques algériennes de Camus) ce qui fait que les Chinois ont longtemps communiqué sur le facteur naturel de cette grande famine dont il reste encore des traces même si depuis plus de 20 ans déjà, la responsabilité du gouvernement de l’époque est localement reconnue. Mao n’est cependant pas considéré comme l’unique responsable mais davantage comme l’un parmi une équipe d’incompétents qui ne surent pas prendre le virage de la gestion d’un pays après 15 années de guérilla urbaine. Car si le dépouillement et le lyrisme pouvaient réussir à une élite endoctrinée prête à tout pour en découdre avec ses ennemis (la Grande Marche héroique), cela ne fut pas le cas des 600 millions de chinois soumis aux basses contingences humaines (le Grand Bon en Avant famélique). Quant à Mao les anecdotes sont nombreuses de ses voyages à la campagne où de faux villages étaient reconstitués afin de masquer au chef l’ampleur du désastre. Il est par ailleurs reconnu que les chiffres économiques présentés au leader étaient faux ; qu’une cour cachait l’indicible réalité pour mieux bercer les rêves fous de celui qui rêvait d’offrir à la Chine sa plus belle page de calligraphie politique (mégalomanie assurée). Cependant est il bien raisonnable pour autant de placer sous un même angle la responsabilité des morts de cette terrible famine avec ceux de la Shoah ou des purges de Staline même s’ils les dépassent en nombre ?
Notons enfin que suite à la Grande Famine, Mao fut écarté du pouvoir. C’est alors que naquit cette idée particulièrement machiavélique qu’est « La Révolution Culturelle » : reprendre les rennes du pouvoir en accusant les nouveaux dirigeants de sacrifier l’idéal révolutionnaire. Alors officiellement retiré des affaires, Mao sut formidablement jouer de son immense prestige (le père de la révolution) pour soulever une armée d’étudiants (les fameux gardes rouges) et remettre les choses en place fut-ce contre des parents ou professeurs embourgeoisés ou bien un gouvernement aux dérives droitières. « Les habits neufs du président Mao » de Simon Leys est une excellente chronique de cet période.
Conclusions : ces petits échanges sous blogs furent intéressants car ils montrent bien les gros sabots de beaucoup sur la question chinoise. Même notre ami Montalte, si brillant par ailleurs, n’a su nous faire que du sous JF Revel - Revel qui en passant ne savait voir la Chine que sous le petit prisme du petit épisode maoïste qui secoua la France – on ne comprend rien à un pays lorsqu’on ne sait s’oublier un peu... Ainsi me semble-t-il juste de distinguer 2 Mao – celui d'avant 1950, libérateur, unificateur de la Chine moderne qui est celui à juste titre resté cher aux cœur des chinois. Celui d'après 50, mégalomane, désastreux gestionnaire, terrible dictateur qui fit tout pour garder le pouvoir fut-ce contre son pays. Si la Grande Famine fut l’épisode le plus dramatique de son règne, sa responsabilité individuelle la plus évidente fut la Révolution Culturelle.
@ Tlön
Merci. Vous avez son mail ; merci de lui demander la date de diffusion de son film "Révo Cul" sur Public Sénat : c'était une promesse d'Elkkabach en juillet dernier.
Et dans un moment d'exhaltation, ce dernier lui avait promis un débat. Je l'ai mailé mais...pas encore de réponse.
Mongka,
Je lui fais la demande. Je peux également vous faire parvenir un de ses derniers articles (.pdf), qu'il m'a très aimablement fait parvenir, paru dans le Monde Chinois hiver 2005-2006 :
La Chine peut-elle exorciser le maoïsme ?
Merci de me faire parvenir votre adresse mail à :
ruinescirculaires@gmail.com
Bien entendu, la proposition s'adresse à toutes les personnes interessées.
Paulo,
Votre défense de Mao -première période - me fait penser à des conversations superficielles avec des Vietnamiens. Les premières...Car un peu d'intimité les rend plus bavards et moins HCMôlatres (et communistôlates). Et au Vietnam, pas en France et avec des Viets de petites agences de tourisme de Hanoi.
Sur les famines : comme les Nord-Coréens, que diront les Chinois (ceux qui, oiseux, auront le goût de s'informer) quand ils connaîtront l'étendue du massacre (volontaire ou non) ?
"Quant à Mao les anecdotes sont nombreuses de ses voyages à la campagne où de faux villages étaient reconstitués afin de masquer au chef l’ampleur du désastre. Il est par ailleurs reconnu que les chiffres économiques présentés au leader étaient faux "
Vous êtes cynique. Comment comprendre qq'un qui exerce un tel ascendant (plus d'un siècle après les villages Potempkine) sur ses acolytes ; que ceux-la craignaient des jacqueries et la perte du pouvoir ? Cela décharge-t-il Mao ?
