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Iliade - Page 17

  • Iliade XII - Mur athée 2

    rachel bespaloff,de l'iliade,homère

     

    Chant XII - Retour sur le mur athée du chant VII. Un retour qui se présente comme une annonce et qui dit que les dieux détruiront un jour ce fameux mur... mais après la défaite de Troie et après que les Argiens aient quitté la région. Voilà qui est fort étonnant. Les dieux ont attendu l'après-guerre pour détruire ce mur qu'ils n'avaient jamais approuvé. Et vu la violence avec laquelle ils s'y prennent, on se demande, une fois de plus, ce qu'il en est de leur réel pouvoir :

    « ...lors, Apollon et Poséidon le détruisirent. Ils lancèrent sur lui l'assaut de tous les fleuves qui portent le nom de l'Ida pour courir vers la mer (...) De ces fleuves alors le brillant Apollon fit converger les bouches, et sur le mur, pendant neuf jours, lança leurs flots. Zeus envoyait du ciel une incessante pluie pour que le mur s'en fut plus vite à la dérive. Mais l'Ebranleur du sol, le trident à la main, dirigeait tout lui-même ; il faisait emporter par les vagues les fondements - poutres et pierres - que les Argiens avaient à grand-peine posés ; il nivela les bords du fougueux Hellespont, sous le sable à nouveau couvrit la vaste grève, puis lorsque le rempart ne laissa plus de trace, il fit rentrer chacun des fleuves dans le lit qui recevait auparavant ses belles eaux. »

    Quel laborieux déluge divin, tout de même, pour faire voler en éclat trois briques humaines ! En vérité, ce sont les dieux qui donnent l'impression d'être "en grand-peine" pour détruire ce bon dieu de mur. Même à trois, il n'y arrivent pas d'un coup. C'est bien que les choses ont changé dans l'Olympe et que les Immortels ont vieilli..

    A ces limites des dieux répond, comme par hasard, la limite du poète qui intervient, à la Emmanuelle Carrère pourrait-on dire, ou plus classiquement, à la Dante, pour avouer les limites de son langage pourtant infini :

    « Chaque groupe combat devant l'une des portes. Mais je ne puis tout dire : il faudrait être un dieu ! »


    rachel bespaloff,de l'iliade,homère

     

    Destin de la langue. Langue du destin - tel se déploie ce sombre chant XII dont on retiendra aussi cette belle formule patriotique :

    « seul un présage est bon : défendre sa patrie »,

    et qui n'est rien d'autre qu'un impératif existentiel : ce n'est pas parce que le destin nous battra qu'il ne faut pas combattre. Notre liberté, c'est de faire comme si celle-ci était possible, c'est d'y croire. Et de fait, celui qui se croit libre l'est déjà plus que celui qui n'y croit pas - que la liberté existe ou non.  L'Iliade est ce poème où les hommes sont de plus en plus libres et où les dieux apparaissent subséquemment comme de simples réalités naturelles : un ouragan ou une rosée. C'est pourquoi il faudra un jour un dieu, non seulement unique, c'est-à-dire plus fort que tous réunis, mais surtout qui assurera cette liberté. Il faudra un dieu existentiel et non plus destinal. Nous serons alors embarqués mais non plus "destinés". Le mur argien, "athée" est en fin de compte un mur antipaïen. 

    Impossible de ne pas citer cette extraordinaire métaphore, une des plus belles, des plus émouvantes et des plus sociales, d'Homère :

    « ... comme on voit une ouvrière honnête, en pesant de la laine, équilibrer les deux plateaux de part et d'autre, - elle n'obtient ainsi, pour nourrir ses enfants, qu'un misérable gain : de même le combat le combat s'équilibre pour eux, jusqu'au moment où Zeus comble de gloire Hector.... »

     

    + intermède culturel

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