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  • Contre l'enfer I - L'Auschwitz de Dieu

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    « Je l'ai tué finalement pour que les autres puissent m'aimer. »

    Voilà exactement ce que conteste le père Brune dans la très sadique théologie catholique : que Dieu ait sacrifié son fils pour pardonner nos péchés ; que notre rachat ait été conçue comme une rançon ; que notre salut ait exigé de la torture, du sang et dans une logique auto-expiatoire atroce, nous laissant à nous les hommes une double culpabilité éternelle, celle d'avoir provoqué la mort infâme du Fils par nos péchés et celle de l'avoir crucifié au nom du Père. Aucune théologie, dit Brune, n'est jamais allée aussi loin dans l'horreur et la mortification.

    Contre le film d'horreur catholique, l'orthodoxie fait écran. Le vrai sacrifice du Christ ne se situe pas dans la Passion mais dans l'Incarnation dont la Passion fait certes partie mais moins comme sacrifice que comme aboutissement de la condition humaine : Dieu nous accompagne jusque-là, mais sans l'idée qu'il nous rachète au nom de Lui-même et comme s'Il avait besoin de son sang pour nous pardonner. DIEU N'A PAS BESOIN DE SE SACRIFIER POUR NOUS SAUVER. Dieu, du reste, et comme le disait Rémi Brague, ne nous demande rien. La Passion n'est pas là pour nous racheter mais pour nous accompagner dans le pire du pire et pour nous signifier que Dieu sera toujours avec nous. « Le Christ n'est pas venu au monde pour abolir la souffrance mais pour l'emplir de sa présence », disait Paul Claudel sans se rendre compte du sens profondément orthodoxe de sa parole (ou en s'en rendant compte, peut-être).

    La Croix relève donc plus d'une raison pratique que d'une raison pure. À la limite, on pourrait dire qu'elle est un accident de parcours (mais comme la vie après tout), assurément spectaculaire, jusqu'au-boutiste comme l'est l'amour de Dieu pour nous, mais le véritable événement, ce n'est pas elle, c'est l'incarnation. Dieu fait homme pour que l'homme soit fait Dieu, voilà le truc insensé. Le miracle absolute. La bonne nouvelle telle quelle.

     

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    Précisons sur le sacrifice.

    Ce que dit le père Brune est que celui-ci n'a pas lieu au nom du Père mais au nom de l'Homme. Le Fils accepte de mourir pour nous mais pas parce que son Père le lui a demandé. Ce n'est pas une substitution ou un « rachat ». C'est un accompagnement dans la mort et la souffrance, une façon de vivre la condition humaine jusqu'au bout - un sacrifice, si l'on veut absolument ce mot, mais qui n'est absolument pas le résultat d'un « plan » divin. Pas de « saigne à leur place ! » ni de « que ça saigne et je pardonne ! »

    Car Dieu n'aime pas les sacrifices. Dieu ne jouit pas du sang.

    « Si tu avais voulu des sacrifices, je t'en aurais offert, mais tu ne prends point plaisir aux holocaustes. Le sacrifice agréable à Dieu, c'est un esprit brisé, d'un coeur contrit et humilié Dieu n'a point de mépris », dit le beau psaume 50.

    Alors Gabriel N. explique que le sacrifice est là pour actualiser la création. Très bien. Mais dans ce cas, il faudrait alors mieux parler de décréation au sens de Simone Weil que de sacrifice. Dieu se restreint pour nous faire exister. Mais cette décréation est moins une auto-mutilation qu'un accouchement. La mère ne se sacrifie pas pour l'enfant à naître même si elle donne de son temps, de son énergie, de ses souffrances et de son corps pour donner la vie à son enfant. Mais on est là encore une fois plus dans une raison pratique que dans une raison pure. Nulle volonté de souffrir pour souffrir. Il y a un mécanisme biologique qui est certes douloureux mais qui n'est normalement pas mortel (et que l'on est en droit d'atténuer par tous les soins possibles, le "tu enfanteras dans la douleur" n'étant pas un ordre ni un impératif mais un constat biologique). La décréation est une recréation, soit une suite de la création par d'autres moyens. Comme quoi Dieu a bien fait les choses.

    Donc oui, sacrifice si l'on veut, mais sacrifice qui n'est pas planifié ni... intentionnel.

    Et c'est pour cela que l'on pourrait dire, surtout si l'on est nietzschéen ou stoïcien, que la Passion, loin d'être une rançon, une substitution, une dette, un « oeil pour oeil, dent pour dent », est plutôt une approbation de la vie jusque dans la mort, un Amor Fati proprement crucifiant et qui incite moins à la culpabilisation (Dieu mort pour nous à cause de nous !!!) qu'au courage (Dieu mort avec nous, mourrons donc avec lui) et à la véritable espérance (Dieu ressuscité et par là-même, nous, ressuscités avec lui) - et là, on retrouve la synthèse de l'être accompli chère à Jean-Charles F.

    Et maintenant passons à L'enfer - Une question, de Hans Urs von Balthasar, un livre que j'aurais dû lire depuis longtemps.

     

     

    hans urs von balthasar,père françois brune,enfer,apocatastase

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    Lien permanent Catégories : 2020 APOCATASTASE Pin it! Imprimer