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Spectacles sociaux - Page 25

  • Ibn Warraq, le résistant.

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    Dédié à la mémoire du traducteur japonais des Versets Sataniques, poignardé par un fanatique en pleine université, Pourquoi je ne suis pas musulman (édité par l'Age d'Homme une première fois en 1999 et une seconde en 2003) se propose comme la première somme critique sur l'islam. Son auteur, "Ibn Warraq" (qui signifie "le fils du papetier" et laisse penser que c'est un pseudonyme) se présente lui-même non comme un universitaire ou un spécialiste qui apporterait quelques informations nouvelles sur le troisième monothéisme mais comme un iconoclaste qui se réfère à tout ce que les islamologues, Bernard Lewis et V.S. Naipaul en tête, ont pu justement publié. Son travail, qualifié par lui-même de "vaste bibliographie annotée" (celle-ci s'étendant en fin d'ouvrage sur une dizaine de pages) entend faire le tour de l'histoire arabo-musulmane à travers un déboulonnement méthodique de la "pensée" musulmane dans son intégralité. Il ne s'agit donc pas simplement critiquer ce qu'il y a de mal dans la religion de Mahomet mais aussi ce qu'il y a de bien. Lorsque Spinoza et Nietzsche s'en prenaient au christianisme, ils ne limitaient pas leurs critiques à "l'inquisition" ou à la "Saint Barthélemy" mais à la transcendance en tant que telle considérée comme une belle illusion et au message d'amour évangélique lu comme un appauvrissement de la force vitale. Etre anti-religieux, ce n'est pas s'en prendre à ce qu'il y a de morbide dans telle religion, c'est s'en prendre à ce qu'il y a de vivant en elle et dire que cette "vie" est profondément malade. Ce qui, vous en conviendrez, est légèrement plus grave qu'une petite caricature ou qu'un gentil blasphème. Entre dire "Mahomet trou du cul" et "Allah n'existe pas", il y a là la différence entre une intention critique un rien chahuteuse et une position athée qui n'a même pas besoin de recourir à l'injure pour nier le concept même de Dieu. D'autant que, comme chacun sait, injurier Dieu, c'est y croire.

     

     

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    L'excellence non arabe ni musulmane de la civilisation arabo-musulmane.

    Mais la thèse de Ibn Warraq est encore plus provocante. Selon lui, il faut distinguer trois islams qu'il numérote un peu scolairement 1, 2 et 3. L'islam 1 est ce que le Prophète enseigna à travers le Coran ; l'islam 2 est la religion telle qu'elle est développée et vécue à travers les Hadiths (traditions) qui comprennent notamment la charia et le "droit" islamique ; l'islam 3 est ce que les musulmans réalisent, c'est-à-dire la civilisation islamique. Or,

    "si jamais une idée générale ressort de ce livre, c'est que la civilisation islamique, l'islam 3, est souvent parvenue au sommet de sa splendeur malgré l'islam 1 et l'islam 2, et non pas grâce à eux."

    Autrement dit, le meilleur de la culture arabo-musulmane n'est pas islamique.

    jardin parfumé.jpgCertes, il y eut bien un âge d'or de l'islam et Warraq ne le nie nullement. Oui, les Arabes furent les grands transmetteurs de la philosophie grecquo-latine et leurs premiers commentateurs (Averroès et Avicenne pour les plus connus), oui, ils furent de grands peintres, n'ayant pas peur de représenter le Prophète à travers les miniatures persanes justement célébrées (voir à ce propos le magnifique numéro de l'émission Palettes d'Alain Jaubert consacré à celles-ci), oui ils furent aussi de grands écrivains et de grands érotiques, les Mille et une nuits et Le Jardin Parfumé. Seulement voilà, toutes ces merveilles de l'esprit et des sens (sans doute idéalisées par les occidentaux, mais peu importe, car lorsqu' une culture fait rêver, c'est qu'il y a en elle de quoi rêver) n'avaient rien à voir avec la parole du Prophète - ce dernier méprisant autant les poètes,

