« De même que toute Histoire se doit de converger vers l’Opéra dans le style italien… »,
c’est-à-dire dans le sang, les larmes et les applaudissements, de même tout Roman de Thomas Pynchon se devrait d’aboutir à un Film de Stanley Kubrick. Kubrick, clef de Pynchon ? Mais oui. Comme L’arc-en-ciel de la gravité tenait de Docteur Folamour (la bite-bombe) et d’Orange mécanique (la manip libidinale), Mason & Dixon nous ramène, lui, autant au Ciel étoilé de 2001, L’odyssée de l’espace, ses automates qui parlent ou ont leur propre vie (la cane de Vaucanson // l’ordinateur HAL), qu’à l’errance onto-historico-érotico-nihiliste de Full metal Jacket ou d'Eyes wide shut, où entre deux saillies au bordel, deux conversations interminables avec des Encadrements, l’on cherche désespérément, sous Fond Barry Lyndonien, la Guerre, l’Histoire ou n’importe quel Sens aux Choses.
Le Sens, c’est précisément ce que détruisent, sans le faire exprès, l’Astronome Charles Mason et le Géomètre Jeremiah Dixon, envoyés de 1763 à 1767 en Amérique par la Royal Society britannique afin de tracer une Ligne de Démarcation entre la Pennsylvanie et le Maryland – la fameuse Ligne Mason-Dixon.
Ligne Noire qui va scinder deux mondes, deux systèmes, deux morales, et qui se révèlera plus tard comme l’enjeu de la guerre de Sé-
-cession : au Nord, la Liberté et le Phi-
-listinisme ; au Sud, l’Esclavage et un certain Art de vivre, car
« c’est l’Esclavage des Nègres, lequel continue de rendre possibles pareils moments sans nul doute exquis. »[1]
Scarlett… Salina… Périclès… Pourquoi faut-il que les Ages d’or soient toujours des Ages d’Iniquité sociale ?
Donc, Ligne Rouge (comme aurait pu dire Terrence Malick – cet autre cinéaste kubrickien) qui ne cessera de créer la discorde et la corruption entre les habitants de part et d’autre, sinon leur malheur – comme cet épisode où la Ligne doit passer à travers la demeure d’un propriétaire ! C’est que dans la Vie réelle, la Géométrie tourne à l’Economie, les Droites deviennent affaire de Propriétés, d’Héritages ou de Déshérences – et dans ce cas-là, Legs de Caïn. Et pourtant, Mason et Dixon ne sont que de bien braves scientifiques qui comme tous les scientifiques font le Mal sans penser à mal. Comment aurait-il pu en être autrement ? Pour créer un Monde (ou deux), il faut tuer la Vie. Rien ne se fait sans Glaive ni Calculs en cette Terre, et si l’on veut créer quelque chose. Rien ne se fait jamais sans Ligne, soit sans Cicatrice -
« Car les poules auront molaires et canines avant que les hommes renoncent à tracer une Ligne, et marquer la Terre de géométriques cicatrices »,
comme le dit un poème d’époque situé au début de la seconde partie[2].
Alors, Ligne Grise qui mettra fin à l’Enchantement de l’Ancien Monde où
« tout ce qui peut-être [était] encore vrai - Paradis Terrestre, Fontaine de Jouvence, Empire de Prêtre Jean, Royaume du Christ »[3]
pourra désormais faire
« Office de Dépotoir des Espoirs Subjonctifs ».
