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Nabe, notre Saint-Simon - Page 7

  • Je suis un morceau choisi.

    medium_Nabe_Morceaux_choisis.gif"Si vous voulez être publié, disait Michel Polac, écrivez à Nabe et vous vous retrouverez dans son journal." Ou sur son site. Ou dans ses Morceaux choisis, dernier vrai faux livre  que celui-ci vient de faire paraître aux Editions Léo Scheer et dans lequel j'ai l'honneur de me retrouver. Dans une introduction faite exclusivement d'extraits des plus méchantes critiques que l'on ait écrites à son endroit, figure en effet un morceau de mon Age de Judas, paru dans le Journal de la Culture en janvier 2005. Je lui reprochais d'être devenu un idéologue à côté de la plaque et de gâcher son génie aux plus mauvaises causes - comme d'ailleurs la plupart de ses zélateurs, voire de ses amis (cf l'article de Patrick Besson l'accusant d'être devenu un "indic"). Il est remarquable en effet que cet écrivain qui aurait dû être le meilleur de son temps (et qui l'est à sa manière  - il suffit de lire au hasard n'importe lequel de ses Morceaux) a tout fait pour que même ses zélateurs ne puissent s'empêcher de dire du mal de lui. C'est très curieux. On l'adore, on le plagie, on lui doit mille découvertes littéraires et artistiques, c'est une sorte de référence indispensable, et dès qu'on prend la plume pour écrire sur lui, c'est pour dire "oui mais...", "cela dit...", "dommage que...", "son problème, c'est...", "il manque de...", "son défaut consiste à...". Elle avait raison Anne-Sophie Benoît, on lit Nabe avec gloutonnerie et après on fait la fine bouche. Sommes-nous tous si bourgeois que ça ? Nabe est-il notre pute préféré, celui avec qui on connait des extases mais que l'on se garde bien de ramener à la maison et qu'on laisse avec un remords paresseux crever de faim et de froid dans la rue ? Ce qui ne nous empêche pas de faire devant des plus bourgeois que nous notre petit numéro de nabien patenté ? Le nombre de gens à qui j'ai fait l'éloge de Nabe ! Mais pourquoi diable mes éloges par écrits sont-ils si tordus, si peu francs, et dans lesquels je me crois à chaque fois obligé de mêler une perfidie à mon admiration ? Par prudence ? Allons donc. Par vanité ? Même si c'était vrai, cela n'aurait aucun sens. Par égotisme ? Idem. Non, il y a quelque chose d'autre. Quelque chose que j'avais essayé de décrire dans mon autre article "tel auteur, tel lecteur", et qui relève de la projection ou de l'introjection. Nabe, on le traite comme il nous traite, et même, on le traite comme on se traite. On se met en scène en lui ou on le met en scène en nous. Bref, on évacue toute distance. On s'unit incesteusement à lui. Ecrivain du moi, écrivain de moi. Auteur, lecteur, lectauteur. La manière ultime de s'investir dans un texte peut-être...

    En tous cas, ces Morceaux choisis sont une vraie bonne idée. Comme le dit l'ami Juldé, c'est un plaisir que de retrouver telle phrase ou tel paragraphe de Nabe qui, associés entre eux, prennent une résonnance nouvelle. Et puis quel merveilleux Houdini comme le dit encore Raphaël !  Lui qui n'a jamais connu la gloire d'une republication en poche, voilà enfin le moyen qu'il a trouvé de se faire relire. Et sans perfidie aucune, je dirais que les gens qui ne l'ont jamais lu ne savent pas quel bonheur cela fait de le découvrir. Allons, mon cher Marc-Edouard, comme toi-même l'écrivais-tu à ton propos dans Non :

    "Tu es le meilleur mais on attend que tu en doutes pour te le dire."

    PS : Quatre post consacrés à Nabe. Ca mérite un lien spécial...

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