    "Quant aux poètes : ils sont suivis par ceux qui s'égarent" (XXVI-224),

    que les peintres,

    "celui qui fabrique des images, Dieu le punira en le condamnant à donner une âme à ses images, au jugement dernier"

    (dans la Sunna traduite de Bokhari),  et il suffit de se rappeler la destruction récente des Bouddhas millénaires par les talibans pour avoir une preuve patente de la propension artistique des orthodoxes musulmans. En fait, comme le dit Warraq,

    "l'impulsion créative sous-jacente à l'art islamique, à la philosophie, aux sciences, à la littérature arabes tire sa source A l'EXTERIEUR DE L'ISLAM 1 ET 2, du contact avec des civilisations plus anciennes pourvues d'un héritage plus riche."

    Et de faire remarquer que l'art islamique n'aurait rien été sans l'art byzantin ou sassanide. Au fond, l'âge d'or de l'islam, si vanté par tout le monde,  fut surtout le fait d'influences cosmopolites dues aux apports étrangers de l'Inde (qui leur ont donné les chiffres), de la Perse, de la Chine, de la Grèce et comme nous le verrons, o suprême horreur, du monde judéo-chrétien - et c'est pourquoi il apparaît précisément aux yeux des orthodoxes comme hérétique et anti-coranique. En outre, même à cette époque un peu trop bénie par les islamophiles (et qui va en gros du neuvième au douzième siècle) tous ces artistes et philosophes furent la plupart du temps pourchassés et ne purent écrire leurs oeuvres qu'entre deux emprisonnements, attendant que la loi coranique se fasse plus douce ou moins conséquente - c'est-à-dire moins coranique.  Difficile en effet d'être libre à travers cette religion politique qu'est avant tout l'islam et qui n'est rien d'autre qu'

    "une construction de l'esprit abstraite et totalitaire, destinée à régenter tous les aspects de la vie privée, depuis la naissance jusqu'à la mort".

    L'une de ses principales nuisances fut de remettre l'impureté  (de la nourriture, des gestes et des images), dont on pouvait croire que le Christ nous avait débarrassé à tout jamais, au centre de l'existence. Quant à

    "prétendre que l'islam est favorable à la sexualité, c'est insulter les femmes musulmanes, car le sexe n'y est considéré qu'à l'avantage de l'homme."

    Jardin parfumé 2.jpgEn réalité, les versets du Coran allant dans le sens du plaisir (et dans lesquels des imbéciles occidentaux voient la preuve d'une plus grande liberté sexuelle par rapport au christianisme) vont surtout dans le sens du plaisir masculin. La femme reste cette créature impure dont il faut se défier. Le mythe d'un "Mahomet féministe" dont on nous rebat les oreilles tient dans les deux réformes dont celui-ci fut à l'origine : le droits à l'héritage des femmes et surtout l'abolition de la coutume d'enterrer vivantes les filles nouveaux-nées. Pour le reste, il n'est pas exagéré de dire qu'avec l'islam et son système totalitaire qui généralisa la polygamie, le voile, la violence conjugale légale, le mariage et sa consommation avec des fillettes n'ayant parfois pas atteint la puberté, et la non-abolition de l'excision dans les pays africains, la situation des femmes empira. De toutes façons, comme le dit Ali, cousin du Prophète et quatrième calife (600-661) :

    "Toute la femme est maléfique et le pire c'est que c'est un mal nécessaire."

    Voilà donc la loi coranique telle qu'elle s'est imposée fragmentairement puis totalement à partir du douzième siècle dans les pays "arabes" - c'est-à-dire les pays conquis par les Arabes, nous y reviendrons. Et qui fait dire à Inb Warraq, qu'

    "heureusement, la loi n'a pas toujours été appliquée à la lettre ; autrement la civilisation islamique n'aurait guère pu se développer."