"Cependant est il bien raisonnable pour autant de placer sous un même angle la responsabilité des morts de cette terrible famine avec ceux de la Shoah ou des purges de Staline même s’ils les dépassent en nombre ?"
Cette phrase, je l'aurais bien lue après votre évocation de la R.C.
"Ces petits échanges sous blogs furent intéressants car ils montrent bien les gros sabots de beaucoup sur la question chinoise". Beaucoup mais pas tous. Leys et Viénet, qui s'y connaissent un peu et pratiquent le chinois ne laissent pas la même impression sur Mao.
Bah, un maoïste de 23 berges, caricatural à souhait, à qui on mettrait bien des claques. La Chine est un sujet bien trop vaste pour qu'on le laisse à un fervent maoïste qui n'était qu'une idée dans l'oeil de son père à l'époque où son idole se décidait à laisser son peuple en paix, ou à un antimarxiste primaire, d'ailleurs. Le jeune David l'Epée est amusant d'anachronisme et d'endoctrinement.
Mais admettez une chose, Montalte. Après une note pareille, vous ne pourrez plus nous reprocher de mener un combat d'arrière-garde...
Cher Montalte,
On dit que le style est à droite, aujourd'hui il est clairement maoiste. Ce jeune homme de 23 ans m'a l'air tout à fait brillant, votre réponse est pateuse. Vous vous embourbez dans une volonté parodique ridicule à votre âge (vous avez vraiment du temps à perdre ?).
J'ai parcouru le reste de votre blog, car je suis magnanime, et si je dois en garder quelque image, ce sera celle, claire et distincte, de votre amour de la superficie. Aussi je pense qu'en bon dilettante vous ne démentirez pas mon verdict : 1-0 pour le jeune homme ! (puisqu'il s'agit de distribuer des points).
Vous avez finalement plus de commun avec le Stalker (le faux, pas celui du film) que vos joutes pathétiques ne le laissent penser.
Content de rencontrer ce blog. David a effectivement une belle plume. En revanche ses idées sont moins claires. La tentation égalitaire n'a jamais produit que des morts et peu importe si la Chine va mieux aujourd'hui. Elle le doit en grande partie aux yankees.
Petit père des peuples,
votre magnanimité est confondante..."l'amour de la superficie"..."dilettante"...Vous parcourez...survolez...Grand moment de rigolade !
Veuillez nous éclairer...mais pas comme ce fake de D. L'Epée.
Allez, une autre couche :
"et je me sens à chaque fois blessé personnellement " et à son avis : ça, c'est du style !
Quand je lis certains jeunes auteurs (Ariel Kenig notamment), j'ai l'impression qu'ils vivent dans le monde de Zola. Alors être maoiste à 23 ans, ça ne m'étonne pas tant que ça...
Bonjour à tous.
C'est amusant, je tombe sur ce blog, et sur cet article qui m'est consacré, plus de deux ans après sa publication.
Le "jeune homme de 23 ans" comme vous dites en a maintenant bientôt 26 et il est revenu de Chine depuis plus d'une année. Concernant mes idées sur la Chine, qui sont plus claires depuis que j'y ai passé pas mal de temps pour observer tout ce qu'il y avait autour de moi, elles n'ont pas fondamentalement changé, c'est-à-dire que je ne suis toujours pas... maoïste !
En effet, d'où tirez-vous que je le suis ? Du fait qu'à plusieurs endroits de mon ancien blog je reconnaissais certains mérites à Mao ? C'est vrai, cela relève des faits historiques, Mao a, malgré ses erreurs sanglantes, beaucoup fait pour son peuple et son pays, et reconnaître cela ne fait pas de moi un maoïste. Ridicule de me ranger à côté de Sartre et de Sollers ! Cette étiquette, si anachronique, me fait un peu sourire car dans mon pays, en Suisse, pas mal de gens me considèrent, malgré ma formation marxiste, comme un homme plutôt de droite...
Je mets la dernière main en ce moment à un livre sur la Chine, qui s'appellera "Les Enfants de Yugong" et qui, si tout va bien, devrait sortir dans le courant de 2009. Vous y verrez, s'il vous prenait l'idée de vous le procurer, que mon "maoïsme" (comme vous dites) n'est qu'une aspiration pour la Chine à la souveraineté nationale et au progrès social, aspiration qui est partagée par la grande majorité du peuple chinois. Je tente de donner une voix discordante dans le concert de tous ces livres occidentaux qui sortent régulièrement sur la Chine en me plaçant sur un autre plan géostratégique et en laissant pour un moment de côté un certain nombre de nos préjugés culturels sur la question.
Avec mes meilleures salutations.
David L'Epée