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Spectacles sociaux - Page 23

  • Nous les salauds qui étions du côté de Roman Polanski

     

    Polanski Ring.jpg

     

     

    [Article d'abord publié le 13 octobre 2009 ici, puis repris entièrement pour le Ring le 16 juillet 2010, et que je remets en ligne, en écho avec l'affaire DSK.]

     

    A l’instant, j’apprends que la Suisse refuse d'extrader Roman Polanski, et ce faisant, prouve son indépendance vis-à-vis des Etats-Unis, lave son honneur et sauve un homme d’une ignominie judiciaire. L’auteur du Locataire est désormais libre de ses mouvements et moi, je vais sabrer le champagne. La cause de cette libération ? Les Etats-Unis refusaient de fournir à la Suisse le document prouvant que le cinéaste avait bien purgé une peine de 42 jours sur les 90 jours requis  – soit sa « première peine », celle à laquelle il fut d’abord condamné par le juge Laurence Rittenband en 1977 et qu’il accepta sans broncher, se prêtant même à des analyses psychiatriques (qui révélèrent qu’il ne souffrait d’aucune perversion sexuelle majeure), et juste avant que ce même juge, à qui l’opinion de l’époque reprocha sans doute son improbable indulgence, ne revienne sur sa parole et décide de le condamner non plus à ces trois mois de prison que l’intéressé avait déjà commencé à purger, mais à trente ans. C’est cette volte-face d’un juge sadique en manque de gloire médiatique qui fit que Polanski, profitant d’une liberté sous caution, préféra s’évader de ce pays en lequel il avait tant cru et qui à ses yeux ne se révélait pas plus sûr que la Pologne envahie par les nazis puis annexée au bloc communiste. En refusant d’apporter la preuve que Polanski aurait donc purgé, ou non, sa peine, le tribunal californien faisait non seulement dans le vice de forme, mais surtout donnait à penser que le cinéaste avait bien effectuée celle-ci – et qu’il n’y avait donc aucune raison de l’extrader pour le rejuger. La preuve par le refus de donner la preuve, en quelque sorte. Et le meilleur atout pour les avocats du cinéaste bien décidés désormais à prouver que, contrairement à tout ce qui a été dit, Polanski n’a jamais fui la justice américaine. Polanski a fui le déni de justice que s’infligea elle-même la justice américaine, Polanski a fui une justice qui lui avait promis la liberté à sa sortie de prison et qui brusquement lui promettait la perpétuité juste avant celle-ci. On peut considérer que la justice a tout à fait le droit de changer d’avis. On peut aussi considérer que le droit est justement là pour empêcher la justice de changer d’avis à tout vat.  Personnellement, la justice impitoyable sodomisée par le droit imparable,  moi, je trouve ça plutôt salutaire.

    A la justice inhumaine qui s’acharne contre le coupable mais aussi contre la victime qui a pardonné au coupable et qui a finalement plus souffert de cette justice que du coupable, on peut préférer la justice humaine, c’est-à-dire la justice qui se met au service de l’humanité plutôt que d’elle-même. La justice à tout prix qui ne veut tenir compte ni de la prescription, ni du travail de deuil (que permet la prescription), ni surtout du fait que le prévenu ait déjà été puni mais qu’on veut re-punir encore et encore, est une justice sans valeur, une justice qui se nie elle-même, et une  belle forme de sadisme. C'est ce que  je tentais d’expliquer à mon ami Montalte, l'autre jour, entre deux huîtres, à la terrasse du Suffren. Nous parlions de toute cette affaire et j'avançais l'argument de cette volte-face du juge qui indigna un certain nombre d’entre nous :

    - Quand on connait l'affaire dans le détail, commençais-je, on s'aperçoit que le juge Rittenband s'est vraiment rendu coupable de vice de forme et que par conséquent...

    - Et que par conséquent, quoi ? Polanski est innocent ?

    - Heu oui, non... En fait...

    - Vous savez ce qui fait de nous des salauds, Cormary ? Miamm slurrrp...

    - Non, Montalte. Qu'est-ce qui fait de nous des salauds ?

    - Eh bien, sslliiieeurp, c'est que pour nous, mniammm, le vice de forme est pire que le crime, sleurrp.