    Proclamer donc que nous devons Avicenne ou les grands soufi à l'islam serait, comme le disait Renan, aussi absurde que dire que nous devons Giordano Bruno ou Galilée à l'inquisition. En Orient comme en Occident, c'est toujours (souvent ?) contre le pouvoir officiel que s'imposent les philosophies de liberté, d'interprétation et de représentation - sauf que l'Occident n'a cessé d'évoluer, le devenir et le progrès étant au coeur de la pensée dialectique judéo-chrétienne. Sortir de sa culture, tenter de la nier, de la dépasser, et y revenir, c'est ce qui manque cruellement à l'islam, incapable de penser autre chose que lui-même. Nul Platon musulman qui ne soit sorti de la caverne, nul Socrate qui ne se soit sacrifié pour le bien de sa cité. Encore moins un Dieu qui se donne en pâture au monde pour le sauver. L'islam ne connaît que l'égorgement ou l'asservissement des autres. On ne trouve pas plus anti-paradoxale, soit pas plus inhumaine, que cette orthodoxie sûre d'elle même et dominatrice.

    Aux yeux de Warraq,

    "l'existence d'une philosophie islamique est en soi une contradiction".

    Quant à l'existence d'une science islamique, elle relève au mieux d'un gag. Abdus Salam, prix Nobel de physique en 1979, affirmait lui-même que

    "de toutes les grandes civilisations de la planète, la communauté islamique est celle qui a fait à la science la part la plus restreinte." (cité par Anne-Marie Delcambre dans "L'islam des interdits")

    Le fameux verset où Mahomet exhorte à la recherche scientifique,

    "Cherche la connaissance en Chine si c'est nécessaire" (XXXIX-12 ?)

    ne saurait être lu comme une quête de savoir au sens "occidental". C'est l'optique religieuse qui est toujours à l'oeuvre et c'est la technique en tant qu'instrument de domination des peuples qui est recherchée. Rien à voir avec notre vision d'une science censée nous délivrer de nos illusions et nous faire mieux vivre. Le terroriste islamiste est un informaticien hors pair mais qui refuse que sa femme aille voir un gynécologue qui ne soit pas du sérail ou de la communauté. C'est la méthode au service du dogme. La technologie au service du Djhad. Et qui s'emprunte comme toujours à l'extérieur. Un extérieur "plat" évidemment, car comme l'expliquait sans rire en 1995 le cheik Abd el Aziz el Baz, suprême autorité religieuse :

    "La terre est plate, celui qui déclare qu'elle est sphérique est un athée méritant une punition." (International Herald Tribune, 13 février 1995)

     

     

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    D'un soufisme trop chrétien au goût des imams.

    Le soufisme ! L'islam mystique ! Le lumière irradiante de la religion mahométane qui a fait que tant de savants occidentaux sont devenus ses premiers exégètes (Massignon, Guénon, Corbin) et qui, avouons-le, donne vraiment envie de se convertir même pour un chrétien. Pensez ! un rapport privilégié et intime avec Dieu qui fait que l'on devient Dieu soi-même, une immanence qui coïncide avec la transcendance, un abandon des lois et des liens communautaires, une abolition de l'enfer  - l'extase totale ! Sauf que l'islam orthodoxe n'admet aucun rapport privilégié à Dieu. L'islam interdit d'être musulman seul. L'on ne se recueille pas dans sa cellule face à Dieu qui ne parle qu'à vous. La piété personnelle est un blasphème. La mystique une hérésie. Et comme les Soufi furent le plus souvent des mystiques qui blasphémaient,  on comprend qu'un certain nombre ait été passé au sabre ou au gibet, à commencer par le plus grand d'entre eux, al-Hallaj (vers 858-922) qui fut emprisonné, flagellé, mutilé, exposé au gibet, décapité et brûlé. Suivirent al-Shalamaghani (vers 934), Dhu'l Nun (860), al-Suhrawardi (1191), Badr al-Din (1416) et l'on pourrait continuer la liste.
    Enfin, comme le fait remarquer l'inénarrable Malek Chebel dans son Dictionnaire amoureux de l'islam, si la mystique  soufi plaît tant aux occidentaux, c'est parce qu'elle leur rappelle la mystique chrétienne et qu'ils peuvent y "projeter leur propre vision des choses". Comment être un "vrai" musulman ? en n'étant surtout pas soufi, bon pour les chiens d'occidentaux.

     

    Ma'Arrî.jpgAl-Ma'arri, le Lucrèce oriental.