La Ligne comme Désenchantement du Monde. Si le Territoire est un Echiquier, la carte sera une Déterritorialisation. Car après que
« le Territoire suivant ait été visité et étudié, mesuré et arraisonné, intégré à la Toile des Points déjà connus »,
après
« [que se soit frayé] lentement son chemin triangulé à l’intérieur du Continent, troquant tous les subjonctifs contre des modes déclaratifs, réduisant les Possibilités à des Simplicités qui servent les fins des Gouvernements, - arrachant au Royaume du Sacré ses Frontières l’une après l’autre »,
le Nouveau Monde (décidément, Malick et Kubrick ne nous lâchent pas…) nous apparaitra bien « nu et mortel », Foyer de Désespoir, Pays des ex-Merveilles, Ruines Circulaires, Vénusberg. Dans ce Roman de la Civilisation, c’est-à-dire de la Séparation, la Ligne fracture les espaces et le Calendrier engloutit le temps - comme lors de la fameuse Réforme du Calendrier anglican du 02 septembre 1752 qui soustrait onze jours de son année pour être sur la Ligne du Calendrier grégorien, et ce faisant, vole onze jours à tous ceux qui sont nés avant cette date – créant une sorte de Vortex improbable dans les âges des individus. La Maîtrise du Monde passe en effet par la Maîtrise spatio-temporelle, mais la Maîtrise spatio-temporelle est bien la Preuve qu’Espaces et Temps ne sont que des Fictions comme les Autres. L’A Priori des Mondes enchantés, des Mythes et de la Jouvence. L’A Posteriori de l’Effondrement, des Pertes et des Restes. Des Mystérieuses Cités d’Or aux Ténébreuses Cités Urbaines :
« Les Villes commencent le jour où l’on élève les murs des Abattoirs, pour dissimuler le sang et les effusions de sang, les cris des animaux, les odeurs et les souillures, aux Citadins déjà fragiles devant les Réalités de la Campagne. »[4]
Mystères de l’Ouest
Comme dans un Roman de John Cowper Powys, les Enchantements ne sont énoncés que pour être annulés. L’Horizon nous les promet autant qu’il les fait reculer à chaque pas – jusqu’au pas définitif, cette Californie et cet Océan Pacifique qui marquent l’Arrêt définitif de la Ligne. Le voilà, le Fantastique si particulier de Mason & Dixon qui déselfise le Monde tout en lui redonnant une autre Etrangeté. Etrangeté technique, mécanique, expérimentale. C’est que l’Ouestification va de pair avec la Désertification des Monts et Merveilles autant qu’avec la Science-fictionnalisation de l’Univers. Comme l’affirme le Professeur Voam, la Vie est devenue une affaire d’Electricité (et en attendant une certaine Chaise Electrique), l’Ineffable, une question électromagnétique. A cette époque, on s’occupe d’Anguilles, de Torpilles, et bien sûr de Foudre avec Benjamin Franklin. Triomphe d’une sorte de Fantastique Empirique qui ne relève plus du Merveilleux d’antan et pas encore de la SF moderne, plutôt de la FS, de la Fiction-Scientifique – un peu comme a pu l’illustrer dans les années 60 la célèbre Série Les Mystères de l’Ouest, rappelez-vous, James West & Artemus Gordon, et leur Train de Luxe et de gadgets. Mystères de l’Electricité. Mystique de la Haute Tension. Et nouveau Culte du Feu - comme l’atteste cet extrait du « Journal de Mason » à propos d’une Baignoire électrique dans laquelle on fait de drôles d’expériences :
« j’ai vu au cœur du Feu Electrique, au-delà de la couleur, au-delà même de la Forme, une Ouverture vers une autre Distribution de l’Espace, oui et du Temps, que celle avec laquelle Astronomes et Géomètres sont familiers de travailler. Elle m’a fait signe d’entrer, ou plutôt elle a accueilli mon Esprit, - mais mon Corps n’a pas osé s’approcher plus près, - souhaitant bien plutôt la disparition de cette Vision. Et pendant tout ce temps, la Créature dans sa Cuve dardait sur moi un regard personnel, comme un Inconnu convaincu de m’avoir rencontré sur quelque Rivage lointain et désormais inaccessible, - un regard doux et nostalgique, dissimulant, comme je le craignais, le Sang ou la Jungle, tandis que le Profondeur lumineuse de sa grande Etincelle m’appelait tout du long… »[5]
La Science comme ce qui gère les Forces anciennement magiques de la Nature et qui crée sa propre Magie et sa propre Economie. Dans ce Monde en pleine Modernisation, les magiciens eux-mêmes s’occupent de Science… et d’Intérêts :
« Cet Age voit la corruption et la paralysie de l’ancienne Magie. Promoteurs, courtiers en Capitaux, assureux, camelots à l’échelle globale, entrepreneurs et charlatans.. »[6]
Dans la lignée Comte de Saint Germain, Cagliostro, nous avons la pétulante Mme Edgewise[7], spécialiste des relations pipées autant que des
« excursions sur les degrés supérieurs de l’Echelle de l’Etre »[8].
Car même dans la Corruption il s’agit toujours d’ouvrir d’autres dimensions à l’Existence. De décrypter scientifiquement la part occulte de notre humanité, comme avec le « Cryptosophe » qui,
« dirigé vers des Puissances cachées, guettant les aiguilles des intrus, postées en détachement pour prévenir ce qui se trouvait à l’intérieur de toute Velléité intrusive inopinée »[9]
permet de pénétrer corps et âmes. XIX ème Siècle à travers les Ages – même au XVIII ème siècle.