    - Pas faux.

    - Oui, sluurp, ce qui nous indigne dans cette affaire, c'est la sale gueule du juge, Laurence Rittenband, tronche de cake de texan puritain et impitoyable, électrocuteur en chef et qui aime ça, miiiaaam, une sorte de juge à la Durcet des Cent-Vingt journées de Sodome, qui fout dans sa robe dès qu’il prononce une sentence, ssssssuuurp…

    - C'est vrai, mais...

    - Pour sûr que c’est vrai, niaaaashh ! Ce devait être en plus un de ces butors d’amerloque qui pensent que si la femme de Polanski a été assassinée, schmurch, par un groupe de satanistes, c’est parce que Polanski avait fait un film sur le diable, rien de moins, chhhmuurrrsse….

    - Dans ce cas, vous êtes d’accord que…

    - Que le type était odieux ? Chmmmurrrph, bien sûr. Mianm. Odieux. Le genre de mec que des gens aussi raffinés que nous, scchiiarch, ne peuvent décemment supporter, srrroup. Le rustre inculte, vulgaire, flingueur sans complexe de tout ce que nous aimons dans la vie, sllluuurppppp, Mozart, sssiiiuurp, les jolies filles, chhhiiiiurp, les cinéastes amoraux, yuuuuurrpp. Aahhh, les Gilardeaux, y a que ça, chqruiiitch….

    - Eh ben voilà ! Et moi, ce que je dis, c’est que…

    - Ouais, ce que vous dites, chhhurm, c’est qu’un type odieux qui rend la justice, sssuuuuggg, vous fait plus horreur qu’un grand artiste qui commet un crime….Vous êtes un esthète, Cormary !

    - C’est-à-dire que…

    - Et subséquemment, siiiiiamm, laaccchhh, miam, j’aime cet adverbe « subséquemment ». Donc, subséquemment, l'acte lui-même de Polanski qui viole une gamine après l'avoir droguée et saoulée, ça, sluuupr, passe au second, buuuuuorgh, plan. Miam.

    - Pourtant, vous avez vu, comme moi, le film Roman Polanski : Wanted and desired de Marina Zenovich ? Vous avez vu que ce sale juge de merde, oui en effet, ce sale juge de merde, a manipulé tout le monde, Polanski, la fille, l'avocat, et même le procureur. Bon, ce dernier est revenu sur ses déclarations, mais globalement...

    - Globalement, miam, vous trouvez que cette manipulation est plus grave que le délit, sluuuuuuurp ? Oui, vous le trouvez, c'est clair, shhhlliou. C'est vrai qu'il a manipulé tout le monde, le « djeudje », mais enfin quoi ? C’était une petite manipulation juridique de rien du tout dont la gravité était minuscule par rapport au délit reproché à Polanski, non ? C'était une manipulation au service de la bonne cause ?  Schhhuiiiop. Après tout, la morale, c'est plus important que le droit, vous ne trouvez pas ? Sllurrrrp.

    - La morale, la morale...

    - Oui, la morale schuuurrrp, elle nous fait chier, la morale. Elle nous fait mal, la morale, tellement elle est réelle, elle, miaamm. Et c'est pour ça qu'on se réfugie dans le droit, afin d'atténuer ce réel, et mieux, de blâmer ceux qui y sont trop sensibles, ssssuuuuuiiiiiirup, comme ce juge indéniablement antipathique et qui avait une manière plutôt perverse, mmiiiammm, de mener son enquête...

    - Vous le reconnaissez !

    - Je reconnais surtout, chhiiiaaauuurp, qu'on ne pardonne pas à un juge la perversité de sa sévérité alors qu'on a déjà accordé un blanc-seing à  la perversité d'un violeur. Suuurp. Miamm. Chhiarrhp. Putain, elles étaient bonnes !

    - Faux ! L'accusation a renoncé au viol, il ne s'agit que de détournement de mineur !

    - « L'accusation a renoncé au viol, il ne s'agit que de détournement de mineur » et gna gna gna ! Et vous le dites sans rire… Franchement, je ne vous croyais pas si comique, mon vieux, un comique qui pourrait me faire pleurer. Allons, allons ! Un type a sodomisé une adolescente, mais « l’accusation a renoncé au viol » ???

