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Nietzsche - Page 5

  • Perspectivisme et pensées dures I - VIE ET VERITE (une lecture de Par-delà bien et mal, de Nietzsche.)

     

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    A mon oncle Jean-Paul.

     

     

    I - VIE ET VERITE (Chimio 5/16)

     

    L'important, c'est la tonalité. La teinte personnelle. Qu'importe l'objectivité de la pensée pourvu que celle-ci nous fasse penser. On ne lit pas Nietzsche pour ce qu'il dit mais pour ce qu'il nous fait dire. Comme dirait Deleuze, impossible de lui faire un enfant dans le dos à celui-là, c'est lui qui nous en fait. C'est lui qui nous accouche ou qui nous encule (ah, la divine grossièreté deleuzienne !) Tant de gens qui ne comprennent rien à Nietzsche, ou, pire, qui n'en comprennent qu’une seule chose. Alors que pour le comprendre, le suivre, l'aimer, il faut toujours avoir en tête que chaque chose est aussi vraie que son contraire. Chaque chose va avec son contraire, c’est cela la réalité - la réalité, c’est-à-dire, ce qu’il faut approuver. Tout ce qui revient et qu'il faut vouloir comme au premier jour.

    Pour cela, deviens ce que tu es. Sois ce que tu veux vraiment. Reviens à toi. La vérité se trouve non dans l'idée mais dans la personnalité. Ne subis pas le monde. Approprie-toi le monde. Fais que ce monde soit le tien. Habite-le. Ou mieux, fais-en ton théâtre. Sois-en un fragment heureux.

    « Je ne veux extraire de chaque système que ce point qui est un fragment de personnalité et appartient à cette part d'irréfutable et d'indiscutable que l'histoire se doit de préserver »,

    écrit-il au tout début de La philosophie à l'époque tragique des Grecs. Propos leibnizien s'il en est, car ce fragment de personnalité n'est rien d'autre que la partie claire que chacun de nous a sur le monde. Cette partie claire, c'est le corps. La grande raison du corps. La conscience du corps grâce à laquelle la majorité d'entre nous ne se suicide pas - car s' il n'y avait que l'âme pour nous guider, l'humanité aurait péri depuis longtemps. Tant qu'il y a du corps, il y a de la vie, du désir - de la possibilité. La vérité est que, même clonés, nos pores réclament du contact - comme le constate, à son corps défendant, le personnage de Daniel1, dans La Possibilité d’une île, le roman du très schopenhaurien Michel Houellebecq, nietzschéen malgré lui.

    « La peau fragile, glabre, mal irriguée des humains ressentait affreusement le vide des caresses. Une meilleure circulation des vaisseaux sanguins cutanés, une légère diminution de la sensibilité des fibres nerveuses de type L ont permis, dès les premières générations néohumaines, de diminuer les souffrances liées à l’absence de contact. Il reste que j’envisageais difficilement de vivre une journée entière sans passer ma main dans le pelage de Fox, sans ressentir la chaleur de son petit corps aimant ».

    Tout redupliqué qu'il est, Daniel1 veut la vie. Mais si lui la veut par défaut, le surhomme (ce que n’est assurément pas Houellebecq) est celui qui la veut par excès.

    La surabondance de et dans l’existence, sans arrière-monde ni arrière-pensée, c’est peut-être cela, penser par-delà bien et mal.

     

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