Ainsi la Frontière sacrifie les Légendes mais rend possible un voyage jusqu’au Centre de la Terre. Le Paranormal s’est substitué au Merveilleux. Les Arrières-Mondes sont devenus des Autres Mondes. Plus on cartographie le Territoire, plus on liquide ses Fées et ses Lutins, mais plus on est susceptible de rencontrer des Extra-Terrestres. En ce XVIII ème siècle américain, Mission to Mars commence à l’emporter sur Brocéliande comme le Golem commence à perdre du terrain devant Frankenstein - et les Légendes n’apparaissant plus que comme de simples récits dans le Récit. Il faudra s’en contenter, au risque d’être agacé. Car cette propension de Pynchon de foutre la Narration dans le Personnage, le Mythe dans le Témoignage improbable d’un Tiers, ne va pas sans irritation. Dans Mason & Dixon, on voit le type qui a vu les Elfes, mais on ne voit jamais les Elfes. Ce n’est pas : « Il était une fois une Licorne », mais « il était une fois un type qui avait rencontré un autre type qui lui avait raconté une Licorne, mais d’ailleurs ce n’était pas vrai. » Qu’importe puisque les Mystères (comme ceux du Récit de Hughes Crawford, trappeur héroïque qui a vu des Villages construits dans des Arbres géants, des Légumes géants et même des Betteraves qui comprennent ce qu’on leur dit), résident non dans leur réalité mais dans le fait de
« parler de certaines choses, sans pour autant vraiment les faire advenir,[et qui] provoque bel et bien quelque effet, - ce qui revient quasi au même, mais pas tout à fait. »[10]
Tout l’art romanesque de Pynchon est dans ce « même qui ne l’est pas tout à fait » - dans ce qu'il appelle ce
Avouons qu’à la fin, cela peut peser. Car il faut se les taper, ces neuf cent trente sept pages qui virent trop souvent à l’Encyclopédie pas si amusante que ça, aux Digressions interminables, à la Démythification poétique systématique au profit d’une Science fictionnante pas toujours convaincante, alors que l’on voudrait de l’Action, de l’Aventure, de la Nature, du Ciel, et du Cul surtout ! Grâce à Dieu, ou plutôt à Vénus, et même à Pan, le livre contient quand même des dizaines de Merveilles narratives, descriptives, visuelles, qui se goûtent au premier degré et compensent largement la centaine de Tunnels théoriques ou discursifs qu’il faut supporter. D’autant que l’on finit par se dire que même ces Tunnels ont leur part de Féérie et qu’à la prochaine Lecture (car il y en aura une) ce qui est apparu une première fois trop long ou trop obscur fera partie des Merveilles.
Esperluette et Majuscules
En fait, Pynchon, héritier de Joyce et de Lewis Carroll autant que de Goethe et de Thomas Mann, appartient à ce Genre de Littérature qui a sans doute été le plus ambitieux, quoique le plus difficilement accompli de l'Histoire Occidentale, et que l’on aurait envie d’appeler « Littérature de Walpurgis » (et qui ne serait peut-être que l’autre dénomination du « roman post-moderne »). Littérature de la Cosmogonie intégrale qui convoque tous les modes de Langage et de Savoir en un grand Sabbat délirant où tout le monde parle en même temps (Le Second Faust de Goethe, bien sûr), qui multiplie à l’Infini les conditions de la Polyphonie et de la Fiction à l’intérieur d’un Bordel symbolique ou bien réel (et dont celui de l’Ulysse de Joyce reste le prototype), emboitant Grande et Petite Histoire, Univers visible et invisible, avec une virtuosité qui excède largement la capacité de réception du Lecteur, en tous cas la nôtre. En vérité, tout se passe dans Mason & Dixon entre l’ Esperluète[12], ce « & » qui permet tous les accrochages, toutes les ligatures, ne s’arrête jamais et assure le Surnuméraire, l’Excès, le Débordement, l’Addition perpétuelle, et les Majuscules qui donnent à chaque mot une Amplitude si intimidante qu’elle finit par freiner la Lecture. Mouvements sans fin et points d’arrêts, donc. Vitesses et Obstacles. Graal et Chemin de Traverse. Go et Damier. Maître du jeu plutôt que Joueur lui-même, le Romancier Pynchon promène son joueur de Lecteur en mille arabesques, détours, diversions, digressions, délires, lissant puis striant son Récit de manière à ce que « le tout du texte excède notoirement la somme de ses parties », comme le dit Brice Matthieussent[13]. Et quand le Lecteur n’en peut plus, alors, l’Auteur compense par le Cul. Lui offrant par exemple une Séquence magnifique digne de Sade ou de l’Eyes Wide Shut de Kubrick – telle la scène du bal orgiaque dans le Château des Lepton, au chapitre 41 :
« Prudents mais fascinés, suivant de leur mieux un Gradient d’intensité sonore, ils franchissent des seuils, traversent des antichambres remplies de surfaces luxueuses et d’intrications compliquées que leur déplacement rapide leur interdit d’examiner, commençant de discerner le murmure d’une réunion, des éclats de Falsetto insincères, - soudain une Arcade majestueuse au-dessus de laquelle, gravés sur un marbre rose et brillant, des hommes et des femmes nus ainsi que des animaux se convulsent en une Courbe unique et noueuse de lubricité. Les Géomètres l’observent un temps passablement supérieur à celui qu’exigent les bonnes manières, quand une Voix, issue d’un lieu invisible, les annonce, - « M. Mason et M. Dixon, Astronomes de Londres ».