    - Mais du strict point de vue du droit….

    - Le droit, c’est le domaine de l’imagination, disait Giraudoux. Et dans votre cas, Cormary, c’est celui du révisionnisme ! Al Capone, aussi, n’était tombé que pour des histoires de banale fraude fiscale, car « l’accusation » de l’époque n’avait pu prouver aucun des innombrables meurtres qu’il avait commis ou fait commettre. Pourtant, le mec dégoulinait du sang qu’il avait sur les mains. Mais pas de preuve formelle, c’est vrai, à cause du droit, tiens ! Et vous à l’époque, vous auriez ramené votre fraise et vous auriez dit : « ah mais je m’excuse, l’accusation a renoncé au meurtre et monsieur Capone n’est devant vous que pour répondre des quinze dollars qu’il n’a pas déclarés au fisc » !

    - Vous extrapolez… Je ne sais pas du tout si j’aurais…

    - Mais si, vous auriez ! Je vous connais ! Vous êtes tellement en train de devenir le bobo germanopratin que vous vous cachiez d’être jusque là que ça en devient gênant. « A nous les avis littéraires et subversifs ! », « à nous les opinions anti-beaufs ! », « sus aux antilittéraires, aux anticinéphiles et à tous ceux qui préfèrent la vie à l’art et la justice au génie ! », « vive Frédéric Nietzsche et Frédéric Mitterrand !»

    - Mais pas du tout ! Simplement, je….

    - BHL et Moix vous ont contaminé, mon pauvre Cormary, je vous le dis en toute amitié.

    - Tout de même, il y a …

    - Même si mon amitié, elle va vous peser maintenant, je le sens. Vous allez bientôt m’effacer de votre mémoire…

    - Cependant…

    - Cependant quoi, monsieur du Flore et des Deux Magots ? Qu’est-ce que vous marmonnez ? Il y avait encore un vice de forme dans l’enculage de cette pauvre gamine, c’est ça ? Vous y avez pensé une seconde, au fait, à la gamine ?

    - Elle lui a pardonné !

    - ELLE NE LUI A PAS PARDONNE ! C’est pas possible d’entendre des imbécillités pareilles !!! Elle a juste retiré sa plainte car elle n'en pouvait plus qu'on lui rappelle cette histoire. Elle a été trop faible pour supporter ce qui pouvait vraiment lui rendre son honneur et sa vertu ! Heureusement que la loi est là pour sanctionner les coupables même quand leurs victimes leur « pardonnent » pour avoir la paix – et aussi pas mal de fric. Quatre cent mille dollars, je vous le rappelle, qui ont été versés à la pauvre chérie pour qu’elle se la ferme !!! Et encore il a régulièrement fallu rappeler Polanski à l’ordre pour qu’il lui verse la somme jusqu’au bout, lui qui vit sur des millions ! Sordide, sordide, tout ça ! Et vous aussi, vous êtes sordide !

    - Mais si les deux parties sont tombées d’accord entre elles, pourquoi la justice s’acharnerait à….

    - Vous êtes un gamin puéril et irresponsable ! C’est son rôle, à la justice, de s’acharner !!! Si la justice ne s’acharnait pas, il n’y aurait pas de justice, il n’y aurait plus que des pauvres sans défense et des riches capables de les acheter pour les faire taire, c’est-à-dire les tuer moralement contre un peu de leur argent de poche ! Si Samantha Geimer a été assez lâche pour pardonner à Polanski ou assez vénale pour accepter de lui quatre cent briques et avoir la conscience tranquille, sa retraite assurée, et son anus en paix, c'est son affaire et sa honte.

    - Elle a peut-être retiré sa plainte car au fond elle était consentante et...

    - Elle n’était pas consentante ! Vous avez lu le procès verbal de 77 ?  Elle n’était pas consentante !

    - Elle n’avait surtout pas intérêt à l’être… Et on peut bien lui avoir soufflé ses réponses.

