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agamemnon - Page 2

  • Iliade II - Rituel et civilisation

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    Aga

     

    Chant II - Bizarrerie psychologique de l'Iliade (ou ravaudage narratif pour certains spécialistes selon lequel Homère aurait raccommodé de force deux récits n'ayant rien à voir entre eux) : alors que Zeus a persuadé Agamemnon, dans un songe malfaisant, que les Achéens pouvaient avoir la victoire « maintenant », celui-ci, au lieu d'organiser au plus vite l'attaque contre Troie, décide d'abord de sonder ses troupes, d'éprouver leur courage et pour ce faire les incite..... à lever le siège et à s'enfuir sur leurs nefs. Le Dieu lui dit dans la nuit qu'il va gagner et lui exhorte le lendemain ses troupes à tailler la route - et sans pour autant remettre en cause le songe ! C'est le cas de le dire, on croit rêver - et tout comme

    « ceux qui n'étaient pas au Conseil, à ces mots, sentent leur coeur bondir au fond de leur poitrine »,

    le lecteur sursaute. Mais qu'est-ce que c'est que ce beans ? Et en quoi est-ce là « un subtil projet » de fuir une victoire qu'un Dieu a dit certaine ? Heureusement, Ulysse intervient et dissuade tout le monde de partir. Ulysse qui sait retourner les situations par la simple parole. Ulysse et sa parole sociale qui s'adapte au roi comme au rustre.

    « De chaque roi, de chaque chef qu'il aperçoit, il s'approche, tâchant de le faire rester par ses douces paroles (....) Trouve-t-il au contraire un homme du commun, qu'il surprend à crier, il le frappe du sceptre et lui dit, le prenant rudement à partie. »

    Leibniz aussi procédait ainsi : à l'érudit, il était érudit, à l'âme simple, il était simple - mais sa philosophie restait la même (une histoire de Deleuze). Ulysse et sa parole politique. Tout le contraire de Thersite (le futur scélérat du Troilus et Cressida de Shakespeare) dont

    « l'esprit est fertile en propos malséants »

    et la parole toujours injurieuse, irritante et consanguine, bonne qu'à chercher querelle. Face à ce disputeur perpétuel, ce railleur blessant, ce sapeur de moral, Ulysse saura se montrer menaçant, et pour le plus grand plaisir du lecteur, calmera ses ardeurs malfaisantes:

    « si je te prends encore à te conduire comme un fou comme tu viens de faire, qu'Ulysse cesse d'avoir la tête en place au-dessus de ses épaules, qu'on ne m'appelle plus père de Télémaque, si je ne te saisis, ne t'enlève tes hardes : manteau, tunique et linge enveloppant ton sexe, et ne te chasse ainsi de l'assemblée, en pleurs, vers les sveltes vaisseaux, meurtri de coups affreux. »

    Mais la parole la plus effrayante, c'est celle de Nestor aux Achéens, celle du viol collectif, du viol comme récompense de guerre :

    « ne vous pressez donc pas de repartir chez vous, mais attendez plutôt qu'en partageant le lit d'une femme troyenne chacun se venge enfin de toutes les alarmes et de tous les sanglots dont Hélène fut cause. »

    Encore une fois, guerre sexuelle de l'Iliade. Pour autant, c'est dans ce chant II qu'Agamemnon revient pour la première fois sur son arrogance face à Achille et admet que « c'est lui qui s'est emporté le premier ». Premier retour sur lui-même, donc, et premier degré de conscience. La civilisation avance. Les rituels sont là, et notamment ceux du repas et du sacrifice, du sacrifice comme repas, du repas comme sacrifice :


    « La prière finie, les grains d'orge lancés, on lève vers le ciel la tête des victimes, on égorge, on écorche ; on détache les cuisses, on les couvre de graisse en une double couche : on dispose au-dessus les morceaux de chair crue, puis on les fait brûler sur des sarments sans feuilles. Sur une broche ensuite enfilant les abats, on les présente au feu. Les cuisses consumées, on mange les abats. Lors, on coupe le reste en morceaux qu'on embroche ; on les rôtit avec grand soin, puis, de la flamme, on les retire tous. Ces apprêts du repas une fois terminés, l'on se met au festin, et personne en son coeur ne se plaint du banquet où chacun prend sa part. »


    C'est pour ces passages que l'on lit, aussi, l'Iliade. Le boire et le manger. L'habit et les pafums. Le protocole et l'apparat. Car comme dirait Simon Leys, ce n'est pas la loi qui constitue la civilisation mais le rituel.

     

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    Banquet grec (un site sur l'alimentation antique)



     

    A suivre

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