Cette voix d’Outre-Monde les menace bientôt exactement l’Homme en rouge menacera Tom Cruise dans le film de Kubrick :
« Gentlemen, conseille l’Ombre de mauvaise augure, vous êtes tombés malgré vous parmi une race qui non seulement dévore les Astronomes comme un mets ordinaire, mais qui peut aussi s’en repaître sous la forme de misérables sandwiches miniatures… »
Mais comment en sont-ils arrivés là ? Quels Souterrains, Creusements, Passages secrets, Puits sans fond traversés pour arriver dans ce Château sadien ? Que sont ces Espaces carrolliens qui s’ouvrent sans cesse à nos héros et semblent grandir dès qu’ils en ont franchi le Seuil ? Et cette manière de se télescoper d’un Endroit à un autre sans crier gare et avec le risque que l’âme ne se dissolve elle-même entre deux Passages, comme au chapitre 17 où Mason qui vient de traverser l’Espace-Temps, à la manière d’un Rêve, se demande s’il est bien lui, et si
« le vrai Mason ne soit resté captif de ce lieu sans issue et que je sois seulement son représentant. »
Que signifient tous ces Vortex dans lesquels on transplane aussi facilement que dans le dernier tome d’Harry Potter ? Un Monde de Flux Perpétuels ? De Métamorphoses allant de soi ? De Quatrième Dimension patente ? De Flashsideways où l’on peut avoir deux Existence en même Temps ? A Philadelphie comme en Enfer ?
« Mais en Réalité nous vivons sur une Carte. Peut-être que nos vies mêmes ne sont que les Représentations de Vies plus Vraies, poursuivies au-dessus et en dessous, tout comme Philadelphie correspond à la fois à une vaste Cité Céleste et à une enclave grouillante de l’Enfer, chaque élément des unes fidèlement reflété et dupliqué dans les autres. »[14]
En vérité, les personnages voyagent dans des Inconnues (au sens mathématique & érotique) comme le lecteur voyagent dans les Phrases. Les phrases-vortex de Pynchon :
« De vrai, ce n’est qu’une Surface éphémère, montant des Espaces ambigus et ondoyants situés en dessous la taille, puis s’évanouissant plus haut… ici, dans le décolleté nu, produisant l’effet, remarquez-le bien, d’une femme essayant de s’élever jusqu’à son Etat naturel et dévoilé, hors d’une chrysalide tissée de cette même soie invisible que la Toile Sociale, empêchée d’émerger en son véritable Etre ailé, - car peut-être alors s’envolerait-elle, - par la gravité de sa robe. » [15]
Qu’est-ce qui fait que c’est toujours le Roman « XIXème » qui garde la côte auprès des lecteurs et que Balzac passe toujours mieux que Faulkner, Zola que Céline, Dickens que Woolf, et que Pynchon, non décidément, c’est trop long, trop lourd, trop tout ? Rien d’autre que la croyance au Sens, pardi. La croyance hégélienne que l’Histoire a un Sens, que le Monde est ordonné, et que les Personnages sont prédéfinis selon un Romancier-Dieu qui ne laisse aucune place au Hasard ou aux blancs. Surtout nous les Français, « trop humains, trop historiques, trop soucieux d’avenir et de passé », comme disaient Deleuze et Parnet dans leurs incroyables Dialogues[16], passant notre temps « à faire le point », ne sachant pas « tracer de ligne, suivre un canal », aimant trop « les racines, les arbres, le cadastre, les points d’arborescence, les propriétés », « toujours épinglés sur le mur des significations dominantes, toujours enfoncés dans le trou de notre subjectivité, le trou noir de notre Moi qui nous est plus cher que tout », ne comprenant rien aux Flux ni aux Forces invisibles, ne comprenant surtout pas que la Vie n’est pas une affaire personnelle. Dans Pynchon, en effet, ce ne sont pas les Personnages qui se meuvent dans le Vent ou la Situation, c’est le Mouvement qui les fait se mouvoir à travers lui.
« Bien plutôt c’était le Son lui-même qui les possédait, une Force indépendante, qui se servait d’eux comme d’un passage vers l’Air séculier…. »[17]
L’irritation devant la Force indépendante - tout ce qui prouve en quoi nous sommes encore pieux et que certains romanciers, à commencer sans doute par Dostoïevski, nous ont fait exploser à la gueule. Dans le roman post-moderne, en effet, tout est devenu voyages au bout de la nuit, recherches du temps perdu, métamorphoses et procès, work in progress, traversées des apparences, contre-jours. Dans le roman post-moderne, l’Histoire est une Fiction, le monde est en Miettes (sans pour autant qu’il soit nécessairement en Ruines) et le Sens, surtout, a donné son congé, ou ne tient plus que comme Simulacre. Le Personnage lui-même apparaît comme un « étranger », sorte de Juif Errant ou de Joker qui subirait le chaos ou y participe (et cela même s’il n’en est pas conscient, comme nos deux géomètres, persuadés de participer à l’instauration du Progrès).