    - Tordu, tordu, Cormary ! De toutes façons, une fille de treize ans n'est pas consentante même si elle le dit ! Une fille de treize ans n'a pas à donner son consentement ! Une fille de treize ans n’a pas à donner son avis tout court ! Même si la nuit avec Polanski s'était bien passée, même si elle avait été heureuse avec lui, même si elle avait eu l’orgasme de sa vie avec lui, la loi aurait dû le condamner, lui, et la fesser, elle, point barre !

    - Mais il a été condamné ! Il a fait sa peine ! C’est quasi prouvé, ça aujourd’hui ! C’est pour ça qu’il n’a pas été extradé ! Non, c’est le juge de l’époque qui a changé d’avis et qui….

    - Et alors, nom d’un chien, il n’avait pas raison de changer d’avis, le juge ? Deux ou trois mois de prison, ça vous paraît suffisant à vous, pour un enculeur de gamine ? PAS A MOI ! Cette volte face du juge, comme vous dites, a dû correspondre chez lui à une prise de conscience morale, oui, morale, absolument ! Vous me faites rire avec votre vice de forme ! On s’en fout du vice de forme quand on a affaire à un pédophile…

    - Polanski n’est pas pédophile ! C’est vous qui commencez à me dégoûter avec vos amalgames. La pédophilie, et vous le savez très bien, c’est désirer sexuellement des enfants, soient des êtres qui ne sont pas en âge d’avoir des rapports sexuels, ce n’est pas désirer une lolita d’ailleurs même pas vierge. Je ne fais pas de Polanski un saint, loin de là. Lui-même a parlé de « crime » à propos de ce qu’il a fait. Mais on ne peut pas tout mélanger. Pédophilie, viol et détournement de mineur sont trois choses différentes sur le plan moral, juridique, psychologique et même physiologique ! Et dans le cas qui nous occupe, nous avons affaire à un détournement de mineur, soit ce qu’il y a de plus difficile à définir psychologiquement et socialement – et tant pis pour votre morale de western !

    - Eh bien moi, je dis pas de pitié pour les détournements de mineurs ! Et pas de pitié non plus pour les mineurs qui se laissent détourner par plaisir ! Et vive la vraie justice qui n’en a rien à foutre des caprices et de la lâcheté des victimes ! Ha !

    - « Oh ! Comme je déteste la sévérité facile de l’éthique abstraite ! ». C’est d’Oscar Wilde, eh oui..

    - Ah mais vous êtes né pour défendre les suborneurs et les tarés, mon pauvre Cormary !

    - Et vous pour vous faire une belle conscience à peu de frais, mon bon Montalte !

    - Il y en a qui préféraient leur mère à la justice, et bien moi, je préfère ma fille au droit ! Surtout au vôtre de droit, Cormary, répugnant, amoral, dégénéré, criminophile !

    - A propos de mère et de fille, où elle était la mère de Samantha ce soir-là ? Qu'est-ce que c'est que cette mère qui laisse sa fille de treize ans toute une soirée avec un homme connu pour aimer les jeunes filles, et psychologiquement instable ?

    - Regardez comme vous êtes corrompu, Cormary ! Après le juge et la fille, la mère ! On charge la mère !  Haro sur la mère ! Puis ensuite sur le père, j’en suis sûr, « absent » lui aussi, et ensuite viendront les cousins, la vieille tante, la mémé, le beau-frère, les voisins ! Tout le monde responsable et coupable, sauf Polanski ! Ah, elle est belle la France de Frédéric Mitterrand !

    - Vous savez que Sarkozy a dit du livre de Mitterrand qu’il était « courageux et talentueux » ?

    - Vous savez que vous commencez à m’emmerder, l’avocat de mes deux ?

    - Pourquoi ? Je vous empêche de lyncher quelqu’un, l’inquisiteur du dimanche ?

    - Vous m’empêchez surtout de rendre justice à une gamine violée.

    - Vous parlez de Samantha Geimer ?

    - Vous ne faites rire que vous, là…

    - Non, parce que si c’est elle, je vous rappelle que Samantha Geimer est aujourd’hui une adulte qui n’a pas l’air si traumatisée. Plutôt une mère de famille accomplie, et qui veut en finir avec cette affaire.

    - Eh bien moi, je reste quoiqu’il en soit, de son côté…

    - Sauf qu’elle est plutôt du mien.

