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Regarder - Page 9

  • La main chérie

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    La Vierge au long cou, Le Parmesan - analyse du tableau, ici.

     

    A Stéphanie Hochet,

    ce texte de 2008 mais reloaded pour l'occasion et qui, je crois, pourra lui complaire.

    (18 mars 2016)

     

    C'est il y a sept ou huit ans que je suis tombé sur cette fort belle et o combien troublante analyse d'Hélène Fieschi consacrée à La Vierge corrigeant l'enfant Jésus sous le regard de trois témoins : André Breton, Paul Eluard et le peintre (1926), ce si fameux tableau de Max Ernst qui a pu bouleverser le système nerveux, sinon le système de valeurs, sans parler des agencements érotiques, de certains d'entre nous - et que l'on peut voir actuellement, et jusqu'au 11 août, à Beaubourg dans l'exposition (plutôt réussie) "Traces du sacré".

    Inspiré du tableau du Parmesan, La Vierge au long cou, Ernst a peint là ce qui m'est toujours apparu, et bien que je ne me rappelle pas du tout avoir été une seule fois traité ainsi dans mon enfance (comme quoi, "la scène originelle" n'est pas nécessaire au désordre mental), comme une sorte de cauchemar érotique qui n'a cessé de me poursuivre, et, disons-le, de me compliquer singulièrement l'existence. D'autant que le passage à l'acte que je me résolus à faire un beau jour d'été 93 dans le nid d'une certaine Karin Heimlich, et les quelques tentatives qui suivirent jusqu'à aujourd'hui, ne m'émurent pas plus que ça, et cela malgré la solidité du bras et l'excellence de mes commandeuses, chères et adorables amies qui m'auront tout de même fait saigner. Hélas ! Se rendre compte que l'imagination est tout et que le réel n'est rien, c'est devenir aussi sadien que dépressif. Ne nous restent plus alors, à nous les freaks du cul, qu'à se résigner aux textes sans orthographes et aux images sans morale ni travelling - celles par exemple que tournent, montent et diffusent sous le secret les héros du film étonnant d'Alexeï Balabanov, Des monstres et des hommes. Ah comme Jean-Jacques eut de la chance d'avoir ses nerfs en adéquation avec son épiderme et son épiderme mis en orgasme par la main chérie de mademoiselle Lambercier ! Et Charles Nodier, donc, et son amoureuse de trente ans qui lui apprit un beau soir qu'il ne fallait pas se mêler d'amour quand on avait dit douze ans - et le marqua d'un désir aussi rouge que possible ! Qu'importe ! Ce qui continue de m'impressionner dans cette toile de Max Ernst est la déformation toute matissienne du bras levé de la Vierge - lourde et lente correctrice. Alors que l'ensemble du tableau est conçu selon des lignes et des courbes relativement académiques, l'avant bras gauche semble s'allonger démesurément, partir comme une fusée (une fessée !), puis, brusquement se plier au niveau du coude, se rapetisser jusqu'à la main, et donner l'impression d'un mouvement aussi improbable que foutrement réel. De l'informel en acte - c'est ce que j'appelle du cauchemar.

    Tout le reste découle de cette lancée : chute du regard de la mère sur les fesses de l'enfant, chute de l'enfant sur les genoux de sa mère, chute de l'auréole par terre, chute de la main que l'on ne voit pas mais que l'on devine, que l'on prévoit, et dont le claquement fera d'abord mal aux oreilles. Tout est si oppressant et bizarre dans cette scène. Le pan de surface marron en bas à droite dont on se demande si c'est un mur ou une ombre. Le gros cube sur lequel la Vierge est assise et que recouvre toute sa robe. A-t-elle des sandales ou est-elle pieds nus ? C'est ce que je me suis toujours demandé. L'impression de chaleur suffocante (on est en été, à midi) qui fige la scène - et de nouveau cette ombre du bras qui semble ne jamais commencer et ne jamais s'arrêter. Quant à la paire de fesses du bambin juste au niveau du sexe de sa mère.... je n'ose en dire plus.

    Derrière, les trois salopards se concertent - que peuvent-ils se dire ? Le pire, ce sont les deux yeux blancs, perçants, de Paul Eluard, le seul qui semble profiter du spectacle scandaleux, et qui contrastent avec le regard terriblement indifférent de la Vierge. Non, personne ne résistera à ça.

     

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