    Qu'on ne se méprenne pas. Des esprits libres, des subversifs, des réformistes, il y en eut en terre d'islam comme en terre chrétienne. A la différence que ceux-ci n'ont jamais fait école, sont toujours restés minoritaires, et du reste persécutés. Comme nous plairait le poète et philosophe Al-Ma'arri (937-1057) auquel Ibn Warraq consacre un chapitre entier. Ce grand sceptique, qualifié de "Lucrèce de l'Orient", stigmatise  dans ses vers les fadaises religieuses destinées à tromper les foules, les fables de la résurrection et du paradis, dénonce l'inconvénient d'être né enfin :

    "Les musulmans trébuchent, les chrétiens sont égarés
    Les juifs sont dévoyés, les mages sont dans l'erreur.
    Nous les mortels nous répartissons en deux catégories
    Les crapules initiées et les dévots stupides.
    Qu'est-ce qu'une religion ? Une vierge que l'on dissimule.
    Le prix des présents et le montant de la dot stupéfient le prétendant.
    De l'avalanche des doctrines qui se déversent de la chaire
    Mon coeur n'a jamais accepté un seul mot. (...)
    Craindrais-je de reposer dans la terre notre mère ?
    Est-il de plus doux berceau que le sein de ta mère ?
    Quand mon esprit obtus m'aura quitté
    Par les eaux stagnantes laissez pourrir mes os."

    Et Al-Ma'arri de déplorer sa venue au monde :

    "Par mon père ce tort me fut fait
    Mais jamais à un autre par moi."

    Inutile de dire que cette poésie ne fut guère prisée pour les récitations des petits musulmans (d'ailleurs autorisés seulement à apprendre par coeur le Coran). Encore moins sa parodie jalonienne du Coran. S'il ne fut que peu inquiété durant sa vie, la raison en est, précise Ibn Warraq, qu'il sut dissimuler son iconoclasme derrière d'autres poèmes plus orthodoxes destinés à leurrer les limiers de l'inquisition. Un peu comme Molière finit ses comédies par l'apologie du système monarchique et du roi. L'iconoclaste contrebandier, voilà qui devrait faire la fierté de tous les musulmans libres.

     

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    Nos ancêtres les Arabes.

    Ce dont les musulmans sont le plus fiers, plus que de leurs grands auteurs, c'est de leurs conquêtes et de leur impérialisme.

    "Ouvrez n'importe quel livre récent d'introduction à l'islam et vous verrez qu'il commence par chanter les louanges d'un peuple qui a envahi la moitié du monde civilisé dans un espace de temps incroyablement court, d'un peuple qui a fondé un empire qui s'étendait de l'Indus à l'Atlantique. Ce livre racontera en termes chaleureux les temps glorieux où les musulmans régnaient sur une vaste humanité formée de nations et de cultures différentes. (...) Alors qu'on culpabilise tous les Européens avec le colonialisme et l'impérialisme occidentaux (ces deux termes sont désormais considérés comme péjoratifs) et qu'on leur fait porter la responsabilité de tous les maux de la création, l'impérialisme arabe est au contraire présenté comme un objet de fierté pour les musulmans, quelque chose que l'on doit louer et admirer."

    Pas demain la veille qu'on entendra de la part des dirigeants musulmans une quelconque repentance concernant telles ou telles exactions, sans même parler du génocide arménien. Ce qu'il faut comprendre, c'est que toute l'histoire arabo-musulmane fut une conquête par les arabes (d'Arabie Saoudite) des territoires maghrébins, africains et indiens. Une conquête qui a fini par faire croire aux conquis qu'ils étaient les descendants des conquérants !
    Ainsi en l'Algérie où l'enseignement de la langue française fut abandonnée après l'indépendance, sous prétexte qu'elle était la langue imposée par les colons français, au profit de l'arabe... alors que l'arabe fut lui-même une langue imposée - la langue maternelle des algériens étant le berbère.