Défilé de Fééries
Donc, l’Histoire est une Vallée de Larmes. La Civilisation un Meurtre. La Modernité une Mort programmée. L’Action une exécution capitale.
« Cela commence par une pendaison.
- Parfait ! » s’écrient les jumeaux. »[18]
Contrairement aux Adultes, progressistes par nécessité, les Enfants ne sont pas dupes de la Tragédie du Monde, s’en réjouissent plutôt, surtout en ce soir de Noël 1786, dans cette chaleureuse et immense maison de Philadelphie, où après que l’on ait déposé les luges et les patins dans le Vestibule,
« s’ensuit une descente en chaussettes sur la vaste Cuisine, à dessein en grand branle depuis le matin, ponctuée par le tintement des couvercles des diverses casseroles et martmites d’où montent des Odeurs d’épices, de fruits pelés, de graisse de rognon, de sucre chauffé – les enfants, ayant tous prestement, au Rythme enlevé de la cuiller dans la pâte, soutiré et dérobé à force de cajoleries ce qu’ils pouvaient, se réfugient, comme chaque après-midi de cet Avent neigeux, dans une pièce confortable sise à l’arrière de la Maison et livrée depuis des années à leurs insouciants Assauts. »[19]
Le Bien-Etre, le Confort, les Tapis épais, les Lits immenses et protecteurs, les Odeurs fortes et suaves – récurrences de ce gros Roman que l’on pourrait lire sous l’ange du Confort et de la Fête, de l’Atre et de la Féérie de Noël, du Gigot et de la Veillée. Où John Cowper Powys dit que le génie d’Homère réside autant dans l’Epopée que dans l’attention portée aux Rituels et aux Réjouissances humaines ?
Ici, tous les soirs, l’oncle Cherrycocke, révérend baroudeur de son état, raconte une merveilleuse Aventure de son Passé, et qui lui permettra de rester auprès des siens aussi longtemps que son récit durera. Si l’Histoire est toujours de bruit et de fureur, l’histoire que l’on raconte est toujours de cette étoffe dont on fait les beaux rêves, ou de cette chair qui assure les mille et une nuits. A moins que le sourire ne l’emporte. Car ils sont aussi comiques qu’attachants, ces deux géomètres-astronomes, à bien des égards Bouvard et Pécuchet de l’Angleterre georgienne, le mélancolique Charles Mason, inconsolable depuis la mort de sa femme Rebekah, celle-ci lui apparaissant d’ailleurs régulièrement tel un Fantôme d’Amour, et Jeremiah Dixon, le sémillant scientifique qui ne pense qu’à lever les filles. A leur première rencontre, autour d’une pendaison, donc, qui rappelle celle des deux héros de Flaubert, et pendant laquelle
« chacun contemple l’autre sous le coup d’une Impression grandement erronée, - balançant pareillement quant à la façon de régler entre eux la Question du Pouvoir »[20],
en attendant la Fraternité finale.
Comme dans Voyage au bout de la nuit, on va en Afrique avant d’aller en Amérique. Et en Afrique du sud, Au Cap, afin d’observer le Passage de Vénus, et accessoirement, de profiter des plaisirs vénériens. Goûter les filles, les épices, le Madère. Se laisser aller à la lascivité de la vie qui règne là. Même le prude Mason y cède quand une jolie fille lui pince la joue et lui fait d’indécentes propositions à propos d’une autre jolie fille qu’il a sur les genoux :
« Dites-donc, chère théière Anglaise (tendant la main pour lui pincer la joue, entre-temps très enflammée), vous dirais-je ce qu’elle veut vraiment que vous fassiez avec cette brosse à cheveux ? »[21].
Dixon, lui, échafaude
« une carte aromatique de la ville, parvenant, grâce à des sondes nasales, à anticiper la venue des sentinelles et à effectuer une manœuvre dilatoire, [apprenant] à se cacher, à se fondre dans la nuit, assez près des esclaves porte-lanternes afin que de sentir leur chaleur aussi facilement qu’il peut humer les épouses des notables à travers les rideaux de leurs chaises à porteur, - le café de Sainte-Hélène, le savon Anglais, la moiteur Française. »[22],
et pour mieux rejoindre les bordels (Slothrop, aussi, avait ce pouvoir d’anticipation sexuelle…). Oublier les Hommes, leurs Guerres, leurs individualités.