    - Quoi ?

    - Samantha Geimer n’a cessé de dire que cette justice qui s’acharne sur Polanski lui a fait finalement plus de mal à elle que Polanski. Et qu’elle est de fait de son côté. Elle a même écrit à l’Académie des Oscars en 2003, à l’époque du Pianiste, qu’il fallait « juger l’artiste et non l’homme ». Donc, ne dites pas que vous la protégez. Depuis trente-cinq ans, elle tente de tourner la page de ce qui lui est arrivé, et des gens comme vous l’en empêchent.

    - Parce que depuis trente cinq après, elle est toujours sous sédatif, c’est ça que vous n’avez pas pigé, petite tête cultureuse ! Le sédatif du fric et de la paix civile. Le sédatif de la collaboration la plus immonde entre le bourreau et sa victime. Le bourreau qui a réussi à imposer son point de vue dans l’esprit de sa victime, vous connaissez ? La manipulation totale ! Ah Polanski a bien réussi son coup, je le reconnais. Il a drogué à vie cette malheureuse fille qui aujourd’hui au lieu d’être un symbole de la lutte contre les criminels sexuels en est un de la complaisance et de la complicité ! C’est dégoûtant, c’est dégueulasse….

    - Parce que pour vous Samantha Geimer aurait dû devenir un symbole ??? Parce que vous projetez tous vos fantasmes ou vos blessures sur elle et contre lui ? En gros, votre raisonnement, c’est : « mon oncle m’a violé, il n’a jamais payé, Polanski doit payer à sa place » ??? Vous êtes comme le type de Douze hommes en colère, celui qui veut que le jeune homme qu’on accuse d’avoir tué son père passe à la chaise électrique parce que lui, son fils le bat et voudrait le crever ? Polanski, c’est le bouc-émissaire de votre misère, c’est ça ?

    - Polanski doit payer, c’est tout.

    - Mais il a payé !

    - Trois mois de prison, c’est cacahouète !

    - Trois mois de prison, c’était sa condamnation !

    - Il est parti avant !

    - Il est parti avant parce qu’on allait faire passer sa peine de trois mois à trente ans !!!

    - Et c’était mérité !

    - Mais ce n’était ni légal ni juste !

    - Ce n’était peut-être pas techniquement légal, mais c’était moralement juste !

    - Votre morale, c’est la projection de vos problèmes et de la vengeance pure et simple ! Rien à voir avec la justice !

    - La justice, dans cette affaire, n’a pas été rendue !!!

    - La justice, dans cette affaire, a été rendue !!!!!

    - Non !

    - Si !

    - Ce qui a été rendu, c’est de l’argent, pas la justice.

    - La justice suisse a rendu son jugement. C’est un fait.

    - Ce n’est pas l’avis de la justice américaine !

    - Mais pourquoi la justice américaine vaudrait-elle plus que la justice suisse ???? Parce que vous êtes atlantiste ???

    - Eh bien oui, je vais vous dire pourquoi je préfère la justice américaine, pauvre inconscient amoral que vous êtes ! Idiot utile ! Intelligence délabrée tellement typique des fins de race ! Oui, je suis pour la justice américaine parce que la justice américaine se soucie réellement de morale, oui, oui, oui, alors que nous en Europe, on s’en fout de la morale. On se déteste tellement chez nous, on passe son temps à fouler aux pieds nos anciennes valeurs, on se moque de la justice, on rigole de la vérité, on manque tellement de virilité et d’honneur qu’on en vient à faire l’apologie de fous, de criminels, sous prétexte qu’ils sont artistes ! « SOS Esthétique », c’est tout ce qui nous reste en France, des intellos, des esthètes et des défenseurs de pédophiles, et c’est navrant, et vous me donnez envie de gerber !

    - Vous dites n’importe quoi, Montalte.

    - Et ça vous fait sourire, salaud ?

    - Je souris car je me dis que les mêmes qui se disaient pour la justice et contre Polanski doivent aujourd’hui maudire la justice qui a libéré Polanski.

    - Votre « justice » est celle des puissants, des riches, des pourris, qui peuvent en effet, à coups de centaines de milliers de dollars, transformer une affaire criminelle en vice de procédure au nom d’un alinéa du code pénal.

