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Spectacles sociaux - Page 29

  • Messaoud Bouras, l'exemple.

    medium_messaoud_bourras.jpg

    Ce post est le copier-coller de l'article du Libération d'aujourd'hui et que l'on peut retouver ici :

    http://www.liberation.fr/page.php?Article=363432

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    Messaoud Bouras, 41 ans. Issu d'une famille musulmane de Roubaix, il a renié sa religion et divorcé «pour cause d'intolérance». Il dénonce le lobbyisme de l'islam.

    Les barbus le rasent.

    par Judith PERRIGNON
    QUOTIDIEN : mercredi 01 mars 2006

    Messaoud Bouras en 6 dates
    Août 1964
    Naissance à Roubaix (Nord).
    1983
    Première marche des beurs.
    1987
    Licence d'économie.
    1991
    Se marie.
    2002
    Engage une procédure de divorce.
    2005
    Dénonce dans le quotidien Nord Eclair l'instrumentalisation des Verts de Roubaix par les islamistes.

    Par les temps qui courent, il serait presque soulagé. Qu'enfin ça pète, que la figure du Prophète dessine le visage intolérant de l'islam, que les Arabes et les juifs se haïssent à découvert, que la République française n'ait d'autres choix que de reconnaître son échec. Ainsi, il se sent moins seul, avec son histoire et ses désillusions. La preuve, après enquête et recoupements, le voilà dans le journal.

    Messaoud Bouras a apostasié l'islam, le Prophète, et le temps passant, tous ses adeptes. Il n'a pas vu ses enfants depuis deux ans. Ils vivent à Roubaix, là où il naquit, grandit et milita. Il n'y met plus les pieds. «Mon divorce a pour origine l'intolérance religieuse.» Il est au chômage. Il a les joues creuses, les yeux brillants chapeautés d'épais sourcils, des mots gonflés par la douleur, parfois tentés par la provocation. Il respire les combats perdus. Et s'il écrit un jour son histoire, il l'appellera : les Musulmans m'ont tué.

    Chapitre I. Messaoud naît à Roubaix, de parents kabyles venus en France au début des années 60. Il est l'aîné de neuf enfants. Le père est ouvrier teinturier du textile, chez Caullier et Delaoutre, musulman classique qui fait la prière et le ramadan, la mère est pieuse et (alors) sans foulard. La famille, installée dans le quartier populaire de l'Alma, prêche le sérieux et le respect à ses enfants. Messaoud est fragile, il fait des bronchites à répétition, il est régulièrement hospitalisé. A 6 ans, il est donc mis dans une école spécialisée, pas à l'Alma. Le jour, il grandit loin du quartier, ici comme ailleurs chaudron communautaire. Il y revient, toujours malingre, à l'âge ordinaire des premiers prurits virils, collège Anne-Franck. «J'étais chétif, je n'appartenais à aucune bande, je n'avais pas de grand frère, je me faisais racketter, frapper, on me disait : "Tu parles comme un Français." Tout me prédisposait à une attitude de recul vis-à-vis du communautarisme.» Le prof de français a repéré la graine d'affranchi, il l'encourage à lire.

    Chapitre II. Tandis que le textile s'effondre, met au chômage technique le père et au chômage tout court oncles et cousins, Messaoud passe brillamment son bac au lycée Maxence-Van-der-Meer, et participe à la marche des beurs. Il s'éveille politiquement, lance une association de jeunes issus de l'immigration, fait de l'animation de quartier, affronte son père pour protéger les frangines, suit les cours d'économie à la fac d'éco de Lille. En 1988, Messaoud est responsable du suivi scolaire du quartier de l'Alma. Muni d'une licence, il se lance dans la vie professionnelle, au coeur de l'action sociale, chargé auprès de mairies ou d'offices HLM, de la jeunesse, de logement, de développement social de quartier. En 1995, alors que la violence grimpe les escaliers des cités, il est chargé de mission de sécurité par l'Opac du Pas-de-Calais. «J'ai fait plus de 200 procédures, concernant les agressions, le vandalisme, commis dans une immense majorité par des jeunes issus de l'immigration. Au tribunal, je demandais une sanction exemplaire, la fin de la loi du silence. Mais ça me valait d'être poursuivi, insulté, traité de "sale Blanc", de "pauvre harki". Il retombait sur les costauds et les caïds des cours de récré. Il était alors sympathisant des Verts. Pensait et pense encore : «Une grande partie de la gauche a sombré dans l'idéologie victimaire, c'est une vision postcoloniale.»