« Et cependant, ne sentez-vous pas parfois que tout depuis ce combat en mer a été, non un rêve, mais… - Oui. Comme si nous logions dans la Destinée d’un autre, bien qu’originaire d’un tout autre lieu. »[23]
Le même rêve qu’ils ont fait à leur arrivée. Les constellations baroques et multicolores. Le Chien jaune. L’eau lavande. Le couteau Kriss qui menace toujours de mort celui devant lequel il tombe (comme dans Tintin). Et la Pluie qui lave tout. Le torrent du Ciel qui redonne à la Terre et à l’Homme sa matière première : la boue. Tentation de l’Informe, ou des Formes pures. L’Océan que l’on entend d’où qu’on le soit (comme dans le Roodmor de Powys) et qui menace d’engloutir l’île autant que de rendre fou. L’Océan qui dérange le Temps. Les Horloges qui déconnent. Les Horloges qui bavardent entre elles et qu’on sépare « avant qu’elles n’aient eu le temps de se dire adieu »[24]. Car les Objets ont leur vie propre chez Pynchon[25] (rappelez-vous, l’ampoule Byron dans L’arc-en-ciel de la gravité…). Dans cet Univers dépanthéisé, ce ne sont plus les Pierres qui crient ou les Arbres qui pleurent, mais les Objets qui parlent, Montres vivantes, Automates affairés, sinon sexués et obsédés comme la Cane de Vaucanson qui, telle une Eve Future, poursuit de ses assiduités Armand Allègre, le malheureux cuisinier français qui passe sa vie à la fuir. Elle est épatante, cette Cane, qui sauve plusieurs fois les Aventuriers.
« La Cane met en déroute une grande armée d’Indiens. La Cane aplanit une montagne à l’Ouest d’ici. En une seule après-midi la Cane, de son bec, a labouré les champs du Comté, tout en les hersant de sa queue. Quelle Cane ! »[26] .
En fait, cette Cane héroïque marque le passage de la Magie ancienne à la Magie moderne, technologique, robotique, qui de Robby le Robot au Hal de 2001, va devenir un élément fondamental de la SF. Et si un chien (un Chien Savant Anglais !) parle à la manière d’un Personnage d’Alice, c’est pour expliquer à nos deux compères comment les Chiens ont mimé le comportement des Hommes pour ne pas être mangés par eux. Car la Violence Humaine est bien là, persistante, permanente, nécessaire, diabolique. La Vie comme brume érotique, certes, mais sous couvert d’Esclavage et des Supplices qui vont avec. On peut toujours aller au Musée de l’Oreille et demander à l’Oreille qu’elle exhausse tel ou tel de nos vœux, la réalité du dehors est toujours celle du tragique. Et le gigantesque fromage de quatre tonnes,
« l’octuple Gloucester quincentenariduodécimal »[27]
qui dégringole d’une colline et manque d’écraser le jeune Mason sera déjà un signe de l’Effondrement de ce monde – en langage pynchonien, d’Entropie[28].
Le comique du roman est que nos deux Arpenteurs ne perçoivent jamais ce caractère d’entropie. Eux ont vraiment l’impression de construire un Monde. En bons hommes de science, Mason & Dixon sont incapables de comprendre que même (et surtout) la géométrie céleste peut engendrer la violence terrestre – et même une Bataille navale comme lorsque quand le Seahorse, le Navire qui les amène en Afrique, est attaqué par un Navire Français pour ces raisons de rivalité scientifique, donc politique.
« La France ne fait pas la guerre contre les Sciences ? »,
se demanderont-ils affolés lors cette rixe par laquelle ils feront leur baptême de la violence, de l’Histoire et du Réel. C’est que l’Histoire n’existe pas pour ces Géomètres pour qui la Tragédie, comme le meurtre de vingt-six indiens survenus dans la Ville de Lancaster en laquelle ils se rendront, ne saurait être qu’
« un Exemple néo-classique de Résolution Catastrophique de Malentendus Inter-Populationnels »[29].
Au fond, c’est l’Evénement lui-même qui constitue, comme la Lumière[30] du même nom, une
« une aberration de l’existence »[31].
Et quand ils
« entendent le sifflement des bastringages et un cri sauvage dans les fourrés, que l’un attribut au Rut et l’autre au Meurtre, bien qu’ils n’en parlent point. »[32]
La Science s’intéresse à la Matière, non au Réel.
En même temps, ils ne cessent de discuter des grandes Questions métaphysiques, Questions Majuscules s’il en est (puisque c’est la Majuscule qui donne un peu de Valeur au Monde), osant, à leur corps défendant, la dimension spirituelle – comme cette conversation « eschatologique » qui clôt la première partie du roman :
« - Mason, disputerons-nous de Choses Religieuses ?
« - Doux Jésus, Dixon. Quelle mouche nous a donc piqués ? »[33]
Quelle mouche – soit quelle Morale ?
Morales et Violences
Amérique violente. Amérique maléfique. Amérique où
« Le Temps est le seul vrai Fleuve qui entoure l’Enfer »[34].