    - Le code pénal sert à ça.

    - Et votre conscience, vous la mettez où ? Et les faits, vous en faites quoi ? Eux aussi, on peut les annihiler au nom d’un point-virgule juridique ? Il n’y a pas eu absorption forcée d’alcool et de drogue  peut-être ? Il n’y a pas eu sodomie sur une enfant de treize ans ? C’est peut-être elle qui a inventé tout ça pour piéger le pauvre Polanski comme dans un roman de Kafka ? Vous allez me le sortir quand, Kafka, d’ailleurs ? Le juif persécuté ? L’éternel errant ? La littérature au service des saloperies humaines, c’est ça la lecture des littérateurs de votre espèce ! Vos seuls arguments sont littéraires, mon pauvre ami, et le littéraire vous en fait oublier le pénal, le juridique et le juste !

    - Vous pétez les plombs, je crois… Depuis le début, on vous dit que ce qu’il y a de choquant dans cette affaire, c’est qu’il y ait eu une décision de justice sur laquelle on est revenu. Il y a eu arrestation, jugement, condamnation, exécution de la peine (les 42 jours), mais il y a eu aussi, et c’est cela qui pose des problèmes moraux, oui, MORAUX,  à des salauds comme moi,  volonté de rejuger, de recondamner, de ré-exécuter. C’est un déni de justice de juger deux fois la même personne pour le même fait, si vous ne le savez pas, je vous l’apprends. Par ailleurs, je n’ai pas de leçon pénale à recevoir de la part de quelqu’un qui se conduit comme un  lyncheur de Fritz Lang…

    - Assez avec vos films, vos livres !!! Assez avec la culture !!!!!! On parle d’une gamine de treize ans qui s’est faite violer, merde !!!!


    - Mais qu’est-ce que vous voulez-vous à la fin, Montalte ? Condamner Samantha Geimer à son tour parce qu’elle n’a pas condamné Roman Polanski comme vous en auriez rêvé ? La forcer à rendre l’argent et lui foutre en plus une amende pour avoir accepté un arrangement avec lui ? La re-violer pour bien lui faire comprendre ce qui lui est arrivé il y a quarante ans et qu’elle veut oublier ?

    - Un crime est un crime, Cormary. Même si la victime a pardonné, oublié, renoncé, même si Samantha Geimer s’était mariée avec Polanski et avait eu des enfants avec lui, il aurait fallu qu’il paye pour ce qu’il a fait, et qu’elle paye, elle aussi, pour ce qu’elle a oublié qu’il a fait !!! Un crime non puni est une atteinte à l’essence divine de l’homme !! Un viol d’enfant est une agression de la création toute entière ! C’est vous qui devriez dire ça, catholique d’opérette !

    - Non, évidemment, si ça devient une affaire de Big Bang, je préfère cesser là notre discussion.

    - Ah ça vous fait mal tout ce qui outrepasse vos petites arrangements avec le ciel, n’est-ce pas ? Tout ce qui contrarie vos petits intérêts, votre minable rhétorique, vos échappatoires de lettreux immoral et dégénéré ? Eh bien, restez dans votre art de merde, l’ami, moi, je resterai toujours  droit dans mes bottes du côté de la justice, la justice, la justice, la justice, LA JUSTICE !!!!!!!

    - Une justice qui n’est pas irréprochable n'est pas juste, une justice qui viole elle-même ses décrets, n’est pas une justice. Et à la fin, oui, le vice de forme devient pire que le délit lui-même. C’est cela, la vraie justice. Ce n’est pas le ressentiment à mort, et encore moins la vengeance des tripes. 

    - Eh là, vous jouissez, n’est-ce pas ? Votre innommable mauvaise foi trouve enfin sa raison d’être et c’est là votre seule façon de bander ? La mauvaise foi contre les tripes, votre trip.... ? Vous êtes un salaud, Cormary, un salaud au sens sartrien !

    - Un salaud qui a pourtant la justice de son côté. Polanski a été libéré et tous vos hurlements n’y feront rien. Je crois que vous avez perdu la partie, Montalte.