    ["L'impérialisme arabe"] avait même convaincu ce peuple qu'ils étaient éthniquement des Arabes, ce qui n'était pas le cas et, encore plus fort, ils les avait convaincus d'embrasser une religion qui était totalement étrangère à leurs propres traditions religieuses. N'y a-t-il meilleur symbole de soumission à l'impérialisme musulman que l'image du peuple algérien qui se prosterne cinq fois par jour vers son conquérant situé en Arabie ?"

    Et Warraq de citer l'écrivain algérien Kateb Yacine (1929-1989) qui fit scandale en déclarant son aversion pour l'islam et que

    "l'Algérie arabo-islamiste est une Algérie contre-nature, une Algérie qui est étrangère à elle-même. C'est une Algérie qui est imposée par les armes, car l'islam ne se développe pas avec des bonbons et des roses, il se développe avec des larmes et du sang. Il croît dans l'oppression, la violence, le mépris, par la haine et les pires humiliations que l'on puisse faire à l'homme. On peut voir le résultat !",

    et encore :

    "L'Algérie française a duré pendant cent-quatre ans. L'Algérie arabo-islamique dure depuis treize siècles ! La pire forme d'aliénation n'est pas de penser que nous sommes Français, mais de croire que nous sommes des Arabes. Il n'y a pas de peuple arabe et il n'y a pas de nation arabe. C'est une langue sacrée, celle du Coran, que les dirigeants utilisent pour empêcher que les gens ne découvrent leur véritable identité." (interview au journal Awal en 1987 reprise par Le monde du 20 mai 1994).

    Après quoi, il fit le voeu pieux qu'un jour l'Algérie sera appelée par son vraie nom, Tamezgha.

    En vérité, l'Islam ne s'est imposé que par la conquête militaire et a imposé partout où il est passé l'apartheid, l'esclavage (pratiqué encore largement par bien des pays musulmans et d'ailleurs recommandé par le Coran :

    "Dieu vous propose pour exemple un homme esclave qui ne dispose de rien et un autre homme à qui nous avons accordé une subsistance ample, et qui en distribue une partie en aumônes publiquement et secrètement ; ces deux hommes sont-ils égaux ? Non, grâce à Dieu ; mais la plupart d'entre eux n'entendent rien." (XVI-78),

    et n'a récolté que la faillite économique, culturelle et sociale. C'est ainsi que tous les pays musulmans sont des dictatures ou des semi-dictatures. Enfin, il ne faut jamais oublier que notre propre colonisation ne fut en grande partie qu'une réaction à celle que les pays arabes imposèrent pendant des siècles à une partie de l'Europe, et que comme le montre Bernard Lewis, c'est le combat contre l'envahisseur qui poussa les Européens au-delà de leurs frontières. On a trop oublié que des premières conquêtes mauresques en Espagne et en France (épisode Charles Martel) jusqu'au second siège de Vienne par les Turcs en 1683, l'Europe n'a cessé de se défendre contre la menace de l'islam.

    On n'en finirait pas de citer Ibn Warraq. Sur l'affaire Rushdie qui commence le 14 février 1989 et qui est son 11 septembre moral, sur les sources de l'islam, sa nature totalitaire, son incompatibilité structurelle avec la démocratie et les droits de l'homme, sur le fait que l'intégrisme soit son accomplissement et non un dérapage (comme le goulag n'est pas une trahison du communisme mais son résultat nécessaire), sur les femmes, sur ses innombrables tabous, sur sa volonté régressive de progrès technique, sur son but jamais caché d'islamiser coûte que coûte le monde à coups de cimeterre, sur son prophète enfin qui avait si bien commencé à la Mecque à l'aune des spiritualités juives et chrétiennes et dégénéré aussi rapidement à partir de Médine (passant en effet de la sagesse au carnage, de la miséricorde à la domination), Pourquoi je ne suis pas musulman regorge d'informations vérifiables, d'analyses qui font froid dans le dos,  de jugements toujours discutables mais que l'auteur revendique comme tels.

    "Ce livre est d'abord et avant tout la revendication de mon droit de critiquer tout et chaque chose dans l'islam, et même de blasphémer, de faire des erreurs et de me moquer."


     

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    Abud Said versus Mahomet.