Amérique de l’Extermination des Indiens (par le génocide pur et simple ou par l’ infection volontaire de la variole) et de la mise en Esclavage des Noirs. Amérique qui oublie ses Origines dans la Violence. Amérique qui ne tient que grâce à son Léthée. Amérique dont la Politique rôde comme une chose invisible et que finissent parfois par percevoir les Astronomes.
« - Nous avons signé un Accord ?
« - Et s’il impliquait notre Destruction ? »[35]
Début de la Paranoïa – c’est-à-dire, chez Pynchon, de la Conscience. L’Histoire comme Complot. Jésuites & Extraterrestres. Femmes enlevées. Indiennes dont on fait des putes et qui serviront d’appâts à hérétiques. Encore une fois, le processus de Civilisation passe par la Violence, la Vénalité, la Prostitution. Car il faut répandre la Parole du Christ par tous les moyens, par le Consentement ou l’Enfermement, par l’Amour ou le Mur.
« S’élever jusqu’au Christ, c’est combattre une hérésie après l’autre, tel un fleuve qui remonte à l’intérieur d’un pays au sein de proliférations de Sectes, et de Sectes issues d’autres Sectes, jusqu’au Déisme, simulacre perfide de la Sainteté, et va au-delà, - toujours plus loin de la Mer, du Port, de tout ce qui était serein et assuré, vers des terres intérieures ne figurant sur aucune carte, une Royaume du Doute. Les Nuits. Les Tempêtes et les Bêtes. Les Cascades, les Rapides… L’Amérique de l’Ame »[36],
écrit le Révérend Cherrycoke, et regrettant que le Fils de l’Homme n’ait pas donné de signes plus palpables, plus occultes, plus dix-neuvièmistes ? Quant aux Bouddhistes, ils
« disent qu’il est nécessaire, si le Bouddha se met en travers de votre Chemin, de Le tuer. Les Jésuites n’aiment pas entendre ce genre de choses (…) Si l’accès à Dieu ne passe plus par Jésus, qu’advient-il des Jésuites ? »[37]
Fabuleux chapitres 53, 54 et 55 qui sauvent de l’Ennui généré par les deux cent pages précédentes ! Passage à la première Personne. C’est l’Indienne Blondelle, sorte de Pocahontas-Lola Montès, qui raconte tout, son rapt, sa misère, son évasion de la Compagnie des Loups de Jésus avec le Chinois Zhang, sa nouvelle Vie sous un autre Nom – Eliza Fields et en laquelle Mason croira voir une nouvelle Incarnation de sa femme morte. Eliza qui aime les femmes comme Lady Lepton. Le motif lesbien du roman – détail de l’Inversion majeure du Monde. La Modernité comme Inversion du Monde et qui a commencé avec l’avènement du si bémol majeur autour duquel la musique a commencé à graviter, et en attendant le « Rock and Roll » dont le mot est tout de même prononcé au chapitre 26. Fusion des cultures populaires et savantes. Pizza & Théologie. Pas étonnant que Pynchon ait accepté d’apparaître deux fois dans Les Simpson !
Alors quelle Morale possible dans ce monde du Far West où seul un comportement à la John Wayne (l’histoire très « Grand Sam » de Tom Hynes et sa femme Catherine Wheat du, chapitre 59) avec bagarres viriles et bébé qui vole de bras en bras) semble admis ?
« Une des Enigmes du Monde invisible consiste à savoir comment une voix non localisée peut cependant agir avec puissance en tant que Centre Moral. »[38]
Mais puisque la Vérité abandonne qui La revendique[39], quelle Fondation à la Métaphysique des Mœurs ?
« Nous nous enfonçons, chaque jour un peu plus profondément dans un Monde où la retenue est de moins en moins présente en toutes choses, - nulle loi, nulle convergence quant au moindre Idéal, - un Intérieur qui devient cependant de plus en plus boisé, de plus en plus sauvage et périlleux, jusqu’à ce que, - peut-être à la Longitude même de votre « Cité », - nous atteignions enfin une Anti-Cité, - une concentration de Destinée, - une condition finale d’Abandon, - où tous sont irrémissiblement seuls et courent un Danger aussi profond que leurs âmes le peuvent endurer, - des créatures égarées en comparaison desquelles Sénèque lui-même semble Chrétien et miséricordieux. » [40]
Peut-être le Courage individuel, celui de Dixon allant corriger le Négrier et lui confisquer son fouet, Chose Funeste s’il en est ? (chapitre 72), ou collectif, celui de ces Pèlerins de l’Invisible qui continuent, la peur au ventre, la Traversée de ces Espaces Spectraux, où trop de choses se passent derrière le Fourré ou l’Arbre ? Les rencontres bizarres qui se multiplient : Ver géant de Lambton qui semble sorti tout droit du Dune de Frank Herbert, Homme Castor dont les Métamorphoses dépendent de la Lune, Voix qui les exhorte à ne plus avancer. Et la Mort qui commence à hanter l’Expédition. La Mort – aboutissement de la Ligne. L’on pourra toujours tenter une Fin alternative -
« Supposons que Mason et Dixon et leur Ligne traversent finalement l’Ohio et continuent vers l’Ouest selon les habituelles dix minutes supplémentaires »[41]-,
imaginer d’autres épisodes (et s’ils avaient rebroussé chemin ? Et si le Paysage s’était inversé ? Et s’ils faisaient un Passage dans l’Atlantique, coupant les Eaux en deux après la Terre ?), le résultat sera le même. Mason n’aura jamais poursuivi qu’un Fantôme et Dixon n’aura trouvé que des Corps. Psyché & Soma. Etoile & Boue. Aurore Boréale & Sang Caillé. Rosebud & Arc-en-ciel. Aiôn & Kaïros.