    Chapitre III. Il raconte un mariage qui très vite tourne mal, deux enfants naissent, Syriane puis Gybril. La mésentente s'installe, la religion s'en empare, à moins que ce ne soit l'inverse. L'épouse a fait du droit, ne porte pas le voile, mais invoque la loi divine, appelle frères et imam à la rescousse, pour contrer son mari si peu pratiquant, même les jours de ramadan. Tous l'appellent «le mécréant». Les insultes ont changé, celles de l'enfance étaient empreintes de guerre coloniale, celle d'aujourd'hui emprunte à la religion revenue en force avec les années 90. En 2002, après onze années de vie conjugale, Messaoud Bouras ramasse quelques affaires, s'enfuit et engage une procédure de divorce. Le juge aux affaires familiales ne lui accorde qu'un droit de visite à l'amiable. Mais l'accord est introuvable. Il raconte la brutalité des frères, des mains courantes après ses plaintes à la police. Elle se plaint du harcèlement par SMS. Il n'a plus revu ses enfants, aujourd'hui 11 et 8 ans. Un troisième est né, d'une mère «française». Ils l'ont appelé Benjamin, il a 2 ans : «C'est un prénom juif, j'ai beaucoup combattu la judéophobie de ma communauté, c'est aussi une référence à un film que j'ai vu à 14 ans, l'Oncle Benjamin, avec Jacques Brel, histoire d'un médecin libre-penseur et épicurien.»

    Chapitre IV. Il part en guerre. Et tout s'imbrique, déchirure familiale et combat politique. L'année où il fuit sa femme, il quitte aussi les Verts, devenu selon lui l'instrument du lobbying politique des islamistes. Il y a effectivement parmi les responsables écologistes des représentants de mouvances musulmanes, aux interfaces religieuses proches de Tariq Ramadan. Bouras dénonce publiquement, via la presse locale, un cercle de réflexion subventionné par la mairie, parfois tribune antisémite. L'association porte plainte en diffamation, défendue par Me Jean-Louis Brochen (M. Martine Aubry). Messaoud gagne le procès. Mais il est définitivement persona non grata, «mort politiquement et socialement à Roubaix», dit-il. Il ne donne à personne sa nouvelle adresse. Il est menacé par une avalanche de mails. Il les garde tous. Il inonde à son tour élus et journalistes.

    Il a relu tout le Coran. «Je n'y ai pas trouvé une seule fois le mot "amour". Jésus dit à la foule qui veut lapider la femme infidèle qu'il faut pardonner, le Coran ordonne de la tuer.» Il est intarissable, explique que la tolérance a généré l'intolérable, assure que s'il existe des musulmans modérés, il n'y aura jamais d'islam des Lumières. «Les versets sont incompatibles avec les droits de l'homme. En fait, l'islamisme n'est pas né de la misère, mais de la frustration de la puissance perdue et du besoin de pouvoir. L'islam a raté la modernité. Il n'a rien créé : ni la démocratie, ni la croissance économique.»

    Il prend des risques à parler ainsi. On le traitera de dingue tendance parano, mais bien des connaisseurs du bocal de Roubaix confirment ce qu'il raconte de la construction politique locale. D'autres le diront lepénisé par la rancoeur. Il a rejoint le discret mouvement des musulmans laïques de France, il craint Sarkozy : «C'est un libéral qui veut remplacer les mécanismes de solidarité par la charité communautaire.» Et en veut à la gauche. «Par choix électoraliste, Lille et Roubaix sont devenus les capitales françaises de l'islamogauchisme.» Villes qui tentent écoles islamiques et piscines municipales avec jour des hommes et jour des femmes.

    Il est trop tôt pour dire la fin de l'histoire. Messaoud Bouras promène sa silhouette de soldat amoché du côté de Lille, avec dans son cartable un livre, la Schizophrénie de l'islam (1), et des coupures de presse où il est question de lui. Il connaît le frisson de la liberté conquise. «La culture musulmane prédispose à l'immaturité sexuelle, affective et psychologique. Moi, j'ai fait beaucoup de progrès.» Il peut aussi sombrer. Il a des douleurs violentes à la tête, autour des yeux, dans la mâchoire. Il était un enfant chétif. Mais cette fois, c'est lié à la pression et au bruit des sirènes identitaires.

    photo EDOUARD CAUPEIL

    (1) D'Anne-Marie Delcambre. Editions Desclée de Brouwer.

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