    - Un salaud, un salaud…

    - Et Samantha Geimer, c’est une salope aussi ?

    - ….

    - Répondez, répondez, le grand inquisiteur qui veut toujours qu’on lui réponde !

    - Samantha Geimer est une pauvre fille que l’on a en effet prostitué contre son gré et qui aujourd’hui n’a plus que sa mauvaise foi pour elle. Oui, Polanski est symboliquement devenu son proxénète à vie, et des gens de bonne volonté auraient peut-être voulu que cela ne soit pas. Mais dans notre monde  pourri par le fric et les intellos, ce sont les gens comme vous qui l’emportent.

    - Mais dans ce cas-là, tout le monde est coupable à vos yeux ? Tous ceux qui ont protégé Polanski ? Etats, particuliers, connus, anonymes. Le président lui-même. Et Carla. Et tous ceux qui écoutent ses chansons… Tiens, elle n’a pas fait l’apologie de la « came », récemment ? C’était une façon d’excuser Polanski peut-être, non ?

    - Cormary, écoutez-moi bien. L’argument du « tout le monde est coupable » est toujours utilisé par celui qui est vraiment coupable. « Tout le monde est coupable », ça veut dire « tout le monde, sauf moi ». Certes, il y a «  abstraitement »  une responsabilité générale, disons « onto-théologique », des crimes de ce monde, sauf que là, c’est un débat entre vous et moi….

    - Oui, enfin, il y a deux minutes, on en était à l’agression du Fiat lux, et maintenant il n’y a plus que vous et moi….

    - Vous, Cormary que j’aime et que je respecte, et qui se trompe tellement, vous défendez le crime, et moi que vous méprisez si sournoisement, je tente de punir le crime. Et vous, la seule chose qui vous intéresse, c’est de tourner en bourrique la méthode qui permettra de punir ce rime. Quelles que soient les complications formelles (ok, il y en a, je sais), les embrouillaminis juridiques (et qui pour l’instant sont vos seuls moyens de défense), existe, même en vous, la conscience qu’il y a une différence entre le bien et le mal. Et Polanski a fait le mal, et tout mal doit être puni, c’est ainsi que l’humanité dont vous vous gargarisiez tout à l’heure a toujours fonctionné. Le pacte social est fondé sur la justice et la justice est le lieu de la rétribution des peines et des mérites – et les peines doivent être remises à ceux qui les méritent même si celles qui ont subi un préjudice leur pardonnent pour une bonne ou une mauvaise raison. Et vous pouvez arguer n’importe quel vice de forme, n’importe quelle objection technique, n’importe quelle justification psychologique de bazar, Polanski n’a pas ASSEZ payé pour ce qu’il a fait. L’instruction s’est sans doute mal passée. Le juge a fait des erreurs. Mais on peut réparer les erreurs, et on peut revenir sur une décision de justice qu’on trouve injuste même si pour cela on va bousculer les habitudes juridiques. C’est ce que les gens de bien pensent. C’est ce que je pense.

    - Un bien qui ne fait que du mal.

    - La protection de l’enfance, c’est un mal ? Les prédateurs sexuels en liberté, c’est un bien ? Vous en avez encore combien de paradoxes vaseux ?

    - Je vais vous dire ce que vous voulez dans le fond, Montalte. Vous voulez punir une femme qui aujourd’hui a  quarante-cinq ou cinquante ans, qui n’a jamais pu faire son deuil à cause d'une justice aveugle qui lui rappelait sans cesse cette malheureuse affaire ! Vous ne voulez voir en Samantha Geimer que l'ado paumée et sans doute vendue par sa mère d'il y a trente-cinq ans. En somme, vous l'empêchez de grandir. Vous l'enfermez ad vitam aeternam dans le « viol » de ses treize ans au nom d'une justice qui la viole encore plus.

    - Vous faites dans le mélo, maintenant ?