A la fin, c’est eux qui devront se séparer. A la fin, c’est l’Esperluette qui tombe. Mason, le premier, repartira observer Vénus au Sud de l’Ulster - car
« il faut bien que quelqu’un brise cette maudite Symétrie. »[42]
Dixon voyagera en Norvège (et en profitera pour faire un tour au Centre de la Terre, rencontrant même un Infra-Terrestre.) Romancier généreux, Pynchon leur accordera pourtant une dernière rencontre quand ils seront vieux et malades - Mason remarié et de nouveau père, Dixon souffrant de la Goutte et toujours sans Famille. Ultime promenade. Ultimes pipes. Et toujours les mêmes Rêves-Vortex ou chacun rêve de l’Autre.
Et le Révérend Cherrycocke achèvera son Histoire et les Enfants iront rêver de celle-ci dans leur Sommeil. Et les Spectres réapparaîtront.
« Quand la Nuit a bien enfoncé son crochet, et que tous les enfants sont enfin irrémédiablement consignés dans leurs rêves, ils entrent lentement dans la pièce, - les serviteurs noirs, les Indiens démunis, les fugitifs Irlandais, les matelots Chinois, le trop-plein de l’asile d’aliénés, toute la lie de Philadelphie. »[43]
Et tout restera aussi
« flou ainsi qu’une chauve-souris dans le vacillement du moignon de bougie. »[44]
On y sera arrivé à bout de ce livre. Et peut-être même le relirons-nous un jour...
[1] Chapitre 41, p 504 (nous prenons l’édition « Signatures, Points »)
[7] Sans oublier la Sorcière Lady Barnard, dernière descendante de Shakespeare et en l’honneur de laquelle Pynchon, dans ce fabuleux chapitre 52, déploie son génie de conteur, notamment à travers la description de son carrosse -« le carrosse le plus singulièrement beau qu’il ait jamais vu. Ses courbes sont les courbes d’une femme désirable, son vernis est tout miroitant et brillant comme un œil impudique. Ses cheveux Arabes couleur de charbon, qui soufflent à peine, l’amènent en un glissement… » Suivent scènes de Luge, de Taverne, de fêtes de fin d’années, de Friandises qui font qu’on se demande pourquoi tout n’est pas comme ça.
[12] L’esperluette, ou « "et" commercial », également appelée « perluette », aussi orthographiée « esperluète » et « perluète », également appelée par anglicisme « ampersand », est le logogramme &. Elle correspond à la ligature de la conjonction et. Elle a le même sens que celle-ci. Son inventeur serait Tiron, secrétaire de Cicéron dont il fut l'esclave avant d'être affranchi, également auteur de la première méthode de sténographie décrite, les notes tironiennes, mais on ne retrouve ce signe typographique dans aucun de ses manuscrits (source Wikipédia)
[13] Dans son article « La Perluète », in Face à Pynchon, collectif, Lot 49, Inculte, Le cherche midi
[25] Et qui ne sont pas sans rappeler les objets de Houellebecq, chauffe-eau personnifiée, parkas génocidées, etc….
[28]L’entropie (« entropia » : retournement vers l’intérieur) : qui peut être interprétée comme la mesure du degré de désordre d'un système au niveau microscopique. Désorganisation – au contraire de la « néguentropie » : facteur d’organisation des systèmes physiques ou sociaux (Wikipédia).
[30] Le phénomène de l'aberration de la lumière a été découvert par l'astronome James Bradley en 1725, mais seulement publié en 1727. Il se traduit par le fait que la direction apparente d'une source lumineuse dépend de la vitesse de celui qui l'observe, de la même façon que la pluie semble tomber depuis une direction située vers l'avant d'un véhicule et non à la verticale de celui-ci quand celui-ci se déplace. Bradley découvrit le phénomène en 1725 en étudiant les variations de la position apparente de l'étoile γ Draconis. Il lui fallut près de deux ans avant de comprendre ce phénomène et le publier. Il fournit ainsi la première confirmation scientifique de la rotation de la Terre autour du Soleil (Wikipédia)