Goya - Muchachos jugando a soldados (Enfants jouant aux soldats), 1778-79
Sur cette île, il y avait des enfants, des parents, et des grand-parents. Les enfants allaient à l’école, les grand-parents allaient à l’hospice, les parents travaillaient pour l’école et l’hospice. Il y avait aussi une prison et une maison de correction sur cette île. Les méchants adultes allaient dans la première et les méchants enfants dans la seconde. Parfois, ils ne revenaient plus. C’est qu’ils étaient très méchants, disaient les bons adultes. Le maire était le meilleur des bons adultes. Comment ne l’aurait-il pas été puisque les bons adultes avaient voté pour lui ? Les bons adultes ne pouvaient jamais se tromper et le maire choisi par eux au grand jamais.
Le maire avait un juge et le juge avait deux gendarmes. Le juge et les gendarmes avaient aussi été choisis à l’unanimité par les bons adultes. Voilà pourquoi l’on disait que sur cette île, les bons adultes commandaient comme nulle part ailleurs. Les règles, les lois, les codes, c’étaient eux. Il n’y avait rien dans l’île qui leur échappa. Les méchants adultes étaient ceux qui n’aimaient pas l’île des bons adultes et c’est eux qui allaient en prison.
Heureusement, les bons adultes étaient plus nombreux que les méchants adultes et l’on n’avait besoin que d’une prison. Et quand un méchant adulte était encore plus méchant que tous les méchants adultes réunis, on l’écorchait vif. Dans ce dernier cas, on faisait appel à Gore, le bourreau. Celui-là aussi avait été choisi à l’unanimité.