    - Et c'est ça qui est terrible : cette femme n'existe pour le monde entier que pour ça, que pour s'être faite sodomiser par un cinéaste. Tout le monde depuis quarante ans lui rappelle ce qu'elle assure, elle, avoir physiquement oublié (car en effet elle était tellement shootée qu'elle semble n'avoir rien « senti », elle a aussi dit ça). Mais vous êtes, là, féroce, avec le film, les écarquilleurs de paupière, la piqûre de rappel ! « Non, ma fille, n'oublie pas qu'on t'a enculé !!! Compte sur nous pour te remettre ça dans la tête, tous les jours, tous les jours !! »

    - Vous ne me ferez pas pleurer, Cormary ! OK, ça a été dur pour la petite, mais justement, la justice est là pour faire comprendre aux victimes ce qui leur est arrivé ! La justice est là pour empêcher le déni du réel, ce qui est sans doute arrivé à Samantha. Vous savez très bien qu’il y a eu des rescapés des camps qui ont tout fait pour oublier ce qui leur était arrivé. Le rescapé d’Auschwitz qui devient révisionniste, ça existe ! La fille violée qui « pardonne » à son violeur, ça existe aussi. Eh bien non ! Il faut punir le violeur et purger la violée de son violeur, surtout si celle-ci fait dans le refoulement (refoulement bien intéressé tout de même, quatre cent mille dollars !). Vous parliez de faire son deuil. Si Polanski avait été arrêté plus tôt et emprisonné vingt ou trente ans comme il le méritait (car il a violé une fille de treize ans et je le répèterais tant qu’il faudra, je le répèterais ad nauseam pour bien vous faire entrer dans votre tête d’intello ravagé ce qui s’est passé !!!), elle l’aurait réellement fait son deuil. C’est ça, prendre vraiment la défense de cette fille, c’est pas l’enfermer dans son syndrome de Stockholm de connasse consentante, comme vous tentez odieusement de le faire. Alors, oui, je m’acharne ! Mais parce que je préfère l’acharnement de la justice plutôt que votre acharnement dans l’injustice !

    - Et qu’un juge fasse volte-face par rapport à un accusé, vous trouvez ça juste, vous ? « Gamin, pour ce que t’a fait, tu seras privé de sortie trois jours », et deux jours et demi après, « ah ben, finalement, j’ai changé d’avis, c’est en pension que tu vas aller, mon bonhomme, et dès demain, et pour au moins trois ans, on va t’éduquer, nous ! » Eh ben moi, je comprends que le gamin fugue….

    - Perversion totale de votre tour d’esprit ! Inversion absolue de la réalité ! Preuve de votre barbarie latente qui se cache derrière des jeux de mots et des idolâtries artistiques ! Ce n’est pas Polanski le gamin ! C’est Polanski qui viole les gamins ! Et en défendant un pareil vicieux, vous vous viciez vous-même, Cormary ! Faites attention !

    - Eh bien, je préfère être vicieux plutôt que Javert et je…

    - Et vous n’avez plus rien à dire, Cormary ! Absolument plus rien ! Hors vos formules littérateuses, vous n’avez d’ailleurs jamais rien eu à dire  d'adulte dans cette affaire. Sauf cet aveu que vous venez de cracher à l’instant. Oui, la vérité sort de la bouche des  vicieux. Et vous êtes un vicieux, un pervers, un gros qui doit cacher bien des secrets comme tous les gros.

    - ….

    - Allons, ne faites pas cette tête ! Bon, je n’aurais pas dû dire ça, je m’en excuse. Et puis, je sais que vous n’êtes pas méchant dans le fond, vous êtes juste con-con comme tous ces esthètes à la noix qui n’ont pas été moralement éduqués. Mais ce n’est pas parce que l’on a renoncé à la vérité et à la justice que l’on ne les sent pas en nous, bien cachés, quoique toujours prêts à s’allumer. C’est notre drame, à nous humains, de sentir que nous sommes toujours attirés par le vrai et le juste même quand on fait semblant d'être injuste ou qu’on est séduit par le faux. Et  bien aujourd’hui, un peu de ma lumière vous aura fait du bien, même si, je le vois dans vos yeux, vous m’en voulez à mort. Je suis votre reflet, vous savez ! Bah, dites vous que ça passera. Et si cela vous brûle un peu l’âme, eh bien, cela vous brûlera aussi un peu les graisses. Vous aurez tout bénef. Allez, courage vieux ! Et sans rancune, hein ?

     

     

     

     

     

     

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