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mozart - Page 4

  • Figaro for ever.

    medium_ponnelle.2.jpgLe meilleur film-opéra de tous les temps. Oui, mieux que le Don Giovanni de Losey, mieux que La Flûte enchantée de Bergman. C’est Les Noces de Figaro de Jean-Pierre Ponnelle  bien sûr et qui est enfin ressorti en DVD. Combien de fois avons-nous demandé aux vendeurs de la Fnac si cette version allait être un jour à nouveau disponible ? Ils cherchaient dans leurs listes informatiques et disaient non de la tête. Certains même ne connaissaient pas. Il est vrai que ce film légendaire n’était plus diffusé à la télévision depuis dix ou quinze ans, et ses stocks vidéo épuisés depuis presqu’aussi longtemps.
    Chers amis qui voulez découvrir ou redécouvrir Les Noces, ou simplement qui souhaitez avoir en une œuvre la quintessence de l’art mozartien,  cessez sur le champ toutes activités et courrez acheter ce double DVD, et une bouteille de champagne rien que vous (comme ça vous vous en souviendrez), revenez le plus vite possible vous installer sur votre canapé et vivez en buvant ou buvez en vivant la plus capiteuse, la plus sensuelle, la plus drôle, la plus émouvante aussi, la plus tourbillonnante des folles journées. Deux heures et demie de plénitude. Croyez-moi, le seul DVD d’opéra à emporter sur l’île déserte.
    A la baguette, Karl Böhm, le mozartien attitré du siècle dernier et chef invisible de cette distribution de rêve :  Hermann Prey dans le rôle titre, plus baryton que basse mais qu’importe, bonhomme à souhait, touchant, presque vulnérable derrière sa rudesse (sauvant le personnage de son côté parfois bébête), il est  Figaro tel qu’on ne pourra plus l’oublier ; à ses côtés Mirella Freni en Suzanne, frémissante, terrienne, avec ce rien de rusticité qui la rend si attachante ; Maria Ewing déchaînée en Chérubin ; Kiri Te Kanawa parfaite en comtesse délaissée et qui doit sans doute savoir mieux faire l’amour que toutes les donzelles que son mari poursuit ; Dietrich Fischer-Dieskau enfin, à la fois impérial et jovial, ayant su à merveille rendre sympathique cet odieux Almaviva, et dont le timbre de voix si particulier, grave et rieur, raisonnera à jamais en nous. Il est prodigieux.
    Les Noces de Figaro, c’est d’abord cette communauté de seigneurs et de valets qui se font la guerre et la paix, se tourmentent, se trompent, pourraient même se faire mal, mais tout compte fait, s’aiment, se réconcilient et font la fête ensemble. A la fin, tout le monde s’embrasse, et il y a là comme le rêve d’une société sans classe à la Rousseau – une sorte de communisme sentimental où les maîtres et les valets et les hommes et les femmes se sont enfin compris et ont inventé un nouveau monde fondé sur la sympathie universelle.  Et Ponnelle de jouer à fond cette carte du bonheur pour tous et entre tous.

    Le plaisir de cette version tient autant à cette tendance « communautariste » qu’aux effets proprement cinématographiques qu’il utilise. Ponnelle fait un vrai film où chaque mesure a son travelling ou son zoom propre. Ainsi de ces gros plan à la Sergio Léone sur les yeux du comte pendant son « Vedro, mentr’io sospiro » ou de ces flash-backs en noir et blanc de la comtesse qui se rappelle les instants de bonheur vécus il y a si longtemps avec son mari. Sans oublier cet arrêt sur image si saisissant sur Suzanne qui vient de gifler Figaro, croyant qu’il l’a trompé avec Marcelline alors que celle-ci vient de se révéler sa mère - et qui correspond exactement à ce que Jean-Victor Hocquard appelait « les ruptures du plan scénique », soient ces moments où l’action est mise en suspension et où la musique épouse les mouvements de l’âme. Quant au final nocturne sous les arbres où tous les personnages chantent leur joie de leur amour retrouvé, « corriam tutti », il est, comme disait Bruno Walter à propos de ce que devait être Mozart, « gai, gai, gai, jusqu’aux larmes. » Non, tout serait à citer dans ce film éblouissant.  Alors, à votre tour, précipitez-vous dans ce jardin enchanté. Croyez-moi, mon visage ment peut-être, mais pas moi.

     

    Le Nozze di Figaro de Mozart, dirigé par Karl Böhm, mis en scène par Jean-Pierre Ponnelle, 1976. Sous-titres français. Edité par Deutsche Grammophon, distribué par Universal Music France.

    (Cet article a paru dans Le Journal de la culture de septembre-octobre 2005.)

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