Des livres les plus beaux du monde, il y en a beaucoup, mais aujourd’hui, ce sera celui-là. Récit des origines du monde, de la vulve préhistorique et du regard éternel de l’homme sur la femme, La Grande Beune, d’abord éditée chez Verdier en 1996, puis en Folio en 2008 avec comme illustration La perte de la virginité de Gauguin (représentant une femme nue couchée avec autour du cou un renard lui posant la patte sur la poitrine), est l’une des sept merveilles de la littérature française, une légende des siècles, un hymne à la terre-matrie, une prière érotique.
Inhérence
Vie minuscule ou pas, corps de roi ou roi du bois, maitre ou serviteur, tout se joue ici (tout s’est toujours joué) « entre les Martres et Saint-Amand-le-Petit », soit « entre les femmes et les petits amants », sinon entre « les mères et les fils », la martre étant en effet ce petit animal digitigrade de la famille des Mustélidés, autrefois chassé pour sa fourrure, et que l’on peut confondre avec le renard selon une vieille expression régionale « prendre martre pour renard », c’est-à-dire « prendre une chose pour une autre », en l’occurrence, prendre le renard pour la femme, telle que la convoite en tous cas le narrateur – ce jeune instituteur qui vient d’être nouvellement nommé dans cette région primitive de Dordogne « ainsi que les diables sont nommés dans les Cercles du bas [et qui] de galipette en galipette progressent vers le trou de l’entonnoir comme nous glissons vers la retraite ». Cercle du bas, galipette, trou, entonnoir, tout est dit pour que nous voyions bien autre chose dans le texte qu’un simple paysage.