    Comme toute religion ou tout système de pensée, le christianisme a aussi ces victimes. Cependant, Ibn Warraq se refuse à placer Mahomet au même niveau que le Christ, comme d'ailleurs à ceux de Socrate, de Bouddha ou de Confucius. Ce qu'il ne lui pardonne pas est d'avoir institué le Coran comme LA parole de Dieu, vraie et ininterprétable à tout jamais,

    "faisant ainsi obstacle à tout progrès intellectuel et oblitérant tout espoir de liberté de pensée qui seuls permettraient à l'islam d'entrer dans le XXIème siècle."

    Il est encore aujourd'hui quasiment impossible pour un musulman de ne pas être coranique. Alors qu'il est naturel à un judéo-chrétien de ne pas croire en Dieu - mieux ou  "pire", d'être démocrate, laïc, anticlérical, en un mot, moderne. Les droits de l'homme sont une invention chrétienne, tout comme le roman courtois (et son complément, le roman pornographique), la psychanalyse ou la sécurité sociale. Nous avons malmené Galilée mais Galilée l'a emporté. Spinoza a failli être la cible d'un fanatique mais est enseigné dans nos universités depuis trois siècles (et d'ailleurs a réchappé à son attentat).  Comme le dit Marcel Gauchet, "le christianisme est le religion de la sortie de la religion". Et c'est pourquoi l'on peut sans crainte considérer ce modèle comme supérieur aux autres.

    Je finirai ce trop long post (mais trop succinct par rapport à l'ouvrage de Warraq) par un mot personnel qui pourra paraître peut-être incohérent par rapport à tout ce que j'ai dit jusqu'ici, voire déplacé, mais celui-ci me vient trop naturellement pour que j'y renonce.

    En tant que croyant, je suis évidemment très sensible à toute forme de croyance, musulmane compris. Une mosquée peut m'émouvoir autant qu'une église. Et je peux trouver dans le Coran des versets qui peuvent me parler autant que ceux de la Bible. Sur bien des points, je me sens même plus proche d'un musulman que d'un athée - et d'ailleurs quand il m'arrive d'en rencontrer, c'est de Dieu dont nous parlons tout de suite. Il est certain que je ne commence pas par lui sortir que si j'étais une femme etc... Tout simplement parce qu'en pleine communion avec un autre croyant, je ne vais pas gâcher une rencontre. Mais que la conversation dévie sur la liberté de croire ou de ne pas croire, sur les relations difficiles entre les clercs et les laïcs, ou sur les valeurs qui nous rassemblent et nous séparent, j'expliquerais alors que pour moi la liberté est aussi sacrée sinon plus que mon Dieu - car c'est la liberté qui permet la foi (même si c'est la foi qui rend libre). Et c'est pourquoi je veux que ma foi se développe sur un terrain laïc, neutre, voire anticlérical. Je suis un catholique romain mais je suis aussi un moderne. Je récite le Pater Noster mais je sais que je viens du scepticisme et même du blasphème et que je n'ai rien à voir avec ces cathos légalistes à la Joseph de Maistre (relire mon excellent papier là-dessus). C'est tout seul que je suis revenu à l'église et que j'ai demandé à faire ma confirmation. Catholique mais sur fond de scepticisme et de révolte. Croyant mais libéral- croyant car libéral. Comme disait le génial Lustiger, c'est parce que la France s'est socialement et politiquement déchristianisée depuis cent ans qu'on peut vraiment choisir aujourd'hui  d'être chrétien. C'est parce que la messe n'est plus une obligation sociale qu'on peut y aller de soi-même. La séparation de l'église et de l'état a séparé pour leur bien les croyants de coeur et les croyants d'habitude.

    Nous parlions du soufisme. Qu’il me soit permis de citer cette belle phrase d’un de ses plus grands représentants,  Abu Said (mort en 1049) qui résume ma position et qui devrait être le credo de tout croyant de toute confession :

    "Tant que la foi et l'athéisme ne seront pas identiques, nul homme ne sera un vrai musulman [ou un vrai chrétien]"

     

    (Texte écrit le 21 février 2006 et remis en une, aujourd'hui.)

     

     

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